Que nous réservent les applis de santé mobile en réadaptation – se concentrer sur l’évaluation de la qualité

Les innovations et les percées technologiques s’intègrent facilement à nos vies et nous procurent de l’information rapide, pratique et accessible. La transformation numérique des services et des ressources de santé pourrait optimiser les résultats cliniques des patients et les coûts du système,^1–3 mais il est important de réévaluer les interventions de santé numérique au fur et à mesure de leur évolution.

L’Organisation mondiale de la Santé définit une intervention de santé numérique comme une technologie électronique, numérique ou mobile qui peut faciliter et soutenir la prestation des soins.⁴ Ces interventions incluent donc de nombreux outils pour favoriser la diffusion des communications et de l’information, tels que les dispositifs portables, les capteurs de surveillance, la télémédecine (télésanté), la santé mobile (Santém), l’intelligence artificielle et les systèmes d’information.^1,5 Les interventions de santé numérique sont classées en fonction de leur utilisation (p. ex., surveillance et communication) et des utilisateurs ciblés : 1) les patients (clients), 2) les cliniciens, 3) le système de santé ou 4) les services de données. Le présent éditorial porte sur la Santém offerte aux patients (clients) qui en sont les usagers primaires.

La Santém fait appel aux téléphones intelligents ou à toute technologie sans fil et mobile utilisée pour prévenir, surveiller et traiter des maladies.^6,7 En 2018, Statistique Canada indiquait que 88% de la population canadienne étaient propriétaires d’un téléphone intelligent et que la détention de ces appareils était en hausse dans tous les groupes d’âge.^8,9 Les téléphones intelligents peuvent faire fonctionner des logiciels spécialisés, qu’on appelle applications (applis), dotés de diverses fonctions, et recueillir des données à l’aide de dispositifs auxiliaires (p. ex., dispositifs portables, biocapteurs).^1,2,10 En réadaptation, les applis de Santém peuvent prendre la forme de journal de médication, de suivi des symptômes, de journal ou d’outil d’éducation, selon le modèle des plans d’autogestion individualisés.^11,12

Les Applis de Santém en Réadaptation

Les maladies chroniques touchent des millions de gens de par le monde,¹³ ce qui fait ressortir l’urgence et la nécessité d’en réduire le fardeau sur les individus et les systèmes de santé.^13,14 Bon nombre de ces personnes profiteraient de la réadaptation pour acquérir des connaissances et des habiletés appropriées qui les aideraient à autogérer leur maladie chronique.^15,16

Les applis de Santém font partie des solutions potentielles pour soutenir la réadaptation.^10,16 Elles pourraient contribuer à la prestation de programmes de réadaptation, à l’encadrement, à l’éducation pour changer des comportements, aux conseils d’autogestion et au soutien social.^14,16,17 Elles pourraient également être utilisées pour l’autosurveillance des symptômes, de la médication et de l’humeur ainsi que pour l’éducation, afin de favoriser des prises de décision éclairées.^18,19 De nombreuses études cliniques ont constaté les résultats cliniques positifs des applis de Santém visant à surveiller et à prendre en charge le diabète^20,21 et les maladies respiratoires^22,23 ou cardiovasculaires^24,25 chez les patients. Cependant, d’après des analyses systématiques et des méta-analyses, l’efficacité et de la faisabilité des applis sont mitigées, si bien que les cliniciens et les patients hésitent à s’en servir.^11,14,17,26 Ainsi, d’autres recherches devront être réalisées pour comprendre les éléments des applis de Santém qui peuvent soutenir les patients et pour déterminer les meilleures approches de leur intégration aux soins cliniques et à l’autogestion.²⁷

Les Considérations Relatives à la Qualité et à la Conception des Applis de Santém

L’incertitude relative à l’utilisation des applis de Santém en réadaptation est probablement liée aux variations relatives à leur qualité, leur conception et leur déploiement et aux mesures de résultats des diverses études et au sein de chaque population.^7,10,26,27 Ces constats sont exacerbés par l’absence de normes claires pour rendre compte de la qualité et de la conception des applis en Santém interventionnelle.⁷

Même s’il n’y a pas de consensus au sujet des listes de vérification ou des outils d’évaluation standards, il est essentiel de renforcer l’utilisation de ceux qui existent déjà. Le réseau EQUATOR adhère à la liste de mERA (mHealth evidence reporting and assessment ou rapports et évaluation des données probantes sur la Santém) pour rendre compte des caractéristiques des études et des applis.⁷ Pour évaluer les applis de Santém, l’outil le plus complet jusqu’à maintenant est probablement le cadre MIND (mHealth Index and Navigation Database ou base de données de l’index de Santém et de navigation), qui contient plus de cent questions objectives dans cinq domaines (https://mindapps.org/).²⁸ Ce site Web héberge les évaluations destinées aux applis en santé mentale pour le public, mais le cadre MIND peut être utilisé largement pour évaluer toute appli de Santém, orienter le développement et l’amélioration et des applis et en rendre compte.^28,29

La Situation des Applis de Santém Offertes au Public

De nombreuses applis de Santém dont il est question dans les publications scientifiques ont fait l’objet d’une conception et d’études cliniques méthodiques, mais la plupart ne sont pas commercialisées auprès du public. La plupart des applis de Santém offertes au public sont de mauvaise qualité,^12,28,30,31 mais sont généralement gratuites et accessibles au public. Les personnes susceptibles de vouloir utiliser des applis de Santém pour les aider dans leur réadaptation peuvent envisager de les adopter. Il est donc essentiel d’appliquer des critères fondés sur des données probantes pour évaluer les applis avant qu’elles soient utilisées pour l’autogestion des patients.^28,32

Les Orientations Proposées

On répète souvent dans les publications scientifiques que des recherches plus approfondies s’imposent sur les applis de Santém.^10,14,16,17 Quelles en sont les lacunes au juste? Les futures recherches devraient avoir trois orientations : 1) la standardisation du mode de production de rapports sur les applis de Santém lors de futures études; 2) l’utilisation et l’évaluation des applis de Santém publiques lors des études, 3) la détermination de moyens pour en assurer l’utilisation à long terme.

La standardisation des méthodes de production de rapports sur les applis de Santé lors de prochaines études

La liste de mERA devrait être utilisée systématiquement dans les études interventionnelles.⁷ Cependant, d’autre information devrait figurer dans les rapports, telle que l’infrastructure de sécurité et de respect de la vie privée, l’accessibilité, le niveau de lecture, les styles d’interaction et l’interopérabilité pour le partage des données.^6,10,28

L’utilisation et l’évaluation des applis de Santém publiques dans les études

Étant donné l’expansion des téléphones intelligents et des applis de Santém, il faut en examiner le potentiel et la qualité, peut-être à l’aide du cadre MIND et du site Web s’y rattachant, afin d’évaluer et d’inclure des applis conçues pour d’autres populations.^30,31 Grâce au regroupement des évaluations de ces applis de Santém publiques, les cliniciens et les patients en connaîtraient la qualité avant de les utiliser, ce qui ouvrirait la porte à d’autres études sur leur efficacité.

La détermination des moyens de renforcer l’utilisation à long terme

Il faut se concentrer sur les meilleures approches pour favoriser une utilisation régulière et soutenue des applis de Santém. Jusqu’à présent, la plupart des recherches suivent les patients sur une période maximale d’un an après une intervention, et la rétention est faible.^11,14,26 L’intégration d’applis de Santém à l’autogestion quotidienne des patients nécessite probablement un transfert de savoir et des efforts de déploiement élaborés, car les diverses populations ne possèdent pas toutes la même motivation à maintenir les comportements exigés par les applis de Santém.^33–35

Le présent texte se veut un appel à action. En effet, les applis de Santém publiques peuvent être une menace pour la sécurité publique puisqu’elles s’associent à un risque de mésinformation.³⁶ Contrairement aux prescriptions de médicaments, elles ne peuvent pas être simplement prescrites, car il faut tenir compte de nombreux facteurs structurels et conflictuels, y compris la littératie technologique des patients, de même que les incitatifs et les obstacles à leur utilisation.^10,33–35 Beaucoup plus de recherches devront porter sur la situation actuelle des applis de Santém, notamment celles qui circulent sur le marché public, afin de corriger les lacunes qui empêchent d’en corroborer l’efficacité.