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. 2020 Nov 3;192(48):E1700–E1714. [Article in French] doi: 10.1503/cmaj.202353-f

Populations à immuniser en priorité contre la COVID-19 : Orientations préliminaires pour l’établissement de politiques

Shainoor J Ismail 1, Linlu Zhao 1, Matthew C Tunis 1, Shelley L Deeks 1, Caroline Quach 1, pour le Comité consultatif national sur l’immunisation
PMCID: PMC7721402  PMID: 33203650

POINTS CLÉS

  • L’immunisation au moyen d’un vaccin sûr et efficace permettrait d’accélérer le contrôle de la pandémie de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) et de réduire le risque de morbidité, de mortalité et de perturbation sociale qui en résulte.

  • Le Comité canadien national sur l’immunisation (CCNI) a élaboré des recommandations préliminaires pour une attribution efficiente, utile et équitable des vaccins efficaces et sans danger contre le coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2 (SRAS-CoV-2) dans le contexte d’un approvisionnement initial irrégulier en vaccins.

  • Les principales populations à immuniser en priorité incluent celles qui sont à risque de développer une forme grave de la COVID-19 ou d’en mourir; qui sont les plus susceptibles de transmettre la COVID-19 à des personnes fortement à risque de développer une forme grave de la COVID-19 ou d’en mourir, et les travailleurs essentiels au maintien de la réponse à la COVID-19; ceux qui contribuent au maintien des autres services essentiels au fonctionnement de la société; et ceux dont les conditions de vie ou de travail les exposent à un risque élevé d’infection ou chez qui l’infection aurait des conséquences disproportionnées, y compris les communautés autochtones.

  • La hiérarchisation des principales populations sera déterminée lorsqu’on disposera de plus de données au sujet des vaccins anti-SRAS-CoV-2; l’intégration des enjeux d’équité, de faisabilité et d’acceptabilité pour toutes les populations est essentielle pour les prises de décision relatives à un programme d’immunisation contre la COVID-19.

  • La clarté et la transparence des messages sur les vaccins SRAS-CoV-2 et les décisions concernant leur attribution transmis au public et aux professionnels de la santé sont importantes pour susciter et maintenir un climat de confiance et améliorer l’accès aux vaccins.

Le 11 mars 20201, les taux alarmants de propagation du coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2 (SRAS-CoV-2) ont poussé l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à déclarer l’état de pandémie concernant la nouvelle maladie à coronavirus 2019 (COVID-19). La pandémie persiste et est à l’origine d’une morbidité et d’une mortalité importantes, en plus de perturber la vie sociale et économique à l’échelle planétaire. Même si le risque varie d’une communauté à l’autre et au sein même des communautés, le risque pour la population canadienne demeure élevé. On rapportait en effet 191 732 cas confirmés et probables au Canada en date du 15 octobre 20202.

L’objectif de la réponse canadienne à la pandémie est de réduire le nombre de cas graves et de décès tout en atténuant les perturbations sociales qui résultent de la pandémie de COVID-193. Les mesures de prévention et de lutte contre l’infection, comme l’éloignement physique, ont été déterminantes pour ralentir la propagation de la COVID-194.

L’immunisation au moyen d’un vaccin sûr et efficace permettrait de contenir et de contrôler la maladie plus rapidement, en plus de réduire la morbidité et la mortalité, comme ce fut le cas pour d’autres maladies évitables par la vaccination depuis plus de 50 ans5. Les efforts consacrés à la mise au point de vaccins anti-SRAS-CoV-2 à l’échelle mondiale progressent à une vitesse sans précédent6 et le gouvernement du Canada est à revoir la réglementation afin d’assurer à la population canadienne un accès rapide à des vaccins efficaces et sans danger7. On ne s’attend toutefois pas à ce que les premiers stocks de vaccins anti-SRAS-CoV-2 soient suffisants pour répondre à la demande.

Des essais randomisés et contrôlés de phase 3 sur plusieurs vaccins candidats anti-SRAS-CoV-2 inclus dans des accords d’achats préalables conclus avec le gouvernement du Canada recrutent beaucoup de participants (n ≥ 30 000 dans chaque essai) et se penchent principalement sur leur efficacité à prévenir l’infection, les marqueurs biologiques de l’immunité et l’innocuité811.

Il est important de transmettre des messages transparents et clairs sur les vaccins anti-SRAS-CoV-2 et les décisions quant à leur attribution si l’on veut susciter et maintenir la confiance à l’endroit des vaccins. Depuis quelque temps, la population canadienne semble moins disposée à recevoir un vaccin sûr et efficace contre la COVID-191215. L’hésitation face au vaccin — la réticence ou le refus d’être vacciné même si des vaccins sont disponibles — pourrait limiter la réussite du programme d’immunisation contre la COVID-19, et l’OMS a jugé qu’il s’agissait là de l’une des 10 principales menaces à la santé publique en 201916. En général, la recommandation d’un professionnel de la santé est liée à une meilleure acceptabilité des vaccins17 et un facteur notable qui incitera les professionnels de la santé à suggérer un vaccin ou non repose sur sa recommandation par un comité d’experts18.

L’objectif de cette ligne directrice du Comité consultatif national sur l’immunisation (CCNI) est de formuler des recommandations préliminaires pour orienter la planification d’une attribution efficiente, utile et équitable des vaccins anti-SRAS-CoV-2 efficaces et sans danger autorisés au Canada dans le contexte d’un approvisionnement initial irrégulier.

Pour atteindre cet objectif, la ligne directrice identifie les principales populations à immuniser en priorité contre la COVID-19. L’ordre dans lequel les populations clés seront vaccinées sera déterminé lorsqu’on aura plus d’informations sur les vaccins anti-SRAS-CoV-2 tirées des essais cliniques de phase finale. Au moment d’écrire ces lignes, il est trop tôt pour parler du rendement de ces vaccins en termes d’efficacité et de durée de la protection conférée. Ces facteurs seront présentés dans la ligne directrice du CCNI spécifique aux vaccins, qui sera rédigée lorsque leur utilisation sera autorisée au Canada.

Portée

Les recommandations du CCNI au sujet des populations à immuniser en priorité contre la COVID-19 s’appliquent aux programmes d’immunisation publics et non aux individus qui souhaitent se protéger contre la COVID-19 au moyen de vaccins achetés à titre privé. Même si les utilisateurs cibles de ces recommandations sont les décideurs (p. ex., décideurs fédéraux, provinciaux et territoriaux de la planification des programmes de santé publique), les professionnels de la santé et le public sont aussi des utilisateurs de la ligne directrice du CCNI.

Les recommandations spécifiques concernant les vaccins anti-SRAS-CoV-2 pour les populations à immuniser en priorité dépendront de facteurs encore inconnus tels que leur efficacité dans différentes populations, le contexte épidémiologique au moment où ils seront accessibles et les approvisionnements totaux. Lorsque ces informations seront connues, le CCNI formulera d’autres avis basés sur des données probantes pour les options de vaccination contre la COVID-19 afin de guider les programmes publics de vaccination, les individus et les professionnels de la santé qui souhaitent conseiller leurs patients au sujet des options de vaccination anti-SRAS-CoV-2 offertes par les systèmes de santé publics. Le CCNI ne formule aucun conseil sur la création de réserves de vaccins, leur achat ou leur attribution dans les provinces et les territoires.

Recommandations

La figure 1 résume les recommandations préliminaires du CCNI au sujet des populations à immuniser en priorité contre la COVID-19 lors des prises de décision à l’échelle des programmes de santé publique. La ligne directrice intégrale est accessible ici : www.canada.ca/ccni.

Figure 1:

Figure 1:

Sommaire des recommandations préliminaires du Comité consultatif national sur l’immunisation (CCNI) sur les populations à immuniser en priorité contre la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19). Remarque : *L’ordre n’indique pas la priorité. †Selon l’évaluation systématique des enjeux d’éthique, d’équité, de faisabilité et d’acceptabilité à l’aide d’un cadre basé sur des données probantes27.

Recommandations relatives aux populations à immuniser en priorité

Étant donné qu’il sera probablement difficile au début d’avoir des quantités suffisantes pour vacciner l’ensemble des populations à risque, le CCNI recommande que les principales populations chez lesquelles les vaccins sont jugés efficaces et sans danger d’après les données accessibles au moment de leur mise à disposition, soient prioritaires pour l’immunisation contre la COVID-19. Ces groupes ne sont pas mutuellement exclusifs et peuvent se chevaucher. Il n’est pas possible d’établir une approche séquentielle tant qu’on ne connaît pas les caractéristiques des vaccins, les résultats des essais cliniques et le nombre de doses disponibles (recommandation consensuelle).

Les populations à immuniser en priorité contre la COVID-19 incluent les personnes qui sont à haut risque de développer une forme grave de la COVID-19 ou d’en mourir; les personnes les plus susceptibles de transmettre la COVID-19 à des personnes fortement à risque de développer une forme grave de la COVID-19 ou d’en mourir et les travailleurs essentiels au maintien de la réponse à la COVID-19; les personnes indispensables au maintien d’autres services essentiels pour le fonctionnement de la société; et celles dont les conditions de vie ou de travail les exposent à un risque élevé d’infection dans des environnements où l’infection pourrait avoir des conséquences disproportionnées, y compris dans les communautés autochtones (recommandation consensuelle).

La hiérarchisation des principales populations et l’établissement de sous-priorités au sein de ces populations s’appuient et continueront de s’appuyer sur une analyse risques/avantages au niveau de la population, prenant en considération le risque d’exposition, le risque de transmission à d’autres personnes, le risque de forme grave de la maladie ou de décès, ainsi que l’innocuité et l’efficacité du ou des vaccins dans les principales populations; les caractéristiques des vaccins et les résultats des essais cliniques; le stock de vaccins; les conditions épidémiologiques de COVID-19 lorsque les vaccins seront disponibles (recommandation consensuelle).

Le tableau 1 résume les données probantes sur les facteurs de risque biologiques et sociaux de développer une forme grave de la COVID-19, et le tableau 2 résume les données probantes et la justification des recommandations relatives aux populations à immuniser en priorité contre la COVID-19.

Tableau 1:

Revue rapide des facteurs de risque importants (++) ou très importants (+++) des cas de forme grave de la COVID-19, et degré de confiance à l’endroit de ces associations*

Facteur de risque Paramètres d’intérêt Ampleur du risque (confiance en l’association§)
Âge
 > 80 ans c. ≤ 45 ans Hospitalisation +++ (faible)
Décès +++ (faible)
 > 70 ans c. ≤ 45 ans Hospitalisation +++ (modérée)
Décès +++ (modérée)
 > 60 ans c. ≤ 45 ans Hospitalisation ++/+++ (modérée/faible)
Décès ++/+++ (modérée/faible)
 50–64 ans c. ≤ 45 ans Hospitalisation ++ (modérée)
Décès ++ (modérée)
 45–54 ans c. ≤ 45 ans Hospitalisation ++ (modérée)
Décès ++ (faible)
Maladies préexistantes
 Obésité (IMC ≥ 40) Hospitalisation ++ (faible)
 Insuffisance cardiaque Hospitalisation ++ (faible)
 Diabète Hospitalisation ++ (faible)
 Maladie hépatique Décès ++ (faible)
 Insuffisance rénale chronique Hospitalisation ++ (faible)
 Maladie d’Alzheimer ou démence Hospitalisation ++ (faible)
Sexe
 Sexe, hommes (c. femmes) Hospitalisation ++ (modérée)
Race ou origine ethnique
 Noire c. blanche non hispanique Hospitalisation ++ (faible)
 Asiatique (bangladaise) c. blanche britannique Décès ++ (faible)
Lieu de résidence
 Sans-abri c. ayant un toit Hospitalisation ++ (faible)
Situation socioéconomique
 Revenu ≤ 25e percentile c. > 50e ou 75e percentile Hospitalisation ++ (faible)

Remarque : CCNI = Comité consultatif national sur l’immunisation, COVID-19 = maladie à coronavirus 2019, IMC = indice de masse corporelle.

*

Ce tableau résume les résultats d’une revue rapide des facteurs de risque d’issue négative dans les pays membres de l’OCDE, réalisée par l’Alberta Research Centre for Health Evidence19. En tout, 34 études publiées ont été incluses dans cette revue. L’extrapolation au Canada des conclusions d’autres pays doit se faire avec prudence étant donné que les groupes à haut risque pourraient différer selon les populations. En outre, en raison des différences de méthodologie, la liste des facteurs de risque importants identifiés dans cette revue rapide pourrait différer selon les sources. Des synthèses à jour des données probantes permettront d’éclairer les futures décisions du CCNI.

L’ordre de ces facteurs de risque se fonde sur l’évaluation des données probantes et n’indique pas un ordre de priorité.

Les associations sont dites importantes (++; rapport de cotes ou risque relatif ≥ 2,00), ou très importantes (+++; rapport de cotes ou risque relatif ≥ 5,00).

§

Une évaluation formelle de la qualité ou de la fiabilité des données probantes n’a pas été effectuée, mais l’évaluation de la qualité ou de la fiabilité des données probantes repose sur l’approche GRADE (Grading of Recommendations, Assessment, Development and Evaluations) (www.gradeworkinggroup.org/). La confiance à l’égard de l’étroitesse des associations a été déterminée en tenant compte principalement des limites des études (risque de biais), de la concordance des résultats entre les études et de leur précision (tailles des échantillons). Un niveau de confiance faible indique qu’il pourrait y avoir une association, et un niveau de confiance modéré signifie que les données probantes pointent vers une association probable.

Tableau 2:

Sommaire des données probantes à l’appui des recommandations relatives aux populations à immuniser en priorité contre la COVID-19

Recommandations relatives aux populations à immuniser en priorité contre la COVID19* Sommaire des meilleures données probantes disponibles et justification de la recommandation consensuelle
Personnes fortement à risque de développer une forme grave de la COVID-19 ou d’en mourir:
  • Âge avancé

  • Aux prises avec d’autres problèmes de santé à risque (à définir à mesure que les données probantes évolueront)

  • Il existe des associations indépendantes, étroites ou importantes, entre les cas de forme grave de la COVID-19, l’âge avancé et la présence de certains problèmes de santé à haut risque19. Il existe une certitude modérée quant à une association très étroite ou très importante des hospitalisations et des décès, particulièrement chez les plus de 70 ans (c. âge ≤ 45 ans) et une faible certitude quant à une association étroite ou importante des hospitalisations ou des décès avec certains problèmes de santé à haut risque (tableau 1)19. Les études tenant compte de l’âge sur un continuum ou par petits paliers ont toutes observé que le risque d’hospitalisation et de décès était proportionnel à l’âge (p. ex., environ 2 %–6 % et 5 %–10 % d’augmentation relative du risque par année, respectivement)19.

  • Les données épidémiologiques canadiennes actuelles ont montré que l’hospitalisation, l’admission dans une unité de soins intensifs (USI) et le taux de mortalité due à la COVID-19 augmentent avec l’âge, et que les personnes souffrant de certains problèmes de santé sous-jacents sont plus à risque à l’égard d’une forme grave de COVID-1920.

  • Les groupes d’experts et les défenseurs des patients et des communautés21, de même que le public canadien13, classent au premier rang une stratégie d’immunisation visant à protéger les plus vulnérables contre une forme grave de la COVID-19 ou d’un décès en découlant dans le contexte d’un approvisionnement limité en vaccins.

  • La plupart des Canadiens et Canadiennes ont classé les personnes souffrant de problèmes de santé préexistants (57 %) et les personnes âgées (53 %) parmi les groupes prioritaires pour la vaccination anti-SRAS-CoV-2 si les approvisionnements sont limités12. Sur une liste de groupes spécifiques prioritaires en vue du vaccin, 19 % et 12 % respectivement ont classé parmi les groupes prioritaires13 ceux qui souffrent de problèmes de santé à haut risque et les adultes âgés.

  • La population canadienne âgée est nettement plus disposée que les jeunes du pays à recevoir un vaccin anti-SRAS-CoV-2 efficace recommandé12,13,15 et ceux qui ont 35 ans et plus et qui souffrent d’« une forme grave de maladie chronique » sont relativement plus disposés à obtenir un vaccin anti-SRAS-CoV-2 efficace recommandé12,13.

Personnes les plus susceptibles de transmettre la COVID-19 aux personnes risquant fortement de développer une forme grave de la maladie ou d’en mourir et travailleurs essentiels au maintien de la réponse à la COVID-19
  • Professionnels de la santé, préposés aux soins personnels et soignants des établissements de soins de longue durée ou d’autres établissements collectifs de soins aux personnes âgées

  • Autres travailleurs essentiels à la gestion de la réponse à la COVID-19 ou fournissant des soins de première ligne aux patients atteints de COVID-19

  • Membres du même foyer que les personnes risquant fortement de développer une forme grave de la COVID-19 ou d’en mourir

  • Au Canada, les établissements de soins de longue durée ont été nombreux à connaître des éclosions associées à un nombre élevé de décès20.

  • La vaccination du personnel soignant, des préposés personnels aux soins et autres travailleurs offrant des soins en première ligne les protège directement contre l’infection à SRAS-CoV-2 et pourrait indirectement protéger leurs patients et la capacité des systèmes de santé.

  • Même si les travailleurs de la santé en première ligne et autres qui maintiennent la capacité des systèmes de santé (p. ex., premiers répondants) sont plus exposés au SRAS-CoV-2, plus à risque de le transmettre à des individus à haut risque, ils pourraient avoir un meilleur accès à l’équipement de protection individuelle, une meilleure formation quant à son utilisation et un meilleur accès aux mesures de prévention et de réponse à l’infection, de sorte que leur risque d’exposition pourrait être substantiellement moindre que celui d’autres groupes. La protection contre l’infection au SRAS-CoV-2 a été démontrée chez des travailleurs de la santé avec l’utilisation de l’EPI22,23.

  • L’immunisation des travailleurs de la santé et autres cosoignants réduit le fardeau disproportionné chez ceux qui prennent des risques additionnels afin de protéger le public.

  • L’absentéisme pour cause de maladie ou de risque perçu de maladie causée par la COVID-19 chez les travailleurs de la santé et autres intervenants essentiels à la réponse à la COVID-19 (p. ex., gestion des éclosions, analyses de laboratoire, vaccination) peut compromettre la capacité des systèmes de soins de santé et la gestion de la réponse à la COVID-19.

  • Les groupes d’experts et les défenseurs des patients et des communautés21, de même que le public canadien13, placent au second rang des priorités une stratégie d’immunisation visant à protéger la capacité des systèmes de santé et au troisième rang, une stratégie d’immunisation visant à réduire le risque de transmission de la COVID-19 dans le contexte d’un approvisionnement limité en vaccins.

  • 22 % des Canadiens et Canadiennes considèrent que les « travailleurs de la santé » sont une population prioritaire pour la vaccination en cas de pénurie des vaccins contre le SRAS-CoV-212. Parmi une liste de groupes spécifiques à vacciner en priorité, les « travailleurs de la santé » se sont le plus souvent classés au premier rang par la plupart des répondants canadiens (40 %)13.

  • L’immunisation de celles et ceux qui peuvent transmettre le SRAS-CoV-2 à des personnes à risque de développer une forme grave de la COVID-19 ou d’en mourir pourrait indirectement protéger les personnes à risque (si le vaccin est efficace à freiner la transmission), ce qui pourrait se révéler particulièrement important si les caractéristiques des vaccins ne sont pas favorables aux populations à haut risque.

Personnes indispensables au maintien des autres services essentiels au fonctionnement de la société (à définir, établir la priorité et orienter par des discussions fédérales, provinciales et territoriales)
  • Certaines personnes pour qui le télétravail est exclu pourraient être plus exposées au SRAS-CoV-2.

  • Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, les services déclarés essentiels varient d’une région à l’autre au Canada. On dispose d’orientations sur les services et rôles essentiels durant la pandémie de COVID-19, notamment des listes publiées par les provinces et territoires24.

  • Les provinces et territoires se sont exprimés en faveur d’une approche harmonisée à l’établissement des priorités d’immunisation pour les services essentiels. Les organismes de santé fédéraux, provinciaux et territoriaux appropriés participeront aux discussions sur l’établissement des priorités de la vaccination.

  • L’immunisation de cette population réduit le fardeau disproportionné chez les personnes qui prennent des risques additionnels pour maintenir les services essentiels au fonctionnement de la société.

  • L’absentéisme pour cause de maladie ou de risque perçu de maladie causée par la COVID-19 chez certains travailleurs qui ne peuvent pas faire de télétravail pourrait compromettre les services essentiels.

  • Des groupes d’experts et des défenseurs des patients et des communautés21, de même que le public canadien13, classent au quatrième rang des priorités une stratégie d’immunisation visant à protéger les infrastructures essentielles dans le contexte d’un approvisionnement limité en vaccins.

  • 18 % des Canadiens et Canadiennes considèrent que « les travailleurs de première ligne ou essentiels » forment une population clé à immuniser en priorité en cas de pénurie de vaccins anti-SRAS-CoV-212.

Personnes à risque élevé d’infection en raison de leurs conditions de vie ou de travail et dans des environnements où l’infection pourrait avoir des conséquences disproportionnées, y compris les communautés autochtones (à définir selon l’épidémiologie de la COVID-19 et les données probantes provenant de pandémies précédentes)
  • Au Canada, un nombre plus élevé d’éclosions ou de concentrations de cas de COVID-19 a été enregistré dans certains établissements (p. ex., établissements correctionnels), milieux de travail (p. ex., installations agricoles ou de production abattoirs et découpe de viande) et milieux de vie collectifs (p. ex., refuges, hébergement pour travailleurs migrants)20.

  • Le risque de transmission est élevé dans ces milieux où l’éloignement physique et autres mesures de prévention et de contrôle des infections sont difficiles à appliquer, et où les individus pourraient être incapables de se protéger eux-mêmes adéquatement contre l’infection. Ce risque accru pourrait s’étendre à d’autres milieux lors d’un déconfinement.

  • Les populations éloignées ou isolées ou les milieux de vie collectifs pourraient ne pas avoir facilement accès à une infrastructure suffisante en matière de soins de santé. Par conséquent, le risque de décès et de perturbation sociale est proportionnellement plus élevé, car la réponse à la maladie dans la communauté pourrait être sous-optimale.

  • Les communautés autochtones ont déjà été affectées de manière disproportionnée lors des pandémies antérieures (p. ex., grippe H1N1 en 2009) et requièrent que l’on porte une attention spéciale aux enjeux d’équité, de faisabilité et d’acceptabilité.

Remarque : COVID-19 = maladie à coronavirus 2019, EPI = équipement de protection individuelle, SRAS-CoV-2 = coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2.

*

L’ordre n’indique pas la priorité.

Les décisions quant à la hiérarchisation des principales populations et des sous-priorités à l’intérieur des populations clés seront prises après un examen rigoureux des meilleures données probantes disponibles, en tenant compte des connaissances à parfaire. Les recommandations seront mises à jour au besoin, au fur et à mesure de l’évolution des données probantes.

Recommandations relatives aux principes directeurs guidant les prises de décision

Des efforts sont à faire pour améliorer l’accès aux services de vaccination afin de réduire les iniquités en matière de santé, sans aggraver la stigmatisation ou la discrimination, et pour faire participer les populations systématiquement marginalisées et racialisées à la planification des programmes d’immunisation (recommandation consensuelle).

Les autorités fédérales, provinciales et territoriales devraient commencer à planifier la mise en œuvre d’un programme d’immunisation contre la COVID-19, notamment la surveillance rapide de l’innocuité et de l’efficacité des vaccins et de la couverture vaccinale dans les principales populations, ainsi que l’immunisation efficiente et efficace des populations dans les communautés éloignées et isolées (recommandation consensuelle).

Des efforts sont à faire pour sensibiliser davantage le grand public sur les bienfaits des vaccins en général, ainsi que sur les vaccins contre la COVID-19 en particulier une fois ces derniers disponibles; pour lutter contre la désinformation concernant l’immunisation et pour communiquer de manière transparente les décisions d’attribution des vaccins contre la COVID-19 (recommandation consensuelle).

Les décisions concernant un programme de vaccination contre la COVID-19 devraient tenir compte à la fois d’enjeux d’équité, de faisabilité et d’acceptabilité pour toutes les populations clés. Le tableau 3 résume les données probantes et la justification des recommandations relatives aux principes directeurs guidant la prise de décision pour un programme de vaccination contre la COVID-19.

Tableau 3:

Sommaire des données probantes à l’appui des recommandations relatives aux principes directeurs applicables à la prise de décision à l’échelle des programmes de santé publique pour un programme d’immunisation contre la COVID-19

Principes directeurs recommandés pour les prises de décision* Sommaire des meilleures données probantes disponibles et justification de la recommandation consensuelle
Des efforts sont à faire pour améliorer l’accès aux services de vaccination afin de réduire les iniquités en matière de santé sans aggraver la stigmatisation ou la discrimination, et pour faire participer les populations systématiquement marginalisées et racialisées à la planification des programmes d’immunisation (voir la Matrice d’équité du CCNI, annexe D de la ligne directrice intégrale).
  • Les iniquités en matière de santé sont en partie causées par des différences d’accessibilité aux soins de santé, et d’exposition, de sensibilité aux maladies infectieuses ou de gravité de ces dernières (voir Matrice d’équité, annexe D de la ligne directrice intégrale). Des interventions visant à réduire ces iniquités plutôt qu’à les potentialiser par une stigmatisation ou une discrimination accrues devraient être mises en place dans le cadre de tout programme d’immunisation.

  • Comme dans tout autre programme d’immunisation, des efforts sont à faire pour s’assurer de tenir compte des besoins des différents groupes en fonction de leur état de santé, de leur origine ethnique ou de leur culture, de leur capacité et autres facteurs socioéconomiques et démographiques susceptibles de fragiliser les individus (p. ex., fragilité aux plans professionnel, social, économique ou biologique). Ces efforts devraient inclure l’intégration des valeurs et préférences de ces populations dans la planification des programmes de vaccination et le développement des capacités pour assurer un accès pratique aux services de vaccination.

  • On dispose de données probantes sur des associations indépendantes étroites ou importantes de la COVID-19 avec la race ou l’origine ethnique (faible certitude des données probantes pour les hospitalisations ou les décès), un statut socioéconomique précaire (faible certitude des données probantes pour les hospitalisations), l’itinérance (faible certitude de données probantes pour les hospitalisations), et le fait d’être de sexe masculin (certitude modérée des données probantes pour les hospitalisations)19.

  • De nombreuses éclosions ont été rapportées dans les communautés rurales et éloignées au Canada20.

  • De nombreuses éclosions ont été rapportées dans les milieux agricoles, y compris ceux qui offrent l’hébergement aux travailleurs migrants20.

  • Les Canadiens et Canadiennes des minorités visibles et autochtones semblent moins disposés que les minorités non visibles à recevoir un vaccin anti-SRAS-CoV-2 efficace qui serait recommandé12. Les raisons de leur hésitation à se faire vacciner sont multifactorielles.

  • Même si on n’a pas observé de différences significatives dans la volonté de se faire vacciner contre le SRAS-CoV-2 selon le sexe ou le statut socioéconomique, la couverture vaccinale12,13 a eu tendance à être moindre chez les hommes et dans les groupes socioéconomiques inférieurs pour les maladies évitables par la vaccination au sujet desquelles il existe des données nationales25.

  • Des exemples d’interventions visant à faire participer les communautés et à aplanir les obstacles à l’accès au vaccin, résumés dans la Matrice d’équité (annexe D de la ligne directrice intégrale), permettraient de réduire les iniquités.

  • Le principe d’équité incite à prendre en compte les disparités sanitaires et économiques et à assurer une juste attribution des ressources.

Les autorités devraient commencer à planifier la mise en œuvre d’un programme d’immunisation contre la COVID-19 incluant la surveillance rapide de l’innocuité, de l’efficacité des vaccins et de la protection conférée dans les principales populations, ainsi que l’immunisation efficiente et efficace des populations dans les communautés éloignées et isolées (voir Matrice de faisabilité, annexe E de la ligne directrice intégrale).
  • Les analyses de faisabilité effectuées par les parties intéressées ont permis de repérer plusieurs difficultés nécessitant une planification avancée et des combinaisons complexes de modèles d’administration des programmes et de déploiement des vaccins au Canada.

  • La planification est nécessaire pour résoudre les problèmes propres à un éventuel programme d’immunisation contre la COVID-19 (p. ex., stockage et diffusion de nouvelles technologies de vaccination dans différents sites d’administration des vaccins, ressources humaines pour l’administration des vaccins, communication, formation, saisie des données, dépistage de la COVID-19, gestion des fournitures, planification opérationnelle, etc.), ainsi que pour l’intégration ou l’amélioration des programmes existants (p. ex., registres, surveillance, déclaration des effets indésirables).

  • Il sera essentiel de surveiller rapidement l’innocuité et l’efficacité des vaccins et la protection conférée dans des populations clés potentiellement différentes.

  • Il ne sera pas facile de réaliser la faisabilité d’une immunisation séquentielle pour une diversité de populations clés dans les communautés éloignées et isolées. Le déploiement du vaccin dans des communautés entières pourrait être plus efficient et efficace.

Des efforts sont à faire pour sensibiliser davantage le grand public sur les bienfaits des vaccins en général, ainsi que sur les vaccins contre la COVID-19 en particulier une fois ces derniers disponibles; pour lutter contre la désinformation concernant l’immunisation et pour communiquer de manière transparente sur les décisions d’attribution des vaccins contre la COVID-19 (voir Matrice d’acceptabilité, annexe F de la ligne directrice intégrale).
  • La volonté de recevoir un vaccin anti-SRAS-CoV-2 sans danger et efficace a diminué au Canada (de 71 % en avril à 61 % en août 2020)9. Les raisons les plus fréquemment invoquées pour s’opposer à la vaccination anti-SRAS-CoV-2 selon différentes enquêtes canadiennes sont les inquiétudes concernant l’innocuité et la méfiance à l’endroit des nouveaux vaccins contre la COVID-191215.

  • Considérée par l’OMS comme l’un des 10 principales menaces pour la santé à l’échelle mondiale en 2019, l’hésitation à l’égard des vaccins pourrait limiter le succès d’un programme d’immunisation contre la COVID-19. Les principales raisons de la réticence à l’égard de la vaccination sont la complaisance, l’accès peu pratique aux vaccins et la méfiance16.

  • Des efforts sont à faire pour réduire la complaisance, rendre l’accès aux vaccins plus pratique et renforcer la confiance et la sensibilisation à l’égard de la vaccination dans le grand public, dans les principales populations à immuniser en priorité contre la COVID-19 et parmi les professionnels de la santé. Une communication transparente et claire sur les essais vaccinaux, la pharmacovigilance26 et les décisions entourant l’attribution des vaccins est importante afin de maintenir la confiance et améliorer l’accès aux vaccins pour les principales populations.

  • En général, le fait de recevoir une recommandation d’un professionnel de la santé ou d’être en contact avec lui est lié à une meilleure acceptabilité du vaccin17 et une recommandation d’un comité d’experts constitue un facteur important pour inciter ces derniers à recommander un vaccin18.

Remarque : CCNI = Comité consultatif national sur l’immunisation, COVID-19 = maladie à coronavirus 2019, OMS = Organisation mondiale de la santé, SRAS-CoV-2 = coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2.

*

L’ordre n’indique pas la priorité.

Enjeux clés

Pour rédiger des recommandations complètes et appropriées sur les programmes de vaccination, le CCNI tient compte de plusieurs facteurs. En plus d’analyser de manière critique les données probantes sur le fardeau de la maladie et les caractéristiques des vaccins, comme l’innocuité, l’efficacité, l’immunogénicité et l’efficience, le CCNI utilise un cadre révisé par des pairs et publié ainsi que des outils fondés sur des données probantes pour s’assurer que les enjeux d’éthique, d’équité, de faisabilité et d’acceptabilité soient systématiquement évalués et intégrés dans son énoncé27. Les définitions adoptées par le CCNI pour le présent cadre sont résumées au tableau 4. Le secrétariat du CCNI a appliqué des outils fondés sur des données probantes (filtres d’éthique intégrés, Matrice d’équité, Matrice de faisabilité, Matrice d’acceptabilité) à cette ligne directrice; on peut y accéder en consultant le document intégral (www.canada.ca/ccni).

Tableau 4:

Définitions adoptées pour l’application du cadre d’éthique, d’équité, de faisabilité et d’acceptabilité27

Facteur Définition
Éthique Processus systématique permettant de clarifier, d’établir les priorités et de justifier les possibles conduites à tenir en fonction de principes éthiques; repose sur l’application des principes et des valeurs concernant les prises de décision en matière de santé publique.
Équité Absence de différences évitables, injustes ou corrigibles entre des groupes de gens, que ces groupes soient définis d’après des critères de stratification sociale, économique, démographique, géographique ou autre. « L’équité en matière de santé » suppose idéalement que toutes et tous aient la même capacité de réaliser tout leur potentiel au chapitre de la santé et que personne ne soit privé de ce potentiel28.
Faisabilité Potentiel de déploiement réussi d’un programme dans un environnement local, avec les ressources disponibles.
Acceptabilité Marqueur d’intérêt ou demande d’un produit ou programme donné, y compris intention et comportement vis-à-vis de la vaccination.

Le CCNI a tenu des délibérations sur les données probantes disponibles concernant l’éventail des enjeux et a résumé la justification de chaque recommandation de manière transparente (tableaux 2 et 3). Ces enjeux, y compris l’évolution des données probantes sur l’épidémiologie de la COVID-19 et des vaccins, éclaireront les décisions futures concernant l’établissement des priorités et le programme de vaccination contre la COVID-19. En l’absence de données tirées d’essais cliniques de phase finale sur les caractéristiques des vaccins anti-SRAS-CoV-2, comme l’innocuité et l’efficacité, les considérations d’enjeux d’éthique, d’équité, de faisabilité et d’acceptabilité prises en compte par le CCNI sont résumées ci-dessous.

Éthique

Pour appuyer ses délibérations sur l’éthique et le processus décisionnel, le CCNI a appliqué ses filtres d’éthique intégrés (annexes B et C de la ligne directrice intégrale), de même que le cadre d’éthique en santé publique conçu pour guider la réponse canadienne à la pandémie de COVID-1929. De concert avec le Groupe consultatif en matière d’éthique en santé publique de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), le CCNI a procédé à une analyse éthique en profondeur pour comprendre les enjeux éthiques et évaluer les options d’établissement des priorités en vue de la vaccination contre la COVID-19 face à un approvisionnement incertain en vaccins en cours de pandémie. Des exemples d’intégration des dimensions éthiques fondamentales du CCNI pour la santé publique sont résumés ci-dessous.

Respect des personnes et des communautés

Pour respecter le droit à l’exercice d’un choix éclairé, dans sa ligne directrice intégrale, le CCNI a passé en revue et résumé les données probantes à ce jour à l’intention des parties intéressées et recommande de diffuser de manière transparente les données sur les vaccins anti-SRAS-CoV-2 et les décisions quant à l’attribution des vaccins comme principe pour orienter les prises de décision sur un programme de vaccination contre la COVID-19. Le CCNI a pris en compte les valeurs et les préférences des individus et des communautés à la suite d’un sondage auprès d’experts, d’une recherche sur l’opinion publique et de consultations élargies1215,21.

Bienfaisance et non-malfaisance

Lors de ses délibérations, le CCNI a tenu compte des données probantes afin de réduire le risque de préjudices et de maximiser les bienfaits pour toutes les populations à immuniser en priorité. À mesure que des renseignements sur les caractéristiques des vaccins deviendront disponibles (y compris sur l’innocuité et l’efficacité dans les différentes populations), les principes de proportionnalité (les mesures doivent être proportionnelles au niveau de risque et aux avantages escomptés), d’efficacité (probabilité raisonnable que l’action concorde avec les objectifs et soit faisable) et précaution (action prudente en tenant compte de l’incertitude scientifique) seront appliqués. En l’absence de données directes dans les populations à haut risque de développer une forme grave de la COVID-19 ou d’en mourir (par exemple, âge avancé ou problèmes de santé sous-jacents), le CCNI évaluera ces principes dans le cadre d’une analyse éthique en profondeur, avec d’autres enjeux, avant de formuler des recommandations spécifiques. Les stratégies vaccinales visant à protéger la capacité des systèmes de santé et autres services essentiels au fonctionnement de la société obéissent au principe de réciprocité, puisqu’elles visent à minimiser le fardeau disproportionné auquel font face les personnes qui prennent des risques additionnels pour protéger le public. Ce dernier bénéficie aussi du travail continu des personnes qui offrent ces services et pourrait bénéficier potentiellement d’une transmission moindre par les travailleurs de première ligne.

Justice

Traiter également et respectueusement les gens et les groupes suppose d’établir et d’appliquer des critères d’établissement des priorités justes, tenant compte des besoins des personnes les plus à risque d’être exposées ou de développer une forme grave de la maladie et de mesurer les risques d’aggraver les iniquités, la stigmatisation et la discrimination. Le CCNI a passé en revue plusieurs enjeux concernant les personnes les plus à risque, et d’autres facteurs tels que la marginalisation systémique de groupes pour qui la gravité de la maladie pourrait être différente et qui n’ont pas tous le même accès aux soins de santé (voir Matrice d’équité, annexe D dans la ligne directrice intégrale). En plus d’avoir examiné les enjeux d’équité, le CCNI a tenu compte de la justice distributive (déploiement égalitaire des ressources) en appliquant la Matrice de faisabilité (annexe E de la ligne directrice intégrale). Le CCNI a donc recommandé d’intégrer l’équité et la faisabilité comme principes directeurs pour les prises de décision relatives à un programme de vaccination contre la COVID-19.

Confiance

Il faut assurer la fiabilité et l’intégrité des orientations pour maintenir la confiance à l’endroit de ce programme d’immunisation et d’autres programmes éventuels. L’examen accéléré des vaccins anti-SRAS-CoV-2 par les instances de réglementation et l’évolution des données probantes sur la maladie pourraient avoir un effet sur la confiance du public à l’endroit de ce programme de vaccination et sur la perception des risques associés aux vaccins anti-SRAS-CoV-2. Le CCNI a suivi sa méthodologie établie, ses procédures d’opération normalisées et ses règles internes en matière de conflits d’intérêts30 pour cette revue urgente afin de s’assurer de procéder à une analyse solide des données probantes et maintenir la confiance des parties intéressées. Cette ligne directrice se fonde sur les meilleures données probantes actuelles disponibles pour tous les groupes à risque de développer la COVID-19, dans un souci de transparence quant aux enjeux connus et inconnus et quant à la fiabilité des données probantes. Le CCNI surveillera les données et révisera ces orientations si nécessaire.

Équité

Une attribution inéquitable de ressources restreintes pourrait exacerber les iniquités existantes, qui ont déjà été amplifiées par la pandémie de COVID-19 et qui en ralentissent la résolution31. Les iniquités en matière de santé sont dues en partie aux différences d’accès aux soins de santé, de même qu’à des différences d’exposition et de vulnérabilité aux maladies infectieuses et aux différences de gravité de ces dernières (tableau 1). Des interventions devraient être appliquées dans le cadre de tout programme d’immunisation, afin de réduire ces iniquités plutôt que de les perpétuer, avec la stigmatisation ou la discrimination accrues qui s’ensuivent.

Le CCNI a passé en revue l’épidémiologie de la COVID-19 au Canada20 et analysé rapidement les facteurs de risque de développer une forme grave de la COVID-19 afin d’identifier les iniquités associées à la COVID-19, leurs raisons potentielles et leur articulation avec l’éventail complet des iniquités, que l’on dispose ou non de données probantes, et il a suggéré des interventions pour réduire ces iniquités et améliorer l’accès aux vaccins lorsqu’ils seront disponibles. Il faut appliquer des interventions diversifiées, qui soient inclusives et respectueuses de la pluralité sociale, y compris des populations racialisées et systémiquement marginalisées. Les résultats de l’analyse du CCNI sont résumés dans la Matrice d’équité (annexe D de la ligne directrice intégrale) et font l’objet d’un commentaire élaboré distinct31.

L’équité est un principe directeur de cette ligne directrice concernant ce programme de vaccination contre la COVID-19 et d’autres programmes éventuels; ce principe a été intégré aux avis précédents du CCNI sur les priorités de recherche pour des vaccins anti-SRAS-CoV-232. Selon le CCNI, les personnes potentiellement vulnérables à la maladie en raison de facteurs biologiques, sociaux ou professionnels doivent être inscrites le plus rapidement possible aux essais cliniques, et l’effet des vaccins doit être ventilé en fonction des facteurs pouvant contribuer aux iniquités, tels que sexe, âge, race ou origine ethnique et état de santé. Les essais devraient être dotés d’une puissance statistique suffisante pour permettre des analyses en fonction de diverses variables sociodémographiques.

Faisabilité

Le CCNI reconnaît qu’il y a des défis à relever pour appliquer un programme de vaccination contre la COVID-19, sur le plan des ressources (p. ex., stockage des vaccins et fournitures nécessaires à leur administration) et l’intégrer aux programmes existants (p. ex., registres de vaccination, surveillance) dans la perspective où plus d’un vaccin pourrait être offert. Pour aider les autorités à planifier un programme de vaccination contre la COVID-19, ces enjeux sont résumés à l’annexe E de la ligne directrice intégrale. Il sera essentiel de formuler des recommandations claires selon les différents groupes ciblés et d’assurer une surveillance rapide de l’innocuité, de l’efficacité et de la protection conférée par les vaccins dans les populations à immuniser en priorité.

La faisabilité de la vaccination de populations différentes variera selon leur taille, les caractéristiques des vaccins dans ces populations et l’accès aux services de vaccination, etc. Dans certaines communautés autochtones, où plusieurs générations cohabitent dans des logements surpeuplés, il est difficile de séparer les groupes à risque, et la précarité de la chaîne d’approvisionnement, des infrastructures et des systèmes de santé les rendent vulnérables à de graves perturbations. Dans ces cas, il pourra être utile de mettre en œuvre plusieurs stratégies simultanément et d’immuniser des communautés entières plutôt que d’immuniser séquentiellement différents sous-groupes.

Acceptabilité

Le CCNI a tenu compte des valeurs et des préférences des différentes parties intéressées, y compris des experts, du public et des défenseurs des patients et des communautés.

Un sondage mené auprès de 156 experts au sujet de l’importance relative des stratégies de vaccination contre la COVID-1921 a montré qu’ils classaient généralement les stratégies suivantes par ordre décroissant d’importance : protéger les personnes les plus à risque de développer une forme grave de la COVID-19 ou d’en mourir, protéger la capacité des systèmes de santé, réduire le risque de transmission de la COVID-19 et protéger les infrastructures indispensables.

Le CCNI a aussi passé en revue les résultats d’un sondage longitudinal mené en ligne auprès d’un échantillon représentatif d’environ 2000 Canadiens et Canadiennes, au moyen d’un outil conçu par l’OMS pour mesurer les connaissances, les perceptions des risques et les comportements liés à la COVID-191213. Le CCNI a pris connaissance d’un sondage de l’opinion publique afin de comprendre quelles stratégies de vaccination et à quelles populations les Canadiens et Canadiennes donneraient la priorité si l’approvisionnement en vaccins anti-SRAS-CoV-2 était restreint, en quoi l’acceptabilité d’un vaccin anti-SRAS-CoV-2 varie selon des facteurs sociodémographiques et quels facteurs affectent l’acceptabilité d’un vaccin anti-SRAS-CoV-21215. Ces observations sont résumées dans la Matrice d’acceptabilité (annexe F de la ligne directrice intégrale). Les recherches antérieures visant à valider la Matrice d’acceptabilité du CCNI avant la pandémie de COVID-19 se sont révélées en accord avec les résultats de sondages récents sur les vaccins anti-SRAS-CoV-2 selon lesquels la population canadienne qui est peu disposée à se faire vacciner s’inquiètent principalement de l’innocuité des vaccins17,27.

Le CCNI reconnaît que les données du sondage sur l’intention de se faire vacciner peuvent fluctuer, surtout dans le contexte de l’incertitude quant aux éventuels vaccins anti-SRAS-CoV-2. En outre, les sondages en ligne pourraient ne pas refléter les valeurs et les préférences de toutes les populations. Le CCNI continuera de suivre les études qui évaluent l’acceptabilité des vaccins anti-SRAS-CoV-2 et autres chez la population canadienne et encourage l’utilisation d’autres méthodes de recherche pour comprendre les valeurs et les préférences des populations marginalisées.

Méthodes

Composition du comité de rédaction des lignes directrices

Le CCNI est un organisme consultatif externe auprès de l’ASPC33 qui conseille cette dernière sur l’utilisation des vaccins et des agents d’immunisation passive pour l’être humain au Canada (https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/immunisation/comite-consultatif-national-immunisation-ccni.html).

Le comité est composé de 14 membres ayant droit de vote, qui sont recrutés au moyen d’un processus ouvert de mises en candidatures et nommés entre autres en fonction de leur expertise, de leurs connaissances et de leur expérience dans les domaines suivants : immunisation, santé publique, maladies évitables par la vaccination, maladies infectieuses chez l’enfant ou chez l’adulte, allergologie ou immunologie, autres domaines de la santé, tels que pharmacie, soins infirmiers, pharmacoéconomie, épidémiologie et modélisation des maladies infectieuses, et autres expériences antérieures auprès de comités consultatifs sur les vaccins.

Des représentants d’associations professionnelles et de comités nationaux en santé participent aux activités du CCNI à titre de membres de liaison. Des représentants de ministères du gouvernement fédéral participent à titre de représentants d’office. Les membres de liaison et les représentants d’office n’ont pas le droit de voter.

Les travaux du CCNI sur les vaccins anti-SRAS-CoV-2 sont dirigés par son groupe de travail sur les vaccins contre les maladies infectieuses à haut risque (GT VMIHR), qui lui propose une ébauche de recommandations pour délibération et approbation. Le GT VMIHR est composé de 12 membres, dont 5 membres du CCNI (y compris, S.D. C.Q.), 4 experts externes, 2 membres de liaison (du Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages et du Comité consultatif sur les pratiques en vaccination des CDC) et un représentant d’office (de Santé Canada).

Le comité relève du vice-président à la Direction générale de la prévention et du contrôle des maladies infectieuses de l’ASPC. Par l’entremise de son secrétariat, l’ASPC offre au CCNI un soutien scientifique, ainsi que des services de gestion de projets et de logistique. Tous les membres du CCNI et du GT VMIHR agissent à titre bénévole et ne reçoivent aucune rémunération pour leurs contributions.

Une liste complète des membres du CCNI, du GT VMIHR et du personnel du secrétariat du CCNI de l’ASPC ayant participé à l’élaboration de cette ligne directrice est présentée plus bas, à la rubrique « Collaborateurs » du présent article.

Question clé

Étant donné que le CCNI est un organisme consultatif externe à l’ASPC, c’est cette dernière qui a formulé la question clé sur laquelle le CCNI s’est penché en vue des politiques à établir. La question clé au centre de la présente ligne directrice est la suivante : « Dans l’hypothèse d’un stock initial limité de vaccins anti-SRAS-CoV-2 au Canada, quelles populations devraient recevoir les premières doses de vaccin en priorité? »

Processus d’élaboration de la ligne directrice

On trouvera ailleurs d’autres détails sur le processus d’élaboration des recommandations du CCNI27,30. En bref, les étapes de ce processus sont le recensement des données probantes (notamment par le biais de consultations auprès des parties intéressées) suivi de leur synthèse et de leur conversion en recommandations. Le groupe de travail du CCNI concerné (en l’occurrence le GT VMIHR) est responsable d’établir la portée et les critères de recensement des données probantes. Le groupe de travail du CCNI prend connaissance des données probantes résumées, en discute et soumet des recommandations à l’examen du CCNI.

Après les étapes de révision, de discussion sur les données probantes et de propositions de recommandations avec le comité entier, le CCNI vote sur les options. Il faut un quorum d’au moins les deux tiers des membres pour entériner un vote. La ligne directrice finale du CCNI, incluant la discussion et le vote du comité, est acheminée par courriel pour approbation. Après approbation et révision finale par la présidente du CCNI, la ligne directrice est envoyée au vice-président de la Direction générale de la prévention et du contrôle des maladies infectieuses pour approbation de sa diffusion.

Recensement des données probantes

Pour élaborer cette ligne directrice au cours de l’été 2020, le CCNI a passé en revue les résumés épidémiologiques disponibles tirés des analyses nationales des données épidémiologiques fédérales, provinciales et territoriales transmises à l’ASPC (https://sante-infobase.canada.ca/covid-19/resume-epidemiologique-cas-covid-19.html), les résumés sur les produits vaccinaux anti-SRAS-CoV-2 provenant du registre sur les essais cliniques (https://www.who.int/publications/m/item/draft-landscape-of-covid-19-candidate-vaccines) et l’Annexe traitant de la vaccination intitulé Préparation du Canada en cas de grippe pandémique : guide de planification pour le secteur de la santé34.

De plus, le secrétariat du CCNI (S.I., L.Z., M.T.) a réalisé une analyse environnementale des recommandations internationales sur les principales populations à immuniser en priorité contre la COVID-19 (résumée au tableau 5). Le secrétariat du CCNI a chargé l’Alberta Research Centre for Health Evidence de procéder à une revue rapide des facteurs de risque de développer une forme grave de la COVID-19 (interrogation de la littérature réalisée le 15 juin 2020). Des détails complets sur la méthode et les résultats se trouvent dans le document en prépublication (www.medrxic.org/content/10.1101/2020.08.27.20183434v1)19.

Tableau 5:

Sommaire des orientations préliminaires sur la vaccination contre la COVID-19 provenant d’autres groupes consultatifs techniques nationaux sur l’immunisation

Groupe consultatif technique national sur l’immunisation Sommaire des recommandations relatives aux groupes prioritaires
Joint Committee on Vaccination and Immunization, Royaume-Uni*35 L’avis intérimaire mis à jour au sujet des groupes prioritaires en vue de la vaccination contre la COVID-19 repose sur une combinaison de stratification des risques cliniques et une approche basée sur l’âge, avec possibilité d’établissement des priorités provisoire des personnes à risque, comme suit:
  • Résidents âgés d’établissements de soins et personnes qui y travaillent

  • Âgés de 80 ans et plus, et travailleurs de la santé et des services sociaux

  • Âgés de 75 ans et plus

  • Âgés de 70 ans et plus

  • Âgés de 65 ans et plus

  • Adultes de moins de 65 ans à risque élevé de contracter la maladie

  • Adultes de moins de 65 ans à risque modéré de contracter la maladie

  • Âgés de 60 ans et plus

  • Âgés de 55 ans et plus

  • Âgés de 50 ans et plus

  • Le reste de la population (priorité à déterminer)

Le comité note que l’établissement des priorités pourrait changer substantiellement si les premiers vaccins disponibles ne convenaient pas ou n’étaient pas efficaces chez les adultes âgés.
Haute Autorité de Santé, France36 L’avis préliminaire a identifié les principales populations prioritaires pour un vaccin en fonction du risque sanitaire et du risque professionnel, telles que travailleurs de première ligne, ou personnes présentant les caractéristiques socioéconomiques et démographiques suivantes:
Première priorité
  1. Populations à risque d’exposition professionnelle, avec une « priorité très élevée » concernant « les personnels de santé les plus exposés par leur métier/activité et les professionnels au contact de personnes les plus vulnérables »

  2. Personnes à risque du fait de leur âge ou de leur état de santé et en particulier les personnes de 65 ans et plus » (sous réserve d’un vaccin efficace chez les personnes âgées)

  3. Personnes vivant en situation de grande précarité

Seconde priorité
  1. Populations des départements et régions d’outremer en cas de pénurie de lits de réanimation (et n’appartenant pas aux groupes déjà priorisés)

  2. Personnes vivant dans des établissements fermés à risque accru de transmission (p. ex., prisons, établissements pour personne en situation de handicap, établissements psychiatriques)

  3. Personnes ayant un emploi stratégique (p. ex., policiers, pompiers, militaires actifs…)

Remarque : COVID-19 = maladie à coronavirus 2019, JCVI = Joint Committee on Vaccination and Immunization.

*

Une version plus ancienne de l’avis intérimaire du JCVI sur des groupes à immuniser en priorité contre la COVID-19 (18 juin 2020) a été révisée par le National Advisory Committee on Immunization. Dans le rapport maintenant retiré, le JCVI conseillait de donner la priorité aux travailleurs de la santé et des services sociaux de première ligne et à ceux qui étaient exposés à un risque accru de développer une forme grave de la COVID-19 ou d’en mourir, stratifiés selon l’âge et les facteurs de risque.

Le secrétariat du CCNI a appliqué le cadre ÉÉFA (éthique, équité, faisabilité et acceptabilité) du CCNI27, en utilisant l’algorithme publié (annexe A dans la ligne directrice intégrale). Le secrétariat a prérempli les champs des outils fondés sur des données probantes qui accompagnent le cadre afin d’identifier les enjeux distincts susceptibles d’avoir une incidence sur les prises de décision et a consulté des groupes concernés et les données pertinentes au besoin. Le secrétariat a présenté les outils au GT VMIHR et au CCNI; les outils sont aussi inclus sous forme d’annexes dans la ligne directrice intégrale (annexes B, C, D, E et F).

Le CCNI et le GT VMIHR ont débattu des enjeux clés durant le processus décisionnel; certains enjeux distincts susceptibles d’avoir un effet sur les recommandations ou sur leur application, de même que des suggestions d’interventions visant à rectifier ces enjeux, sont résumés dans la ligne directrice intégrale.

Consultation auprès des parties intéressées

Le secrétariat du CCNI a procédé à un sondage national auprès des parties intéressées (y compris des experts cliniques et en santé publique, des membres de comités provinciaux et territoriaux, des représentants des groupes autochtones nationaux, des représentants des patients et des communautés, des responsables d’associations professionnelles médicales canadiennes et des représentants de plusieurs ministères fédéraux) entre le 22 juillet et le 14 août 2020, afin de dégager une vue d’ensemble de l’importance relative de différentes stratégies vaccinales en temps de pandémie, selon 4 scénarios différents au moment où les vaccins anti-SRAS-CoV-2 seront accessibles. Les répondants n’étaient pas obligés de divulguer leurs conflits d’intérêts potentiels, ce qui représente une limite majeure de cette consultation. Un sondage de suivi auprès du public est prévu pour valider les résultats de la consultation auprès des parties intéressées37. Des détails complets sur la méthode et les résultats de la consultation auprès des parties intéressées se trouvent dans le document en prépublication (www.medrxic.org/content/10.1101/2020.09.16.20196295v1)21.

Le CCNI a consulté les groupes d’intervenants suivants en cours d’élaboration de cette ligne directrice : Groupe consultatif en matière d’éthique en santé publique de l’Agence de la santé publique du Canada, réseau d’Analyse comparative entre les sexes plus (ACS+), Service aux Autochtones Canada et d’autres organisations de liaison et d’office du CCNI.

Le CCNI a aussi consulté les comités fédéraux, provinciaux et territoriaux suivants : le Comité canadien sur l’immunisation, le Comité consultatif spécial sur la COVID-19 du Réseau pancanadien de santé publique et le Comité consultatif technique de son Comité consultatif spécial. Le Comité canadien sur l’immunisation, Services aux Autochtones Canada et le responsable de l’approvisionnement en vaccins de l’ASPC ont passé en revue la Matrice de faisabilité du cadre ÉÉFA du CCNI.

D’autres consultations auprès de groupes représentant des populations vulnérables sont prévues afin d’orienter l’élaboration d’autres lignes directrices sur les populations à immuniser en priorité contre la COVID-19.

Synthèse des données probantes et élaboration des recommandations

Le secrétariat du CCNI a synthétisé les résultats de l’examen des données probantes pour que le GT VMIHR et le CCNI puissent en tenir compte en identifiant les populations à immuniser en priorité contre la COVID-19.

Le GT VMIHR a passé en revue les données probantes disponibles et les enjeux pertinents et en a discuté le 26 juin et le 24 juillet 2020. Le CCNI a passé en revue les données probantes et les suggestions de recommandations et en a discuté le 13 août 2020, et à nouveau le 20 août 2020, lors d’une rencontre mixte avec le GT VMIHR. Ces réunions se sont tenues en mode virtuel. Lors de la réunion du 20 août 2020, les membres du CCNI ont voté à l’unanimité en faveur des recommandations proposées.

Le secrétariat a rédigé une ébauche de la ligne directrice en tenant compte des commentaires de la présidente (C.Q.) et de la vice-présidente du CCNI (S.D.). Le GT VMIHR a passé en revue l’ébauche de la ligne directrice en juillet 2020. Les comités fédéraux, provinciaux et territoriaux suivants ont passé en revue l’ébauche de la ligne directrice en août 2020 : le Comité canadien sur l’immunisation, le Comité consultatif spécial sur la COVID-19 du Réseau pancanadien de santé publique et le Comité consultatif technique de son Comité consultatif spécial. Ces groupes ont formulé des commentaires à l’intention du CCNI. Ce dernier a approuvé la ligne directrice par courriel le 16 septembre 2020.

Gestion des intérêts concurrents

L’ASPC a établi un processus d’évaluation et de gestion des intérêts concurrents applicable lors de l’élaboration de lignes directrices. Ce processus s’inspire des principes du Guidelines International Network pour la divulgation et la gestion des intérêts concurrents38. La présidente, la vice-présidente, ainsi que les membres ayant droit de vote, les agents de liaison du CCNI et les membres du GT VMIHR étaient tenus de dévoiler tout intérêt concurrent d’ordre financier ou autre à l’aide d’un formulaire standardisé à cet effet, et de déclarer tout nouveau conflit d’intérêts potentiel au début de chaque réunion. L’ASPC a pris connaissance des situations de conflits d’intérêts déclarés par le secrétariat du CCNI à la lumière des critères d’évaluation établis, qui s’inspirent des principes du Guidelines International Network.

Aucun des membres ne s’est déclaré en situation de conflit d’intérêts direct ou indirect de nature financière ou autre. Pour ce qui est de cette ligne directrice plus spécifiquement, on n’a noté aucun conflit d’intérêts potentiel en lien avec les vaccins candidats anti-SRAS-CoV-2 ou les fabricants concernés par les accords d’achat préalables intervenus avec le gouvernement du Canada au moment de l’élaboration de cette ligne directrice. Si le moindre conflit d’intérêts avait été identifié, une stratégie aurait été mise en place en vertu de laquelle les membres concernés se seraient abstenus de voter, de discuter ou d’observer l’élaboration des recommandations ayant un lien avec la situation en cause, selon son ampleur. Aucune restriction de ce type n’a été jugée nécessaire durant l’élaboration de la ligne directrice.

Mise en œuvre

Les recommandations de cette ligne directrice sont préliminaires puisqu’elles ont été élaborées dans un contexte dominé par plusieurs inconnues. Le CCNI n’a donc pas établi l’ordre des populations à immuniser en priorité contre la COVID-19. Il lui sera possible de formuler des conseils spécifiques et de déterminer les populations à immuniser en priorité contre la COVID-19 lorsqu’on en saura plus sur les vaccins anti-SRAS-CoV-2 qui seront autorisés et disponibles au Canada.

Autres lignes directrices

Les principales populations que le CCNI a identifiées comme devant être immunisées en priorité contre la COVID-19 sont les mêmes qui ont été identifiées par d’autres groupes consultatifs techniques nationaux sur l’immunisation dans leurs orientations préliminaires35,36 (tableau 5) et par des groupes universitaires dans les cadres de hiérarchisation des priorités de la vaccination39,40.

Le Joint Committee on Vaccination and Immunization du Royaume-Uni a proposé une approche mixte basée sur les risques et l’âge, avec une hiérarchisation des populations à immuniser en priorité contre le SRAS-CoV-235, tandis que la Haute autorité de santé de la France a proposé une approche de la hiérarchisation des priorités fondée sur les risques36.

L’ASPC est en contact régulier avec les secrétariats de groupes consultatifs techniques nationaux sur l’immunisation afin d’harmoniser le plus possible la base des données probantes utilisées pour préparer les documents d’orientation. De plus, l’Advisory Committee on Immunization Practices (ACIP) des États-Unis agit à titre d’agent de liaison auprès du CCNI, et le CCNI agit à son tour à titre d’agent de liaison auprès de l’ACIP.

Connaissances à parfaire

La recherche axée sur les questions en suspens (résumées dans la ligne directrice intégrale) dans les secteurs suivants est encouragée : caractéristiques des vaccins anti-SRAS-CoV-2 dans divers groupes de population (y compris innocuité, efficacité, durée de la protection conférée, capacité de prévenir les cas graves et les décès et arrêt de la transmission); corrélats de la protection anti-SRAS-CoV-2; profil épidémiologique de la COVID-19; efficacité et innocuité d’autres interventions préventives ou thérapeutiques pour la COVID-19; acceptabilité des vaccins anti-SRAS-CoV-2; et iniquités au regard de la COVID-19 et interventions visant à les réduire et à améliorer l’acceptabilité de la vaccination contre la COVID-19.

Limites des consultations

Le présent document d’orientation se fonde sur les données probantes disponibles au moment des délibérations du CCNI et sur l’opinion des experts et des parties intéressées. Les données probantes relatives à la COVID-19 et aux vaccins anti-SRAS-CoV-2 évoluent rapidement, et les valeurs et préférences des parties intéressées pourraient changer. Étant donné le caractère urgent de cette ligne directrice, les consultations auprès de groupes représentant des populations vulnérables ont été limitées. Des consultations élargies sont prévues pour étayer davantage les prochaines mises à jour du document.

Les populations à immuniser en priorité pourraient changer selon l’évolution des données probantes relatives aux caractéristiques de la COVID-19 et des vaccins anti-SRAS-CoV-2, et de l’information sur les approvisionnements en vaccins. Sans données permettant de déterminer s’il est faisable d’offrir une protection directe aux populations clés (p. ex., âge avancé) ou si une protection indirecte risque d’être une stratégie plus efficace, l’établissement des priorités n’est pas encore possible. Le CCNI formulera d’autres conseils lorsqu’il disposera de données additionnelles sur les caractéristiques spécifiques aux vaccins dans différentes populations.

Conclusion

Le CCNI a rédigé des recommandations préliminaires au sujet des populations à immuniser en priorité contre la COVID-19 afin d’orienter les programmes de santé publique en vue d’une attribution efficiente, utile et équitable des vaccins anti-SRAS-CoV-2. Les recommandations du CCNI s’appuient et continueront de s’appuyer sur une analyse risques–avantages à l’échelle des populations en prenant en compte le risque d’exposition, le risque de transmission à autrui et le risque de développer une forme grave de la maladie ou d’en mourir.

Pour l’instant, les populations à immuniser en priorité sont celles qui sont exposées à un risque accru de maladie grave, qui risquent de transmettre la maladie à des individus à haut risque, les travailleurs de première ligne et ceux qui évoluent dans des environnements où le risque est élevé. À partir des données actuellement disponibles, il est évident que l’équité en matière de santé sera au cœur de l’établissement des priorités lorsque les résultats des essais cliniques seront disponibles.

Les iniquités existantes, amplifiées par cette pandémie, pourraient être exacerbées par une attribution inéquitable des vaccins. Des efforts sont à faire pour améliorer l’accès aux services de vaccination et pour faire participer les populations racialisées et systémiquement marginalisées à la planification des programmes d’immunisation. L’intégration des enjeux d’équité, de faisabilité et d’acceptabilité dans toutes les populations est essentielle lors de prises de décision relatives à un programme de vaccination contre la COVID-19.

Remerciements

Les auteurs remercient L’Alberta Research Centre for Health Evidence (Lisa Hartling, Jennifer Pillay et Aireen Wingert), pour sa revue des données probantes qui étayent cette ligne directrice; l’Agence de la santé publique du Canada et ses partenaires, collaborateurs en santé publique des provinces et des territoires, pour les mises à jour sur l’épidémiologie de la COVID-19; et les intervenants qui ont formulé leurs commentaires sur l’ébauche de la ligne directrice, y compris le Comité canadien d’immunisation, le Comité consultatif spécial sur la COVID-19 du Réseau pancanadien de santé publique et le Comité consultatif technique de son Comité consultatif spécial.

Footnotes

Voir la version anglaise de la ligne directrice ici : www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.202353

Entrevue avec les auteurs (en anglais) en baladodiffusion : www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.202353/tab-related-content

Remarque: Le CMAJ utilise les termes « SRAS-CoV-2 » pour désigner le virus et « COVID-19 » pour désigner la maladie. À certains endroits dans cet article, « COVID-19 » est utilisé à la place de « SRAS-CoV-2 » pour maintenir la cohérence avec la ligne directrice intégrale du Comité consultatif national sur l’immunisation (accessible ici : www.canada.ca/ccni).

Intérêts concurrents: Les membres du Comité consultatif national sur l’immunisation (CCNI) sont des experts reconnus qui ont donné bénévolement de leur temps et ne reçoivent aucune rémunération pour leur collaboration aux documents d’orientation du CCNI. Tous les auteurs déclarent n’être aucunement en situation de conflit d’intérêts d’ordre financier ou personnel susceptible d’influencer ou d’avoir semblé influencer les travaux ayant mené à ce document. Shainoor Ismail, Linlu Zhao et Matthew Tunis sont des employés de l’Agence de la santé publique du Canada. Shelley Deeks est une employée de Santé publique Ontario. Shelley Deeks et Caroline Quach ont toutes les deux reçu des subventions pour mener une recherche sur des questions d’immunisation sans lien avec les vaccins anti-SRAS-CoV-2. Aucun autre intérêt concurrent n’a été déclaré.

Cet article a été révisé par des pairs.

Collaborateurs: Shainoor Ismail a rédigé l’ébauche du manuscrit original du présent résumé de la ligne directrice intégrale. Tous les auteurs ont rédigé l’ébauche et révisé le manuscrit; ils ont donné leur approbation finale pour la version destinée à être publiée et assument l’entière responsabilité de tous les aspects du travail. Présidente du Comité consultatif national sur l’immunisation (CCNI) (Caroline Quach); vice-présidente du CCNI (Shelley Deeks); membres du CCNI ayant droit de vote (Julie A. Bettinger, Natalie Dayneka, Philippe De Wals, Ève Dubé, Vinita Dubey, Soren Gantt, Robin Harrison, Kyla Hildebrand, Kristin Klein, Jesse Papenburg, Coleman Rotstein, Beate Sander, Susan Smith et Sarah Wilson); agents de liaison du CCNI (Lucie Marisa Bucci, Eliana Castillo, Amanda Cohn, Lorette Dupuis, Julie Emili, Deshayne Fell, Martin Lavoie, Dorothy Moore, Monika Naus et Anne Pham-Huy); ex-représentants d’office du CCNI (Vincent Beswick-Escanlar, Erin Henry, Mireille Lacroix, Marie Christine Lamontagne, Jennifer Pennock, Robert Pless, Guillaume Poliquin et Tom Wong); membres du groupe de travail sur les vaccins contre les maladies infectieuses à haut risque (Caroline Quach [présidente], Shelley Deeks [vice-présidente], Yen-Giang Bui, Kathleen Dooling, Robin Harrison, Kyla Hildebrand, Michelle Murti, Jesse Papenburg, Robert Pless, Beate Sander, Nathan Stall et Stephen Vaughan); et le personnel du secrétariat du CCNI (Natalia Abraham, Paméla Doyon-Plourde, Veronica Ferrante, Nicole Forbes, Renee Goddard, Althea House, Shainoor Ismail, April Killikelly, Michelle Mathieu-Higgins, Austin Nam, Milan Patel, Angela Sinilaite, Matthew Tunis, Man Wah Yeung et Linlu Zhao) a contribué à l’élaboration de la ligne directrice intégrale. La présidente, la viceprésidente et les membres du CCNI ayant droit de vote ont donné leur approbation finale pour la version de la ligne directrice intégrale devant être publiée et assument l’entière responsabilité de tous les aspects du travail.

Financement: Ce travail a bénéficié de l’appui de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) qui finance le Comité consultatif national sur l’immunisation.

Propriété intellectuelle du contenu: Il s’agit d’un article en libre accès distribué conformément aux modalités de la licence Creative Commons Attribution (CC BY-NC-ND 4.0), qui permet l’utilisation, la diffusion et la reproduction dans tout médium à la condition que la publication originale soit adéquatement citée, que l’utilisation se fasse à des fins non commerciales (c.-à-d., recherche ou éducation) et qu’aucune modification ni adaptation n’y soit apportée. Voir : https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/.

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