La physiothérapie pour un vieillissement en bonne santé

La population mondiale vieillit. Le nombre d’adultes de plus de 65 ans devrait doubler d’ici 20 ans. En 2012, près d’un Canadien sur sept était âgé de 65 ans ou plus. En 2030, près d’un Canadien sur quatre sera une personne âgée. Le prolongement de l’espérance de vie est un facteur déterminant du vieillissement de la population. C’est pourquoi la promotion de l’espérance de vie en bonne santé et du vieillissement en bonne santé est une priorité mondiale. Kaeberlein¹ définit l’espérance de vie en bonne santé par le nombre d’années de vie en bonne santé, sans maladies chroniques ni incapacités causées par le vieillissement¹. Quant à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), elle définit le vieillissement en bonne santé comme « le processus de développement et de maintien des aptitudes fonctionnelles qui permet aux personnes âgées de jouir d’un état de bien-être »².

L’activité physique régulière est la stratégie comportementale la plus efficace pour accroître l’espérance de vie en bonne santé et promouvoir un vieillissement en bonne santé. Selon le Conference Board du Canada³, le nombre de personnes âgées qui auront besoin de soins en physiothérapie doublera entre 2014 et 2035, passant de 1,5 million à 3,0 millions. D’après l’Institut canadien d’information sur la santé, 90 % des plus de 26 000 physiothérapeutes donnent des soins directs⁴. Les physiothérapeutes sont formés pour traiter des troubles de santé complexes tout au long de la vie et évoluent dans divers établissements des secteurs public et privé⁵. La promotion de l’activité physique et le vieillissement en bonne santé font partie des programmes de physiothérapie donnant accès à la profession au Canada. Les physiothérapeutes sont donc très bien placés pour promouvoir l’espérance de vie et le vieillissement en bonne santé.

En général, les physiothérapeutes travaillent avec des personnes âgées après une blessure (p. ex., fracture de la hanche après une chute) ou un événement médical (p. ex., accident vasculaire cérébral). Toutefois, pour que notre profession contribue aux objectifs d’un vieillissement en bonne santé de manière significative, nous devrons mettre à profit notre savoir-faire en matière de prescriptions de mouvement et d’exercice ainsi que nos compétences en counseling pour soutenir nos clients tout au long du continuum de la santé, afin qu’ils continuent de faire de l’activité physique au quotidien. Bref, nous devons intégrer la promotion de l’activité physique à notre pratique auprès des personnes âgées pour éviter des maladies chroniques qui nuisent à leur capacité fonctionnelle, leur qualité de vie et leur bien-être.

L’activité physique : un ingrédient clé d’un vieillissement en bonne santé

L’activité physique est une stratégie fondamentale pour prolonger l’espérance de vie en bonne santé parce qu’elle peut prévenir avec efficacité des maladies chroniques non transmissibles comme le diabète, les maladies cardiovasculaires et la démence^6,7. L’OMS définit l’activité physique comme « tout mouvement corporel produit par les muscles squelettiques qui requiert une dépense d’énergie »⁸. L’exercice est un sous-élément de l’activité physique aux paramètres précis, effectué dans l’intention d’améliorer ou de maintenir des résultats physiques et cliniques. Une diminution de l’inactivité physique de 25 % pourrait prévenir un million de cas de démence par année dans le monde⁹. De plus, l’activité physique est une stratégie de prévention secondaire de première ligne en cas d’arthrose^10–12, dont souffrent 33 % des hommes et 40 % des femmes de plus de 65 ans au Canada¹³. Pourtant, près du tiers des adultes des pays industrialisés ne font pas d’activité physique^14,15.

L’activité physique est une stratégie largement reconnue et promue pour un vieillissement en bonne santé. Elle améliore tout particulièrement la santé cognitive et la mobilité, des fonctions intrinsèques essentielles aux capacités fonctionnelles et à de solides indicateurs de la santé globale¹⁶.

Les physiothérapeutes jouent un rôle important dans la promotion d’un vieillissement en bonne santé par la prévention des chutes. De nombreuses données probantes démontrent que le programme d’exercice Otago, un programme d’entraînement à la force et à l’équilibre effectué à domicile qui peut être donné par des physiothérapeutes, est efficace pour la prévention primaire et secondaire des chutes^17–19. Les physiothérapeutes sont les mieux placés pour offrir ce programme, car de nombreuses personnes âgées victimes de chutes souffrent de multiples maladies, et les physiothérapeutes possèdent le savoir-faire nécessaire pour l’adapter à leurs besoins individuels. Ils jouent également un rôle capital dans le dépistage des personnes à risque de chutes et d’incapacité motrice grâce à des évaluations cliniques simples comme la vitesse de marche, le test de lever-marcher chronométré et le test du lever de chaise en 30 secondes. Le document Bien vieillir : Les conséquences du vieillissement de la population sur les services de physiothérapie propose un cadre physiothérapique pour évaluer la mobilité et déterminer les facteurs modifiables qui réagissent aux interventions physiothérapiques²⁰.

En revanche, tant les membres de la profession que les clients sous-évaluent l’importance de la physiothérapie pour promouvoir la santé cognitive et prévenir les atteintes cognitives²¹. En effet, les données probantes démontrent qu’un mode de vie actif réduit le risque d’atteinte cognitive et de démence^22–24 et qu’un entraînement physique ciblé favorise la fonction cognitive, la structure cérébrale et la fonction cérébrale chez les personnes âgées^25–28. Notamment, de nombreux modes d’exercices prescrits par les physiothérapeutes pour améliorer la mobilité et prévenir les chutes (p. ex., la marche, les exercices fonctionnels, l’entraînement à l’équilibre, l’entraînement musculaire) favorisent également la santé cognitive et cérébrale dans cette population. Ces données démontrent le rôle des physiothérapeutes dans la promotion d’un vieillissement en santé.

Déterminer les questions prioritaires en matière de vieillissement en bonne santé

Pour l’avenir, nous pouvons commencer par revoir le concept de réadaptation en physiothérapie. Selon l’OMS, la réadaptation est un processus visant à aider les personnes présentant une incapacité à atteindre et conserver un niveau fonctionnel optimal²⁹. Au cœur de ce concept se trouve un processus limité dans le temps, qui prend fin une fois les objectifs thérapeutiques atteints³⁰. La réadaptation a toujours été conceptualisée comme préventive ou adaptative. La réadaptation préventive vise à rétablir la capacité (p. ex., accroître la force musculaire) ou récupérer des habiletés perdues (p. ex., les soins personnels, les habiletés professionnelles). La réadaptation adaptative vise à compenser une perte ou une absence de capacité et s’attache à fournir du matériel d’aide ou à modifier l’environnement pour optimiser la performance d’une tâche ou d’une activité²⁹. Toutefois, ces définitions sont incomplètes si on applique le concept de réadaptation à la promotion d’un vieillissement en bonne santé.

D’après le modèle de réadaptation actuel, un client voit un physiothérapeute jusqu’à ce qu’il ait atteint ses objectifs thérapeutiques, puis obtient son congé. Les rendez-vous reprennent seulement lorsque le client vit un nouveau problème de santé. Ce modèle ne permet absolument pas aux physiothérapeutes de surveiller et de peaufiner les recommandations en matière d’exercice ni les programmes d’activité physique offerts aux clients afin de promouvoir la mobilité et la santé cognitive au fil du temps. Ainsi, le concept actuel de réadaptation ne peut pleinement exercer ses bienfaits en matière de promotion d’un vieillissement en bonne santé dans le continuum.

Il est temps que notre profession fasse progresser la pratique et la science relatives à la promotion d’un vieillissement en bonne santé grâce à la restructuration du concept actuel de réadaptation pour en faire un modèle de soutien des clients et maximiser leur santé tout au long de leur vie. À moins que nous assumions des fonctions de leader, les professions de la santé, les clients et la société continueront de sous-estimer la valeur ajoutée des physiothérapeutes pour assurer la sécurité et l’autonomie des personnes âgées.