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. 2023 Apr 24;195(16):E595–E597. [Article in French] doi: 10.1503/cmaj.220685-f

Études de cas Virilisation causée par une hyperthécose nodulaire ovarienne chez une femme postménopausée

Togas Tulandi 1,, Oriana Hoi Yun Yu 1, Louis-Martin Boucher 1, Lili Fu 1, Jocelyne Arseneau 1
PMCID: PMC10125191  PMID: 37094875

Points clés

  • Chez les femmes périménopausées, et particulièrement postménopausées, un hirsutisme et une virilisation à progression rapide pourraient résulter d’une hyperthécose ovarienne ou d’une tumeur ovarienne sécrétant des androgènes.

  • L’incidence de l’hyperthécose ovarienne et des tumeurs surrénaliennes ou ovariennes produisant des androgènes chez les femmes atteintes d’hyperandrogénie est inférieure à 1 %.

  • Le diagnostic repose sur des analyses de sang périphérique pour un dosage des hormones ovariennes et surrénaliennes, ainsi que sur des épreuves d’imagerie et si possible, sur des prélèvements de sang veineux surrénalien et ovarien.

  • Chez les femmes jeunes, l’hyperthécose ovarienne unilatérale peut être traitée par ovariectomie unilatérale, tandis que chez les femmes postménopausées, le traitement repose sur une salpingo-ovariectomie bilatérale, avec ou sans hystérectomie, afin de réduire l’incidence du cancer de l’ovaire.

Une femme de 55 ans (nullipare) a été dirigée vers la clinique d’endocrinologie pour des problèmes de pilosité faciale croissante nécessitant une épilation au laser, d’acné, de voix grave et de libido en hausse depuis plus de 1 an. Sa ménopause était survenue 5 ans auparavant, et elle n’avait eu aucune bouffée de chaleur. Elle ne prenait ni stéroïdes androgènes anabolisants ni progestatifs; elle prenait du candésartan, de l’hydrochlorothiazide et de l’amlodipine pour l’hypertension artérielle, et de la lévothyroxine pour l’hypothyroïdie. À l’examen physique, elle présentait de l’acné au visage, un début de calvitie frontale et des poils grossiers au-dessus de la lèvre supérieure, au menton, à la poitrine, aux parties supérieure et inférieure de l’abdomen, aux bras, aux avant-bras, aux cuisses, aux jambes et aux parties supérieure et inférieure du dos. Son indice de masse corporelle était à 30. Le reste de l’examen, y compris l’examen gynécologique, était normal.

L’évaluation hormonale initiale a permis d’observer un taux sanguin élevé de testostérone totale à 9,3 nmol/L (plage normale 0,35–2,7) et d’androsténédione à 11,8 nmol/L (plage normale 1,5–10,1). Ses taux de globuline liant les hormones sexuelles, de 17-hydroxyprogestérone et d’hormone adénocorticotrope (ACTH) se trouvaient à l’intérieur des limites de la normale. Ses taux d’hormones folliculo-stimulante et lutéinisante se situaient à l’intérieur des valeurs ménopausiques. Un test de suppression à la dexaméthasone a montré un cortisol à 37 nmol/L après 1 mg de dexaméthasone (réponse normale < 50 nmol/L). Un contrôle de la testostérone a confirmé les taux élevés (5,96, 7,33 et 8,51 nmol/L). L’échographie transvaginale et une imagerie par résonance magnétique (IRM) de l’abdomen et du bassin ont montré un petit léiomyome utérin de 11 × 8 × 13 mm, et de petits ovaires normaux. Nous n’avons observé ni tumeur ovarienne ni masse surrénalienne. Ces résultats suggéraient donc une élévation des taux sanguins de testostérone d’origine ovarienne.

Compte tenu d’une possible tumeur produisant des androgènes dans les ovaires d’apparence normale à l’imagerie, nous l’avons dirigée vers le service de chirurgie reproductive (T.T.), puis en radiologie interventionnelle (L.M.B.), où l’on a effectué des prélèvements veineux ovariens et surrénaliens (figure 1A). Les taux de testostérone des surrénales droite et gauche et de la veine ovarienne gauche étaient respectivement à 8,26, 13,34 et 46,26 nmol/L, tandis que les taux de la veine ovarienne droite étaient très élevés, à 970,56 nmol/L.

Figure 1:

Figure 1:

(A) Échantillon sanguin de la veine ovarienne droite d’une femme de 55 ans. Pointes de flèches blanches : veines ovariennes. Flèche blanche : extrémité du microcathéter à prélèvement sanguin. (B) Hyperthécose nodulaire : cellules stromales lutéinisées (flèches jaunes). Remarque : Luteinized stromal cells = cellules stromales lutéinisées.

La patiente a subi une ablation laparoscopique de l’utérus et des 2 ovaires. Elle a choisi l’hystérectomie qui allait lui permettre de prendre une hormonothérapie substitutive œstrogénique sans progestatifs et la salpingectomie bilatérale qui allait réduire de moitié l’incidence du carcinome épithélial ovarien1.

Ses ovaires droit et gauche mesuraient respectivement 4,2 × 1,5 × 1,3 cm et 3,8 × 1,2 × 0,9 cm, à l’intérieur des limites de la normale. L’examen histopathologique a montré une hyperthécose nodulaire dont les plus gros amas étaient de 1 cm à l’ovaire droit et de 0,8 cm à l’ovaire gauche (figure 1B).

Trois semaines après l’intervention chirurgicale, la patiente a fait état d’une amélioration de son acné, et son taux de testostérone totale était inférieur à 0,35 nmol/L. Elle a commencé à présenter des bouffées de chaleur et on lui a prescrit un gel d’estradiol à 0,06 % à raison de 1,25 g/j. Sa tension artérielle et ses antihypertenseurs sont demeurés inchangés. Au moment du suivi, 6 mois plus tard, l’acné avait complètement disparu et on n’observait que quelques poils au visage.

Discussion

Chez les femmes, les androgènes sont fabriqués par les glandes surrénales ou les ovaires2. La plus fréquente cause d’hyperandrogénie est le syndrome des ovaires polykystiques, qui touche les femmes fertiles et s’accompagne d’une légère hausse des taux de testostérone et de multiples kystes ovariens observés à l’imagerie. Une autre possibilité est l’hyperplasie congénitale atypique des surrénales, qui engendre un taux élevé de 17-hydroxyprogestérone3. L’hyperplasie congénitale des surrénales affecte 1 %–2 % des femmes préménopausées présentant une hyperandrogénie4. Chez notre patiente, la présence d’un taux normal d’ACTH et la suppression appropriée du cortisol après 1 mg de dexaméthasone ont permis d’écarter le syndrome de Cushing. Bien que rare, la tumeur des surrénales était une possibilité à envisager, mais on n’a noté aucune anomalie surrénalienne à l’IRM (tableau 1).

Tableau 1:

Causes de l’hirsutisme et de la virilisation*

Cause Caractéristique clinique
Source iatrogène
 Stéroïdes androgènes anabolisants ou progestatifs exogènes D’hirsutisme à virilisation
Source surrénalienne
 Hyperplasie congénitale des surrénales Hirsutisme
 Maladie de Cushing Hirsutisme
 Tumeur surrénalienne produisant des androgènes Virilisation
Source ovarienne
 Syndrome des ovaires polykystiques Hirsutisme
 Tumeur ovarienne produisant des androgènes D’hirsutisme à virilisation à progression rapide
 Hyperthécose ovarienne D’hirsutisme à virilisation à progression rapide
*

La virilisation est un hirsutisme grave accompagné de signes de masculinisation.

Le prélèvement de sang veineux ovarien et surrénalien a permis de déterminer la source de l’hyperandrogénie5. En radiologie interventionnelle, il est possible de prélever un spécimen de sang veineux surrénalien pour détecter un adénome surrénalien produisant de l’aldostérone chez les malades hypertendus6. Le prélèvement veineux gonadique n’est pas effectué de routine, même si nous canulons souvent les veines ovariennes pour traiter le syndrome de congestion pelvienne, et emboliser ou scléroser les veines.

Chez les femmes périménopausées, et plus particulièrement postménopausées, un hirsutisme et une virilisation à progression rapide peuvent résulter d’une hyperthéchose ovarienne ou d’une tumeur ovarienne sécrétant des androgènes7. Des nids de cellules thécales lutéinisées dans le stroma ovarien peuvent former des nodules distincts qui produisent des androgènes. L’ovaire affecté est habituellement hypertrophié, mais ce n’est pas toujours le cas. Contrairement à la tumeur de l’ovaire, l’hyperthécose n’est pas associée à une hypervascularisation, et comme les cellules stromales lutéinisées et le stroma ovarien normal ont une consistance similaire, il est parfois difficile de reconnaître le problème à l’échographie, Doppler ou autre. Notre patiente avait de « petits ovaires » d’apparence normale à l’échographie, mais comme les ovaires postménopausiques sont plus petits que chez la femme fertile, ils étaient en fait peut-être relativement hypertrophiés. Chez les femmes qui présentent une hyperandrogénie, l’incidence de l’hyperthécose ovarienne, des tumeurs des ovaires, ou des tumeurs des surrénales produisant des androgènes est inférieure à 1 %.

Comme la testostérone est aromatisée en estradiol, notre patiente a éprouvé des symptômes ménopausiques uniquement après l’ablation de ses ovaires. Les taux élevés d’œstrogènes non opposés accroissent le risque d’hyperplasie ou de cancer de l’endomètre8. Chez les patientes plus jeunes, nous pourrions traiter une hyperthécose ovarienne unilatérale par une ovariectomie unilatérale, mais les patientes postménopausées peuvent subir une salpingo-ovariectomie bilatérale avec ou sans hystérectomie afin de réduire l’incidence du cancer de l’ovaire.

L’hirsutisme est relativement fréquent, mais la virilisation ou l’hirsutisme marqués, avec signes de masculinisation, devraient faire l’objet d’examens plus poussés puisqu’ils peuvent résulter d’une tumeur des surrénales ou des ovaires. Le processus diagnostique inclut des analyses de sang périphérique pour un dosage des hormones ovariennes et surrénaliennes, des épreuves d’imagerie et des prélèvements sanguins surrénaliens et ovariens si possible.

La section « Études de cas » présente de brefs rapports de cas à partir desquels des leçons claires et pratiques peuvent être tirées. Les rapports portant sur des cas typiques de problèmes importants, mais rares ou sur des cas atypiques importants de problèmes courants sont privilégiés. Chaque article commence par la présentation du cas (500 mots maximum), laquelle est suivie d’une discussion sur l’affection sous-jacente (1000 mots maximum). La soumission d’éléments visuels (p. ex., tableaux des diagnostics différentiels, des caractéristiques cliniques ou de la méthode diagnostique) est encouragée. Le consentement des patients doit impérativement être obtenu pour la publication de leur cas. Renseignements destinés aux auteurs : www.cmaj.ca

Voir la version anglaise de l’article ici : www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.220685

Footnotes

Intérêts concurrents: Oriana Hoi Yun Yu déclare avoir participé à une réunion consultative sur le médicament Rybelsus (indépendamment des travaux soumis). Aucun autre intérêt concurrent n’a été déclaré.

Cet article a été soumis à l’examen des pairs.

Les auteurs ont obtenu le consentement de la patiente.

Collaborateurs : Tous les auteurs ont contribué à l’élaboration et à la conception du travail. Togas Tulandi a rédigé l’ébauche du manuscrit. Tous les auteurs ont révisé de façon critique son contenu intellectuel important, ont donné leur approbation finale pour la version destinée à être publiée et endossent l’entière responsabilité de tous les aspects du travail.

Références

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