RESUME
Introduction: La maladie rénale chronique (MRC) stade 5 est une pathologie fréquente, l’augmentation de son incidence et de sa prévalence a été constatée à l’échelle mondiale. En Algérie, vu que peu d’études ont été réalisées sur l’épidémiologie de la maladie rénale chronique, l’ampleur réelle de son incidence dans le Sud algérien demeure inconnue. Objectif: Déterminer l’incidence en 2017 de la maladie rénale chronique stade 5 traitée par suppléance rénale dans le Sud-est algérien. Méthode: Au cours de notre étude régionale multicentrique, longitudinale prospective, tous les cas incidents de MRC stade 5 résidants et traités dans la région par suppléance rénale ont été recrutés du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017. Résultats: L’incidence brute de la MRC stade 5 traitée en 2017 dans le Sud-est algérien était de 75 pmh. Le taux d’incidence standardisé à l’âge était de 100 pmh, avec une prédominance masculine, un sexe-ratio M/F de 1,59. L’âge moyen des cas incidents était de 48,50 ± 19,12 ans. L’incidence varie par tranche d’âge et par wilaya. Le diabète (26,7 %) et les néphropathies hypertensives (22,6 %) représentent près de la moitié des cas et les glomérulonéphrites primitives à 5,9 %. Conclusion: La MRC stade 5 traitée, par son incidence élevée en Algérie, avec de grandes variations géographiques, représente un enjeu majeur de santé publique. Elle touche principalement les jeunes. Le diabète et l’hypertension artérielle représentent les deux principales causes, incitant à faire porter l’effort de la prévention chez les hypertendus et les diabétiques dans les wilayas à risque élevé.
ABSTRACT
Introduction: Chronic kidney disease (CKD) stage 5 is a common pathology, the increase in its incidence and prevalence has been noted worldwide. In Algeria, few studies have been done on the epidemiology of chronic kidney disease, the real extent of its incidence in southern Algeria remains unknown. Aim: To determine the incidence in 2017 of chronic kidney disease stage 5 treated by renal replacement in southeastern Algeria. Method: During our multicenter, prospective longitudinal regional study, from January 1, 2017 to December 31, 2017, all resident incident cases of CKD stage 5 treated in the region by renal replacement were recruited. Results: The crude incidence of stage 5 CKD treated in 2017 in southeastern Algeria was 75 pmh. The age-standardized incidence rate was 100 pmh, with a male predominance, a M/F sex ratio of 1.59. The average age of incident cases was 48.50 ± 19.12 years. The incidence varies by age group and by wilaya. Diabetes (26.7%) and hypertensive nephropathy (22.6%) represent almost half of the cases and primary glomerulonephritis represents 5.9%. Conclusion: CKD stage 5 treated, due to its high incidence in Algeria, with large geographical variations, represents a major public health challenge. It mainly affects young people. Diabetes and high blood pressure represent the two main causes, encouraging prevention efforts to be focused on hypertensives and diabetics in high-risk wilayas.
Introduction
La maladie rénale chronique (MRC) stade 5 est une pathologie fréquente et en constante progression, l’augmentation de son incidence et de sa prévalence est un phénomène mondial affectant les pays développés comme les pays en voie de développement (1-7).
L’incidence de la MRC stade 5 réfère aux nouveaux cas de la MRC traités par suppléance rénale.
La capacité de montrer les tendances annuelles du nombre de nouveaux patients atteints de la MRC stade 5 sur une base nationale et régionale sera importante pour vérifier la réalisation des objectifs dans la prévention de la MRC.
Selon la plupart des registres nationaux et internationaux, on assiste au cours de ces dernières années à une tendance à l’augmentation de l’incidence de la MRC stade 5 traitée (8), avec des variations considérables entre les pays et les régions : une incidence stable de 2008 à 2011 de 146,0 à 140,6 pmp, et une augmentation de 140,6 pmp en 2011 à 148,0 pmp en 2017 dans les données du registre ERA (European Renal Association) (9).
Bien que certains registres nationaux et internationaux ont montré avec précision le nombre de patients traités pour MRC stade 5, des difficultés sont associées à une évaluation correcte de ces chiffres dans la plupart des pays et régions (8, 10).
En Algérie, peu d’études ont été faites sur l’épidémiologie de la MRC stade 5 traitée par suppléance rénale, l’ampleur réelle de son incidence dans le Sud algérien demeure donc inconnue.
L’objectif de notre étude était de déterminer l’incidence de la MRC stade 5 traitée en 2017 dans le Sud-est algérien par suppléance rénale.
Méthodes
Au cours de notre étude régionale multicentrique, descriptive longitudinale prospective (11), on a recruté tous les cas incidents de MRC stade 5 résidants et traités par suppléance rénale du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017, dans les 27 centres de dialyse des six wilayas (collectivités territoriales) du Sud-Est algérien : Biskra, El Oued, Ouargla, Illizi, Ghardaïa et Laghouat.
La base des données de cette étude nous a facilité l’enregistrement systématique et exhaustif en continu des informations relatives aux cas incidents, comme l’âge, le sexe, les antécédents, la néphropathie causale, le type et les modalités de traitement de suppléance rénale.
Elle nous a permis d’examiner le nombre de cas incidents traités par hémodialyse, dialyse péritonéale.
Un patient est considéré comme incident en 2017 s’il a débuté un premier traitement de suppléance rénale, dialyse ou greffe préemptive, durant l’année 2017.
Les patients qui recommencent la dialyse après dysfonctionnement du greffon rénal ou après une période de sevrage de la dialyse et les patients transférés d’autres régions n’étaient pas considérés comme incidents.
L’incidence non ajustée de la MRC stade 5 traitée est un décompte du nombre de nouveaux cas (incidents) sur un an, divisé par la taille de la population cible pendant la même période.
Les taux bruts (non ajustés) d’incidences en 2017 exprimés par million d’habitants (pmh), ont été calculés en prenant comme dénominateur l’estimation de la population de chaque wilaya de la région, selon le résultat des projections de la population à partir du dernier recensement de l’Office National des Statistiques(ONS-2008).
Les taux de 2017 ont été standardisés sur l’âge, selon la méthode de la standardisation directe en prenant comme référence, la population algérienne au 31/12/2017 selon l’ONS.
Nous avons décrit et analysé la répartition des cas incidents selon : le sexe, l’âge, les caractéristiques cliniques, biologiques, les aspects étiologiques, le contexte d’initiation de suppléance rénale et l’utilisation des différentes modalités de traitement (hémodialyse, dialyse péritonéale, greffe rénale).
Enfin, pour faire une analyse spatiale et mesurer les disparités géographiques de l’incidence de la MRC stade 5 traitée par suppléance rénale au 31/12/2017 dans les six wilayas de la région, nous avons calculé de l’indice comparatif d’incidence (ICI) dans chaque wilaya, qui est le rapport des taux d’incidence de chaque wilaya après standardisation directe sur le taux d’incidence globale de l’Algérie entière.
La wilaya ou la région a une incidence significativement inférieure (ou supérieure) à l’incidence globale de l’Algérie lorsque l’intervalle de confiance de l’indice comparatif ne contient pas la valeur 1.
Dans notre étude, il n’y a eu aucune participation des patients et du public.
Résultats
Les données disponibles d’incidence de la MRC stade 5 traitée en 2017 sont les plus exhaustives possibles avec inclusion prospective, pour l’ensemble des six wilayas du Sud-est algérien.
Le nombre de cas incidents de MRC stade 5 traitée dans la région était de 270 patients.
Le taux d’incidence brut était de 75 pmh.
Le taux d’incidence standardisé à l’âge était de 100 pmh.
On a constaté de grandes variations géographiques des taux d’incidence standardisés par wilaya de résidence (Tableau 1, Figure 1)
Tableau 1. Incidence 2017 de la MRC stade 5 traitée par suppléance rénale, par wilaya de résidence.
Wilaya Région |
Nombre de nouveaux cas |
Pourcentage |
Taux d’incidence non ajusté (pmh) |
Taux d’incidence ajusté (pmh) |
ICI |
---|---|---|---|---|---|
Illizi |
9 |
3,3 |
128 |
201 |
1,68 |
El Oued |
68 |
25,2 |
80 |
111 |
0,93 |
Biskra |
78 |
28,9 |
106 |
106 |
0,88 |
Ghardaïa |
35 |
13 |
87 |
103 |
0,86 |
Ouargla |
47 |
17,4 |
69 |
99 |
0,83 |
Laghouat |
33 |
12,2 |
52 |
92 |
0,77 |
Sud-est |
270 |
100 |
75 |
100 |
1,00 |
Algérie |
Sud-est |
100 |
75 |
120 |
1,00 |
L’incidence standardisée sur l’âge était 1,7 fois plus élevée à Illizi que dans l’Algérie entière, 201 versus 120 pmh.
Laghouat avait un taux significativement inférieur de 45 % au taux national.
L’incidence de la MRC stade 5 traitée en 2017 est plus élevée chez les patients de sexe masculin avec un sexeratio M/F de 1,59. Ce ratio varie entre wilaya de 3,08 à Laghouat et 1,09 à Biskra.
Après standardisation selon le sexe, on retrouve des différences entre wilayas, les taux d’incidence standardisés varient entre 39 pmh à Laghouat et 80 pmh à Illizi chez les patients de sexe masculin et entre 13 pmh à Laghouat et 46 pmh à Illizi chez les patients de sexe féminin.
L’âge moyen des cas incidents de MRC stade 5 traitée était de 48,50 ± 19,12 ans, avec un maximum de 90 ans et un minimum de 10 ans.
Il varie entre wilayas de 42,11 ans à Illizi et 50,26 ans à Ouargla. Les cas incidents de Illizi, Laghouat et Biskra sont plus jeunes que ceux de El Oued, de Ghardaïa et de Ouargla.
L’incidence varie par tranche d’âge et par wilaya.
Nous avons groupé certaines tranches d’âge pour comparer le groupe des jeunes (< 64 ans) et le groupe des patients plus âgés (≥ 65 ans).
7,8 % des cas incidents sont âgés entre 10 et 19 ans, 70 % des cas incidents sont âgés entre 20 et 64 ans, 22,2 % sont âgés 65 ans et plus.
L’incidence augmente fortement avec l’âge jusqu’à 74 ans.
Après 75 ans, elle diminue nettement dans l’ensemble de la région sauf dans les wilayas de Biskra et El Oued où elle continue à augmenter.
Les différences d’incidence entre wilayas s’accentuent de façon très importante avec l’âge.
L’incidence augmente fortement avec l’âge jusqu’à 69 ans.
À partir de 20 ans, on note une prédominance masculine dans toutes les tranches d’âge.
Après 70 ans, elle diminue nettement chez les femmes.
Après 80 ans, elle augmente nettement chez l’homme.
Dans l’ensemble, l’écart d’incidence entre les sexes devient significatif à partir de 30 ans jusqu’à 59 ans, puis il diminue entre 60 et 79 ans.
Au-delà de 80 ans, le taux d’incidence est près de 2,6 fois plus élevé chez les hommes que chez les femmes (Figure 2).
Le diabète (26,7 %) et les néphropathies hypertensives (22,6 %) représentent près de la moitié des cas, et les glomérulonéphrites primitives représentent 5,9 %.
La cause de la néphropathie reste indéterminée pour 27 % des cas et la portion de données manquantes à 7 % (Figure 3), ce qui tend à sous-estimer la part et l’incidence réelle des autres types déterminés de néphropathie causale.
La distribution des néphropathies causales diffère selon le sexe.
La proportion de diabète comme cause principale des cas incidents était plus importante chez les hommes(28,9 %) que les femmes (23,1 %).
On observe une hétérogénéité régionale apparente avec des différences de distribution des néphropathies causales entre wilayas.
On peut souligner le pourcentage élevé de diabète à Illizi (55,6 %), Ouargla (38,3 %), Ghardaïa (34,3 %) et Laghouat (33,3 %) et le pourcentage élevé de l’hypertension artérielle (HTA) à El Oued (44,1%), Ghardaïa (28,6 %), Ouargla (25,5 %) (Figure 3 ).
Cependant, ces résultats restent à interpréter avec prudence, en raison de l’importante variation des pourcentages de causes indéterminées (entre 4,3 % à Ouargla et 59 % à Biskra).
Le pourcentage faible de l’HTA à Illizi (0 %), à Laghouat (6,1 %) et à Biskra (9 %) par rapport au pourcentage régional (22,6 %) et national(30 %) peut être interprété par une sous-estimation (la portion des causes indéterminées dans ces trois wilayas est respectivement 33,3 %, 12,1 % et 59 %).
Il faut aussi tenir compte de la portion des données manquantes qui varie entre wilayas de 0 % à 17 %.
Seulement deux cas incidents à Laghouat ayant eu une biopsie rénale, avec pour conséquence des variations de codage des causes de la MRC selon les pratiques médicales en l’absence de définition standard.
L’amplitude des variations inter-wilayas d’incidence était beaucoup plus élevée pour la néphropathie diabétique, de 13 pmh (Biskra) à 71 pmh (Illizi) et les néphropathies hypertensives, de 0 pmh (Illizi) à 35 pmh (El Oued), que pour les autres néphropathies causales
L’Hémodialyse intermittente et la dialyse péritonéale représentent respectivement 99,6 % et 0,4 % des premiers traitements de la MRC stade 5 chez l’ensemble des patients incidents.
Une part négligeable de la dialyse péritonéale comme premier traitement de suppléance, un seul cas de MRC stade 5 a commencé la suppléance par dialyse péritonéale à Ouargla.
Discussion
En Algérie, la MRC est une affection fréquente.
Le nombre d’Algériens qui présentent un risque d’atteinte rénale est estimé à 6 millions, dont environ 1,5 million souffre de MRC.
L’incidence de la MRC stade 5 traitée est en constante augmentation, estimée en 2016 à 104 pmh (12) et en 2017 à 120 pmh (13).
Cette augmentation est principalement due aux transitions démographiques et épidémiologiques que le pays a connues.
En effet, le vieillissement de la population, la baisse de la mortalité et la prolongation de l’espérance de vie, qui est passée de 52,6 ans en 1970 à 77,6 ans en 2017 (14), vont se traduire par une augmentation des pathologies liées à l’âge (affections cardiovasculaires, rénales, cancers,démences…).
L’amélioration des conditions d’hygiène et la mise en place d’un réseau sanitaire élargi et surtout le programme national de vaccination ont eu comme résultat la baisse des maladies transmissibles endémiques, une modification des problèmes de santé prévalents avec une place de plus en plus grande occupée par les maladies non transmissibles et celles liées au développement, notamment les affections chroniques (15).
Selon l’enquête nationale algérienne « Epidemiological Transition And Health Impact In North Africa » (TAHINA), l’HTA et le diabète viennent largement en tête des pathologies chroniques les plus fréquentes avec des taux de 25,87 % et 12,89 % respectivement (16).
L’augmentation de la prévalence de l’HTA et du diabète, ainsi que l’absence d’une politique de prévention des MRC favorisent de plus en plus l’apparition de cas de MRC.
On note un accroissement des deux principales causes de la MRC stade 5 : les néphropathies hypertensives (30 %) et les néphropathies diabétiques (20 %) et une régression des glomérulonéphrites chroniques primitives et des néphropathies tubulo-interstitielles chroniques (NIC)(12).
En Tunisie, l’insuffisance rénale chronique reste la complication la plus redoutée du diabète, avec une prévalence de 38,7 %, expliquée par l’augmentation de la prévalence du diabète sucré, passée de 15,5 % en 2016 à 23 % en 2023 (17)
L’incidence de la MRC stade 5 traitée en 2017 était élevée dans le Sud-est algérien, estimé à 75 nouveaux patients pmh.
Le taux d’incidence standardisé à l’âge était de 100 pmh, supérieur aux taux rapportés à Alger en 2006 (81 pmh) (3) et à Constantine en 2011 (92 pmh)(18), inférieur au taux national (120 pmh) (13) avec des variations géographiques entre wilayas.
La wilaya de Illizi est la première, en termes d’incidence (201 pmh).
Elle a un taux 1,7 fois plus élevé que dans l’Algérie entière.
Laghouat a un taux significativement inférieur de 45 % au taux national.
Notre taux d’incidence se situe dans les valeurs intermédiaires observées dans de monde, largement inférieur à celui des États-Unis : 370,2 (19), de la région de Sfax en Tunisie : 242 (20), de la France : 172 (21), la Bulgarie : 170, la Pologne : 170, la Turquie : 146, l’Espagne: 141, l’Italie : 140 (20) et l’Arabie Saoudite : 145 pmh,le Koweït : 141 pmh, l’Indonésie : 135 pmh (7).
Le taux de l’Algérie est porche de celui du Qatar : 123 pmh, le Royaume-Uni : 120 pmh (22), la Nouvelle-Zélande : 119 pmh, l’Australie : 117 pmh (23), la Suède : 116 pmh, les Pays-Bas : 115 pmh, Finlande : 100 pmh, Suisse : 97 pmh (20 ).
Il est supérieur à celui des pays qui ont enregistré des taux d’incidence les plus faibles en 2016, comme l’Afrique du Sud : 26 pmh (24), le Bangladesh : 51 pmh, la Jordanie : 60 pmh, l’Iran : 81 pmh (7), la Russie en 2017 : 67 pmh ( 20).
Ces variations de l’incidence d’une région du monde à une autre et d’un pays à un autre, peuvent être expliquées par des différences ethniques, comportementales, environnementales, les facteurs socioéconomiques, la qualité de l’enregistrement des cas, la différence des profils étiologiques de la MRC, la différence de survie des patients, l’accès au traitement de suppléance rénale, la variabilité des pratiques en particulier sur les décisions concernant l’initiation du traitement de suppléance et la place du traitement conservateur dans la prise en charge de la MRC stade 5, ces résultats ont été confirmés par plusieurs études (25 -33).
Des études récentes ont montré le poids de la défaveur sociale et de l’accès aux soins comme facteur de progression de la maladie rénale vers le stade de suppléance (34).
Dans certains pays ou régions, l’incidence est en voie de stabilisation, voire a une tendance à la baisse, en particulier chez les personnes non-diabétiques (25).
Ceci pourrait être expliqué par le recul du démarrage du traitement de suppléance rénale et du développement des traitements conservateurs, avec des taux plus faibles des cas traités sans une vraie réduction de l’incidence de la MRC stade 5.
Notre étude confirme la prédominance masculine des cas incidents retrouvée dans les études nationales (un sexeratio M/F de 1,17 à Alger(3), 1,12 à Constantine(18)) et dans tous les pays participants aux données de l’United States Renal Data System (USRDS) sauf la Jordanie (sexeratio M/F =0,73)(7).
Les cas incidents sont jeunes, 68,3 % sont âgés de 20 à 60 ans.
La moyenne d’âge était de 48,50 ± 19,12 ans.
Elle varie d’une wilaya à l’autre et concorde avec les résultats de la littérature nationale : proche de celui que l’on trouve à Alger (52,6 ± 10 ans) (3) et à Constantine (53 ans) (18).
C’est la tranche d’âge active qui est la plus touchée, occasionnant ainsi une perte pour notre société.
Le jeune âge des patients est aussi retrouvé dans les pays émergents comme le Maroc (Rabat : 49,92 ans (35)) et à Aleppo (la Syrie) en 2006 (44,67 ans) (36), à El Sharkia, en Égypte (2015) (52,03 ± 14,67 ans) (37).
Nos patients sont très jeunes par rapport aux patients des pays développés (55,8 ans en Russie, 61,9 ans au Royaume-Uni, 63,5 ans en Espagne, 64,5 ans aux Pays-Bas, 65,5 ans en Suisse, 67,7 ans en France et 68,9 en Italie (20), 70,4 ans au Japon), qui se caractérisent par une population plus âgée et par l’augmentation de la prévalence des maladies liées au mode de vie, comme le diabète, l’HTA et la dyslipidémie, avec une espérance de vie plus longue en raison des progrès dans le traitement des maladies cardiovasculaires (8 ).
Concernant les aspects étiologiques, la néphropathie diabétique et la néphropathie hypertensive sont les causes les plus fréquentes, qui représentent respectivement 26,7 et 22,6 % des cas incidents.
Des résultats similaires ont été rapportés à Alger par Boulahia (30 % pour le diabète et 26 % pour la néphropathie hypertensive) (3).
Nos résultats sont comparables aux données de la littérature internationale, les facteurs de risques des MRC sont superposables avec les pays développés.
La néphropathie diabétique était le diagnostic de la néphropathie causale le plus courant dans l’ERA, USRDS et les registres du Japon (Tableau 2).
Les différences de classification et de diagnostic de la néphropathie causale doivent être prises en compte lorsqu’on compare les résultats des différents registres.
Tableau 2. Cause de la MRC stade 5 traitée selon les registres USRDS et ERA-EDTA (2016).
Cause de la MRC stade 5 traitée | Notre étude | USRDS (39) États-Unis | ERA-EDTA année 2016 (20) | France | Suède | Suisse | Pays-Bas | Royaume-Uni |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Diabète | 26,7 | 46,2 | 23,3 | 26,9 | 21,4 | 19,3 | 25,5 | |
HTA (Néphropathie hypertensive) | 22,6 | 29,2 | 24,4 | 19,2 | 18 | 11,9 | 5,7 | |
Glomérulonéphrites chroniques | 5,9 | 5,9 | 12,2 | 12,9 | 12,1 | 9,4 | 11,9 | |
Néphropathies interstitielles chroniques | 5,2 | 2,7 | 4,9 | 4,2 | 3,2 | 3,6 | 6,1 | |
Polykystose rénale | 5,6 | 5,1 | 5,5 | 7,2 | 8,2 | 8,3 | 9,2 | |
Néphropathie héréditaire | - | - | 0,3 | 0,9 | 1,3 | 1,6 | 0,1 | |
Divers | 5,8 | 14,2 | 39,3 | 27,4 | 18,7 | 18,6 | ||
Cause indéterminée | 27,0 | 2 | 14,5 | 9,3 | 8,6 | 11 | 13,2 | |
Données Manquantes | 7,0 | 3,3 | 0 | 8,7 | 0 | 11,2 |
Par exemple, le registre ERA définit glomérulonéphrite comme glomérulonéphrite avec sclérose, tandis que la néphrosclérose est considérée comme une néphropathie hypertensive au Japon (9).
Nous constatons une régression des formes inflammatoires (pyélonéphrites chroniques, glomérulo-néphrites chroniques), expliquée par le diagnostic et le traitement précoce des infections et des glomérulonéphrites (38).
Dans notre série, le pourcentage élevé des néphropathies indéterminées ou causes inconnues, peut être attribué à une augmentation de la néphropathie hypertensive compliquée par le diabète et d’autres cas difficiles à classer comme une seule maladie et au retard diagnostic et à la démographie des néphrologues dans la région.
Le pourcentage des MRC dues à la néphropathie héréditaire et à la polykystose rénale (PKD) est resté inchangé dans différentes régions dans le temps (20, 39).
Perspectives et propositions pour l’avenir
Notre travail régional dresse le premier état des lieux sur la MRC stade 5 traitée dans le Sud-est algérien (11), c’est un point de départ d’une piste de recherche qui mérite un développement plus large par le lancement du registre national de la MRC stade 5.
Ce registre permettra une meilleure connaissance de l’épidémiologie de la MRC stade 5, ses causes, les variations temporelles et spatiales de son incidence, les pratiques d’accès aux traitements de suppléance ou au traitement conservateur.
De telles données vont permettre aux pouvoirs publics de disposer d’un outil statistique descriptif performant, d’anticiper les besoins futurs dans chaque région, pour mettre en œuvre, suivre et évaluer les politiques de la santé de la population afin de pouvoir tirer des conclusions sûres pour mieux prévenir et améliorer la prise en charge de la MRC.
La prévention à différents niveaux est une stratégie de santé publique intéressante, pour réduire l’incidence de la MRC et ses complications, sa morbi-mortalité, par le traitement correct des maladies conduisant à la MRC,comme le diabète, l’HTA, et les infections urinaires.
Le dépistage précoce de l’atteinte rénale et la lutte contre la progression de la MRC restent le meilleur moyen pour ralentir l’évolution de toute MRC par une prise en charge convenable des insuffisances rénales évitables, du diabète, le traitement optimisé de l’HTA,les mesures hygiénodiététiques et l’éviction des produits néphrotoxiques.
Conclusion
La MRC stade 5 traitée, par son incidence qui ne cesse d’augmenter dans le monde et en Algérie, sa prise en charge thérapeutique très complexe et onéreuse, représente un enjeu majeur de santé publique et un vrai problème socioéconomique dans le monde.
Dans le Sud-est algérien, la MRC stade 5 touche principalement les jeunes, le diabète et l’HTA représentent les deux principales causes.
La MRC associée au diabète et à l’HTA explique une large part de ces variations régionales, incitant à faire porter l’effort de prévention chez les diabétiques et les hypertendus dans les wilayas à risque élevé, par la généralisation des pratiques cliniques visant à ralentir la progression de la MRC.
Déclaration d’intérêts
les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
Remerciements
A l’ensemble des équipes de Néphrologie et de dialyse de la région du Sud-est algérien qui par leur contribution ont permis à notre étude d’atteindre ses objectifs.
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