RÉSUMÉ
Objectif
Explorer les connaissances sur les interventions de promotion de la résilience chez les adolescents atteints de cancer en traitement actif. La question ici utilisée pour guider la recherche est: De quelles façons les infirmières peuvent-elles promouvoir la résilience chez les adolescents atteints de cancer en traitement actif?
Introduction
L’adolescence est une période de forte turbulence développementale (Young, 2014). Le diagnostic d’une maladie oncologique contribue à la détresse et diminue la qualité de vie (Sodergren et al., 2017). Certains adolescents semblent cependant développer des mécanismes d’adaptation positifs générant une plus grande résilience (Bellizzi et al., 2012; Sodergren et al., 2017). Les infirmières sont amenées à accompagner ces adolescents parfois sur de longues périodes et peuvent donc être des actrices clés dans le soutien à la résilience auprès de cette clientèle.
Méthode
Nous avons cherché en anglais et en français dans trois bases de données (CINAHL, PubMed, PsycArticles) en février 2023 en utilisant des limitateurs (2013–2023; adolescents). La sélection des sources potentielles a été réalisée sur la base de l’étude de Pollock et collaborateurs (2021). L’extraction, l’analyse et la présentation des données ont été effectuées en respectant la structure proposée par le JBI Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-Analyses extension for Scoping Reviews checklist (Tricco et al., 2018). Les données extraites ont été classées dans l’un des facteurs (de protection ou de risque) du Resilience in Illness Model (RIM) en utilisant une méthode déductive (Haase et al., 2014, 2017). Nous avons finalement extrapolé de possibles interventions dans lesquelles l’approche infirmière pourrait contribuer à la résilience des adolescents atteints de cancer en traitement actif.
Résultats
La méthode utilisée a permis de retracer 86 articles, dont 17 répondaient aux critères de sélection. De ce nombre, 10 étaient de nature quantitative; 3, de nature qualitative; 3, de nature théorique (incluant les revues de littérature et méta-analyse) et 1 de nature éditoriale. La majorité (n = 15) de ces articles proviennent des États-Unis. Depuis 2013, aucune étude ne s’est spécifiquement intéressée au rôle et aux interventions infirmières dans la promotion de la résilience auprès des adolescents atteints de cancer en traitement actif.
Conclusions
En fonction des résultats de cette étude et considérant que d’autres études existent sur le rôle de l’infirmière chez les adolescents atteints de maladie chronique non oncologique, nous estimons que l’infirmière œuvrant en oncologie pédiatrique peut être une actrice clé auprès de cette population en ce qui concerne la promotion de la résilience. Les recherches portant sur ce domaine spécifique s’avéreraient prometteuses afin de soutenir efficacement l’adaptation et la résilience chez les adolescents atteints de cancer en traitement actif.
INTRODUCTION
L’adolescence
L’adolescence est une période de développement cruciale au cours de laquelle de nombreux changements se produisent. Les données ciblant les personnes dans cette période développementale précise sont hétérogènes, tout comme les groupes d’âge ciblés dans les études sur les adolescents atteints d’un cancer en traitement actif. Certaines études ciblent des personnes ayant entre 10 et 35 ans. Conformément à Haase et collaborateurs (2014, 2017), dans le présent article, le concept d’adolescence englobe les personnes ayant entre 10 et 25 ans par souci d’inclusivité, et fait référence à une période au cours de laquelle différents facteurs biologiques, psychologiques, sociaux et environnementaux interagissent continuellement de manière dynamique et où de nombreux défis développementaux émergent (Young, 2014). Ces changements vont générer une modulation de la perception et de l’image du corps pendant la puberté (Young, 2014). De plus, une maturation importante de la sphère cognitive et affective, l’apprentissage du contrôle émotionnel et la résolution de problèmes se produisent durant cette période (Brand et al., 2017; Young, 2014). Parmi les autres défis importants, la quête d’autonomie et d’indépendance par rapport à la figure parentale est au premier plan (Brand et al., 2017; Young, 2014). Les pairs, les amis et les adultes significatifs deviennent des figures importantes dans le développement de l’identité de l’adolescent. L’adolescence est un pont majeur entre la période de l’enfance et celle de l’âge adulte, au cours de laquelle une définition personnelle des valeurs et des désirs se produit, contribuant à ainsi l’intégration de l’identité (Young, 2014).
Cancer et adolescence
Comme le désir d’appartenance et de reconnaissance par les pairs est particulièrement fort à l’adolescence (Young, 2014), les adolescents qui reçoivent un traitement pour une pathologie oncologique vivent évidemment de nombreux défis qui s’ajoutent à ceux de l’adolescence normative (Zebrack, 2011). L’apparition d’effets secondaires liés aux traitements (fatigue/asthénie, nausées, dysimmunité, etc.), les modifications corporelles (perte de poids, de masse musculaire, alopécie, etc.), la diminution des capacités d’attention et de concentration, le retrait de l’école, l’isolement social et l’altération du fonctionnement relationnel avec les amis font partie des problématiques typiques rapportées (Sodergren et al., 2017; Zebrack, 2011). À cela s’ajoute une augmentation de la dépendance à l’égard des figures parentales, une perte de contrôle liée au corps, à l’intégrité et à l’image corporelle, ainsi que des préoccupations liées à la sexualité (Sodergren et al., 2017). Les adolescents déclarent ressentir une perte de normalité, ne plus être en phase avec leurs pairs, être exclus et ressentir un changement du sens de soi et de la vie (Sodergren et al., 2017; Zebrack, 2011). La confrontation à la mort prématurée, aux traitements, aux effets secondaires et aux impacts psychosociaux entraîne des réactions émotionnelles associant la fragilité à la colère, à la frustration et à la peur (Sodergren et al., 2017).
Cancer, adolescence et résilience
Lorsque le cancer survient au cours de la période de turbulence développementale bien connue qu’est l’adolescence, il est intéressant de constater qu’une proportion significative des adolescents semble surmonter cette adversité de manière constructive. Selon Haase et collaborateurs (2017), la résilience est à la fois un processus et un résultat. Les processus par lesquels l’adolescent engage des mécanismes afin de faire face à l’adversité avec plus de souplesse lui permettent d’avoir un sentiment d’accomplissement et de compétence et lui donnent la motivation de maintenir cet équilibre (Haase et al., 2017). Ainsi, il est intéressant de noter que les maladies oncologiques peuvent également entraîner des changements positifs chez les adolescents (Bellizzi et al., 2012). Ces derniers se décrivent comme plus matures (Bellizzi et al., 2012; Sodergren et al., 2017), plus positifs et moins centrés sur eux-mêmes (Bellizzi et al., 2012). Les relations familiales peuvent parfois prendre une signification et une importance particulière au cours d’une expérience difficile pour les adolescents qui reçoivent un diagnostic de cancer. Certains déclarent avoir acquis confiance en leur capacité à prendre leur santé en main. Le cancer les a notamment aidés à remettre en perspective le sens de la vie, leurs objectifs et leur avenir.
Bien que l’expérience d’être atteint d’une maladie grave comme le cancer puisse avoir de nombreux impacts négatifs, il semble que certains adolescents en retirent de nombreux impacts positifs directement liés à l’expérience (Bellizzi et al., 2012). La psychologie positive, et plus particulièrement la résilience dans la promotion de l’adaptation à la maladie oncologique, peut fournir des outils importants aux infirmières dans le soutien et l’accompagnement qu’elles offrent aux adolescents et à leurs familles (Figueiredo et al., 2020) en plus de favoriser une activité centrale de la profession infirmière, soit la promotion de la santé et la prévention des maladies.
PROBLÈME, OBJECTIF ET QUESTIONS DE RECHERCHE
L’exploration initiale ayant mené à la mise en place de cette recherche a permis de mettre rapidement en lumière que peu ou pas d’articles explorent explicitement le rôle de l’infirmière dans la promotion de la résilience chez les adolescents atteints de cancer en traitement actif ou en suivi.
L’objectif central de cet article est de faire une revue de la littérature qui permettra d’identifier des thèmes associés à la résilience pour lesquelles de potentielles interventions infirmières pourraient favoriser la promotion de la résilience chez les adolescents atteints de maladies oncologiques en phase active de traitement. Le présent article vise donc à identifier différentes pistes d’interventions potentielles de promotion de la résilience chez cette clientèle en tenant compte des facteurs du Resilience in Illness Model (RIM) de Haase et al. (2014, 2017). Enfin, cet article permettra d’identifier des pistes de recherche futures dans ce domaine.
Les questions de recherche ayant guidé la revue et la stratégie de recherche sont:
Quelles sont les interventions (infirmières ou non) en promotion de la résilience chez les adolescents atteints de cancer en traitement actif?
Quels thèmes importants émergent dans les études sur la résilience chez les adolescents atteints de cancer en traitement actif et comment les interventions des infirmières pourraient-elles s’en inspirer?
MÉTHODOLOGIE ET JUSTIFICATION
Justification en faveur d’un examen de la portée
Comme peu d’informations existent sur le rôle de l’infirmière dans la promotion de la résilience chez les adolescents atteints de cancer en traitement actif, un examen de la portée s’avère être une méthode appropriée afin de cartographier les données existantes, d’extraire des concepts clés et de les contextualiser dans le but d’identifier des pistes de recherche future (Levac et al., 2010). Afin de rédiger cet article, nous avons utilisé « The Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-Analyses extension for Scoping Reviews (PRISMA-ScR) » (Tricco et al., 2018). La sélection des articles a été effectuée à l’aide du guide de l’Institut Joanna Briggs (JBI) pour la Scoping Review (Peters et al., 2020). Nous avons aussi tenu compte des suggestions formulées dans l’article de Pollock et al. (2021) qui traite de la méthodologie des revues de synthèse pertinentes pour la pratique et la recherche infirmière. L’extraction, l’analyse et la présentation des données ont été effectuées à l’aide du logiciel Johanna Briggs Institute (JBI) System for the Unified Management, Assessment, and Review of Information (SUMARI; Peters et al., 2020).
Justification en faveur du Resilience in Illness Model (RIM)
Comme peu de données existent sur le rôle des infirmières en promotion de la résilience chez les adolescents atteints de cancer en traitement actif, les données extraites relatives aux thèmes et potentielles interventions infirmières ont été classées entre facteurs de protection et facteurs de risque, selon le RIM (Haase et al., 2014, 2017) à l’aide d’une méthode déductive. Ce modèle est conçu selon deux théories centrales: 1) la théorie du développement humain; et 2) le modèle basé sur le sens (« Meaning-Based Model » [Haase et al., 2014]). Le RIM cherche à favoriser une meilleure compréhension des facteurs de protection (positifs) qui influencent la résilience chez les adolescents de 10 à 26 ans atteints de cancer (Haase et al., 2014). Finalement, ce modèle a démontré empiriquement sa valeur prédictive, et ce, tant pour influencer la recherche que la pratique clinique auprès des jeunes atteints de cancer (Haase et al., 2017).
Stratégie de recherche
Une première recherche dans CINAHL (EBSCO) et dans l’outil de recherche Sofia, un outil de recherche simplifié disponible dans les universités québécoises, a été effectuée afin d’identifier des articles sur le sujet dans une perspective académique. Considérant la portée potentielle de ce sujet, les mots contenus dans les titres et les résumés des articles, ainsi que certains des mots-clés utilisés pour décrire les articles ont été utilisés pour élaborer notre stratégie de recherche documentaire. Nous avons ensuite utilisé des opérateurs booléens pour spécifier notre stratégie de recherche. Nous avons consulté trois bases de données (CINAHL, PubMed et PsycArticles) en février 2023. Seules les études publiées depuis 2013 ont été prises en compte puisque les avancées médicales en oncologie pédiatrique sont très rapides, et qu’inévitablement, les enjeux psychosociaux et psychologiques liés à la maladie changent au gré de ces avancées. Les limitations de recherche suivantes ont été appliquées: « 2013–2023; anglais ou français; adolescents ». La liste des références de toutes les sources incluses n’a pas été examinée, d’abord parce que le temps disponible était limité, et ensuite parce que nous avions inclus 17 études et que la présente revue de se veut exploratoire. Étant donné que le sujet abordé est considéré comme émergent, nous avons décidé d’inclure tous les types d’études dans cette exploration.
Critères d’inclusion
Les études concernant les adolescents de 10 ans à 25 ans atteints d’une maladie oncologique et en traitement actif ont été incluses. Les études devaient traiter explicitement de la résilience. Les articles devaient avoir été publiés entre 2013 et 2023. Nous avons aussi pris en considération les études évaluant la mise en œuvre de programmes de promotion de la résilience ou encore la mesure d’efficacité de cesdits programmes. Enfin, nous avons effectué une recherche brève et simplifiée dans Google Scholar dans le but de retrouver des articles qui auraient pu être omis avec la stratégie de recherche utilisée. Malheureusement, la littérature grise n’a pas été explorée, notamment en raison de contraintes de temps.
Sélection des études/sources de données
Toutes les études identifiées ont été téléchargées dans la version 20.4 du logiciel EndNote. Les titres et les résumés ont été examinés et les sources potentiellement pertinentes ont été récupérées dans leur intégralité; les détails de leurs citations ont été importés dans le logiciel JBI SUMARI. Le diagramme en flux 1 présente ainsi le nombre d’articles retenus et exclus à chacune des étapes du processus de recherche (Tricco et al., 2018). L’extraction des données pertinentes a été réalisée à l’aide d’un tableau de synthèse tel que suggéré par Pollock et al. (2021). Les données extraites comprennent des détails spécifiques sur les participants, le concept, le contexte, le type d’étude et les principaux résultats pertinents pour l’objectif de rec herche.
Contexte
Cette revue de la littérature a été réalisée dans un contexte académique. L’idée sous-jacente à cette revue était la réalisation d’un article professionnel traitant d’un sujet d’intérêt en sciences infirmières. Il s’agissait également d’acquérir des connaissances plus générales sur la manière dont les adolescents font face au cancer et s’y adaptent pendant le traitement.
RÉSULTATS ET DISCUSSION
À notre connaissance, depuis 2013, aucune étude n’a exploré spécifiquement le rôle de l’infirmière dans la promotion de la résilience chez les adolescents atteints de cancer en traitement actif. Le RIM (Haase et al., 2014, 2017) suggère quatre facteurs de protection (coping courageux, environnement familial, intégration sociale, et dérivés du sens et de l’espoir) et deux facteurs de risque (détresse liée à la maladie, et coping défensif). Ces facteurs de protection et de risque influencent directement la résilience et la transcendance. De plus, ils affectent la qualité de vie et le bien-être des adolescents atteints de cancer (Greup et al., 2018).
Après évaluation des critères de sélection, 17 articles ont été inclus dans cette étude. L’ensemble des études incluses traitent directement de la résilience chez les adolescents atteints de cancer en traitement actif, mais seules trois d’entre elles utilisent le RIM (Haase et al., 2014, 2017). Aucune des études sélectionnées ne s’intéresse spécifiquement au rôle de l’infirmière dans la promotion de la résilience chez les adolescents atteints de cancer en traitement actif, bien qu’une étude repérée (Figueiredo et al., 2020) s’intéresse aux rôles des infirmières dans la promotion de la résilience chez les adolescents atteints d’une maladie chronique. La décision a été prise de ne pas faire exception et de ne pas intégrer cette étude puisqu’elle ne portait pas sur le cancer. Les thèmes présentés sont attribués par déduction à un facteur du modèle de Haase et al. (2014, 2017). Nous soulignons que parmi tous les facteurs, ceux de « l’intégration sociale » et « dérivé du sens et de l’espoir » semblent avoir un impact particulièrement important sur cette clientèle; c’est pour cette raison que nous aborderons d’abord ces deux facteurs.
L’intégration sociale
L’adolescence est particulièrement marquée par l’identification aux pairs et aux adultes significatifs (autres que les parents). L’infirmière et les professionnels de la santé ont l’opportunité d’être des modèles, des mentors et des guides (Griggs et Walker, 2016). La prise en charge des adolescents atteints de cancer en traitement actif ne peut être pleinement efficace si le praticien n’a pas une perspective holistique de la situation et ne prend en compte que les symptômes de la maladie (Mack, 2018). Il est essentiel de considérer l’unicité de la personne et d’être connecté à l’adolescent (Mack, 2018). Tout à fait congruentes avec cette position, plusieurs études qualitatives (Donovan et al., 2021; Haase et al., 2020; Rosenberg et al., 2014) reflètent le besoin de ces adolescents de se sentir compris, écoutés et connectés aux autres. Une étude quantitative portant sur 40 adolescents américains âgés de 13 à 25 ans en traitement oncologique révèle qu’un niveau élevé de soutien social est significativement associé à un niveau élevé de résilience (Wu et al., 2015). La technologie et les médias sociaux, peuvent certes avoir des effets négatifs, mais ils peuvent aussi donner aux adolescents la possibilité de se sentir connectés et compris par les autres, ce qui est particulièrement utile pour les adolescents ayant le cancer (Donovan et al., 2021). Enfin, il a été démontré que les interventions de musicothérapie auprès des adolescents ayant un cancer en traitement actif favorisent la résilience en encourageant l’intégration sociale. Les adolescents ont ainsi l’occasion de raconter leur parcours et d’échanger avec d’autres personnes qui vivent une expérience similaire à la leur (Haase et al., 2020; Robb et al., 2014). Par ailleurs, en tant que professionnelle de la santé, l’infirmière peut être un modèle pour les adolescents ayant un cancer en traitement actif. Le rôle de l’infirmière est d’autant plus important auprès des adolescents, car l’adolescence est généralement une période d’identification aux pairs et aux adultes significatifs, comme le soulignent Griggs et Walker (2016). La relation privilégiée que l’infirmière peut entretenir avec le patient est l’occasion de reconnaître l’expérience unique du patient et d’aller au-delà des simples symptômes de la maladie (Mack, 2018). Dans un contexte d’oncologie pédiatrique, de nombreux adolescents refusent une prise en charge psychothérapeutique, mais acceptent des interventions brèves délivrées par des professionnels (Mack, 2018). Le soutien social est un facteur important de résilience durant l’adolescence puisqu’il permet d’augmenter le sentiment d’appartenance et de connexion sociale, ce qui contribue significativement à la résilience (Rosenberg et al., 2014) et à la croissance post-traumatique (Greup et al., 2018).
Les dérivés du sens et de l’espoir
Des études ont montré que l’espoir est une composante essentielle de l’adaptation et qu’il a été associé à des résultats positifs en matière de santé et de qualité de vie (Griggs et Walker, 2016). L’éditorial de Mack (2018) soulève que la souffrance des adolescents atteints de cancer est le reflet du sens associé aux effets de la maladie sur leur vie. Rosenberg et al. (2014) soutiennent qu’il est essentiel pour l’adolescent de pouvoir se projeter dans l’avenir et d’établir des objectifs de vie. Il est donc important d’aider les adolescents qui vivent avec le cancer à remettre leur vie en perspective de manière constructive et à donner un sens à la maladie. De plus, Rosenberg et al. (2014) soutiennent qu’il peut être bénéfique d’encourager ces adolescents à éprouver de la gratitude pour ce qu’ils ont et de les aider à voir le bon côté des choses. Ces facteurs contribuent à la résilience et sont congruents avec le RIM (Haase et al., 2014, 2017). Il existe un lien très significatif entre les dérivés du sens et de l’espoir et d’autres facteurs du modèle, soit « détresse liée à la maladie », « intégration sociale » et « environnement familial » (Haase et al., 2014). L’infirmière peut notamment accompagner les adolescents ayant le cancer en encourageant l’acceptation et en les aidant à donner un sens à la vie et à la maladie, à redéfinir leurs objectifs et, finalement, à clarifier leurs attentes. Cela peut accroître la motivation et l’espoir (Griggs et Walker, 2016). Cela pourrait également favoriser l’adhésion au traitement, la maturité, l’estime de soi et la qualité de vie (Griggs et Walker, 2016). Il convient de noter que l’adhésion au traitement est un problème connu pour cette population (Haase et al., 2017).
Environnement familial
Le fonctionnement familial est fortement perturbé lors de l’expérience du cancer chez l’adolescent. Lau et al. (2020) ont démontré une corrélation entre la détresse maternelle et la détresse de l’adolescent dans un contexte oncologique. Conséquemment, Murphy et al. (2017) ont à leur tour démontré qu’une humeur positive chez les mères était associée à une humeur positive chez les adolescents. Ainsi, les interventions visant à faciliter l’adaptation des parents semblent être une avenue intéressante pour soutenir indirectement les adolescents (Lau et al., 2020). De plus, le soutien social étant associé à une adaptation positive lorsque l’adolescent fait face à l’adversité (Greup et al., 2018), les interventions ciblant ce domaine semblent prometteuses. L’infirmière peut jouer un rôle essentiel dans l’adaptation du système familial, notamment en favorisant des stratégies de communication efficaces (Griggs et Walker, 2016; Lau et al., 2020) et en promouvant des interventions de coping courageux étroitement liées à l’environnement familial (Haase et al., 2017).
Coping courageux et défensif
Dans cette étude, nous avons décidé de regrouper les thèmes et interventions potentielles liés au coping courageux et au coping défensif sous une même catégorie, même si le premier est un facteur de protection, et le second, un facteur de risque selon le modèle de Haase et al. (2014). Face à la maladie, à ses limites et à ses effets néfastes, des mécanismes d’adaptation défensifs apparaissent, qui peuvent être associés à l’évitement, à des émotions intenses et à une attitude défaitiste (Haase et al., 2017). Ces mécanismes ont toutefois un lien positif significatif avec le développement du coping courageux (Haase et al., 2017). Cependant, l’utilisation chronique de ces mécanismes peut devenir problématique (Haase et al., 2017), car ces derniers peuvent notamment exacerber la détresse, la dépression et l’anxiété et nuire à la qualité de vie, à la résilience et à la croissance post-traumatique (Greup et al., 2018; Haase et al., 2017). Différentes interventions favorisent la résilience chez les adolescents atteints de cancer, notamment l’éducation thérapeutique (Haase et al., 2020), le soutien à l’autonomie des adolescents, l’autogestion (Greup et al., 2018) et le développement de l’auto-efficacité (Rosenberg et al., 2014). Ces jeunes déclarent que la participation à des activités qui ne sont pas associées au cancer est importante et leur permet d’affirmer leur identité (Donovan et al., 2021). Les attitudes positives, l’optimisme et la gratitude sont aussi fortement associés à la résilience (Rosenberg et al., 2014). En effet, davantage de coping courageux et de résilience sont observés chez les adolescents ayant une humeur positive (Murphy et al., 2017). Il est donc recommandé que les interventions ciblent les facultés cognitives (Greup et al., 2018; Murphy et al., 2017), la recherche d’alternatives, l’estime de soi (Griggs et Walker, 2016) et l’expression émotionnelle (Griggs et Walker, 2016; Haase et al., 2020).
Détresse liée à la maladie
Les études montrent que le niveau de détresse liée à la maladie est un facteur fortement associé à la résilience, notamment en cas de cancer chez les adolescents (Haase et al., 2017). Ces jeunes vivent souvent dans l’incertitude et la détresse. Ils ont généralement plus de coping défensif, moins d’intégration sociale et semblent avoir plus de difficulté à donner un sens à la maladie. Les adolescents ayant un haut niveau de détresse liée à la maladie semblent également avoir un niveau d’optimisme plus faible (Greup et al., 2018; Haase et al., 2017). Les infirmières peuvent soutenir les adolescents atteints de troubles oncologiques en ciblant les symptômes de détresse. Elles peuvent également aider ces jeunes en atténuant les limites imposées durant le traitement et en gérant efficacement les effets secondaires, pistes d’interventions que propose Mack (2018). Les interventions qui ciblent l’incertitude liée à la maladie et les symptômes associés sont susceptibles de diminuer la détresse psychologique, de diminuer le coping défensif et d’augmenter le coping courageux, la résilience et la transcendance (Haase et al., 2014, 2017).
Ces différentes stratégies auront un effet variable sur
La résilience
Les dérivés de l’espoir (dont la perspective spirituelle) sont fortement associés à la résilience (Greup et al., 2018; Griggs & Walker, 2016; Haase et al., 2017; Lau et al., 2019; Mack, 2018; Rosenberg et al., 2019; Rosenberg et al., 2014; Rosenberg et al., 2021; Scott et al., 2021). Initialement, Haase et collaborateurs (2014) ont mentionné que le coping courageux exerçait une influence positive significative sur la résilience. Cependant, ils mentionnent dans la deuxième partie de leur travail (Haase et al., 2017) que le coping courageux peut à la fois influencer positivement la résilience, mais aussi avoir un effet négatif s’il est surutilisé ou s’il s’ajoute à une forte détresse. Selon Haase et al. (2017), pour influencer la résilience chez les adolescents atteints de cancer, il est important d’agir directement sur les facteurs de risque et de protection, ce qui est également soutenu par Wu et al. (2015), ou d’agir indirectement sur eux (Greup et al., 2018; Griggs et Walker, 2016; Lau et al., 2020; Mack, 2018; Rosenberg et al., 2014). Parmi les facteurs de protection particulièrement prometteurs, l’intégration sociale et les dérivés du sens et de l’espoir semblent tout particulièrement intéressants, en particulier dans le contexte de la pratique infirmière.
Transcendance de soi
Ce concept se définit comme la capacité de l’adolescent à voir plus large que la maladie, à percevoir qu’il ne se définit pas par celle-ci. Les deux principaux facteurs du modèle influençant l’autotranscendance sont la détresse liée à la maladie (p < 0,001) et la perspective spirituelle (p < 0,0001) (Haase et al., 2017). Plus l’adolescent éprouvera des symptômes de détresse et de l’incertitude face à sa maladie, moins il sera en mesure de s’adapter avec transcendance (Haase et al., 2014, 2017). Des interventions ciblant spécifiquement la perspective spirituelle et la détresse liée à la maladie semblent être des pistes intéressantes pour la pratique infirmière.
CONCLUSION
L’objectif central de cet article était d’explorer et de rassembler différentes pistes d’interventions visant à promouvoir la résilience qui pourraient être directement applicables ou extrapolées dans la pratique infirmière auprès des adolescents atteints de cancer en traitement actif. Cette revue de la littérature a permis de mettre en évidence certaines récurrences dans la littérature. Les interventions ciblant les facteurs de protection, dont l’intégration sociale et les dérivés du sens et de l’espoir, sont particulièrement prometteuses. Les interventions visant le coping courageux semblent également être une piste intéressante. Les adolescents éprouvent parfois des difficultés à communiquer leurs besoins et leurs préoccupations. Par sa position de professionnelle de la santé, son expérience auprès de cette clientèle et sa capacité d’agir comme modèle, l’infirmière se trouve dans une position idéale pour soutenir les adolescents atteints de cancer grâce à des interventions de promotion ciblant les facteurs de résilience.
Implications des résultats pour la recherche
La littérature sur la résilience au sein de cette population présente encore quelques lacunes. Très peu d’études se sont concentrées sur les rôles spécifiques des infirmières dans la promotion de la résilience et sur la façon dont le rôle infirmier affecte l’intégration sociale, la recherche de sens, l’espoir et la résilience. De plus amples études devraient explorer l’influence de la résilience et d’autres facteurs de protection sur la qualité de vie des adolescents ayant un cancer en traitement actif. Enfin, nous pensons que des études prospectives axées sur l’effet des interventions infirmières sur le niveau de détresse à long terme seraient nécessaires.
Limites de l’étude
Plusieurs limites ont été observées. Le fait qu’un seul chercheur ait lu et extrait les données de cette revue de la littérature peut entraîner de nombreux biais et en influencer l’interprétation. De même, le fait que des données provenant de plusieurs études avec des méthodes de recherche différentes aient été analysées et dont les données sont extrapolées dans les facteurs du RIM, peut contribuer à un biais d’interprétation. Même si cette revue de littérature présente des limitations méthodologiques importantes, elle permet néanmoins d’explorer le rôle potentiel des infirmières dans la promotion de la résilience chez les adolescents atteints de cancer en traitement actif et, de ce fait, de souligner l’importance de la recherche dans ce domaine.
Footnotes
CONFLITS D’INTÉRÊTS: Aucun conflit d’intérêts.
RÉFÉRENCES
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