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Introduction
Les mucormycoses sont des infections rares mais graves dues à des champignons filamenteux de la division des Mucorales, de la classe des Zygomycetes. Elles surviennent le plus souvent chez des patients immunodéprimés, diabétiques ou ayant une hémopathie maligne avec néutropenie prolongée, et représentent chez ces patients la troisiéme infection fongique invasive aprés les candidoses et les aspergilloses [1], [2]. Nous rapportons cinq cas de mucormycose confirmée chez des patients hospitalisés dans le service de Maladies Infectieuses de Sousse entre 2000 et 2013.
Resultats
Les principales données sont résumées dans le Tableau 1.
Tableau 1.
Patient 1 | Patient 2 | Patient 3 | Patient 4 | Patient 5 | |
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Année du diagnostic | 2007 | 2011 | 2012 | 2012 | 2013 |
Genre, age (ans) | F, 72 | H, 77 | H, 25 | H, 54 | H, 76 |
Comorbidité(s) | Diabète type 2 | aucune | Leucémie aigue | Diabète type 2 | Diabète type 2 |
Localisation de | Rhino-orbitaire | Otite moyenne | Fasciite nécrosante | Pneumopathie | Rhino-cérèbrale |
l'infection á Mucorales | Pansinusite | chronique | Pansinusite | ||
Signes cliniques | Placard inflammatoire de l'hémiface | Otalgie, otorrhée, hypoacousie; PFP | Placard inflammatoire et nécrotique | Toux, fièvre, dyspnée | Abces sous-cutane frontal Confusion |
Durée d'évolution (j) | 2 | 30 | 15 | 4 | 4 |
TDM | Sinsusite ; abcès sous-orbitaire | Comblement des cellules mastoídiennes | – | Syndrome alvéolo- interstitiel bilatéral | Sinsusite ; abcés sous-cutané frontal |
Examen direct | F. mycéliens | F. mycéliens | Négatif | F. mycéliens | Négatif |
Culture | Lichtemia | Lichtemia | Lichtemia | Rhizopus arrhizus | Rhizopus arrhizus |
Delai diagnostic (j) | 57 | 15 | 7 | 2 | 7 |
Durée am pho B (j) | 46 | 34 | 21 | 15 | 4 |
EI am pho B | IRA | Hypokaliémie ; IRA | Non | Non | Non |
Chirurgie | Oui | Non | Oui | Non | Non |
Evolution | Séquelles / PFP | Séquelles / PFP | Amélioration locale Décés / EDC- DMV | Décès / SDRA | Décès / hémorragie cérébrale |
F : femme, H : homme ; PFP : paralysie faciale périphérique ; F : filaments ; ampho B : amphotéricine B ; IRA : insuffisance rénale aigue ; SDRA : syndrome de détresse respiratoire Aigu ; EDC-DMV : état de choc – défaillance multiviscérale.
Aspects cliniques
Il s'agit de 4 hommes et une femme, d'age moyen 60 ans (25-77). Trois patients étaient diabétiques type 2, un patient avait une leucemie aigue (LA) en échec thérapeutique avec neutropénie prolongée, et un patient était immunocompétent. Les localisations de la mucormycose étaient rhino-cérébrale, rhino-orbitaire, auriculaire (otite moyenne gauche), pulmonaire et cutanée. La durée moyenne d'evolution des symptômes était de 11 jours (2-30). Les signes cliniques observés étaient la fievre (5 cas), une paralysie faciale périphérique (PFP) et un redeme orbitaire (2 cas chacun), un abcés sous-cutané frontal (Fig. 1) avec confusion mentale, une otalgie avec otorrhée purulente et hypoacousie gauche, une toux productive avec dyspnée, et une fasciite nécrosante de la jambe gauche. Une décompensation cétosique était notée chez les 3 patients diabétiques. Tous les patients avaient reҫu des antibiotiques avant le diagnostic de mucormycose. Le diagnostic de mucormycose etait fait apres 17 jours d'hospitalisation en moyenne (2-57).
Aspects d'imagerie et diagnostic mycologique
La tomodensitometrie (TDM) du massif facial avait montre une pansinusite chez 2 patients, associee a un abces sous-cutane frontal chez un patient. L'imagerie par resonance magnetique (IRM) cerebrale a montre une lesion en hypersignal T2-Flair frontale bilaterale predominant a droite (Fig. 2) chez un patient.
La TDM des rochers avait montre un comblement des cellules mastoi'diennes chez un patient. La TDM thoracique avait montre un infiltrat alveolo-interstitiel bilateral avec condensation alveolaire lobaire inferieure droite (Fig. 3).
L'examen mycologique direct avait montre des filaments myceliens larges non septes a diametre irregulier, evoquant des Mucorales, dans 3 cas. La culture etait positive dans tous les cas. Les Mucorales etaient isoles des prelevements suivants : pus de l'abces frontal sous- cutane obtenu par ponction a l'aiguille, pus d'oreille obtenu par ecouvillonnage sur 5 prelevements differents espaces de plusieurs jours, biopsie sinusienne, biopsie bronchique, et biopsie peroperatoire des parties molles. Il s'agissait de Lichteimia corymbifera (anciennement appelee Absidia corymbifera) dans 3 cas et de Rhizopus arrhizus dans 2 cas.
Traitement – Evolution
Tous les patients etaient traites par Amphotericine B par voie intraveineuse a la dose de 0,7 a
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1
mg/kg/j. Hormis chez un patient qui est decede apres 4 jours d'hospitalisation, la duree moyenne du traitement etait de 32 jours (15-46). Une hypokaliemie a ete notee chez un patient et une insuffisance renale aigue moderee en fin de traitement chez 2 patients. Dans les
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2
cas, le traitement a ete poursuivi avec correction de l'hypokaliemie et hyperhydratation. L'evolution etait marquee par le deces precoce chez 2 patients (hematome cerebral inter- hemispherique complique de coma et de detresse respiratoire dans un cas, et pneumopathie extensive avec detresse respiratoire dans un cas) et la persistance de sequelles chez 2 patients (PFP dans 2 cas et hypoacousie dans 1 cas). Chez le patient ayant une LA traite par amphotericine B et debridement chirurgical, une amelioration de l'etat local a ete obtenu mais le patient est decede un mois apres d'un etat de choc avec defaillance multiviscerale.
Discussion
Dans notre etude, la mucormycose a ete observee le plus souvent chez des patients immunodeprimes (4 cas sur 5) et les localisations les plus frequentes etaient rhino-cerebrale et rhino-orbitaire. Ces donnees sont compatibles avec les donnees de la litterature. En effet, dans plus de 90% des cas, les mucormycoses surviennent chez des patients immunodeprimes, essentiellement diabetiques en decompensation cetosique ou ayant une hemopathie maligne avec neutropenie. Les localisations rhino-orbito-cerebrale, pulmonaire et cutanees sont les plus frequentes [1], [2]. La localisation auriculaire observee chez un de nos patients, immunocompetent, est exceptionnelle [3]. Dans une etude retrospective Tunisienne ayant collige 17 cas de mucormycose entre 1992 et 2007, le diabete et la localisation rhino-orbito- cerebrale ont ete notes chez tous les patients [4].
Dans la mucormycose rhino-sinusienne, la TDM est l'examen de choix pour etudier l'invasion de l'os et des tissus mous, la formation d'abces ou d'hematome, et l'extension vers le systeme
nerveux central. L'IRM est plus sensible que la TDM pour la recherche d'une eventuelle thrombose vasculaire cerebrale. Dans la mucormycose pulmonaire, la radiographie de thorax ou mieux la TDM thoracique montrent typiquement des condensations alveolaires parfois excavees ou des infiltrats nodulaires en verre depoli avec ou sans signe de halo [5]. Ces lesions rhino-cerebrales et pulmonaires caracteristiques ont ete observees chez nos patient.
Les lesions d'imagerie n'etant pas specifiques de mucormycose, un diagnostic mycologique est necessaire. La methode de reference est l'examen direct et la mise en culture du produit pathologique : liquide de ponction (pus, serosites), biopsie tissulaire. Les filaments myceliens des Mucorales sont courts, peu ou pas septes, a paroi epaisse et ramifies souvent a angle droit. L'identification du genre et de l'espece a un interet epidemiologique mais n'est pas necessaire pour le choix du traitement antifongique. Elle repose sur des caracteres culturaux macroscopiques et microscopiques. Ces caracteres sont peu specifiques d'ou le recours recent dans certains laboratoires specialises aux techniques de biologie moleculaire telles que la PCR [6]. Les genres les plus frequemment responsables de mucormycose sont Rhizopus (47%) et Mucor (18%). Lichteimia est responsable de 5% des cas seulement [2]. Dans une etude Tunisienne, Rhizopus etait isole chez 70% des patients [4]. Cependant, Lichteimia a ete isole chez 3 de nos 5 patients. Dans la litterature, ce genre est plus frequemment isole chez les patients de sexe masculin. Il n'y a pas de repartition geographique particuliere [2].
En plus du diagnostic mycologique, l'etude histologique des fragments biopsiques est utile pour le diagnostic de mucormycose et permet de le confirmer en cas de presence de filaments de Mucorales envahissant les tissus et les vaisseaux ou ils sont responsables de thromboses avec infarctus et hemorragies [7].
Dans notre etude, les Mucorales ont ete isoles de pus obtenu par ponction percutanee ou lors de prelevements multiples espaces dans 2 cas, et de fragments biopsiques dans 3 cas. La culture etait positive dans tous les cas. Les 2 genres isoles etaient Rhizopus et Lichteimia. La predominance de ce dernier serait expliquee par la predominance masculine dans notre etude. Le traitement des mucormycoses repose essentiellement sur les antifongiques et le debridement chirurgical. L'equilibration rapide de l'acido-cetose chez les diabetiques, la transfusion de facteurs de croissance hematopoietiques chez les neutropeniques de longue duree et l'oxygenotherapie hyperbare peuvent etre utiles [8]. Le traitement antifongique de reference est l'amphotericine B liposomale a la dose de 5 a 10 mg/kg/j. L'amphotericine B deoxycholate ne devrait plus etre prescrit a cause de sa nephrotoxicite [8]. Parmi les autres antifongiques, le posaconazole ou la caspofungine peuvent etre utilises en association a l'amphotericine B liposomale en cas d'echec therapeutique, ou en substitution en cas d'effets indesirables graves [8]. Le fluconazole, le voriconazole et l'itraconazole n'ont aucune activite sur les Mucorales [9].
Le pronostic des mucormycoses est mauvais avec une mortalite de 17 a 51% [10]. La mortalite est plus elevee en cas de delai diagnostique de plus de 5 jours, et de monocytopenie chez les patients ayant une hemopathie maligne evolutive. Le traitement chirurgical associe aux antifongiques ameliore le pronostic [2], [10]. Le genre ou l'espece de Mucorales incrimine ne semble pas influencer le pronostic [10], [11]. Dans une etude Tunisienne, la mortalite etait de 65% [4].
Dans notre etude, tous les patients etaient traites par amphotericine B deoxycholate car l'amphotericine B liposomale n'est pas disponible dans notre pays, et 2 patients ont eu une excision chirurgicale. Une insuffisance renale moderee est survenue chez 2 patients. Un retard diagnostique > 5 jours a ete note chez 4 patients. Deux patients sont decedes et 2 ont garde des sequelles.
Conclusion
Le diagnostic de mucormycose doit etre evoque chez tout patient diabetique ou neutropenique ayant une atteinte rhino-orbito-cerebrale ou pulmonaire non amelioree par une antibiotherapie appropriee. Les autres localisations sont moins caracteristiques. Le diagnostic, suspecte cliniquement et radiologiquement, est confirme par l'examen mycologique et parfois anatomopathologique de produits pathologiques. Le traitement repose sur l'amphotericine B et la chirurgie. La morbidite et la mortalite sont elevees du fait du caractere invasif de l'infection et surtout du terrain souvent debilite, d'ou la necessite d'une prise en charge precoce et appropriee.
Références
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