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editorial
. 2023 Jun 15;35(1):1–3. [Article in French] doi: 10.1016/j.jeurea.2023.05.001

Première vague COVID-19, trois ans déjà…

P Carli 1,, C Telion 1
PMCID: PMC10270243

Le 9 mars 2020 l’éditorial du journal intitulé d’une crise à l’autre [1] attirait l’attention des lecteurs sur une actualité professionnelle particulièrement préoccupante : l’apparition de cas de COVID-19 en France. L’année 2019 avait déjà été marquée par une situation de crise au sein des urgences qui avait conduit au pacte de refondation des urgences basé sur le rapport établi par le député Thomas Mesnier et Pierre Carli [2]. La mesure phare de ce pacte était la création du service d’accès aux soins (SAS). Au moment du déploiement expérimental du SAS dans les premiers mois de 2020, l’émergence de l’épidémie de COVID-19 est aussi apparue. Cette épidémie qui avait émergé en Chine fin 2019 s’est progressivement répandue sur toute la planète. Au mois de février 2020, la pandémie a touché tous les pays d’Europe. L’Italie a été submergée par de nombreux cas qui ont saturé son système de soins et tout particulièrement les réanimations. La France, dès le début du mois de mars, a subi l’impact croissant de la première vague de l’épidémie de la crise COVID. L’éditorial du journal [3] quelques mois plus tard retraçait les éléments marquants de cette situation sanitaire exceptionnelle (SSE) d’une ampleur jusque-là inconnue. Aucun d’entre nous n’a oublié l’énorme stress auquel notre système de santé a été soumis en quelques semaines. Les services d’urgences préhospitaliers, SAMU et SMUR, ont été immédiatement en première ligne et confrontés à une vague d’appels déferlants sur le 15. Même si à ce stade de la pandémie, les patients français étaient pour la plupart peu graves cet afflux d’appels sans précédent a imposé une adaptation très rapide de la régulation médicale. Le pic d’appels est atteint à Paris le 13 mars. En quelques jours, un dispositif de régulation médicale tout à fait exceptionnel a été mis en place [4]. Les lignes téléphoniques entrantes multipliées par 4, de nombreux postes de régulation médicale ont été déployés dans tous les espaces disponibles, des renforts en personnels ont été recrutés et formés. Ils ont fait appel à des médecins volontaires, des retraités, des étudiants en médecine [5], des secouristes. Une filière spécifique dédiée aux appels COVID a été créée permettant de dispenser des conseils pour maintenir des patients à domicile ou pour les orienter vers la médecine ambulatoire. Des équipes d’intervention médicales et paramédicales ont pris en charge des patients les plus graves qui relevaient d’une hospitalisation conventionnelle en médecin ou en soins critiques. Cet afflux d’appels et d’interventions préhospitalières a précédé d’une dizaine de jours la saturation des capacités d’hospitalisation et tout particulièrement celles en soins critiques [6]. En quelques semaines tous les établissements hospitaliers publics et privés ont été mobilisés ainsi que la médecine ambulatoire. Une déprogrammation massive des activités réglées a été décrétée et les mesures barrières imposées sur le territoire national. Malgré ces mesures majeures dès la fin du mois de mars, la saturation des soins critiques dans la région Grand-Est et dans celle des Hauts-de-France puis en Île-de-France est devenue le problème principal de la lutte contre la pandémie. Les projections de besoins en lits ont alors montré que malgré la mobilisation de tous les professionnels disponibles, la création d’unités de soins critiques dédiées au COVID (réanimations dite « Néocovid »), les capacités de prise en charge ne suffiraient pas pour passer le cap de cette vague. C’est à ce stade que pour la première fois une stratégie de transferts de patients de réanimation en inter-régional est développée à grande échelle. Elle a utilisé tous les moyens disponibles routiers, héliportés, aériens. Mais le fait le plus marquant a été le déploiement de TGV médicalisés, les missions « CHARDON » [7]. Cette capacité d’interventions massives de moyens médicalisés rassemblant des équipes venant de toute la France, pour transporter des patients graves des régions les plus touchées vers celles qui disposaient encore de ressources en soins critiques, a été une démonstration de force de la prise en charge médicale préhospitalière. Les médecins urgentistes, associés aux réanimateurs médicaux et chirurgicaux, dans ces missions ont permis d’instituer une nouvelle stratégie : le transfert de patients atteints de COVID grave (porteur d’un syndrome de détresse respiratoire, intubés et ventilés artificiellement) mais stabilisés pour faire de la place en réanimation à de nouveaux patients s’aggravant dans les urgences ou les services d’hospitalisation médicaux. Cette stratégie a un double bénéfice, d’une part, pour les patients transférés dont la suite des soins et la sortie de réanimation pouvaient être organisées dans des services non saturés, et d’autre part, pour de nouveaux patients qui dans les services d’origine ont pu bénéficier d’une prise en charge en soins critiques. L’évaluation de ce bénéfice est complexe et il est en cours d’analyse et de publications.

Dans les deux ans et demi qui ont suivi ce n’est pas moins de 8 autres vagues de la pandémie de COVID qui ont été observées en France métropolitaine et d’Outre-Mer. Elles ont été analysées et commentées dans ce journal ainsi que les évolutions majeures acquises pour combattre l’épidémie comme la vaccination et le développement de thérapeutiques innovantes pour traiter les patients graves [8]. Il est par contre important de souligner le rôle majeur qu’a joué la communication entre les professionnels, les administrations et les tutelles tout au long de la gestion des phases de la crise. Le développement de visioconférence, la possibilité de disposer de prévisions quantitatives et qualitatives des besoins en lits ont permis avec une efficacité croissante d’analyser la situation, de développer de nouvelles stratégies, de diffuser les innovations et d’anticiper les conséquences des vagues. L’expérience acquise au cours de cette crise est un héritage important pour la gestion de nouvelles situations sanitaires exceptionnelles. Sur le plan préhospitalier, d’un point de vue beaucoup plus pragmatique, on peut aussi considérer que la crise COVID figure maintenant dans l’histoire de la médecine d’urgence et que comme cela avait été le cas autrefois, pour la crise de la poliomyélite ou celle des accidents de la route dans les années 1970. Elle a apporté une nouvelle pierre à l’édifice : le déploiement du SAS [9].

Le SAS fait donc partie intégrante de l’héritage de cette crise et il a été conforté et développé à la suite de la mission flash de l’été 2022 [10]. En 2023, il est prévu d’accélérer son développement et de le généraliser d’ici la fin de l’année. Cette ouverture majeure vers la médecine ambulatoire et la généralisation du continuum de prise en charge des patients observée au cours de la pandémie COVID-19 (entre l’urgence vitale et les soins non programmés) est un des rares moyens d’éviter que les services d’urgence ne se transforment en une unité d’accueil de tous les problèmes médicaux. Mais, créer un continuum avec des soins non programmés ce n’est pas désarmer les équipes de réanimation préhospitalière. Cette composante reste indispensable pour la médecine d’urgence, comme elle l’a montré historiquement mais aussi parce qu’elle est attractive pour les médecins qui prennent en charge des patients graves, à l’hôpital, dans des salles d’accueils des urgences vitales (SAUV) ou dans les unités mobiles hospitalières (UMH) des SMUR. Cette évidence est cependant contestée par certains qui privilégient une hypothétique économie de temps médical au détriment de la pérennité et du développement d’une spécialité nouvelle.

L’année 2023 est une année de transition. La crise COVID n’est plus en tête des préoccupations même si le virus n’a pas totalement disparu et que progressivement il prend sa place dans le panel des infections saisonnières. Il peut cependant resurgir à tout moment en intensité en en gravité variable. Le système de santé dans son ensemble déjà fragilisé préalablement se remet difficilement de la crise COVID. Un des signes les plus évidents est la désaffection des personnels pour les carrières de santé. Leur manque d’attractivité nuit aussi au renouvellement des équipes. Ce phénomène impacte tout particulièrement les structures d’urgence et pérennise donc les difficultés constatées en 2019 et en 2022.

Cependant, c’est en 2023 qu’il faut préparer 2024 et les grandes échéances qui sont déjà annoncées comme les Jeux Olympiques. Elles doivent mobiliser notre attention et nos efforts pour que cet évènement de dimension mondiale ne soit pas une nouvelle difficulté à surmonter mais au contraire un défi incitant l’ensemble du système de santé à s’impliquer et à affirmer son excellence aux yeux de la population française mais aussi mondiale. Dans le contexte d’une convergence de risque pouvant associer des facteurs sociaux, des actes terroristes ou malveillants, des problèmes d’infrastructures ou de technologies, des catastrophes naturelles et climatiques le défi important souligne la nécessité de nous rassembler, de coordonner nos efforts et enfin d’innover pour le relever.

Déclaration de liens d’intérêts

Les auteurs n’ont pas précisé leurs éventuels liens d’intérêts.

Références


Articles from Journal Européen Des Urgences et De Réanimation are provided here courtesy of Elsevier

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