« Soigner plus particulièrement le patient individuel que les particularités de la maladie». Osler
La requête documentaire de l’expression «Good Physician» (Bon Médecin) dans les titres des références bibliographiques, indexées dans la base des données biomédicales PubMed, permettait de retrouver, au cours du mois de novembre 2022, environ une soixantaine des publications depuis l’année 1864 [1], dont une dizaine était en «free full text». Après un silence documentaire de huit décennies entières, les publications scientifiques sur le concept du Good Physician reprendraient en 1947 [2], pour dépasser cinq publications dans la seule année 2022 [3,4,5,6,7.
Le texte le plus ancien [8] a été un extrait d’une série des sélections des contributions des lecteurs datant de 175 ans, rapportant que la médecine serait une gigantesque charité efficace et associée, d'une manière ou d'une autre, à des pratiques de soins, autrement dit une «charité médicale» authentique. Ainsi, la pertinence médicale serait attribuée au degré auquel le caractère de charité et son utilité seraient élevés. L’habitude de donner aux enfants nécessiteux, un repas sain pour la prévention du rachitisme et de l’anémie, entrainant un succès incontestable, est un «acte de charité respectable, faisant preuve d'intelligence». Selon l’auteur, «c'est la véritable charité de religion et de raison» qu’il faut «laisser pousser» [8].
Un ancien texte de 1964, a été un commentaire édité dans la revue «British Medical Journal», sous le titre «The Good Physician» [8], pour relater l’initiative du British Medical Association, d’inviter le Doyen de Westminster (un clerc distingué), pour prononcer le discours de l’année, un dimanche et dans la cathédrale de la commune ! Répondre efficacement aux multiples appels quotidiens des patients est, selon le Doyen, une compétence technique du médecin, fondée sur sa capacité d’entretenir une relation avec le patient, «dans sa mystérieuse unicité personnelle». Le Doyen conférencier a lancé un appel pour s’inspirer «des idées de l'Evangile, éclairant l'image du Good Physician" et du Christ «guérisseur des âmes et des corps», dans la continuité des traditions humanistes hippocratiques. Un poème sur les qualités du «Good Physician», référencé au cours de l’année 2000 [9], a cité 14 compétences du bon médecin [Encadré 1].
Encadré 1 : Les 14 compétences du « Good Physician » (Jackson J[9]) .
1. Écouter autant que parler, 2. S'exprimer autant par le regard que par la dénonciation, 3. Observer, avec fierté, les réalisations des autres, 4. Ajouter la valeur à chaque rencontre, 5. Accueillir la nouveauté sous toutes ses formes, 6. Ne s’ennuyer pas par la médiocrité, 7. Ne sous-estimer jamais l'intelligence ou la capacité des autres, 8. Naviguer pensivement les divisions de la diversité culturelle, 9. Accumuler une mine d'idées magiques à partager, 10. Comprendre le poids des océans dans une larme, 11. Entrer dans la vie avec audace et civilité, 12. Demander de l'aide en cas de besoin, 13. Connaître les noms de tout le monde dans la pièce et se souvenir pour les remercier tous, 14. Etre à l'aise avec le silence. |
Methods
Il faut attendre l’année 2015 pour lire l’éditorial du Casado Blanco dans une revue espagnole, sous le titre: L'éthique professionnelle est nécessaire pour être un «Good Physician» [10]. En effet, l'importance de l'éthique professionnelle dans la pratique quotidienne de la médecine est un préalable à l'obligation des règles de conduite établies par le code d'éthique médicale. Selon l’auteur, «l'éthique médicale protège l'indépendance de la profession médicale avant le pouvoir politique, qui ne peut et ne devrait pas interférer avec l'accomplissement des mandats déontologiques». Il est évident que pour être un «Good Physician», il ne faut pas maitriser uniquement une discipline particulière, l'incorporer et l'utiliser, mais il faut aussi savoir lire le Code de l’éthique médicale, le commenter, le discuter et bien sûr le mettre en œuvre. L’auteur concluait son éditorial en disant qu’être «Good Physician» implique «la compréhension et la mise en œuvre de normes éthiques».
Une publication récente en 2020 [11] sur le sujet du «Good Physician» a été relative aux axiomes de l’éducation médicale d’Osler, encore pertinents au 21ème siècle, présentés au cours d’une conférence devant les étudiants du Collège Médical Albany. En tant que membre fondateur de Johns Hopkins School of Medicine, Osler avait résumé sa stratégie d’excellence médicale, en quatre leçons essentielles.
«Je suis heureux de dire que je suis toujours étudiant en médecine, et je sens toujours que j'ai beaucoup à apprendre». L'éducation est un processus qui devrait durer, tout au long de la vie, afin de donner aux «patients» les soins qu'ils méritaient et aux «étudiants» l'inspiration dont ils avaient besoin.
«Cultivez aussi bien vos cœurs que vos têtes», dépassant ainsi les frontières épistémologiques de la Science, et valorisant l’intégration des sciences humaines dans les curriculums des facultés de médecine. Osler encourageait la littérature auprès de ses étudiants qui devraient «passer la dernière demi-heure de la journée en communion avec les «Saints de l'Humanité» comme Shakespeare, Hemingway, et beaucoup d'autres.
«Soigner plus particulièrement le patient individuel que les particularités de la maladie». En plus de la médecine axée sur le patient, Osler appelle à la pratique d’une méthode où «l'étudiant commence par le patient, continue par le patient, et termine ses études avec le patient».
«Gardez un miroir dans votre cœur, et plus vous nettoyez soigneusement vos propres fragilités, plus vous êtes sensibles aux fragilités de vos semblables». Selon Osler, les pauvres sont des souffrants exposés à toutes les fragilités et les faiblesses.
Dans une recherche qualitative, publiée en 2021 [12], les critères du leadership d’un «Good Physician» ont été définis, suite à une étude finlandaise ayant inclus une cinquantaine des médecins internes/résidents, spécialistes, chefs de service et médecins chefs. Selon ce travail, la réussite du leadership du «Good physician» est étroitement attribuée à l’intégration de l’expertise médicale et d’une série des compétences transversales de «soft skills» telles que: la confiance, l'équité, l'empathie, les compétences sociales, les compétences en communication bidirectionnelle, la rétroaction régulière, le respect collégial et l'intelligence émotionnelle. Un «Good Physician» leader «fait ce qu'il faut, de la bonne manière et pour les bonnes raisons», en exerçant «une influence pour la réalisation d'un objectif commun, moyennant l'obtention d’une direction, d’un alignement et d’un engagement social».
En février 2022, un article paru dans la revue Academic Medecine, sous le nom «Quels comportements définissant un bon médecin?» [6] a plaidé pour l’évaluation des compétences extra cliniques de la génération des «Good Physicians». Selon les auteurs, le succès du résidanat dans les spécialités médicales dépend souvent d'attributs non cognitifs, tels que la conscience, l'empathie et le courage. Ces traits, plus difficiles à évaluer que les performances cognitives, ont motivé les pédagogues de la «Competency-Based Medical Education» (Formation Médicale Basée sur les Compétences), à recourir à une liste d'attributs non cognitifs, avec des définitions associées et des compétences non cognitives, appelées «Activités Pratiques Observables», pour faciliter leur évaluation formative et sommative. Dans cet article, les auteurs ont défini 18 compétences non cognitives [Encadré 2].
Encadré 2 : Les 18 compétences non cognitives du «Good Physician» (Warm EJ et al) [6] .
1. Advocacy (Plaidoyer), 2. Affability (Affabilité), 3. Collaboration (Collaboration), 4. Compassion (Compassion), 5. Conscientiousness (Conscience), 6. Courage (Courage), 7. Cultural sensitivity (Sensibilité culturelle), 8. Curiosity (Curiosité), 9. Empathy (Empathie), 10. Equanimity (Équanimité), 11. Equity (Équité), 12. Grit (Grincer), 13. Growth mindset (croissance d’esprit), 14. Holism (Holisme), 15. Humility (Humilité), 16. Open-mindedness (Ouverture d'esprit), 17. Resilience (Résilience), 18. Self-awareness (Connaissance de soi). |
Conclusion
Une récente publication américaine publiée dans la revue Southem Medical Journal [3] s’est focalisée sur l’étude des motivations intrinsèques du «Good Physician», à travers l’analyse du contenu des réponses de deux échantillons d’étudiants en médecine et des médecins praticiens, lors des deux enquêtes nationales. Chez les étudiants en médecine, quatre thèmes ont été identifiés comme étant des facteurs intrinsèques à la médecine: les modèles de rôle, les expériences cliniques, les interactions avec les patients et les interactions avec les pairs. En plus, cinq facteurs intrinsèques à la médecine, ont été retenus parmi les médecins praticiens: les interactions difficiles avec les patients, les conflits avec les collègues ou le personnel, les interactions significatives avec les patients, l’implication dans l'enseignement médical-recherche-université et la médecine comme vocation/mission.
Ainsi, cette série des publications biomédicales dans la base des données internationale PubMed, centrée sur le sujet de «Good Physician», regroupait les différentes composantes du chemin d’excellence de la pédagogie universitaire, cumulées au cours de 150 ans de l’expertise humaine.
La culture dominante considère la prestation sanitaire, dispensée par les «Good Physician » en tant qu’une forme positive et motivante de la charité (la religion et la raison seraient les deux facettes de la médecine).
Les préférences des patients exigent une prise en charge singulière, basée sur des modèles des «Good physicians», guérisseurs «des âmes et des corps»,
La littérature biomédicale présente les «Good Physicians», comme des personnes ayant des grandes habilités dans la communication, l’écoute, la tolérance et les relations interpersonnelles.
L’éthique de la profession médicale, éclaire les bonnes conduites des «Good Physicians», face aux patients, à leurs familles, aux collègues et aux puissances sociétales;
L’histoire des modèles de succes story des «Good Physicians» considère que l’apprentissage «tout au long de la vie», est l’approche éducative princeps
Les deux facettes du leadership du «Good Physician» sont d’une part l’expertise clinique médicale et d’autre part la maitrise des compétences transversales de «soft skills»,
Les compétences extra cliniques des «Good Physicians» sont évaluées par les éducateurs, à l’aide des indices des «Activités Pratiques Observables», mesurant par exemples, la collaboration, l'empathie et la sensibilité culturelle.
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