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editorial
. 2009 Mar 31;180(7):E2–E3. [Article in French] doi: 10.1503/cmaj.090409

L'innocuité des vaccins : plaidoyer en faveur de la clarté

Noni MacDonald 1, André Picard 1
PMCID: PMC2659821  PMID: 19332737

«Si vous ne pouvez expliquer une chose simplement, c'est que vous ne la comprenez pas assez bien.» — Albert Einstein

La plupart des chercheurs considèrent leurs collègues comme le principal auditoire de leurs travaux scientifiques. Le web et les moteurs de recherche comme Google ont toutefois rendu les articles et les rapports savants accessibles au grand public. Cette nouvelle disponibilité peut poser problème. Le langage théorique précis et prudent de la rédaction scientifique qui est celui des articles et des rapports savants peut mener des non-théoriciens à tirer des conclusions erronées de l'information présentée. La littérature savante au sujet de l'innocuité des vaccins présente des exemples puissants des lacunes troublantes entre l'intention des milieux de la recherche et les conclusions du public.

La vaccination contre les maladies infantiles constitue l'une des plus grandes réalisations de la médecine et a évité des millions de décès et d'invalidités. Ce succès a toutefois eu des conséquentes inattendues : le public ne connaît que très peu, voire pas du tout, les conséquences de ces maladies qui ont déjà été terribles et que la vaccination permet d'éviter et il accorde maintenant beaucoup plus d'attention aux préoccupations soulevées par l'innocuité des vaccins. Nombre de ces préoccupations ont été beaucoup exagérées.1

On a beaucoup souligné l'importance de formuler clairement sur les formulaires de consentement à la vaccination les risques que présentent les maladies et les bienfaits et l'innocuité des vaccins, mais on a accordé peu d'attention au même besoin de clarté dans le langage des rapports et des articles scientifiques. Or, dans un monde branché, ces articles seront lus par des journalistes, des politiciens, des citoyens, des partisans de la vaccination et des lobbyistes antivaccination, aussi bien que par des travailleurs de la santé. Le langage scientifique précis et prudent des articles savants, en grande partie inconnu de beaucoup de membres de ces groupes, peut masquer le sens des constatations scientifiques et faciliter l'information erronée.

La conclusion présentée dans le sommaire du rapport de 2001 de l'Institute of Medicine au sujet du lien entre l'autisme et le vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole2 constitue un excellent exemple de langage scientifique susceptible de causer de la confusion (Encadré 1). Cette conclusion a été rédigée avec précaution dans un langage scientifique précis — si précis que différents lecteurs pourront en tirer des conclusions différentes. L'universitaire qui fait de la recherche sur les vaccins et qui connaît bien le principe scientifique selon lequel il est impossible de démontrer l'hypothèse nulle conclurait que ce rapport ne prouve pas que le vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole cause l'autisme. Le travailleur de la santé qui lit la même déclaration ne saura peut-être pas quoi conclure : le vaccin cause peut-être l'autisme chez certains enfants, mais ce n'est pas très fréquent. Le politicien peut se demander s'il est justifié d'appuyer désormais des programmes publics de vaccination contre la rougeole, les oreillons et la rubéole. Le journaliste peut raisonnablement déduire que le vaccin cause l'autisme, mais plutôt rarement. Le lobby antivaccination, lui, se réjouirait de voir qu'une organisation scientifique respectée appuie ses affirmations selon lesquelles le vaccin peut causer l'autisme. Comparons les énoncés de l'Encadré 1 à ceux de l'Encadré 2, qui présente notre résumé de la même conclusion en langage clair.

Encadré 1.

Encadré 1

Encadré 2.

Encadré 2

Une signification floue ne constitue pas un problème seulement pour les articles et les rapports scientifiques sur l'innocuité des vaccins. Lorsqu'un effet indésirable grave suit la vaccination, le patient, le soignant, le prestateur d'un programme et la population ont raison de chercher à savoir si le vaccin a causé le problème ou s'il s'agit simplement d'une coïncidence. Les études rigoureuses qui cherchent à déterminer si un événement en a causé un autre adoptent un processus scientifique structuré.3–5 Dans le cas d'un vaccin, une fois une telle étude terminée, on affirme que le lien entre le vaccin et l'événement grave est soit certain, très probable, probable, possible, peu probable, sans rapport ou impossible à classer.4 Pour des raisons de précision scientifique, on utilise le terme «peu probable» lorsque rien ne démontre que le vaccin a causé l'événement, mais qu'aucune preuve solide n'indique une autre cause (sur le plan scientifique, on ne peut classer l'événement comme «sans rapport» parce que ce n'est pas prouvé). Malheureusement, le terme «peu probable» peut sous-entendre le contraire pour les non-théoriciens, c'est-à-dire qu'il y a un lien de cause à effet entre l'événement indésirable et le vaccin administré.

Des malentendus aussi sérieux, que ce soit chez les travailleurs de la santé, les membres de la communauté, les politiciens ou les journalistes, peuvent être à l'origine d'une croyance généralisée au sein de la population, soit que le vaccin en question n'est pas sécuritaire. Au lieu de calmer les craintes, la conclusion mal interprétée peut attiser l'anxiété. On risque de mettre fin à un programme de vaccination à la suite de telles conclusions, ce qui entraînera une montée de l'incidence de la maladie et, dans certains cas, des décès et des invalidités que le vaccin aurait pu prévenir. Certains pays en développement réclament une formulation claire des évaluations de cause à effet portant sur les résultats de vaccins (c.-à-d. une déclaration indiquant que le vaccin a causé ou n'a pas causé l'effet indésirable), pour éviter une mauvaise interprétation des conclusions.

Les préjudices qui peuvent survenir lorsque le langage scientifique dissimule le sens sont sérieux et ne feront qu'augmenter si nous n'améliorons pas nos techniques de communication. Il faut remplacer le jargon scientifique obscur par des conclusions claires et compréhensibles. Nous savons que ce ne sera pas facile. Tous les théoriciens de la médecine devraient recevoir une formation structurée sur la rédaction claire et simple et sur la raison de son importance. Nous exhortons tous les auteurs et rédacteurs scientifiques, rédacteurs de journaux médicaux et examinateurs de rapports scientifiques à s'assurer que la signification de la conclusion d'un article ou du résumé d'un rapport est claire et sans équivoque.

Noni MacDonald MD MSc Rédactrice de section, Santé publique JAMC André Picard Chroniqueur en santé publique Globe and Mail

Footnotes

Traduit par le Service de traduction de l'AMC.

Avec l'équipe de rédaction de l'éditorial (Paul C. Hébert MD MHSc, Matthew B. Stanbrook MD PhD, Ken Flegel MDCM MSc)

Intérêts concurrents: Voir www.cmaj.ca/misc/edboard.shtml pour les déclarations de l'équipe de rédaction de l'éditorial. Aucuns déclarés pour André Picard.

RÉFÉRENCES

  • 1.Fisher MC. Vaccine safety. Pediatr Infect Dis J 2008;27:827-30. [DOI] [PubMed]
  • 2.Stratton K, Gable A, Shetty P, et al., rédacteurs; Institute of Medicine, Board on Health Promotion and Disease Prevention, Immunization Safety Review Committee. Immunization safety review: measles-mumps-rubella vaccine and autism. Washington (DC) : National Academies Press; 2001. [PubMed]
  • 3.Organisation mondiale de la Santé, Comité consultatif pour la sécurité des vaccins. Manifestations postvaccinales indésirables : évaluation de l'imputation de la causalité. Relev épidémiol hebd 2001;76:85-94.
  • 4.Organisation mondiale de la Santé. Événements indésirables postvaccinaux (EIPV) : évaluation de la causalité. Aide mémoire. Genève (Suisse) : L'Organisation. Disponible à : www.who.int/vaccines-documents/DocsPDF05/829.pdf (consulté le 25 février 2009).
  • 5.Collet JP, MacDonald N, Cashman N, et al.; Comité consultatif sur l'évaluation de la causalité. Surveillance de la sécurité des vaccins : évaluation des cas de réactions indésirables par un comité consultatif d'experts. Bull Organ mond santé 2000;78:69-75.

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