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. 2023 Mar 28;34(665):24–25. [Article in French] doi: 10.1016/S0992-5945(23)00050-8

Atteintes myocardiques au cours de la Covid-19, utilité des biomarqueurs cardiaques

Carole Émile 1
PMCID: PMC10045809

Abstract

La Covid-19 est une pandémie sans précédent, par son ampleur, sa gravité et ses conséquences sociétales. Dans nos hôpitaux, elle a conduit à un afflux massif de patients, une saturation des capacités des services de réanimation et la création d’unités spécialisées. Les patients les plus sévères avaient des marqueurs biologiques très perturbés, en faveur d’une atteinte multiviscérale et, parmi ceux-ci, une augmentation des CK-MB, de la troponine et du BNP, stigmates d’une atteinte myocardique.


Un groupe de travail de la Société française de biologie clinique (SFBC) a été constitué pour étudier cette atteinte.

Prévalence et impact clinique des atteintes myocardiques au cours de la Covid-19

L’atteinte myocardique est définie par une augmentation des troponines, au-dessus du 99e percentile de la limite supérieure de référence, associée ou non à des modifications électrocardiographiques et/ou à de l’imagerie cardiovasculaire.

Chez les patients hospitalisés avec Covid-19, la prévalence moyenne de cette atteinte est de 20 % (15 à 35 %). Les symptômes cliniques évocateurs (non spécifiques) sont une dyspnée, de la toux, une douleur dans la poitrine peu localisée, une profonde hypoxémie et une tachycardie.

Une méta-analyse ayant regroupé treize études, menée chez 12 622 patients, a montré que l’atteinte myocardique, définie par une élévation de la troponine (I ou T), était associée à une augmentation de la mortalité [1], et ce, indépendamment des antécédents coronariens [2].

Quelles pathologies cardiaques au cours de la Covid-19 ?

Il s’agit d’infarctus du myocarde (IDM) de type 1 et 2, mais aussi de myocardites, de syndromes de Tako-Tsubo et d’atteintes correspondant à des retentissements cardiaques d’autres pathologies (tableau 1) [3].

Tableau 1.

Principales causes d’augmentation des troponines cardiaques en dehors des syndromes coronariens aigus et à l’exception du cathétérisme et de la chirurgie cardiaque.

Pathologies Mécanisme(s) lésionnel(s) Facteur pronostique
Pathologies cardiaques Myocardite Atteinte directe inflammatoire
Insuffisance cardiaque Ischémie myocardique chronique, accélération de l’apoptose +
Tachycardie Diminution des apports et augmentation des besoins en O2
Atteinte toxique médicamenteuse Atteinte directe chimique
Contusion myocardique Atteinte directe mécanique
Retentissement cardiaque Embolie pulmonaire Atteinte directe mécanique +
HTA Hypertrophie ventriculaire gauche
Hémorragie méningée/AVC Activation neuroendocrine
Anémie sévère Insuffisance respiratoire Diminution des apports en O2 +
Choc septique Atteinte directe inflammatoire, diminution des apports et augmentation des besoins en O2 +
Insuffisance rénale En fonction de la cardiopathie sous-jacente + (surtout la troponine T)

D’après [5].

Infarctus du myocarde

Il n’y a pas plus d’IDM chez les patients Covid-19, en comparaison aux non-Covid-19 mais, chez les patients Covid, les IDM de type 2 sont plus fréquents, alors que chez les non-Covid, les IDM de type I sont plus habituels [3].

Pour rappel, l’European Society of Cardiology (ESC) a redéfini en 2018 l’IDM [4] comme l’asso-ciation d’une ischémie myocardique aiguë et d’une augmentation de la troponine avec au moins une valeur au-delà du 99e percentile, suivie d’une variation (élévation ou diminution) d’au moins 20 %, et a distingué deux types d’IDM :

  • Le type 1 correspond à une athérosclérose et une thrombose avec rupture ou érosion de plaque ;

  • Le type II correspond à une ischémie due à un déséquilibre entre les besoins et l’apport en oxygène (exemples : spasme ou embolie coronaires).

Les mécanismes physiopathologiques (hypothétiques) de l’IDM au cours de la Covid-19 sont :

  • une atteinte myocardique directe, par infection virale des cardiomyocytes, concourant à une inflammation et une déstabilisation de plaque, une diminution de la disponibilité de l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (ACE2) et une augmentation de l’angiotensine 2, responsables d’IDM de type 1 et 2 ;

  • une atteinte myocardique indirecte, secondaire à l’infection pulmonaire, responsable d’un orage cytokinique avec infiltration macrophagique et lymphocytaire cardiaque (IDM de type 1) et d’une inflammation endothéliale associée à un état d’hypercoagulabilité (IDM de type 2).

Mais l’augmentation des troponines au cours de la Covid-19 n’est pas liée uniquement à des événements coronariens (tableau 1) [5].

Autres atteintes myocardiques au cours de la Covid-19

Myocardites

Elles résultent d’une agression virale des cardiomyocytes, associée à des phénomènes inflammatoires liés à l’activation de la réponse immunitaire innée. Leur diagnostic de certitude repose sur la mise en évidence du virus et/ou de l’infiltrat inflammatoire sur biopsie endomyocardique. Au cours de la Covid-19, un diagnostic de myocardite a été confirmé dans environ 5 % des cas, principalement en post-mortem (sur autopsie).

Cardiomyopathies de Tako-Tsubo ou « cardiomyopathies de stress »

Elles se manifestent comme un IDM (symptomatologie quasi identique), mais leur mécanisme physiopathologique reste inconnu (elles résulteraient d’un stress émotionnel intense).

Interprétation des élévations de troponine au cours de la Covid-19

Il y a donc plusieurs causes d’élévation de la troponine chez les patients Covid-19, cardiaques (dans 46 % des cas) ou non-cardiaques (dans 54 % des cas), selon une étude de Pegah et al. en 2022 [6], d’où l’intérêt de disposer de marqueurs qui permettraient de discriminer les atteints nécrotiques des non nécrotiques. Le ratio troponine I/ troponine T pourrait être utile : en effet, Hamarsten et al. [7] ont montré chez les patients Covid-19 qu’en cas d’IDM il y avait une bonne concordance entre les élévations de troponine I et T et que le ratio I/T était élevé (5,5), alors qu’il était bas en l’absence de nécrose (0,3).

En réalité, les principaux facteurs impliqués dans l’élévation des troponines au cours de la Covid-19 sont l’inflammation, objectivée par une augmentation de la CRP, et l’état d’hyper-coagulabilité (augmentation des D-dimères) [8].

Selon l’European society of cardiology guidance for the diagnosis and management of cardiovascular disease during the Covid-19 (2022) [9], il convient d’interpréter les valeurs de troponine en fonction de la variation quantitative (nombre de multiples du 99e percentile) :

  • entre le 99e percentile et trois fois le 99e percentile chez un patient qui ne présente pas de douleur de poitrine et n’a pas de signe à l’électro-cardiogramme (ECG), un bilan étiologique cardiaque n’est pas requis ;

  • entre trois fois le 99e percentile et cinq fois le 99e percentile, l’augmentation peut être expliquée par une atteinte cardiaque en lien avec la sévérité de la Covid-19 (IDM, insuffisance cardiaque aiguë, syndrome de détresse respiratoire aigu, embolie pulmonaire) ou des antécédents de maladie cardiaque ;

  • au-dessus de cinq fois le 99e percentile, il faut évoquer une atteinte cardiaque plus sévère de type IDM, myocardite, Tako-Tsubo ou choc.

Enfin, chez les patients ayant un Covid long, de nombreux symptômes persistent, notamment cardio-vasculaires. Le risque de développer une maladie cardiovasculaire au-delà d’un an après une infection à Covid-19 est augmenté par rapport à celui des patients qui n’ont pas eu la Covid et cette augmentation est proportionnelle à celle de la troponine.

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© jarun011/stock.adobe.com

À retenir

20 % des patients qui développent une forme sévère de la Covid-19 ont une atteinte myocardique (troponine [I ou T] supérieure au 99e percentile de la limite supérieure de référence). Une troponine élevée est associée à un mauvais pronostic et permet d’identifier les patients à risque, nécessitant une prise en charge intensive.

Toutefois, dans la majorité des cas, l’élévation de la troponine n’est pas associée à une atteinte coronarienne aiguë, mais reflète de nombreuses atteintes cardiaques ou à retentissement cardiaque.

Les patients qui ont développé une forme sévère de la Covid-19, mais également une forme modérée, ont un risque cardiovasculaire à un an augmenté. Enfin, dans plus de 50 % des cas d’atteintes myocardiques, la troponine reste élevée plusieurs mois après l’infection, ce qui pourrait expliquer ce risque cardio-vasculaire plus important.

Déclaration de liens d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Source

D’après une communication de Said Kamel (CHU Amiens-Picardie) lors du forum bioclinique « Marqueurs cardiaques » organisé à Paris le 16 juin 2022.

Référence

  • 1.Wibowo A., Pranata R., Akbar M.R., et al. Prognostic performance of troponin in COVID-19: A diagnostic meta-analysis and meta-regression. Int J Infect Dis. 2021;105:312–318. doi: 10.1016/j.ijid.2021.02.113. doi: 10.1016/j.ijid.2021.02.113. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
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  • 7.Hammarsten O., Ljungqvist P., Redfors B., et al. The ratio of cardiac troponin T to troponin I may indicate non-necrotic troponin release among COVID-19 patients. Clin Chim Acta. 2022;527:33–37. doi: 10.1016/j.cca.2021.12.030. doi: 10.1016/j.cca.2021.12.030. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
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