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. 2023 Feb 15;28(5):270–272. doi: 10.1093/pch/pxac124

L’adhérence au traitement de maladies chroniques chez les jeunes – Rôle du niveau d’actualisation et de la tolérance au risque

Sandrine Hurtubise 1, Tamara Perez 2, Olivier Drouin 3,4,5,6,
PMCID: PMC10362959  PMID: 37484036

Abstract

Adolescents with chronic diseases must adhere to medication regimens to control their symptoms and avoid long-term complications. Despite its importance, medication adherence is low among adolescents. This commentary briefly covers the challenges described in the literature associated with measuring and addressing low medication adherence in adolescents. Next, it presents the evidence for the link between medication adherence and two prevalent psychological characteristics that have not been properly assessed so far: delay discounting (i.e., the relative value assigned to the future compared to the present), and risk tolerance. These psychological traits deserve further studies and are potentially amenable to interventions to improve medication adherence in adolescents with chronic conditions.

Keywords: Adolescents, Behavioural sciences, Chronic diseases, Delay discounting, Medication adherence, Risk tolerance

INTRODUCTION

Béatrice, 15 ans, souffre d’asthme persistant pour lequel elle s’est fait prescrire des corticostéroïdes inhalés à prendre deux fois par jour sur une base régulière. Béatrice entrera bientôt en quatrième secondaire et doit choisir ses cours en fonction de ses futurs choix de carrière. Elle a cependant beaucoup de difficulté à savoir ce qu’elle veut faire après le secondaire. Elle préfère ne pas trop y penser et profiter du moment présent avec ses amies. Aussi, bien que ses parents et son médecin lui disent qu’elle doit prendre des médicaments régulièrement, elle ne sait pas vraiment à quel point ils sont nécessaires. Cela fait plusieurs mois qu’elle n’a pas été malade à cause de son asthme et elle n’a pas l’impression que la maladie est très sévère. Et puis, quel est le pire qu’il puisse arriver?

Pour les patients atteints d’une maladie chronique, une bonne adhérence à leur médication est souvent nécessaire afin de limiter à la fois les exacerbations et les complications à long terme. L’adhérence aux médicaments désigne la prise de médicaments conformément à la fréquence et à la durée prescrites. Elle peut être mesurée de diverses façons: 1) en demandant directement au patient (ou au parent); 2) en évaluant la fréquence de renouvellement des prescriptions (données de pharmacie); 3) en utilisant des appareils électroniques (piluliers électroniques ou compteur de doses pour les inhalateurs contre l’asthme); 4) en mesurant directement le taux sanguin des médicaments (lorsque ceci est faisable) (1).

Peu importe la méthode de mesure, l’adhérence médicamenteuse est sous-optimale pour la presque totalité des maladies et des groupes d’âge dans lesquels cette problématique a été étudiée. Plusieurs facteurs contribuent au problème d’adhérence, dont certains sont particulièrement importants chez les adolescents: les difficultés émotionnelles, sociales, mentales et relationnelles (incluant avec les parents), la complexité des régimes médicamenteux, les croyances relatives à la maladie et à son traitement, ainsi que les possibles effets secondaires (2,3). L’adhérence aux médicaments présente des particularités et des défis lors de la transition de l’enfance à l’âge adulte. Les patients deviennent en effet graduellement plus responsables de leur médication, ce qui est corrélé avec une diminution de l’adhérence (4). En plus des difficultés ci-haut, certaines caractéristiques psychologiques particulièrement présentes durant l’adolescence et lors de la transition à l’âge adulte pourraient aider à comprendre le problème d’adhérence dans ce groupe d’âge, mais aussi l’améliorer.

Comme Béatrice, dont le cas est présenté dans le scénario précédent, les adolescents ont une propension à accorder plus d’importance au présent au détriment du futur (le terme technique pour ce phénomène est « niveau d’actualisation ») (5). En général, les adolescents ont aussi une plus grande propension à la prise de risque (6). Ces caractéristiques psychologiques sont associées à l’adhérence aux médicaments, comme cela a été démontré chez de jeunes adultes atteints d’asthme, qui adhèrent moins à leur médication lorsqu’ils accordent davantage d’importance au présent qu’au futur ou qu’ils ont une plus grande tolérance au risque (7).

Dans le présent commentaire, nous avançons que le niveau d’actualisation du futur et la tolérance aux risques sont deux facteurs de non-adhérence à la médication particulièrement importants chez les adolescents et les jeunes adultes et qu’ils méritent d’être considérés comme potentielles cibles d’intervention. Ces avenues ont été relativement peu explorées jusqu’à maintenant et pourraient contribuer à augmenter l’efficacité des interventions pour améliorer l’adhérence, laquelle demeure un défi même s’il est connu depuis longtemps. Cette discussion se veut complémentaire à d’autres publications qui ont fourni un bon tour d’horizon des autres facteurs influant sur l’adhérence dans la population adolescente (2).

LE NIVEAU D’ACTUALISATION DU FUTUR PAR RAPPORT AU PRÉSENT

Vivre avec une maladie chronique – qui peut se détériorer de façon apparemment imprévisible – peut mener à percevoir le futur comme plus incertain (8). Cette perception peut amplifier la tendance, déjà existante chez beaucoup d’adolescents, à vivre dans le moment présent et de porter moins d’attention au futur. À court terme, pour les adolescents vivant avec des problèmes de santé chronique, la non-adhérence peut en effet présenter d’apparents avantages, incluant un moins grand sentiment d’être différent ou la possibilité d’oublier (momentanément) sa maladie (2).

De façon générale, accorder une plus grande valeur au futur est associé à des comportements de santé plus sains (9). Inversement, les adolescents atteints de diabète de type 1 qui accordent plus d’importance au présent ont tendance à avoir un moins bon contrôle glycémique (10).

De façon pratique, cette considération pour le niveau d’actualisation peut contribuer à améliorer l’efficacité des interventions cliniques. Par exemple, la pédiatre pourrait choisir d’insister sur les bénéfices à court terme des médicaments de contrôle de l’asthme (meilleure tolérance à l’activité physique) plutôt que de s’attarder sur les effets à long terme (croissance pulmonaire ou risque d’exacerbation). La supervision parentale de la prise de médicament est aussi associée à une meilleure adhérence, en partie parce que les parents accordent généralement plus d’importance aux conséquences futures de la non-adhérence que leurs adolescents (10).

LA TOLÉRANCE AUX RISQUES

En plus de l’évaluation des conséquences et des bénéfices à court et à long terme, la décision d’adhérer aux médicaments est aussi influencée par l’évaluation des risques associés à la non-adhérence. Tel que le démontre le scénario, la perception d’invincibilité souvent présente à l’adolescence mène à une plus faible perception de risque, ce qui, en retour, peut limiter l’incitation à adopter des comportements sains et bons pour la santé, tels que la prise de médicaments. Fait intéressant, des études suggèrent que les adolescents atteints d’une maladie chronique adoptent des comportements à risque, tels que le tabagisme et les relations sexuelles non protégées, autant, sinon plus que les adolescents en santé (11). De même, les adolescents atteints d’asthme paraissent plus à risque de fumer quotidiennement et en plus grande quantité que les adolescents en santé. De surcroît, les adolescents atteints d’asthme symptomatique qui n’adhéraient pas à leur traitement étaient deux fois plus enclins à fumer que ceux qui y adhéraient (12). Aussi, chez les adolescents et les jeunes adultes atteints de diabète de type 1, Hackworth et ses collègues (13) ont démontré une association entre une plus grande propension aux risques et une moins bonne adhérence au traitement. Il est donc important que leurs parents et leurs professionnels de la santé soient attentifs à la présence et la fréquence des comportements à risque pour la santé, incluant la non-adhérence (14).

Sur le plan pratique, une conversation en tête-à-tête avec l’adolescent peut amener celui-ci à s’ouvrir sur sa perception du risque et encourager une conversation honnête sur les risques de la maladie, au-delà de ce qui pourrait être possible en présence du parent. L’utilisation de cas concrets de complications de la maladie tirés de la pratique du médecin, ou encore mieux de la vie du jeune, peut aussi rendre le risque plus tangible et moins abstrait.

CONCLUSION

Le niveau d’actualisation du futur et la tolérance aux risques devraient être considérés comme des facteurs pouvant influencer l’adhérence au traitement chez les adolescents souffrant d’une maladie chronique. Bien que la recherche sur le sujet soit encore embryonnaire, ces caractéristiques peuvent représenter des cibles d’interventions simples pour favoriser l’adhérence dans cette population.

Contributor Information

Sandrine Hurtubise, Département de psychologie, Université de Montréal, Canada.

Tamara Perez, Centre de recherche du CHU Sainte-Justine, Canada.

Olivier Drouin, Centre de recherche du CHU Sainte-Justine, Canada; Service de pédiatrie générale, Département de pédiatrie, CHU Sainte-Justine; Montréal (Québec), Canada; Département de pédiatrie, Université de Montréal, Canada; Département de médecine sociale et préventive, École de santé publique, Université de Montréal, Canada.

DÉCLARATION SUR L’APPORT DES AUTEURS

SH a procédé à l’analyse bibliographique, à la collecte des données, à l’ébauche et à la rédaction du manuscrit. TP a effectué la première analyse bibliographique et extraction des données et a participé à la rédaction et à la révision du manuscrit. OD a assuré la supervision, a fourni ses compétences sur le sujet et a participé à la rédaction et à la révision du manuscrit.

FINANCEMENT

OD a reçu une bourse de chercheur-boursier clinicien du Fonds de recherche du Québec – Santé.

CONFLITS D’INTÉRÊTS POTENTIELS

Aucun auteur n’a de conflit d’intérêts à déclarer. Les auteurs ont remis le formulaire de divulgation des conflits d’intérêts potentiels de l’International Committee of Medical Journal Editors. Ils ont divulgué les conflits que les rédacteurs en chef jugent pertinents en fonction du contenu du présent manuscrit.

Références

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Articles from Paediatrics & Child Health are provided here courtesy of Oxford University Press

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