RÉSUMÉ
Compte tenu de la prévalence croissante des cancers avancés, des recommandations pressantes d’intégrer les soins palliatifs en oncologie ainsi que de la disponibilité et de l’acceptation de l’aide médicale à mourir, les infirmières en oncologie doivent être bien informées et préparées à fournir des soins axés sur le patient. La présente étude de cas, qui sera présentée en deux parties, explore dans un premier temps les soins palliatifs précoces et l’aide médicale à mourir dans les cas de cancer avancé, en se concentrant sur l’expérience du patient et de sa famille tout au long de la maladie, du diagnostic au décès, et en abordant certaines des difficultés courantes rencontrées dans l’accompagnement d’une personne atteinte d’un cancer à ce stade. Tout en mettant l’accent sur le point de vue du patient et de sa famille, il est expliqué comment les soins palliatifs et l’aide médicale à mourir fonctionnent de pair pour atteindre les objectifs du malade. Le présent article fournit des informations précieuses pour la pratique des infirmières en oncologie.
INTRODUCTION
Les infirmières sont souvent le premier point de contact des patients qui reçoivent un diagnostic de cancer avancé. Pour fournir des soins de qualité, les infirmières de première ligne en oncologie doivent bien connaître les traitements et les autres options de soins disponibles, y compris les soins palliatifs et l’aide médicale à mourir (AMM; Pratt-Chapman, 2018). Un autre aspect, tout aussi important, est d’adopter une approche centrée sur le patient (Elkefi et Asan, 2023). Pour ce faire, les soins prodigués doivent : 1) être collaboratifs, coordonnés et accessibles; 2) être accueillants pour la famille ou les personnes que le patient considère comme de la famille; 3) faire participer le patient et la famille à la prise de décisions; 4) faire preuve de respect et valoriser le point de vue de tous; 5) être totalement transparents et permettre la transmission de l’information au bon moment; 6) correspondre aux fixés; 7) viser en priorité le confort physique et le bien-être émotionnel (NEJM Catalyst, 2017).
Bien que les soins palliatifs soient souvent associés à la fin de vie, ils visent, dans leur application clinique, à offrir à la personne des soins axés sur ses besoins tout au long de la maladie (encadré 1; World Health Organization/Organisation mondiale de la Santé, 2020). La mise en place de soins palliatifs dès le diagnostic d’un cancer avancé, aussi appelés « soins palliatifs précoces » (SPP), est une approche qui cherche à bonifier la qualité de vie des patients et de leurs proches tout au long de la trajectoire du cancer, même en parallèle avec un traitement qui prolonge la vie (Haun et al., 2017). Si des soins palliatifs spécialisés peuvent être nécessaires pour répondre aux besoins plus complexes, il est tout à fait possible pour les professionnels de première ligne en oncologie d’adopter une approche palliative. Les soins palliatifs (généraux ou spécialisés) peuvent être prodigués parallèlement à la poursuite des traitements qui prolongent la vie. L’approche palliative des soins (ou ce qui constitue les soins palliatifs primaires, de base ou généraux) comprend la prise en charge des symptômes physiques et psychosociaux courants, l’exploration des objectifs de soins et des directives de réanimation en contexte de maladie avancée, et la bonne gestion permettant une coordination et une transition claires vers les soins palliatifs communautaires. Ces stratégies devraient faire partie des compétences normales en oncologie. Des soins palliatifs spécialisés sont nécessaires pour gérer les symptômes physiques et psychosociaux complexes, la détresse existentielle et la souffrance aiguë, les demandes irréalistes ou les conflits entre la famille et l’équipe soignante, les demandes d’aide médicale à mourir et la coordination des soins complexes ou leur transition vers une autre équipe, ce qui nécessite une formation structurée dans un domaine de sous-spécialité (Quill et Abernathy, 2013).
Encadré 1. Définition des soins palliatifs.
Selon l’OMS (2020), les soins palliatifs sont une approche qui améliore la qualité de vie des patients et des familles confrontés à une maladie mortelle, le but étant de prévenir et de soulager la souffrance au moyen d’un dépistage précoce, d’une évaluation irréprochable et d’un traitement optimal de la douleur et des autres problèmes physiques, psychosociaux et spirituels. Les soins palliatifs :
soulagent la douleur et d’autres symptômes pénibles, et doivent être considérés comme une obligation éthique pour les professionnels de la santé;
intègrent les aspects psychologiques et spirituels des soins, améliorent la qualité de vie et peuvent influencer positivement l’évolution de la maladie;
aident les patients à vivre aussi activement que possible jusqu’à leur décès, et la famille à faire face à la maladie et au deuil;
sont prodigués en équipe pour répondre aux besoins des patients et de leur famille (y compris par de l’aide psychologique pour vivre le deuil, le cas échéant);
sont explicitement reconnus par le droit humain à la santé, et devraient être assurés par des services de santé intégrés et centrés sur la personne, en accordant une attention particulière aux préférences et aux besoins individuels;
sont plus efficaces lorsqu’ils sont envisagés au début de la maladie, en association avec des traitements visant à prolonger la vie, comme la chimiothérapie ou la radiothérapie, et exigent notamment de faire le dépistage nécessaire pour mieux comprendre et gérer les complications cliniques causant de la détresse aux patients.
Pour certaines personnes, un élément essentiel du parcours de fin de vie consiste à avoir le contrôle sur la manière et le moment de leur décès. Depuis 2016, les adultes admissibles (encadré 2) peuvent choisir de mettre fin à leur vie au moyen de médicaments auto-administrés ou administrés par un médecin ou une infirmière praticienne, ce qu’on appelle communément l’aide médicale à mourir (AMM; projet de loi C-14, 2016; projet de loi C-7, 2021; Santé Canada, 2024). Selon le quatrième rapport annuel sur l’aide médicale à mourir au Canada (Health Canada/Santé Canada, 2023), le cancer du poumon est l’affection sous-jacente la plus fréquente chez les personnes qui reçoivent l’aide médicale à mourir; les souffrances les plus fréquemmentz en cause comprennent la perte de capacité à pratiquer des activités qui donnent un sens à la vie et la perte de capacité à accomplir les activités du quotidien.
Encadré 2. Aide médicale à mourir – Conditions d’admissibilité actuelles, 2021.
Être admissible à recevoir des services de santé financés par le gouvernement fédéral, une province ou un territoire.
Être âgé d’au moins 18 ans et mentalement capable.
Souffrir d’un problème de santé grave et irrémédiable (il convient de noter que l’exigence imposée dans les règles par le gouvernement fédéral concernant la prévisibilité raisonnable du décès a été supprimée en 2021, ce qui permet d’ouvrir deux voies pour l’AMM).
Faire une demande délibérée d’aide médicale à mourir, qui n’est pas le résultat de pressions ou d’influences externes.
Donner un consentement éclairé pour recevoir l’aide médicale à mourir.
Lorsque les infirmières en oncologie de première ligne aident leurs patients ayant reçu un diagnostic de cancer avancé, elles doivent aborder des sujets complexes tels que les soins palliatifs précoces et l’aide médicale à mourir. La présente étude de cas a été élaborée à partir de recherches (en cours et déjà publiées) et de l’expertise clinique de professionnels de la santé spécialisés dans les soins palliatifs, l’aide médicale à mourir, l’éthique et les disciplines de recherche connexes, afin de soutenir les infirmières en oncologie dans leur pratique. Cette première partie se concentre sur l’expérience du patient et de sa famille, tandis que la deuxième partie mettra en lumière le rôle de l’infirmière en oncologie.
ÉTUDE DE CAS : PARTIE 1
Nancy est une femme de 61 ans qui s’identifie comme une femme. Elle est célibataire et mère de deux fils, David, 26 ans, et Mark, 28 ans. Elle est passionnée de course de fond et de randonnée, n’a jamais fumé et boit quelques verres de vin par semaine.
Nancy s’est présentée chez son médecin de famille après six mois de toux sèche accompagnée d’un nouvel épisode d’essoufflement. Bien qu’elle soit en bonne santé et qu’elle se sente plutôt bien, les examens ont permis de diagnostiquer un adénocarcinome pulmonaire de stade IV avec des métastases dans les ganglions lymphatiques et les os.
Dès les soupçons de cancer, Nancy a été envahie par l’anxiété et l’incertitude. Elle a ressenti une perte de contrôle et un sentiment d’isolement, une frustration causée par l’attente des multiples rendez-vous et tests diagnostiques, et un profond déni du fait qu’une personne en santé comme elle puisse être atteinte d’un cancer.
Lorsque Nancy et son fils Mark ont rencontré l’oncologue, ils ont appris que le cancer était incurable. Cependant, ils pouvaient prolonger le temps qu’il lui restait grâce à un traitement d’immunothérapie, qui porterait son pronostic à 2 ou 3 ans; sinon, elle avait moins de 6 mois à vivre. Nancy a d’abord hésité à entreprendre un traitement alors qu’elle se sentait bien. Cependant, elle a décidé de commencer l’immunothérapie pour passer le plus de temps possible avec ses fils. Au cours de la discussion sur les options de traitement, on lui a parlé des soins palliatifs précoces. Nancy a été surprise d’entendre parler de soins palliatifs au moment du diagnostic, car elle pensait qu’il s’agissait de soins de fin de vie (encadré 3). Cependant, on lui a expliqué que les soins palliatifs précoces, associés aux soins oncologiques, lui apporteraient un soutien personnalisé supplémentaire, qui serait axé sur son bien-être, atténuerait les symptômes à mesure qu’ils se manifesteraient, améliorerait la satisfaction à l’égard des soins et contribuerait, entre autres, à préserver sa qualité de vie pendant et après le traitement (Temel et al., 2010; Bakitas et al., 2015; Maltoni et al., 2016; Temel et al., 2017; Vanbutsele et al., 2018).
Encadré 3. Points de vue de la famille sur les soins palliatifs précoces.
Les fils de Nancy ont été choqués et attristés par ce diagnostic inattendu et avaient peur de perdre leur mère. À la recherche d’espoir, David a voulu en savoir plus, notamment sur les options de traitement. N’ayant pu assister à la première consultation avec l’oncologue, David a été frustré et en colère lorsqu’il a entendu parler de l’équipe de soins palliatifs précoces, car pour lui, il s’agissait d’une intervention de fin de vie. C’était comme s’ils abandonnaient la lutte alors que ce qu’il voulait, c’était se concentrer sur la guérison du cancer de sa mère. L’équipe a donc pris contact directement avec David pour discuter de ses préoccupations. On lui a expliqué que les soins palliatifs pouvaient être prodigués parallèlement au traitement du cancer et que de nombreuses personnes dont l’objectif principal est de guérir ou de contrôler la maladie bénéficient grandement du soutien holistique offert par une approche palliative précoce (Maltoni, Caraceni, Klepstad et Rossi, 2023). David avait encore du mal avec le mot « palliatif » (Patel et Lyons, 2020), mais il comprenait pourquoi cette approche serait bénéfique pour sa mère, compte tenu de tout ce qu’elle traversait, et Mark comme David ont été rassurés en apprenant l’existence des services soutien disponibles et en clarifiant les volontés de leur mère au cas où ils devraient prendre des décisions en son nom.
La consultation avec l’équipe de soins palliatifs précoces a eu lieu dans la semaine suivant son premier rendez-vous en oncologie, et a permis à Nancy de mieux comprendre sa maladie et les options de traitement, ainsi que leur lien avec ses valeurs en matière de santé et de bien-être. Nancy a trouvé réponse aux questions sur son diagnostic et sur la trajectoire prévue de la maladie; elle a aussi pu exprimer ses préférences quant à la manière de recevoir de l’information et au partage de ses renseignements médicaux personnels, et discuter des concepts d’objectifs de soins et de planification avancée des soins. Nancy a également été dirigée vers différentes ressources (service social, activité physique, groupes de soutien, nutrition).
Grâce à ce changement de perception par rapport aux soins palliatifs précoces, Nancy était reconnaissante que sa famille et elle aient reçu ce soutien et la possibilité de discuter de sujets si importants dès le début (Ahmed et al., 2022; Fliedner et al., 2019). En comprenant bien le diagnostic et les options de traitement, Nancy a retrouvé un certain sentiment de contrôle et participé plus activement à ses soins (Fliedner et al., 2019; Maloney et al., 2013). Elle a commencé ses traitements et les a bien tolérés.
Consciente de l’isolement social qui peut découler d’un diagnostic de cancer avancé et des traitements oncologiques, l’équipe de soins palliatifs précoces a aidé Nancy à élaborer des stratégies pour répondre aux amis, membres de la famille et connaissances bien intentionnés qui demandaient constamment de ses nouvelles, ainsi que pour faire face au sentiment d’avoir désormais moins de choses en commun avec ses amis (Liang et al., 2022). Elle a trouvé une nouvelle normalité et continué à participer aux activités qu’elle aimait. Cependant, avec le temps et les traitements, elle ne pouvait plus courir aussi loin et était de plus en plus essoufflée. Son équipe de soins palliatifs précoces a ajusté sa médication pour réduire l’essoufflement, et lorsqu’elle est devenue trop fatiguée pour courir, l’équipe l’a encouragée, en collaboration avec le programme d’activité physique, à adopter de nouvelles habitudes et à demander à un groupe de ses amis de se joindre à elle pour de simples randonnées à la place (Hoerger et al., 2018).
Nancy a dû s’adapter à une nouvelle normalité à plusieurs reprises et s’est lassée de consacrer son énergie, de plus en plus réduite, aux traitements. Son équipe d’oncologie lui a suggéré de faire une courte pause dans son traitement. Grâce à l’expertise de l’équipe de soins palliatifs précoces, elle a également organisé des vacances, sûres et adaptées à sa situation, qu’elle repoussait depuis le diagnostic. Tout en continuant à jouir de sa qualité de vie actuelle, elle a pris conscience que son temps était compté et a commencé à se préparer lentement à sa mort éventuelle, en recevant beaucoup de soutien et de conseils de la part de son équipe de soins palliatifs précoces.
Après un an et demi d’immunothérapie, le cancer de Nancy avait nettement progressé, avec notamment de nouvelles métastases au cerveau. Imaginant à quoi ressemblerait le reste de sa vie et craignant de perdre son indépendance et de devenir un fardeau pour ses enfants, elle a fait part de sa détresse à la personne responsable du suivi psychosocial. Une aide à domicile a été envisagée par l’équipe de soins palliatifs précoces pour réduire cette inquiétude, mais Nancy hésitait à laisser des étrangers venir chez elle. En raison des nouvelles métastases, Nancy s’est vu proposer une radiothérapie de l’ensemble du cerveau et, en réfléchissant à cette option, elle a confié à l’une de ses infirmières : « Je n’en peux tout simplement plus. » Incertaine du sens de ces propos, l’infirmière en oncologie de Nancy a pris le temps d’explorer ses volontés, et elle a compris que Nancy ne voulait pas de traitement supplémentaire, mais qu’elle souhaitait plutôt se concentrer sur son confort au fur et à mesure que sa maladie progresserait. Nancy a également posé des questions sur l’aide médicale à mourir et sur la manière d’amorcer le processus. Se sentant soutenue plutôt qu’abandonnée par son infirmière (Odagiri et al., 2018), Nancy a fait part de ses souhaits à son médecin traitant et, conformément à la politique sur l’aide à mourir de l’hôpital, on l’a efficacement dirigée (encadré 4) vers l’équipe d’AMM locale.
Encadré 4. Efficacité de l’aiguillage pour garantir l’accès aux soins.
Selon l’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario (OMCO) (2024), un aiguillage efficace est nécessaire pour préserver et respecter l’autonomie du patient lorsqu’un professionnel de la santé n’est pas en mesure de fournir lui-même les soins demandés et doit plutôt orienter le patient vers un autre professionnel. Cela nécessite une action positive pour mettre le patient en contact avec une autre personne capable et désireuse de fournir les soins demandés au bon moment.
L’orientation efficace comporte trois composantes :
Il faut procéder à une action positive pour mettre le patient en contact avec un autre professionnel ou un autre organisme.
L’orientation doit être faite vers un professionnel ou un organisme accessible et disponible pour le patient.
Le renvoi est rapide afin de ne pas retarder les soins.
Quelques jours plus tard, un coordonnateur de l’aide médicale à mourir a contacté Nancy pour discuter de ses souhaits. Après une longue conversation, il est apparu évident que Nancy souhaitait entamer le processus dès que possible, étant donné qu’elle avait arrêté l’immunothérapie. Cependant, Nancy n’avait pas de délais en tête; elle souhaitait simplement mourir à la maison, en présence de ses fils, le moment venu.
À la fin de la réunion, Nancy et le coordonnateur ont pris des dispositions pour remplir une demande écrite d’aide médicale à mourir, une exigence de sauvegarde pour toutes les demandes d’AMM. La demande devait ensuite être attestée, et le coordonnateur a nommé quelques organisations susceptibles d’aider Nancy, dont Dying with Dignity, car elle ne voulait en parler à personne en dehors de sa famille proche tant qu’elle n’avait pas confirmé son admissibilité. Comme le prévoit la législation sur l’aide médicale à mourir, l’admissibilité doit être déterminée par deux cliniciens indépendants, ce qu’a organisé le coordonnateur de l’AMM (projet de loi C-14, 2021).
Au cours des semaines suivantes, Nancy a rencontré son médecin de famille, qui avait accepté de jouer le rôle d’évaluateur initial et de lui administrer l’AMM si elle était admissible. Lors du rendez-vous, ils ont discuté des critères d’admissibilité (encadré 2) et ont eu une longue conversation sur sa maladie, y compris sur les autres traitements possibles et les différentes options susceptibles de soulager ses souffrances proposées par l’équipe de soins palliatifs précoces. En s’appuyant sur les notes précieuses qu’elle avait prises lors de la consultation avec l’équipe de soins palliatifs précoces, Nancy a discuté avec son médecin des répercussions de la maladie sur ce qui lui tenait à cœur et des changements dans sa qualité de vie. À la fin du rendez-vous, le médecin de famille de Nancy a estimé qu’elle était admissible et que rien ne mettait en doute sa volonté ou sa capacité, tout comme le second évaluateur, une infirmière praticienne travaillant à l’hôpital local.
Une fois son admissibilité confirmée, Nancy était soulagée de savoir que si elle se sentait prête, elle pourrait recevoir l’aide médicale à mourir. Son médecin de famille a accepté de fixer un rendez-vous de suivi dans quelques semaines pour voir comment elle allait, et lui a rappelé qu’elle pouvait retirer son consentement à tout moment. Préoccupé par les métastases au cerveau, il a également discuté avec Nancy de la possibilité de remplir une dispense au consentement final lors d’un prochain rendez-vous, afin de s’assurer qu’elle pourrait toujours bénéficier de la disposition d’AMM au cas où elle perdrait sa capacité à donner son consentement final le moment venu (Dying with Dignity Canada, 2021).
Comme c’était important pour Nancy, elle a continué de faire participer ses fils à ses décisions de soins, y compris aux mesures de confort sur lesquelles elle voulait se concentrer pendant qu’elle examinait l’option de l’aide médicale à mourir. Mark et David ont eu du mal à accepter sa demande, et aucun des deux n’était tout à fait d’accord avec son désir d’obtenir l’aide médicale à mourir (encadré 5).
Encadré 5. Points de vue de la famille sur l’aide médicale à mourir.
Mark était attristé par la demande de Nancy, mais comprenait qu’elle souffrait. Il a décidé de la soutenir tout au long du processus, même s’il n’était pas sûr de ce qu’il pensait de l’aide médicale à mourir. Il craignait que son soutien ne lui fasse croire qu’il voulait qu’elle reçoive l’AMM, mais il craignait aussi que s’il exprimait son opinion, sa mère ne s’éloigne de ce qu’elle pensait être le meilleur choix. Le fils cadet de Nancy a eu du mal à accepter la demande d’AMM et a continué à chercher des traitements de rechange, frustré de voir que tout le monde, y compris sa mère, semblait avoir abandonné. Les deux fils n’aimaient pas que l’on présume de leurs opinions, et craignaient que des personnes extérieures pensent qu’ils étaient d’accord avec Nancy ou l’encourageaient à recevoir l’aide médicale à mourir. Ils ne savaient pas quoi dire à leur famille et à leurs amis si elle allait jusqu’au bout. Lorsqu’une infirmière a remarqué leur silence lors d’un rendez-vous de suivi (Harvath et al., 2006) et leur a proposé une conversation privée dans le couloir, ils ont été reconnaissants de pouvoir parler chacun de leur côté (Hales et al., 2019). Ils ont admis avoir du mal à soutenir le souhait de leur mère de recevoir l’aide médicale à mourir. David a révélé qu’il trouvait moralement difficile (Frolic et al., 2020; Gamondi et al., 2015; Ganzini et al., 2008; Holmes et al., 2018; Snijdewind et al., 2014) d’agir comme s’il était normal qu’on aide sa mère à mourir, et a suggéré d’essayer de l’en dissuader. L’infirmière leur a expliqué que ces sentiments complexes étaient normaux dans leur situation (Emanuel et al., 2000; Frolic et al., 2020) et leur a fourni des suggestions pour réduire l’isolement tout en essayant de cacher (Gamondi et al., 2015; Goldberg et al., 2021; Variath et al., 2020) à leur mère ce qu’ils ressentaient.
Les fils de Nancy ont continué de venir aux rendez-vous et de participer à plusieurs conversations sur ses souhaits pour ses derniers jours. Lors d’un rendez-vous de suivi, l’infirmière de Nancy lui a demandé comment s’était déroulée son expérience du processus d’AMM. Nancy a répondu qu’à l’instar de la consultation avec l’équipe de soins palliatifs précoces, le processus d’AMM avait mené à une communication plus ouverte et plus directe avec ses fils sur ses volontés et son décès. Le soutien des équipes de soins palliatifs précoces et d’aide médicale à mourir a permis à Nancy, Mark et David de passer du temps ensemble pendant que sa maladie progressait et qu’elle planifiait ses derniers instants.
CONCLUSION
Grâce aux équipes de soins palliatifs précoces et d’aide médicale à mourir, Nancy a pu définir ses objectifs et discuter de la manière de garder le cap malgré le diagnostic de cancer. Ce soutien a permis d’importantes conversations sur la participation de ses fils aux soins, et des occasions de leur expliquer ce qui était important pour elle. Les soins palliatifs précoces et l’aide médicale à mourir ont été bénéfiques pour la famille dans ces circonstances difficiles, car les équipes ont pris le temps de comprendre les problèmes et d’y trouver réponse.
En tant qu’infirmière en oncologie, votre participation aux soins palliatifs précoces et au processus d’aide médicale à mourir peut varier. Il peut s’agir d’intégrer l’approche palliative à votre pratique, d’orienter le patient vers l’équipe locale de soins palliatifs, de plaider pour un recours précoce aux soins palliatifs auprès de vos collègues, ou d’expliquer que les soins palliatifs ne sont pas synonymes de soins de fin de vie. Lorsqu’un patient demande une consultation en aide médicale à mourir, vous avez le droit de vous y opposer en toute conscience, mais vous avez néanmoins l’obligation de veiller à ce qu’il soit bien dirigé vers les services demandés. Vous pouvez également être l’un des professionnels de la santé présents lors de l’administration de l’AMM. Plus important encore, quel que soit votre niveau de participation, vous devez vous assurer que les patients (comme Nancy) et leurs proches demeurent au centre des soins. Les soins axés sur le patient sont essentiels pour aider les gens à vivre pleinement leur vie et à faire des choix judicieux et éclairés tout au long de l’expérience du cancer.
La première partie de la présente étude de cas illustrait le processus pendant lequel Nancy, atteinte d’un cancer avancé, a pu explorer ce qui était important pour elle et choisir les options de traitement qui correspondaient le mieux à ses croyances, à ses souhaits et à ses valeurs. La deuxième partie de l’étude de cas présentera des conseils et des ressources pour aider les infirmières en oncologie de première ligne à s’occuper de patients comme Nancy.
RESOURCES
MAID Family Support Society
Bridge C-14
Dying with Dignity
Centre for Effective Practice Clinical Tools-Medical Assistance in Dying
Canadian Association of MAiD Assessors and Providers
Vital Talk
Canadian Virtual Hospice
REMERCIEMENTS
Cette étude de cas a été présentée à un panel lors de la 35e Conférence de l’ACIO/CANO tenue à Niagara Falls, en Ontario (Canada). Vicky Guy, infirmière autorisée et infirmière praticienne du service de l’aide médicale à mourir de Nova Scotia Health a été au cœur de cette présentation, et son travail a largement servi à la rédaction du présent article.
Nous déclarons par la présente être les seuls propriétaires des droits de cet article original intitulé en français « Vivre pleinement, faire des choix réfléchis : Approches de soins palliatifs et d’aide médicale à mourir centrées sur le patient » et confier ces droits à l’ACIO pour publication dans la Revue canadienne de soins infirmiers en oncologie.
5 février 2024. Stephanie Lelond; Monique Visser; Tracy L. Powell; Vanessa Slobogian.
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