Plus nous sommes précis, plus une chose peut devenir universelle. La vie se trouve dans les détails.
Jacqueline Woodson
Le numéro de mai du Médecin de famille canadien présente 2 articles qui, à première lecture, ne semblent avoir aucun lien entre eux.
Le premier est un commentaire réflexif intitulé « La personne en voie de disparition. La médecine préventive et les lignes directrices de pratique clinique contribuent-elles à l’épuisement professionnel des médecins? », par la Dre Susan P. Phillips, médecin de famille en milieu universitaire à Kingston (Ontario) (page e63 )1. Le deuxième est une révision clinique intitulée « Approche de décision partagée sur la prise en charge du diabète de type 2 » (page 316 )2, par 3 membres du groupe PEER (Patients, Expérience, Évidence, Recherche), les Drs Blair J. MacDonald, James P. McCormack et Ricky D. Turgeon.
La Dre Phillips explore les causes possibles des taux actuellement élevés d’épuisement professionnel chez les médecins de famille. Elle maintient que la prolifération des lignes directrices de pratique clinique et leur insinuation dans l’exercice au quotidien évincent une des caractéristiques essentielles qui donnent un sens à notre travail—ne pas seulement en savoir à propos du patient ou de la famille, mais les connaître eux—contribuant ainsi à l’épuisement professionnel. Voyez si vous êtes d’accord.
Au cours de la dernière décennie, la pharmacothérapie pour les patients atteints de diabète sucré de type 2 est devenue de plus en plus complexe, ce qui complique le choix des meilleures options par les médecins de famille et les patients. Dans leur article, le Dr MacDonald et ses collègues proposent un algorithme décisionnel en ligne, élaboré et mis à l’essai par le groupe PEER, et mis en application dans 2 scénarios cliniques distincts, chacun comportant des préoccupations ou des priorités différentes.
Ces articles ont en commun différentes approches pour restaurer ce que le Dr Ian McWhinney appelait la particularité dans les soins aux patients : le premier, en démontrant que les demandes croissantes de dispenser des soins préventifs en fonction de listes de contrôle éliminent l’occasion de trouver les particularités de la personne devant nous, au détriment à la fois du médecin et du patient; et le deuxième, en utilisant des algorithmes et des formules pour aider à restaurer les particularités—ce que les patients priorisent et valorisent dans leur vie—dans la prise de décision complexe sur le choix d’une pharmacothérapie pour les personnes atteintes de diabète sucré de type 2.
En 1975, le Dr McWhinney écrivait :
La médecine reflète toujours les valeurs de la société qu’elle sert3.
Même si la société dans son ensemble privilégie plus que jamais la médecine axée sur les systèmes et les résultats, cela pourrait ne pas être le cas pour les individus qui ont des valeurs et des besoins uniques3.
Dans son magnifique ouvrage dont le titre se lirait par « Découvrir les particularités : la quête de l’identité de la médecine familiale à travers des générations de changement »4 et qui résume la carrière du Dr McWhinney et les contributions qu’il a apportées à la discipline de la médecine familiale, la Dre Kate Rowland, médecin de famille américaine, écrivait :
McWhinney ne nous a pas laissé beaucoup de conseils sur la conciliation des histoires que les patients ont besoin de raconter—ce que nous devons comprendre pour pouvoir les soigner—avec—ce que notre société valorise—des soins de santé efficaces axés sur les résultats. Il nous a cependant laissé de très utiles perspectives sur la façon de composer avec les changements4.
Il s’agit de ce qu’il appelait nos valeurs fondamentales, et elles incluent notre engagement envers nos patients par l’accessibilité et la continuité, des soins primaires dans la communauté, le travail en équipe, la liberté professionnelle et la responsabilité5. Elles incluent aussi une attention continue aux particularités. Et, pour paraphraser Jacqueline Woodson, la pratique de la médecine familiale se trouve dans les détails.
Footnotes
Les opinions exprimées dans les éditoriaux sont celles des auteurs. Leur publication ne signifie pas qu’elles soient sanctionnées par le Collège des médecins de famille du Canada.
This article is also in English on page 294 .
Références
- 1.Phillips SP. Omettre la personne. La médecine préventive et les lignes directrices de pratique clinique contribuent-elles à l’épuisement professionnel des médecins? Can Fam Physician 2024;70:303-4 (ang), e63-5 (fr).38744507 [Google Scholar]
- 2.MacDonald BJ, McCormack JP, Turgeon RD.. Approche de la décision partagée concernant la prise en charge du diabète de type 2. Can Fam Physician 2024;70:310-5 (ang), 316-21 (fr). [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
- 3.McWhinney IR. Family medicine in perspective. N Engl J Med 1975;293(4):176-81. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
- 4.Rowland K. Finding the particulars: the search for the identity of family medicine through generations of change. The Pharos 2018;automne:35-40.
- 5.McWhinney IR. Primary care: core values. Core values in a changing world. BMJ 1998;316(7147):1807-9. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]