Lorsque l’on conseille des hommes qui ont un cancer localisé de la prostate, nous essayons d’estimer la probabilité d’une espérance de vie de 10 ans. Ceci afin de décider si un traitement local définitif se justifie, et cela même s’il est accompagné d’un certain taux de morbidité. Dans ce numéro du JAUC, Jeldres et collaborateurs1 pose la question importante : les hommes traités pour un cancer de la prostate survivent-ils plus de 10 ans ? Les auteurs présentent leur étude sur la mortalité globale d’une large cohorte provinciale d’hommes atteints du cancer de la prostate, et qui ont subi soit une prostatectomie radicale ou une radiothérapie. Cette étude est la première de son genre au Canada et les résultats sont particulièrement intéressants et provocateurs. En effet, ils démontrent qu’une proportion significative d’hommes ne survivent pas plus de 10 ans à leur thérapie. D’ailleurs, seul 35 % environ d’hommes traités par la radiothérapie étaient encore vivants 10 ans après leur traitement. Il est encore moins surprenant de constater que les hommes qui ont suivi une radiothérapie étaient plus vieux et plus malades que ceux qui avaient eu une chirurgie. Ces résultats suggèrent que de nombreux hommes qui ont reçu des traitements de radiation pour le cancer de la prostate souffrent de comorbidités et meurent de causes différentes. Cela indiquerait éventuellement que la radiothérapie, ou tout autre forme de thérapie de ce fait, n’était pas nécessaire. D’un autre côté, il est probable que le traitement ait permis de retarder le début des symptômes chez certains hommes ou d’éviter la toxicité de l’ablation d’androgène plus tard, même s’ils sont morts d’autres causes dans les 10 ans.
En tant qu’urologues, c’est à nous qu’il revient habituellement de discuter des différentes modalités de traitement pour le cancer localisé de la prostate. Ainsi, presque tous les hommes de cette étude, qui ont reçu un traitement de radiothérapie, avaient eu une discussion initiale avec un urologue. Les urologues recommandent la radiothérapie plutôt que la chirurgie pour les raisons suivantes : l’âge du patient et les comorbidités. Il est facile alors de concevoir que des urologues recommandent la radiothérapie à des patients dont ils croient que l’espérance de vie est limitée. Cela a pour conséquence que les radio-oncologues se retrouvent avec des patients aux comorbidités significatives, et qui se sont fait dire que la radiothérapie était ce qui leur convenait le mieux.
Il est vrai que notre capacité à évaluer l’espérance de vie n’est pas formidable. Cette étude démontre clairement que nous devons nous améliorer, et de façon significative, dans ce domaine. Nous nous sommes naturellement concentrés depuis un certain temps sur le fait de ne pas surtraiter les hommes qui ont un cancer localisé de la prostate, par peur de morbidité en présence d’un cancer insignifiant. Cependant, cette étude illustre nettement l’idée que nous traitons probablement les hommes, qui ont également une pauvre espérance de vie, de façon excessive.
Référence
- 1.Jeldres C, Suardi N, Perrotte P, et al. Survival after radical prostatectomy and radiotherapy for prostate cancer: a population-based study. Can Urol Assoc J. 2009;3:13–21. [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
