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. 2024 Jun;70(6):e85. [Article in French] doi: 10.46747/cfp.7006e85

Nous sommes tous liés

David Ponka 1
PMCID: PMC11280708

Le décès de mon père en 2019 m’a donné une double perspective sur ma carrière et sur ma vie1. J’ai eu l’impression de me retrouver dans son parcours, comme devant le reflet d’un miroir, mais aussi celle d’observer à travers une fenêtre, car nos mondes et nos façons de comprendre les choses étaient si différents. Son univers était fait d’infimes détails rigoureux (il était chercheur et étudiait l’hématopoïèse), alors que le mien semble être un cheminement sans fin pour comprendre les patients et leur contexte particulier.

Pendant la pandémie de COVID-19, nous avons perdu une figure paternelle de la médecine de famille. Diplômé en 2008, le Dr Patrick Chege faisait partie des premiers médecins de famille formés au Kenya. Il a fondé l’Association kényane des médecins de famille et a été nommé chef du département de médecine de famille de l’Université Moi, à Eldoret, au Kenya. Malheureusement, le Dr Chege a succombé à la COVID-19 avant de pouvoir être vacciné. Sa famille m’a autorisé à partager cette information pour plaider en faveur d’une meilleure disponibilité des vaccins à l’étranger. Aujourd’hui encore, à peine plus de 32 % de la population des pays à faible revenu a reçu ne serait-ce qu’une dose d’un vaccin contre la COVID-192.

Nous organisons désormais un concours de la meilleure affiche en l’honneur du Dr Chege lors du Forum en médecine familiale. En 2023, il nous a semblé particulièrement opportun de le faire à Montréal (Québec), la ville où j’ai grandi. Comme toutes les métropoles canadiennes, Montréal est un carrefour de cultures. Mais en raison de son bilinguisme, il s’agissait d’un endroit tout à fait indiqué pour recevoir des délégués venant d’Haïti, d’Ouganda, d’Éthiopie, d’Indonésie, du Chili et de Madagascar. Ce dernier pays est d’ailleurs sur le point de se doter d’une véritable discipline de médecine de famille.

Cela peut sembler curieux de célébrer les progrès réalisés à l’étranger compte tenu des difficultés que nous rencontrons ici même. Mais, parfois, ces moments nous rappellent le chemin parcouru et que toutes les innovations ne sont pas hors de portée. Parfois, innover signifie redécouvrir des principes fondamentaux : par exemple, recommencer à traiter les familles comme des unités. Si la population canadienne est angoissée, tout comme nous, peut-être pouvons-nous au moins montrer combien la pandémie a mis en lumière l’importance de la famille pour nous tous.

Parfois, il faut le contexte pour comprendre les problèmes qui sont les nôtres3. Parfois, si tout ce que nous avons à respirer est notre propre éther, nous ne nous rendons même pas compte de sa présence.

Prenons l’intégration du système de santé, par exemple. Avec le recul, notre campagne de vaccination contre la COVID-19 (réussie, dans l’ensemble) a fonctionné en raison d’une surabondance de vaccins. Mais vous souvenez-vous que nous avions le sentiment de ne pas parvenir à mener une campagne unie avec nos collègues de la santé publique? À tout le moins, nous aurions pu faire preuve de plus d’unité dans nos communications et, dans un monde idéal, coordonner ensemble la vaccination—pas uniquement sur les sites communautaires éphémères. Nous avons agi dans l’urgence, comme nous nous devions de le faire, mais peut-être pouvons-nous maintenant prendre le temps de réfléchir à la manière de mieux travailler de concert à l’avenir.

Lorsque le Centre Besrour pour la médecine familiale mondiale préparait une étude sur ce thème précis4, quelques médecins de famille de l’étranger n’arrivaient pas à comprendre la question de recherche. « Comment ça, vous travaillez séparément de la santé publique? », se sont-ils exclamés. Tel est l’éther qu’eux respirent.

Je ne dis pas que nous devrions renoncer à notre pouvoir d’action ou à notre autonomie. Le système de santé canadien, décentralisé et libre, est le berceau de nombreuses innovations. Mais comme mon père, qui a fui un régime autoritaire et oppressif derrière le Rideau de fer lorsque j’avais 5 ans, aurait pu me le dire : c’est généralement au centre qu’on trouve la vérité.

Je travaille maintenant à Ottawa (Ontario), où mon épouse est conservatrice de l’art européen au Musée des beaux-arts du Canada. Cette institution reconnaît désormais l’importance des différents modes de connaissance et s’est repositionnée autour du concept algonquin d’ankosé, l’idée selon laquelle tout est lié. Alors que nous commençons à soigner nos blessures de pandémie, le moment est peut-être venu de retrouver la sagesse qu’avaient, et que possèdent toujours, le peuple algonquin. Non seulement toute chose, mais aussi tout le monde est lié par l’effort d’aller de l’avant.

Dépêches est une série trimestrielle publiée sous la coordination du Dr David Ponka, directeur du Centre Besrour pour la médecine familiale mondiale du Collège des médecins de famille du Canada. Elle propose des réflexions personnelles sur le Canada et d’autres pays, qui sont liées au Centre Besrour et à la discipline de la médecine de famille.

Footnotes

Intérêts concurrents

Aucun déclaré

Références à la page 425 .

The English version of this article is available at https://www.cfp.ca on the table of contents for the June 2024 issue on page 425 .


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