En octobre 2022, le gouvernement de la Colombie-Britannique, en collaboration avec Doctors of BC et BC Family Doctors, a annoncé la mise en place d’un nouveau modèle de rémunération des médecins de famille dans le but de « préserver, soutenir et renforcer le système de santé et les soins aux patients de la Colombie-Britannique ».1 Le nouveau modèle est entré en vigueur le 1er février 2023, sur une base volontaire.2
Ce modèle se détache de la rémunération traditionnelle à l’acte adoptée par la plupart des médecins de famille partout au Canada. Il consiste en un modèle de rémunération mixte, comprenant une rémunération à l’acte, par capitation, et des contrats salariaux. Ce nouveau modèle implique la perception par les médecins de famille ou les cabinets offrant des soins longitudinaux et communautaires d’un honoraire annuel par patient, en plus d’un modeste honoraire de consultation. Il tient compte aussi bien des soins directs prodigués aux patients que des soins indirects, ainsi que des tâches administratives qui incombent aux médecins de famille. En ce sens, ce nouveau modèle tient compte du fait que les patients qui présentent des problèmes plus complexes requièrent davantage de services et que les médecins de famille s’acquittent d’autres tâches en plus des soins qu’ils prodiguent à leurs patients.
En outre, ce nouveau modèle de rétribution arrive à point nommé pour remplacer le modèle actuel de rémunération à l’acte qui a fait ses preuves à une époque où des rendez-vous de 10 minutes suffisaient pour répondre aux besoins des patients qui venaient consulter pour un seul problème. Les patients d’aujourd’hui sont bien différents : ils vivent plus longtemps et, par conséquent, ont tendance à présenter des comorbidités. De même, grâce à la croissance exponentielle du savoir médical et aux progrès technologiques, la portée de la médecine de famille a évolué et est devenue plus complexe, à l’instar du système de santé. Les médecins de famille fournissent plus de services par patient3,4 que jamais auparavant, si bien qu’ils accueillent moins de patients et ne peuvent facturer qu’une partie du temps qu’ils consacrent à ces derniers. La conséquence de l’ensemble de ces problèmes se traduit par une diminution du nombre d’étudiants en médecine qui optent pour la carrière en médecine de famille.5,6
Parallèlement, les coûts liés à la gestion d’un cabinet (loyer, frais généraux, fournitures et personnel) ne cessent d’augmenter. S’appuyant sur des données de l’Association médicale canadienne et de l’Institut canadien d’information sur la santé, le CMFC souligne dans son énoncé de position sur la rémunération « qu’en date de 2017, environ 28 % du revenu brut des médecins de famille était consacré aux frais généraux », ce qui place les médecins de famille en bas du classement des spécialités médicales les mieux rémunérées au Canada.7
Dans un système de rémunération à l’acte, l’unique moyen de gérer l’augmentation des coûts liés à la pratique est de multiplier le nombre de patients pris en charge. Les médecins de famille sont donc contraints de travailler plus d’heures ou de raccourcir le temps qu’ils consacrent à chaque patient, ce qui, dans les deux cas, a une incidence fâcheuse sur les soins prodigués à ces derniers.
Le modèle de rémunération à l’acte est un système de rémunération obsolète qui concourt à la crise que traverse la médecine de famille,8 et éreinte les médecins de famille en raison d’une charge administrative croissante et des conditions qui les empêchent de prodiguer les soins dont les patients ont besoin.
Bien qu’il n’existe pas de solution toute faite à la question de la rémunération des médecins de famille, la première étape consiste à garantir une rétribution équitable qui tient compte des soins directs et indirects aux patients. De plus, les modèles de rémunération mixte sont propices au soutien des soins en équipe9 centrés sur le patient comme le veut la vision du Centre de médecine de famille (CMF) (https://patientsmedicalhome.ca/fr/).
Cependant, pour parvenir à transformer efficacement le modèle de pratique, il nous faudra sans doute franchir une étape supplémentaire. Un système de soins primaires au sein duquel chaque personne d’une communauté bénéficie des services d’un médecin de famille dans le cadre d’un CMF doit être envisagé. Ce sont les besoins de la communauté qui dictent les services offerts par le médecin de famille. En effet, à mesure que la communauté se développe, les services bénéficient de ressources et sont adaptés de manière appropriée en bénéficiant d’un financement de l’infrastructure versé au CMF plutôt qu’aux fournisseurs à titre individuel.
Le moment est venu pour le Canada de mettre fin aux modèles de rémunération désuets afin de transformer le système de santé en soutenant les modèles de soins fondés sur le travail d’équipe et en promouvant l’innovation en vue de garantir à toute la population canadienne un accès en temps opportun à des soins de la plus haute qualité.10
Footnotes
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Références à la page 295.