Le professionnalisme est généralement défini par l’adoption d’un comportement fiable, intègre, responsable et qui vise l’excellence. Des qualités comme la compétence, l’efficacité, le savoir, le souci du travail bien fait, le respect, et la confiance relèvent également du professionnalisme. Dans l’ensemble, il s’agit de faire la bonne chose au bon moment. Le concept a peut-être été le mieux décrit par Sir William Osler, de manière fortuite, lorsqu’il a affirmé qu’il voyait sa profession comme « une vocation, et non une entreprise ». Plus précisément, il la voyait comme « une vocation qui exige à chaque instant sacrifice de soi, dévouement, amour et tendresse envers ses patients, ses collègues et la société1 ».
Même si nous avons jusqu’à maintenant cantonné le professionnalisme au domaine des études médicales2, la portée du concept semble évoluer, tant dans la société que dans le contexte médical. Il est important de réfléchir à cette réalité, étant donné les conséquences potentielles sur nos environnements de travail, et surtout, sur notre patientèle. Des prestataires de soins travaillants sont de plus en plus indignés des inégalités flagrantes dans les attentes des divers milieux de travail (universitaires et cliniques), aux iniquités dans la répartition des ressources (particulièrement le financement de projets universitaires), et à l’écart entre l’effort ou la productivité et la reconnaissance ou le soutien.
À une époque où règne le travail en quarts des prestataires de soins, des transferts fréquents de patients, et de la réduction du nombre d’heures passées physiquement à l’hôpital par les chirurgiennes et chirurgiens, les jours où elles et ils se dévouaient totalement à leur patientèle semblent loin derrière. Même si cette réalité ne devrait pas être confondue avec un désintérêt général, il semblerait approprié de se demander: à quoi ressemble réellement le professionnalisme contemporain dans le domaine chirurgical? Et, point peut-être plus important, à quoi devrait-il ressembler? Quelles parties de la définition doivent absolument être préservées? Le souci du travail bien fait, la responsabilisation, et le savoir semblent avoir écopé. Devrions-nous mettre l’accent sur ces domaines à l’avenir?
Parmi les exemples évidents de manque de professionnalisme, mentionnons les attaques ciblées et planifiées envers des collègues, la négligence du bien-être des partenaires de chirurgie dans l’élaboration des horaires de garde, le non-respect des échéanciers universitaires ou administratifs, les retards aux événements planifiés (p. ex., rondes, réunions, congrès, cas opératoires), et l’incapacité à répondre aux courriels qui pourraient causer de l’inconfort. Toutefois, ce qui semble le plus difficile à reconnaître pour beaucoup d’entre nous, ce sont les exemples de manipulation subtile non professionnelle au sein d’un environnement collectif.
En tant que communauté chirurgicale, nous devons réévaluer la définition du professionnalisme tant à l’échelle des stagiaires que du professorat. Quelle est l’importance de l’excellence et de la compétence à notre époque, où l’expérience de formation (heures et cas) et le nombre de chirurgiennes et chirurgiens surspécialisés sont tous deux réduits? Comment assure-t-on la sécurité de la patientèle en tout temps, tout en appuyant l’évolution et le perfectionnement de nos jeunes collègues? De nombreuses questions difficiles devraient être posées, mais elles sont rarement soulevées dans les systèmes de soins de santé. Pour les membres du professorat, la plus grande est sans doute de déterminer qui peut faire des gardes sans danger. Peu de programmes de chirurgie semblent poser cette question de façon ouverte et honnête. Quels stagiaires devraient être formés davantage pour veiller à ce qu’ils soient sûrs et à l’aise dans leur profession pour le reste de leur longue carrière?
Les organismes de réglementation et de certification sont efficaces à plusieurs égards, notamment la définition de concepts, mais ils arrivent rarement à offrir des évaluations complètes et détaillées capables de reconnaître les véritables raisons des comportements non professionnels et d’y remédier. Cependant, il y a quelques exceptions. Par exemple, le programme de résidence du University of Southern California a établi des « comités de professionnalisme » officiels et structurés qui aident les stagiaires et les membres du corps professoral à maintenir certains standards en temps réel. Cette approche met l’accent sur le renforcement du professionnalisme chez nos stagiaires pour prévenir les futurs échecs plutôt que de réagir aux manquements (p. ex., plaintes de la part du personnel infirmier ou de patients).
Veiller au professionnalisme, c’est viser l’excellence. La plupart du temps, il s’agit d’un chemin solitaire. C’est également quelque chose qui peut être difficile à définir en fin de parcours. Cela requiert une persévérance, une vigilance, un effort et une empathie hors du commun. Ce n’est pas facile, mais il s’agit tout de même d’un concept fondamental au sein de notre objectif plus large, soit de maximiser notre potentiel collectif et d’honorer notre serment d’Hippocrate.
Footnotes
Les opinions exprimées dans cet éditorial sont celles de l’auteur et ne représentent pas nécessairement celles de l’Association médicale canadienne ou ses filiales.
Intérêts concurrents: K. Inaba est appuyé par des bourses du ministère de la Défense des États-Unis (bourses no W81XWH-15-C-0147, W81XWH1820050, W81XWH-16-D-0024, W81XH19F0494, et W81XWH-15-9-0001) et de l’Institut national de la santé des États-Unis (bourse no 1UG3HL157401-01A1), indépendamment du présent document. Il est également chef de région du programme STOP THE BLEED du comité de traumatologie du American College of Surgeons, membre du conseil des gestionnaires pour l’American Association for the Surgery of Trauma, membre du conseil d’administration de la Western Trauma Association, et membre du comité de révision en chirurgie de l’Accreditation Council for Graduate Medical Education. E.J. Harvey est cofondateur et responsable de l’innovation médicale de NXTSens Inc.; cofondateur et médecin-chef de MY01 Inc. et de Sensia Diagnostics Inc.; et cofondateur et directeur de Strathera Inc. Son établissement bénéficie du soutien de J et J DePuy Synthes, Stryker, MY01 et Zimmer. Aucun autre intérêt concurrent n’est déclaré.
Références
- 1.Osler W. Men and books. Pasadena (CA): The Castle Press; 1959. [Google Scholar]
- 2.Ball CG, Grondin SC, Dixon E, et al. Five things they don’t teach you in medical school. Can J Surg 2016;59:296–8. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]