Résumé
Objectif
Répondre aux questions souvent posées par les généralistes et aux difficultés auxquelles ils font face lorsqu’ils prescrivent des tests sérologiques pour la maladie cœliaque et fournir des conseils pratiques pour aider à interpréter les résultats des tests.
Sources de l’information
Une recherche a été effectuée dans MEDLINE pour les lignes directrices sur le diagnostic et la prise en charge de la maladie cœliaque publiées en anglais entre 2000 et 2015 par des organisations professionnelles de gastro-entérologie.
Message principal
Pour dépister la maladie cœliaque, le dosage de l’anticorps immunoglobuline A (IgA) anti-transglutaminase tissulaire est le test de choix. Il faut mesurer le taux sérique d’IgA totale afin d’écarter un déficit sélectif en IgA et d’éviter les faux négatifs. Les patients dont le test sérologique est positif doivent être recommandés à un gastro-entérologue pour subir des biopsies de l’intestin grêle par endoscopie afin de confirmer le diagnostic. Le typage des antigènes des leucocytes humains DQ2 et DQ8 peut aider à écarter le diagnostic. Un régime sans gluten ne doit pas être entrepris avant que le diagnostic de maladie cœliaque soit confirmé.
Conclusion
Les tests sérologiques sont très utiles pour confirmer les soupçons d’une maladie cœliaque. Le diagnostic précoce est essentiel pour prévenir les complications liées à la maladie cœliaque.
Cas
Un garçon de 2 ans et 4 mois ayant obtenu un résultat positif au dosage de l’anticorps immunoglobuline A (IgA) anti-transglutaminase tissulaire (TGt) a été recommandé à la clinique de gastro-entérologie pédiatrique. Le dépistage était indiqué chez lui, car son cousin germain maternel avait récemment reçu un diagnostic de maladie cœliaque. Il était exempt de douleur abdominale, de ballonnement, de vomissement ou de diarrhée. Occasionnellement, ses selles étaient dures et douloureuses. Il ne présentait aucune fatigue, perte d’appétit, ni perte pondérale et n’avait aucun autre antécédent familial de maladie cœliaque ou de troubles auto-immuns. L’examen physique n’a révélé rien de remarquable, les paramètres de croissance se situaient dans la normale. Le titrage de l’anticorps anti-TGt de type IgA était élevé, soit supérieur à 250 U/mL (normale : < 15 U/mL); ce test a été fait, car la constipation peut être un symptôme de maladie cœliaque et le garçon présentait des antécédents familiaux de maladie cœliaque. Les taux d’hémoglobine, d’albumine et de thyréostimuline étaient normaux. Les résultats de la biopsie de l’intestin grêle par endoscopie, exécutée alors que l’enfant suivait un régime contenant du gluten, étaient complètement normaux. Le titrage de l’anticorps anti-TGt de type IgA a été repris 3 mois après le premier test et les résultats étaient normaux, soit moins de 0,5 U/mL. Le test des antigènes des leucocytes humains (HLA) DQ2 et DQ8 était aussi négatif. Le garçon est demeuré asymptomatique alors qu’il suivait un régime alimentaire régulier.
La maladie cœliaque est un trouble gastrointestinal chronique dans lequel l’ingestion de gluten, une protéine du blé, du seigle et de l’orge, entraîne l’atrophie villositaire de l’intestin grêle par l’entremise d’un mécanisme médié par le système immunitaire chez les personnes génétiquement sensibles1–3. Cela peut causer une gamme de symptômes intestinaux et extra-intestinaux, de même qu’une carence en macronutriments et en micronutriments.
Le diagnostic de maladie cœliaque est confirmé par biopsie de l’intestin grêle par endoscopie. Au moment de la biopsie, les patients doivent suivre un régime alimentaire régulier, contenant du gluten. Il importe également que la biopsie soit exécutée et traitée de manière appropriée, et qu’elle soit interprétée par un expert pathologiste afin d’éviter les faux négatifs. La maladie cœliaque peut être traitée à l’aide d’un régime strict sans gluten. Non traitée, elle peut entraîner des complications incluant des carences alimentaires (p. ex. anémie), l’ostéoporose et un retard de croissance, de même que l’apparition possible de troubles auto-immuns et d’affections malignes2,3.
La mise au point de tests sérologiques constitue la plus grande percée dans le dépistage de la maladie cœliaque. Les patients, surtout ceux qui présentent un risque élevé ou dont les symptômes sont minimes, peuvent maintenant subir des tests d’anticorps très sensibles et spécifiques pour dépister la maladie cœliaque. Cependant, certaines questions subsistent : qui doit subir un test de dépistage, comment faire le dépistage et comment interpréter correctement les résultats des tests sérologiques? Il est essentiel de bien interpréter les résultats afin de poser un diagnostic exact et d’instaurer le traitement subséquent.
La maladie cœliaque touche 1 % de la population, ce qui en fait l’un des troubles gastro-intestinaux les plus répandus. Nombreux sont les cas qui passent inaperçus en raison du manque de connaissances des professionnels de la santé ou de la présence de symptômes extra-intestinaux non classiques. La maladie cœliaque est aussi désignée le « caméléon clinique » en raison de ses nombreux tableaux cliniques. Les médecins de famille sont aux premières lignes des soins de santé au public; il est important de tenir compte de la maladie cœliaque lors du diagnostic différentiel, et de savoir quels tests de dépistage sérologiques il faut prescrire et comment en interpréter les résultats.
Le présent article examine les tests sérologiques de la maladie cœliaque actuellement disponibles et détermine les diverses indications et divers pièges de pratique clinique liés à la prescription des tests et à l’interprétation des résultats. L’article traite aussi de la biopsie de l’intestin grêle par endoscopie et des tests des HLA dans le diagnostic de maladie cœliaque.
Sources de l’information
Une recherche a été effectuée dans MEDLINE pour les lignes directrices sur le diagnostic et la prise en charge de la maladie cœliaque publiées en anglais entre 2000 et 2015 par des organisations professionnelles de gastro-entérologie. Si une organisation avait publié plus d’une version de lignes directrices, les plus récentes étaient favorisées.
Quatre lignes directrices nord-américaines et 2 européennes ont été relevées4–9. De celles-là, 2 ciblaient la population pédiatrique4,5.
Ces lignes directrices traitent du diagnostic et de la prise en charge de la maladie cœliaque et abordent aussi de façon détaillée le rôle des tests sérologiques. Elles s’adressent cependant principalement aux gastroentérologues, et les médecins de famille ont de la difficulté à les interpréter et à les appliquer dans leur pratique clinique occupée. Un résumé des réponses aux questions cliniques souvent posées sur les tests sérologiques de la maladie cœliaque en soins primaires en fonction des lignes directrices publiées apparaît plus loin.
Message principal
Qui doit subir un test de dépistage de la maladie cœliaque?
Puisque les symptômes de la maladie cœliaque sont parfois légers ou atypiques, un fort indice de suspicion est indiqué. Les situations cliniques qui requièrent d’envisager le dépistage figurent dans l’Encadré 14–9.
Encadré 1. Indications cliniques pour le dépistage de la maladie cœliaque.
Le dépistage de la maladie cœliaque est indiqué dans les cas suivants : |
|
Les autres signes cliniques chez les enfants sont les suivants : |
|
Les retards du diagnostic de maladie cœliaque sont fréquents10–12. Dans 2 enquêtes d’envergure menées au Canada, le délai moyen entre l’apparition des symptômes et le diagnostic de maladie cœliaque chez les adultes était d’environ 12 ans11,12. Dans le cadre d’une étude multicentrique menée auprès de généralistes et faisant intervenir une stratégie active de recherche de cas à l’aide de tests sérologiques chez les adultes, le taux de diagnostic était 32 à 44 fois plus élevé13.
Quel est le spectre clinique de la maladie cœliaque?
Le spectre clinique de la maladie cœliaque est vaste : 4 formes sont reconnues14. Dans la maladie cœliaque classique, le patient présente des caractéristiques de malabsorption, tels diarrhée, stéatorrhée et perte pondérale ou retard de croissance.
Dans la maladie cœliaque non classique, les signes et symptômes de malabsorption sont absents et d’autres symptômes intestinaux ou extra-intestinaux pourraient être présents. Dans ces 2 cas, classique et non classique, les tests sérologiques sont anormaux et l’atrophie villositaire est présente.
Dans la maladie cœliaque subclinique, la maladie évolue sous le seuil de détection clinique sans que les signes et symptômes soient suffisants pour susciter des résultats positifs aux tests de dépistage de la maladie cœliaque dans la pratique clinique de routine. Ces patients subissent parfois un test de dépistage parce qu’ils présentent un risque élevé de maladie cœliaque. Chez ces patients, les tests sérologiques sont anormaux, et l’atrophie villositaire est présente.
Dans la maladie cœliaque potentielle, anciennement maladie cœliaque latente, les tests des anticorps sont anormaux, mais l’histologie de la muqueuse intestinale est normale. Plusieurs de ces patients manifesteront des lésions intestinales au fil du temps, ce qui exige une surveillance et un suivi étroits.
Quels sont les tests sérologiques actuels pour dépister la maladie cœliaque?
Les tests sérologiques suivants sont offerts pour dépister la maladie cœliaque.
Anticorps anti-gliadine : Ce fut le premier test sérologique mis au point dans les années 1980. En raison de sa sensibilité et sa spécificité relativement faibles, ce test ne doit pas être utilisé pour dépister la maladie cœliaque.
Anticorps anti-réticuline : Ce deuxième test sérologique mis au point a été utilisé brièvement. Puisqu’il existe des tests plus sensibles, ce test ne doit pas être utilisé à des fins de dépistage.
Anticorps anti-endomysium : Le test d’anticorps anti-endomysium est un test très sensible et spécifique pour le dépistage de la maladie cœliaque. Initialement, du tissu d’œsophage de singe et plus tard, de cordon ombilical humain a été utilisé comme substrat, ce qui explique le coût assez élevé du test. En outre, l’épreuve exige que le technicien de laboratoire évalue l’immunofluorescence, ce qui donne lieu à une variabilité entre observateurs dans l’interprétation des résultats du test.
Anticorps anti-TGt : En 1997, on a découvert que l’antigène induisant la formation d’anticorps anti-endomysium était l’enzyme anti-transglutaminase tissulaire (TGt). Avec l’avènement de la technique d’ADN recombinant, la TGt humaine a été commercialisée et le coût du test a chuté. La plupart des laboratoires hospitaliers mesurent maintenant les anticorps anti-TGt plutôt que les anticorps anti-endomysium.
Anticorps anti-peptide déamidé de la gliadine (DGP) : Dernière génération des tests sérologiques, ce test n’offre pas beaucoup plus d’avantages que le test des anticorps anti-TGt comme test de dépistage primaire; mais le test des anticorps anti-DGP de type immunoglobuline G (IgG) est légèrement plus sensible que le test des anticorps anti-TGt de type IgG et doit être considéré comme le test de choix chez les patients qui présentent un déficit sélectif en IgA.
La sensibilité et la spécificité des divers tests sérologiques figurent au Tableau 115. En général, les tests de type IgA sont plus sensibles et sont préférables aux fins de dépistage.
Tableau 1.
ANTIGÈNE | TYPE D’ANTICORPS | TEST | SENSIBILITÉ, % (INTERVALLE) | SPÉCIFICITÉ, % (INTERVALLE) |
---|---|---|---|---|
Gliadine | IgA | ELISA | 85 (57–100) | 90 (47–94) |
IgG | ELISA | 80 (42–100) | 80 (50–94) | |
Endomysium | IgA | IFA | 95 (86–100) | 99 (97–100) |
IgG | IFA | 80 (70–90) | 97 (95–100) | |
Transglutaminase tissulaire | IgA | ELISA | 98 (78–100) | 98 (90–100) |
IgG | ELISA | 70 (45–95) | 95 (94–100) | |
Peptide déamidé de la gliadine | IgA | ELISA | 88 (74–100) | 90 (80–95) |
IgG | ELISA | 80 (70–95) | 98 (95–100) |
ELISA— essai immunoenzymatique, IgA—immunoglobuline A, IgG—immunoglobuline G, IFA—épreuve d’immunofluorescence. Données tirées de Leffler et Schuppan15.
Quels tests sérologiques doit-on prescrire dans le dépistage de la maladie cœliaque?
Le test des anticorps anti-TGt de type IgA est le test de préférence pour le dépistage chez les patients de tous âges. Il est possible de prescrire ce test uniquement, ce qui plus économique que de prescrire une série de plusieurs tests.
La sensibilité des tests sérologiques est plus faible chez les enfants de moins de 2 ans. Le test des anticorps anti-DGP (de types IgA et IgG) en plus du test des anticorps anti-TGt de type IgA sont donc recommandés dans cette population.
Le test des anticorps anti-transglutaminase tissulaire figure présentement sur la liste provinciale des épreuves de laboratoire de toutes les provinces, sauf l’Ontario. Dans les cas ambulatoires en Ontario, les patients doivent débourser le prix du test.
Depuis quelques années, les pharmacies du pays stockent une trousse de test à domicile de la maladie cœliaque en vente libre16. À l’aide d’une piqûre pour prélever un petit échantillon de sang au bout du doigt, le test à domicile décèle la présence d’anticorps anti-TGt dans le sang des personnes atteintes de maladie cœliaque. Bien que ce test puisse tenir lieu de test clinique, la prudence est de mise lors de la pose d’un diagnostic s’appuyant exclusivement sur ce test. On s’inquiète du fait que le public commence à s’auto-diagnostiquer la maladie cœliaque et à entreprendre un régime sans gluten sans confirmation du diagnostic ni counseling nutritionnel par un diététiste.
Faut-il obtenir un taux sérique d’IgA totale lorsqu’on prescrit un test de dépistage?
Les patients atteints de maladie cœliaque sont 5 à 10 fois plus enclins à présenter un déficit sélectif en IgA par rapport à la population générale8. Puisque les tests présentement recommandés sont de type IgA, un patient qui présente un déficit en IgA pourrait obtenir un faux négatif. La concentration sérique d’IgA doit donc faire partie du dépistage initial. Les tests de type IgA demeurent valides chez les patients dont le taux d’IgA totale est légèrement abaissé. Certains laboratoires hospitaliers procèdent automatiquement au test d’IgA sérique totale lorsqu’ils reçoivent une requête pour un test d’anticorps anti-TGt.
Quel test faut-il prescrire chez un patient qui présente un déficit sélectif en IgA?
Lorsque le taux sérique d’IgA totale est inférieur à 0,2 g/L, il faut prescrire un test de dépistage de type IgG. Le dosage des anticorps anti-DGP de type IgG constitue le test recommandé; toutefois, il est aussi possible d’effectuer d’autres tests de type IgG comme le dosage des anticorps anti-TGt de type IgG. Les cliniciens devraient vérifier la disponibilité de ces tests auprès du laboratoire de leur région.
Si le test sérologique est négatif, le patient peut-il toujours être atteint de maladie cœliaque?
Il est important de savoir qu’un test sérologique négatif n’écarte pas la maladie cœliaque. Les facteurs pouvant contribuer aux faux négatifs figurent dans l’Encadré 2.
Encadré 2. Facteurs pouvant contribuer à un faux négatif des tests sérologiques dans la maladie cœliaque.
Les facteurs sont les suivants : |
|
IgA—immunoglobuline A.
Les tests sérologiques tendent graduellement à devenir négatifs sous une alimentation sans gluten, et ce, en quelques semaines ou quelques mois. Les personnes qui obtiennent des résultats négatifs pourraient avoir réduit la quantité de gluten dans leur alimentation, ou avoir éliminé le gluten complètement, avant de consulter leur médecin de famille. Il est donc essentiel d’obtenir une anamnèse détaillée pour s’assurer que le patient s’alimente normalement, y compris consommer du gluten. Sinon, il faut reprendre l’alimentation habituelle avant de prescrire un test sérologique.
La maladie cœliaque séronégative est rare, mais peut quand même se produire. Si les tests sérologiques sont négatifs, mais qu’on soupçonne toujours la maladie cœliaque chez un patient, il faut recommander celui-ci à une biopsie de l’intestin grêle. Il est aussi possible de procéder à un typage des HLA; si le test de l’HLA-DQ2 et de l’HLA-DQ8 est négatif, il ne s’agit pas de maladie cœliaque et il faut envisager un autre diagnostic. On parlera plus loin en détail du rôle du typage des HLA.
Chez un patient dont le test sérologique est positif, la biopsie de l’intestin grêle est-elle vraiment nécessaire ou peut-on instaurer un régime sans gluten?
Les tests sérologiques ne servent qu’au dépistage; ils ne confirment pas le diagnostic de maladie cœliaque, comme l’illustre le cas présenté au début de cet article. La maladie cœliaque n’est pas un trouble banal et son diagnostic doit être pris au sérieux. Il s’agit d’une affection qui persiste toute la vie et qui exige que le patient suive un régime strict sans gluten, lequel pose des problèmes de coût, de complexité et de restrictions sociales17. Le patient doit faire l’objet d’un suivi régulier et à long terme pour surveiller la survenue de complications et l’apparition d’autres troubles auto-immuns.
Les patients dont les tests sérologiques sont positifs doivent être recommandés à un gastro-entérologue, qui procédera à une biopsie de l’intestin grêle par endoscopie afin de confirmer le diagnostic de maladie cœliaque. La biopsie de l’intestin grêle par endoscopie est sans danger et s’accompagne de morbidités minimes. Cependant, la possibilité de procéder à l’examen en temps voulu demeure un problème qui exige notre attention. Il importe de ne pas entreprendre un régime sans gluten avant la biopsie, car la guérison de la muqueuse intestinale qui en découle compliquerait l’interprétation des résultats de la biopsie.
La dermatite herpétiforme est « la maladie cœliaque de la peau ». Les patients atteints présentent une éruption cutanée vésiculeuse chronique et des démangeaisons intenses. Une biopsie de la peau peut confirmer le diagnostic et la biopsie intestinale n’est pas nécessaire, car la plupart de ces patients présentent une atrophie villositaire.
L’European Society for Paediatric Gastroenterology, Hepatology and Nutrition a proposé une approche exempte de biopsie au diagnostic de maladie cœliaque chez les enfants5. Ces lignes directrices énoncent qu’avant de pouvoir éviter la biopsie de l’intestin grêle, le patient symptomatique doit répondre aux critères suivants:
résultat positif au test des anticorps anti-TGt de plus de 10 fois la limite supérieure de la normale,
résultat positif au test des anticorps anti-endomysium,
résultat positif au typage de l’HLA-DQ2 ou de l’HLA-DQ8.
Si le patient répond aux 3 critères, on peut proposer à la famille de refuser la biopsie, car il s’agit fort probablement de maladie cœliaque.
Il importe de savoir qu’un taux très élevé d’anticorps anti-TGt ne suffit pas pour poser un diagnostic de maladie cœliaque. Aussi, selon l’algorithme diagnostique proposé dans les lignes directrices, le médecin de famille doit recommander à un gastro-entérologue pédiatrique tout patient dont le test des anticorps anti-TGt est positif, aux fins d’évaluation plus poussée et de bilan.
Les faux positifs aux tests sérologiques sont peu fréquents, mais peuvent se produire. Le cas du petit garçon décrit plus haut en est un exemple. Puisque la maladie cœliaque est une affection chronique dont les répercussions substantielles persistent toute la vie, il faut déployer tous les efforts possibles pour confirmer le diagnostic. Il ne faut pas passer à côté d’un diagnostic de maladie cœliaque, mais il est aussi nuisible de diagnostiquer cette maladie chez une personne qui n’en est pas atteinte.
Quel est le rôle du typage des HLA dans la maladie cœliaque?
La maladie cœliaque a une forte composante génétique. Le facteur de risque génétique le plus important de la maladie cœliaque est la présence des hétérodimères HLA-DQ2 (encodés par les allèles A1*05 et B1*02) et HLA-DQ8 (encodés par les allèles A1*03 et B1*0302). Presque tous les patients atteints de maladie cœliaque sont porteurs de l’un ou l’autre de ces types de HLA (HLA-DQ2 chez quelque 95 % des personnes atteintes de maladie cœliaque et HLA-DQ8 chez 5 %)8. Leur absence a une valeur prédictive négative de plus de 99 %, ce qui exclut essentiellement le diagnostic de maladie cœliaque. Le typage des HLA n’est toutefois pas effectué systématiquement pour poser un diagnostic de maladie cœliaque parce que quelque 30 % de la population de race blanche est porteuse des HLA-DQ2 ou HLA-DQ8 et seules 4 % de ces personnes seront atteintes de maladie cœliaque7. Les personnes porteuses de l’HLA-DQ2 homozygote présentent le risque le plus élevé (jusqu’à 40 %) de maladie cœliaque3, mais les personnes porteuses des HLA-DQ2 et HLA-DQ8 hétérozygotes présentent aussi un risque élevé.
Le typage des antigènes des leucocytes humains peut s’avérer utile lorsque les résultats de la biopsie sont inconcluants ou chez les personnes ayant entrepris de leur propre initiative un régime sans gluten avant de subir le test sérologique. Le typage des antigènes des leucocytes humains peut aussi écarter la maladie cœliaque chez un patient symptomatique dont les tests sérologiques sont négatifs et pour réduire au minimum tout test supplémentaire chez les personnes à risque élevé, telles que les proches. Pour contenir les coûts, il faut que la requête pour le typage des HAL précise de procéder au typage des allèles HLA-DQ2 et HLA-DQ8 seulement, et non au typage complet des HLA.
Quelles sont les options lorsque le tableau clinique évoque la maladie cœliaque, mais que le patient a déjà entrepris un régime sans gluten lors de sa visite et qu’il se sent mieux?
C’est un scénario clinique fréquent, car les patients retirent le gluten de leur alimentation de leur propre initiative. Si le patient se sent mieux sous un régime sans gluten, cela ne signifie pas nécessairement qu’on a affaire à la maladie cœliaque. Les titres d’anti-corps anti-TGt tendent à s’abaisser, voire à se normaliser sous un régime sans gluten, ce qui survient à une rapidité variable. Si le patient a éliminé le gluten depuis à peu près un mois, il est raisonnable d’obtenir le dosage des anticorps anti-TGt. Si celui-ci est positif, il s’agit probablement de maladie cœliaque. Dans ce cas, si le patient ne souhaite pas réintroduire le gluten dans son alimentation et subir une biopsie de l’intestin grêle, il peut pour-suivre le régime sans gluten. Le typage des HLA peut confirmer à nouveau le diagnostic, comme expliqué plus haut. Si le patient accepte de subir une biopsie, il faut qu’il réintroduise le gluten dans son alimentation pendant plusieurs semaines, et il doit recevoir une recommandation pour consulter un gastro-entérologue.
Si le dosage des anticorps anti-TGt est négatif chez un patient sous un régime sans gluten, on ne peut écarter la maladie cœliaque. Dans un cas comme celui-là, le typage des HLA est nécessaire. Si le typage des HLA-DQ2 et HLA-DQ8 est négatif, on peut écarter en toute confiance le diagnostic de maladie cœliaque et aucun autre test visant la maladie cœliaque n’est nécessaire.
Les tests sérologiques ont-ils leur place durant le suivi d’un patient atteint de maladie cœliaque?
Après l’instauration d’un régime sans gluten, les symptômes du patient devraient disparaître et les titres sériques des anticorps devraient retourner à la normale. La vitesse à laquelle les titres sériques des anticorps retournent à la normale dépend de la sévérité de la maladie et des titres initiaux. Dans la plupart des cas, les résultats sont négatifs après 6 à 12 mois sous un régime sans gluten. Les titres des anticorps toujours positifs pointent fortement vers une exposition au gluten, souvent causée par la contamination alimentaire par le gluten. Le taux des anticorps anti-TGt doit être mesuré annuellement. Il importe de savoir que le test n’a pas la robustesse pour donner des résultats positifs en cas d’exposition faible ou peu fréquente au gluten.
L’utilité de répéter la biopsie de l’intestin grêle dans les cas de maladie cœliaque ne fait pas l’unanimité. La biopsie de suivi n’est pas indiquée chez les enfants. Chez les adultes, certains gastro-entérologues effectuent systématiquement une biopsie de suivi pour confirmer que l’inflammation intestinale est bien disparue, alors que d’autres ne le font pas9. Par ailleurs, l’absence de réponse clinique chez un patient sous un régime strict sans gluten (maladie cœliaque qui ne répond pas au traitement) justifie une deuxième biopsie et des investigations plus poussées.
Il est important de noter que les patients atteints de maladie cœliaque sont à risque de présenter d’autres troubles auto-immuns3. La thyroïdite auto-immune est la comorbidité auto-immune la plus fréquente. L’hépatite auto-immune et le diabète de type 1 sont aussi possibles. En plus de l’évaluation clinique, le suivi des patients atteints de maladie cœliaque doit aussi inclure le test de la fonction thyroïdienne et la mesure du taux de transaminases hépatiques annuellement ou tous les 2 ans.
Comment faire la différence entre la maladie cœliaque et la sensibilité au gluten non cœliaque (SGNC)?
La sensibilité au gluten non cœliaque est un phénomène décrit récemment où un patient présente des symptômes intestinaux ou extra-intestinaux qui disparaissent sous un régime sans gluten, en l’absence de maladie cœliaque2. Les auto-anticorps, tels que les anticorps anti-TGt, sont absents, de même que l’atrophie villositaire ou le risque d’autres troubles auto-immuns. La pathogenèse de la SGNC n’est pas encore bien comprise. On ignore si elle est transitoire ou permanente, et si elle est liée à la dose de gluten ingéré. Il n’existe à l’heure actuelle aucun biomarqueur de la SGNC; le diagnostic est donc posé après l’exclusion de la maladie cœliaque en fonction des constatations sérologiques (et de la biopsie) et est fondé sur la réponse symptomatique du patient à l’élimination du gluten de l’alimentation.
Conclusion
Les tests sérologiques sont très utiles pour dépister les patients chez lesquels on soupçonne la maladie cœliaque. Le diagnostic précoce de maladie cœliaque est essentiel pour en prévenir les complications. Le test des anticorps anti-TGt de type IgA est le test de préférence pour le dépistage. Il faut mesurer le taux sérique d’IgA totale afin d’écarter une carence en IgA et d’éviter les faux négatifs. Les patients dont les résultats au test sérologique sont positifs doivent être recommandés à un gastroentérologue pour recevoir une biopsie de l’intestin grêle par endoscopie afin de confirmer le diagnostic. Le test des antigènes des leucocytes humains DQ2 et DQ8 peut aider à écarter le diagnostic. Un régime sans gluten ne doit pas être entrepris avant que le diagnostic de maladie cœliaque soit confirmé.
POINTS DE REPÈRE DU RÉDACTEUR
La maladie cœliaque se classe parmi les troubles gastro-intestinaux les plus fréquents dont de nombreux cas passent inaperçus. Puisque le tableau clinique de la maladie cœliaque est varié, il est important de tenir compte de cette maladie lors du diagnostic différentiel, et de savoir quels tests sérologiques il faut prescrire et comment en interpréter les résultats.
Les tests sérologiques sont exécutés aux fins de dépistage; ils ne confirment pas un diagnostic de maladie cœliaque. Les patients dont les tests sérologiques sont positifs doivent subir une des biopsies de l’intestin grêle par endoscopie afin de confirmer le diagnostic de maladie cœliaque. Il est essentiel de ne pas entreprendre un régime sans gluten avant la biopsie, car la guérison de la muqueuse intestinale qui en découle compliquerait l’interprétation des résultats de la biopsie.
Puisque la maladie cœliaque est une affection chronique dont les répercussions substantielles persistent pour la vie, il faut déployer tous les efforts possibles pour confirmer le diagnostic.
Footnotes
Cet article donne droit à des crédits Mainpro-M1. Pour obtenir des crédits, allez à www.cfp.ca et cliquez sur le lien vers Mainpro.
Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the January 2016 issue on page 38.
Collaborateurs
Les 2 auteurs ont contribué à la revue, à l’analyse et à l’interprétation de la littérature, et à la préparation du manuscrit aux fins de soumission.
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
Références
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