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. 2014 Jun;60(6):e304–e307. [Article in French]

Derniers jours à la maison

Fiona M Crow 1
PMCID: PMC4055340

La plupart des personnes mourantes souhaitent être soignées et mourir chez elles. Il a souvent été démontré que finir sa vie chez soi a des effets positifs sur les patients et leur famille15. Il faut beaucoup de planification pour assurer que toutes les personnes en cause vivent l’expérience du mourir chez soi comme une «bonne mort» et que toute la famille et l’équipe de soins se sentent épaulés 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Durant les derniers jours à domicile, les objectifs des soins se concentrent sur le confort. L’équipe de soins, la famille, les aidants rémunérés ou non doivent tous être au courant de l’évolution anticipée de l’état du patient. Les médecins de famille devraient connaître les pratiques locales concernant les décès prévus à la maison, les services de soutien à la disposition des familles et les médicaments utiles, y compris leurs voies d’administration, leurs buts et leurs utilisations non indiquées sur l’étiquette6.

Une des patientes de notre pratique familiale, A.B., âgée de 40 ans, souffre d’un cancer localisé des ovaires de stade avancé et d’une obstruction intestinale récurrente. Elle vit avec son conjoint et leur fils de 6 ans. Au cours des derniers mois, ils sont déménagés chez ses parents à proximité pour avoir de l’aide avec les soins pour son enfant et elle-même. Vous avez participé à ses soins avec l’aide de l’équipe locale de soins palliatifs.

Elle a comme symptômes des douleurs abdominales qui sont bien contrôlées avec de l’hydromorphone sous-cutanée, de la nausée et des vomissements pris en charge efficacement par le passé avec de l’ocréotide, de la dexaméthasone et, au besoin, de l’halopéridol par voie sous-cutanée. Elle n’a pas encore eu le courage de parler avec sa famille au sujet de ses objectifs à venir ou de sa mort. Par contre, elle a réitéré son souhait de ne pas être hospitalisée à nouveau, en dépit du fait que sa présente obstruction ne se soit pas améliorée.

Elle s’affaiblit et se fatigue de plus en plus, dort la majorité du temps, mais elle demeure alerte et orientée. Depuis les dernières 36 heures, elle très peu mangé ou bu et n’a pas faim ni soif. Elle a pris des gorgées d’eau pour se mouiller les lèvres et la bouche et n’a que très peu ou pas de nausée. Elle a une douleur abdominale localisée dont elle évalue la gravité à 3 sur 10. Elle a des douleurs généralisées (8 sur 10) associées à ses déplacements pour prendre sa douche et faire sa toilette au quotidien et ne peut plus descendre l’escalier pour se joindre aux activités de la famille. Elle a besoin d’une assistance considérable dans toutes ses activités de la vie quotidienne (AVQ), ce que lui fournit son mari.

Pendant votre visite, vous constatez que son abdomen est distendu, avec des masses fermes, sensibles et irrégulières, mais A.B. ne semble pas en détresse. En vous basant sur sa détérioration (somnolence accrue, faiblesse et apport alimentaire à la baisse), il vous apparaît clairement qu’il lui reste à vivre «tout au plus quelques jours ou semaines». En réponse à vos questions, elle est prudemment réceptive à parler avec vous et son mari des «que se passe-t-il si», mais elle ne veut pas discuter de sa mort ou de son pronostic. Même si elle continue d’espérer que l’obstruction disparaîtra à nouveau, elle reconnaît que si son état ne s’améliore pas, il y a des choses qu’elle aimerait faire; elle veut voir d’autres membres de la famille et faire quelques petites tâches, «juste au cas».

En parlant séparément avec sa famille (avec l’auto-risation d’A.B.), il est évident que ses proches sont d’accord avec son choix de demeurer à la maison. Parce qu’ils souhaitent continuer à lui prodiguer ses soins personnels, y compris les transferts et les bains, on leur rappelle comment le faire en toute sécurité. On passe en revue les besoins en équipement et on les renseigne sur ce à quoi ils peuvent s’attendre au cours des prochains jours. On leur explique en détail qu’elle mangera et boira de moins en moins pour atténuer leurs craintes à cet égard. On leur indique les liens vers l’article «Quand la fin est proche» du Portail canadien en soins palliatifs7 et d’autres sources de renseignements en ligne. La famille refuse l’offre de services venant d’autres travailleurs de soutien. On vous donne le nom du salon funéraire et vous vous assurez qu’une lettre de décès anticipé (LDA), ou son équivalent, est préparée. Les visites d’infirmières se font maintenant à chaque jour et elles seront plus fréquentes au besoin. Vous êtes disponible pour répondre aux demandes des infirmières, ajuster la médication, répondre aux questions et offrir du soutien.

Les derniers jours de la vie ont tendance à culminer en un même groupe de symptômes, quels que soient les maladies sous-jacentes ou les systèmes en cause. Il peut aussi se produire des complications spécifiques à chaque maladie.

Pour éviter la nécessité de faire appel au personnel d’urgence ou à la police, on doit envoyer une copie de la LDA au salon funéraire et au bureau du médecin légiste. La LDA donne habituellement les coordonnées démographiques du patient et le nom du professionnel qui remplira le certificat de décès. Obtenez des précisions auprès du bureau du médecin légiste local quant aux préférences et aux règles particulières à votre région.

On doit préparer la famille et lui conseiller d’appeler l’équipe de soins au lieu du 911 si elle a besoin d’aide avant ou suivant la mort.

Symptômes courants dans les derniers jours

Dans les derniers jours, on peut anticiper une série de signes et de symptômes possibles, notamment de la douleur, de la dyspnée, du délirium, une dysphagie, un affaiblissement de la voix, une perte d’appétit, de l’incontinence (due à une moins grande capacité de se déplacer même avec de l’aide ou à une perte de conscience), la bouche sèche et des sécrétions bruyantes dans les voies respiratoires supérieures. Puisque la perte de la capacité de prendre des médicaments par la bouche est presque universelle, il faut être attentif à cette réalité dans les prescriptions rédigées pour les derniers jours. Tous les médicaments inutiles devraient être discontinués.

Douleur

Quoiqu’on utilise communément la voie sous-cutanée, les familles ne seront pas toutes capables de se charger de l’administration. Dans de tels cas, les doses sublinguales des opioïdes en plus forte concentration (p. ex. 10 mg/ml d’hydromorphone par voie intraveineuse [IV], 50 mg/ml de méthadone) facilitent la situation. Dans certains cas, le médicament peut être absorbé de manière sublinguale8 et, dans d’autres, le volume est si petit qu’il peut être toléré oralement. Il faut user de prudence avec les timbres de fentanyl, parce qu’ils ne se prêtent pas bien à de fréquents changements de dosage et leurs effets pourraient être compromis chez des patients très cachectiques, ceux qui ont des problèmes circulatoires ou un œdème massif.

Dyspnée

En plus d’utiliser un ventilateur pour les voies aériennes, on prend en charge efficacement la dyspnée au moyen des mêmes médicaments (en fonction des mêmes considérations et limitations) que ceux utilisés pour contrôler la douleur. Comme dans le cas de la douleur circonstancielle, la dyspnée associée à la mort anticipée, aux déplacements ou autres situations peut être prise en charge avec du fentanyl sublingual (100 fois plus puissant que la morphine IV) ou du sufentanil (1 000 fois plus puissant que la morphine IV) ou encore, une dose semblable peut être administrée par voie intranasale, ce qui offre une action et une biodisponibilité très rapidement9.

Délirium

Selon les rapports, un délirium se produit chez 88 % des patients en fin de vie10. Un délirium avec agitation et irréversible peut certainement poser des problèmes dans la prestation des soins à domicile. Ce symptôme peut causer de la détresse, parce que la sécurité et la dignité du patient peuvent être menacées et les familles pourraient ne pas être capables de prendre en main la situation. Des médicaments antipsychotiques typiques ou atypiques devraient être disponibles (et sont aussi d’utiles antiémétiques). Des comprimés ou des cachets solubles d’olanzapine, de l’halopéridol souscutané ou encore de la méthotriméprazine sous-cutanée ou sublinguale (25 mg/ml) sont communément utilisés. En plus, au besoin, de la benzodiazépine dosée de manière appropriée est aussi indiquée, mais elle n’est pas le premier choix. Il est nécessaire à l’occasion d’utiliser du phénobarbital sous-cutané si l’agitation persiste en dépit de tout ce qui précède.

Ressources en ligne pour les professionnels

Bailey FA, Harman SM. Palliative care: the last hours and days of life. Waltham, MA: UpToDate; 2014. Accessible à: www.uptodate.com. Réf. du 9 février 2014.

Portail canadien en soins palliatifs. WRHA PCH Program end of life symptom management pathways and guides. Winnipeg, MB: Portail canadien en soins palliatifs; 2011. Accessible à: www.virtualhospice.ca. Réf. du 9 février 2014.

Nausée et vomissements

Quoique le traitement dépende de la cause présumée de la nausée et des vomissements, la métoclopramide, qui agit sur de multiples récepteurs, est souvent l’option de première intention. La métoclopramide est disponible sous forme souscutanée, orale ou rectale (elle peut être préparée avec d’autres antiémétiques en suppositoire si vous avez accès à une pharmacie qui offre des services de préparation). Parmi les agents de deuxième intention, on peut mentionner d’autres agonistes de la dopamine agissant sur la zone de déclenchement des chimiorécepteurs, comme l’halopéridol, la méthotriméprazine et les médicaments de la classe 5-HT3 (p. ex. ondansétron). Certains de ces médicaments peuvent être supplémentés avec de la dexaméthasone11. Tous ces médicaments peuvent être administrés sous forme sous-cutanée.

Sécrétions bruyantes dans les voies respiratoires supérieures

Le râle agonique (quoiqu’on utilise moins cette locution de nos jours) est souvent perçu comme une détresse, mais les expressions faciales des patients laissent supposer qu’ils ne sont pas inconfortables12. Néanmoins, si on le souhaite, la meilleure façon de réduire la respiration bruyante est de repositionner le patient ou d’utiliser des anticholinergiques (p. ex. glycopyrrolate, scopolamine ou atropine). Le glycopyrrolate ne traverse pas la barrière hématoencéphalique et ne devrait pas causer de délirium chez un patient alerte. Il convient de signaler que ces médicaments n’éliminent peut-être pas les sécrétions, mais ils aideront à réduire les accumulations futures13.

Bouche sèche

La sécheresse de la bouche est causée par de multiples facteurs et une bonne hygiène buccale est importante. Humecter la bouche et les lèvres et brosser les dents, le palais et les gencives avec des Toothette ou une brosse à dents de bébé peuvent procurer du confort. Des produits en vente libre conçus pour soulager la bouche sèche peuvent aussi être utiles, comme le sont de fines vaporisations de club soda ou d’eau.

Faiblesse et fatigue

La mobilité diminuera et il faudrait renseigner les membres de la famille sur la façon de transférer, tourner et nourrir le patient et lui prodiguer d’autres soins personnels pour assurer la sécurité de tous. Un siège d’aisances à côté du lit ou un cathéter Foley pourraient être nécessaires.

Plan thérapeutique et déroulement pour A.B

Même si A.B. mange et boit très peu, ses voies digestives sécrètent probablement encore et il est approprié de continuer l’ocréotide pour réduire le risque d’un retour de la nausée et des vomissements. L’halopéridol oral et sous-cutané et l’ondansétron sous-cutané demeurent des options au besoin.

On continue de contrôler la douleur avec de l’hydromorphone sous-cutanée en continu ainsi qu’au besoin (et on enseigne que si une dyspnée se produisait, elle aiderait aussi dans un tel cas). Le fentanyl intranasal est ajouté pour faciliter les AVQ et lorsqu’on tourne la patiente.

On utilise au besoin pour un délirium, une agitation ou des hallucinations possibles de l’halopéridol sous-cutané ou 25 mg/ml de méthotriméprazine souscutanée ou sublinguale. Même si elle a un plus fort effet sédatif que l’halopéridol, étant donné le degré déjà fléchissant d’éveil d’A.B., la méthotriméprazine pourrait être la meilleure option pour éviter de donner trop de choix déroutants à la famille quant à savoir quel médicament administrer. Le lorazépam sublingual à faibles doses pour l’anxiété ou la nervosité est mis à leur disposition au cas où on en aurait besoin.

Pour de potentielles sécrétions, la pharmacie locale prépare un gel transdermique à la scopolamine à utiliser au besoin.

Quelques jours plus tard, quand vous revenez la visiter, elle dort encore comme elle l’a fait une bonne partie de la journée. Elle semble inconfortable et vous ajustez sa dose d’hydromorphone en expliquant que le but est de contrôler la douleur et que cette augmentation n’accélérera pas le décès14 (un mythe courant).

Sa coloration est bonne, sa respiration semble facile et son pouls radial est fort. Elle a commencé à avoir de la difficulté à parler et sa voix est très basse. En questionnant la famille, vous apprenez qu’elle semble divaguer et, lorsqu’elle dort, essayer à l’occasion d’attraper l’air devant elle de ses mains. On vous dit aussi que, lorsqu’elle se réveille et boit des gorgées d’eau, elle tousse, ce qui aggrave sa douleur. La famille n’a pas remarqué de mouvements brusques de ses bras ou de ses jambes. Elle a utilisé la bassine une fois au cours des 24 dernières heures.

Vous avertissez les membres de la famille qu’ils peuvent s’attendre à d’autres changements dans sa lucidité et leur recommandez d’utiliser la méthotriméprazine si une agitation inconfortable se produisait. Vous leur dites aussi qu’il faut bien nettoyer sa bouche sans utiliser de liquides pour éviter qu’elle les aspire. Vous passez en revue avec eux les signes que la mort pourrait survenir dans les prochaines heures, comme la cyanose périphérique (marbrures) autour des genoux et des pieds, ainsi que des changements dans la respiration avec des arrêts (respiration de Cheyne-Stokes), souvent avec la bouche ouverte. Vous leur rappelez les plans à suivre après son décès.

La journée suivante, A.B. a des périodes où elle est lucide et reconnaît brièvement son entourage, avant de devenir amorphe et d’avoir d’occasionnels épisodes d’épilepsie myoclonique dus aux opioïdes, pris en charge avec du lorazépam sublingual dissous dans quelques gouttes d’eau.

Après sa mort, la famille ne s’empresse pas d’appeler quiconque: son mari, son fils et ses parents sont à son chevet. Quelques heures plus tard, ils appellent le salon funéraire et avertissent l’infirmière.

Après le décès d’A.B., l’infirmière vient faire une visite. L’équipe prodiguera d’autres soins aux personnes en deuil s’ils en ont besoin. Conformément à vos habitudes, vous appelez les membres de la famille et parlez avec eux, puis vous envoyez une carte de condoléances pour souligner leur perte et dire que ce fut un privilège de connaître A.B.

POINTS SAILLANTS

  • La plupart des personnes mourantes souhaitent être soignées et mourir chez elles. Il faut beaucoup de planification pour assurer que toutes les personnes en cause vivent l’expérience du mourir chez soi comme une «bonne mort». Durant les derniers jours à la maison, les objectifs de soins se concentrent sur le confort. L’équipe de soins, toute la famille, les aidants rémunérés ou non doivent être au courant de l’évolution anticipée de l’état du patient et savoir quoi faire s’ils ont besoin d’aide avant ou après le décès.

  • Les derniers jours de la vie ont tendance à culminer en un même groupe de symptômes, quels que soient la maladie sous-jacente ou le système en cause. Parmi les symptômes, on peut mentionner la douleur, la dyspnée, le délirium, la dysphagie, l’affaiblissement de la voix, la perte d’appétit, l’incontinence, la bouche sèche et des sécrétions bruyantes dans les voies respiratoires supérieures.

  • Étant donné que la perte de la capacité de prendre des médicaments par la bouche est presque universelle, il faut être attentifs à cette réalité dans les prescriptions rédigées pour les derniers jours. Tous les médicaments inutiles devraient être discontinués. Pour éviter d’avoir à faire appel au personnel d’urgence ou à la police après le décès, on doit envoyer une copie de la lettre de décès anticipé au salon funéraire et au bureau du médecin légiste. On doit préparer la famille et lui conseiller d’appeler l’équipe de soins plutôt que le 911 si elle a besoin d’aide.

Dossiers en soins palliatifs est une série trimestrielle publiée dans Le Médecin de famille canadien et rédigée par les membres du Comité des soins palliatifs du Collège des médecins de famille du Canada. Ces articles explorent des situations courantes vécues par des médecins de famille qui offrent des soins palliatifs dans le contexte de leur pratique en soins primaires. N’hésitez pas à nous suggérer des idées de futurs articles à palliative_care@cfpc.ca.

Footnotes

The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the June 2014 issue on page 543.

Intérêts concurrents

Aucun déclaré

Références

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