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. 2007 Autumn;12(3):195–203. [Article in French] doi: 10.1155/2007/705616

L’évaluation systématique des instruments pour mesurer la douleur chez les personnes âgées ayant des capacités réduites à communiquer*

Michèle Aubin 1,2,, Anik Giguère 1, Thomas Hadjistavropoulos 3, René Verreault 1
PMCID: PMC2670710  PMID: 17717611

Abstract

La douleur chronique est souvent sous-détectée et insuffisamment traitée dans les milieux de soins de longue durée. Les outils d’autorapport (ou autoévaluation) de la douleur, comme l’échelle visuelle analogique, n’ont été validés que partiellement chez les populations âgées, en raison de la prévalence élevée de déficits visuels, auditifs, moteurs et cognitifs que l’on y trouve. Des outils d’observation des patients ont été développés pour pallier ces difficultés d’utilisation des échelles d’autorapport de la douleur. Le présent projet vise l’identification de ces échelles et leur évaluation sur la base de la validité de contenu (12 questions), de la validité de construit (12 questions), de la fiabilité (13 questions) et de l’utilité clinique (10 questions). Parmi les 24 instruments recensés, plusieurs apparaissent prometteurs pour évaluer la douleur chez les personnes âgées atteintes de démence sévère. Des efforts additionnels de validation sont cependant requis avant leur intégration à la pratique régulière en soins de longue durée.

Keywords: Dementia, Elderly, Pain, Pain assessment tool, Scale, Validity


La majorité des résidants des milieux d’hébergement et de soins de longue durée présentent des douleurs chroniques, dont la prévalence est estimée entre 49 % et 83 %, selon l’outil de mesure utilisé et le type de population abordée (16). Par exemple, dans l’une de ces études, réalisée dans trois établissements au Canada, 50 % des résidants avaient ressenti de la douleur au cours des sept derniers jours, et la douleur survenait sur une base quotidienne chez 25 % d’entre eux (4). La douleur chronique chez les aînés s’associait à la dépression, à l’isolement social, aux troubles du sommeil, à l’agitation, à l’exacerbation de la perte d’autonomie cognitive et fonctionnelle et à une détérioration de la qualité de vie (711).

Les auteurs s’accordent pour affirmer que la prise en charge de la douleur chronique dans les centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) est sous-optimale (7,1214). La douleur y est souvent sous-détectée et insuffisamment traitée (6,1518). Ainsi, dans une étude rétrospective portant sur l’utilisation d’analgésiques dans 80 établissements de soins, Miller et coll. (17) ont observé que de 15 % à 23 % des résidants en fin de vie souffrant de douleur quotidienne ne recevaient aucun analgésique ou recevaient un traitement non conforme aux directives de l’American Medical Directors Association (AMDA) (19). La majorité de ces études sur la douleur chronique en CHSLD ont porté sur des résidants ayant la capacité de répondre à des questionnaires et à évaluer euxmêmes leur niveau de douleur (3). Cependant, la prévalence de douleur chronique et la fréquence de détection sont plus élevées chez les résidants peu ou pas communicants (12,16,20,21). Plusieurs études ont démontré que, dans les mêmes contextes cliniques, les aînés ayant des atteintes cognitives recevaient moins d’analgésie que ceux qui n’en avaient pas (18,2224), même s’il est établi que la présence d’une démence ne diminue ni le seuil, ni la réaction à la douleur (25,26).

Une raison fréquemment invoquée pour expliquer les lacunes en matière de diagnostic et de traitement de la douleur en CHSLD est l’absence d’outils pertinents de mesure de la douleur auprès des résidants présentant des difficultés de communication (20,27). Près des deux tiers des résidants des CHSLD ont un diagnostic de démence, et près de la moitié présentent une perte d’autonomie cognitive et fonctionnelle rendant la communication verbale impossible (28). Les troubles cognitifs, tels que la démence, le delirium, les maladies vasculaires cérébrales et la démence de type Alzheimer affectent la mémoire, l’attention, les habiletés visuelles spatiales et le langage (2,2931). Les échelles habituelles de mesure de la douleur par autoévaluation (p. ex., échelle visuelle analogique, échelle verbale simple) demeurent utiles chez les aînés ayant une atteinte cognitive légère ou modérée (25,32), mais deviennent inopérantes en présence d’atteintes cognitives plus marquées ou de démence (2,3335).

Des changements comportementaux peuvent être utilisés comme indicateurs d’intensité de la douleur. Il est possible d’observer et d’enregistrer des comportements volontaires et involontaires comme les grimaces, le retrait d’un membre ou le frottement d’une partie du corps. Ainsi, plusieurs échelles fondées sur l’observation de comportements évocateurs de la douleur par un membre de l’équipe soignante ont été mises au point au cours des dernières années, en particulier pour les aînés atteints de démence et incapables d’exprimer verbalement la douleur et l’inconfort. Notre projet visait à repérer ces instruments et à les évaluer d’après leurs qualités psychométriques (validité, fiabilité) et leur utilité clinique, de manière, d’une part, à rendre disponibles des renseignements susceptibles d’améliorer la pratique des personnes responsables de la qualité de vie de cette population vulnérable et, d’autre part, à offrir un encadrement pour le développement de ces outils.

MÉTHODOLOGIE

Description de la recherche bibliographique

Les instruments en français et en anglais, conçus pour les personnes âgées ayant des difficultés à communiquer et fondés sur l’observation de comportements évocateurs de la douleur ont été recensés à l’automne 2005 au moyen des bases de données Medline, Cumulative Index to Nursing and Allied Health Literature (CINAHL), PsycINFO et Science Citation Index, à l’aide des mots-clés suivants : pain assessment, pain measurement, pain scale, elders/elderly, aging/ageing, cognitive impairment, cognitive disorder, dementia, Alzheimer’s disease. Un examen systématique de la bibliographie des publications ainsi obtenues a complété cette recherche.

Au total, 36 instruments ont été évalués, dont 12 n’ont pas été retenus pour analyse. L’étude descriptive de Marzinki (12) a été exclue parce qu’elle ne décrit pas un outil au sens strict. La première version du Doloplus (36) a été remplacée par le Doloplus-2 (37), développé ultérieurement. Le Proxy Pain questionnaire (38), le Minimum Data Set (39), le questionnaire proposé par Manfredi et coll. (40) et la Nurse Global Scale of Pain and Present Pain Inventory (41) ont également été exclus car ils ne constituent pas des instruments d’observation, mais plutôt des évaluations de la douleur réalisées sur la base d’un examen général par l’observateur. Quelques instruments n’ont pas été évalués parce qu’ils n’étaient pas conçus pour des personnes âgées atteintes de démence : le Face, Legs, Activity, Cry and Consolability (42), le Nonverbal Adult Pain Assessment Scale (43), de même que l’instrument publié par Puntillo et coll. (44). Enfin, certains instruments dont la validation n’avait pas été effectuée auprès de personnes âgées ayant des difficultés de communication n’ont pas été inclus dans cette revue : la University of Alabama Birmingham Pain Behavior Scale (45), la Pain Behavior Checklist (46) et la Behavioral Pain Scale (47). Notre évaluation systématique s’est donc portée sur 24 instruments de mesure de la douleur destinés aux personnes âgées ayant des difficultés de communication.

Mode d’évaluation

Chaque instrument a été évalué de façon indépendante par trois évaluateurs (MA, TH, AG) au moyen d’une grille standardisée, constituée de questions avec réponses dichotomiques (oui = 1 point, non = 0 point) (tableau 1). En cas de désaccord, un score moyen a été calculé. Les trois observateurs ont été d’accord à 81 % (n = 1 081 questions).

TABLEAU 1.

Grille d’évaluation des instruments

Validité de contenu
1.1 La définition de la douleur est-elle uniforme tout au long de l’étude (sans confusion avec un autre concept comme l’autonomie) ?
1.2 Tous les énoncés respectent-ils les limites propres à la fois aux personnes âgées et aux personnes ayant des capacités limitées à communiquer ?
1.3 Un groupe d’experts indépendants a-t-il vérifié la pertinence du contenu de l’instrument ?
Y a-t-il un ou plusieurs énoncés qui entrent dans la catégorie (8)
1.4 Facial expressions (slight frown, sad, frightened face; grimacing, wrinkled forehead, closed or tightened eyes; any distorted expression; rapid blinking)
1.5 Verbalizations, vocalizations (sighing, moaning, groaning; grunting, chanting, calling out; noisy breathing; asking for help; verbally abusive)
1.6 Body movements (rigid, tense body posture, guarding; fidgeting; increased pacing, rocking; restricted movement; gait or mobility change)
1.7 Changes in interpersonal interactions (aggressive, combative, resisting care; decreased social interaction; socially inappropriate; disruptive; withdrawn)
1.8 Changes in activity patterns or routines (refusing food, appetite change; increase in rest periods, sleep, rest pattern changes; sudden cessation of common routines; increased wandering)
1.9 Mental status changes (crying or tears; increased confusion; irritability or distress)
1.10 Les énoncés servent-ils exclusivement à décrire la douleur (pas de confusion avec autre construit) ?
1.11 Les énoncés ont-ils été produits correctement (par observation clinique, groupe de travail, analyse bibliographique) ?
1.12 Une analyse d’énoncés est-elle présentée ? Dans l’affirmative, est-ce que touts les énoncés semblent importants (p. ex., est-ce que touts les énoncés contribuent à la modification du score entre une situation calme ou douloureuse, ou entre avant et après le traitement). Les scores sont-ils étendus ? A-t-on observé des scores élevés proches du maximum ?
Validité de construit (discriminante)
2.1 Échantillon : Ratio homme-femme pertinent ? Représente-t-il toute la population visée ou seulement une partie (origine ethnique, classe sociale, etc.) ?
2.2 Le statut cognitif des sujets est-il établi ?
2.3 Les méthodes d’évaluation et techniques statistiques sont-elles pertinentes ?
2.4 Résultats : L’instrument permet-il de discriminer de façon statistiquement significative entre un événement douloureux et non douloureux ? Permet-il de détecter un changement statistiquement significatif du niveau de douleur après un traitement ?
Validité de construit (convergente)
2.5 Échantillon : Ratio homme-femme pertinent ? Représente-t-il toute la population visée ou seulement une partie (origine ethnique, classe sociale, etc.) ?
2.6 Le statut cognitif des sujets est-il établi ?
2.7 Les méthodes d’évaluation et techniques statistiques sont-elles pertinentes ?
2.8 Résultats : Les résultats de l’instrument sont-ils corrélés de façon statistiquement significative avec ceux d’un ou de plusieurs autres instruments d’hétéroévaluation ? Remarque : aucun point n’est alloué à la comparaison du score de l’instrument avec ceux obtenus par mesure d’autoévaluation.
Validité de construit (divergente)
2.9 Échantillon : Ratio homme-femme pertinent ? Représente-t-il toute la population visée ou seulement une partie (origine ethnique, classe sociale, etc.) ?
2.10 Le statut cognitif des sujets est-il établi ?
2.11 Les méthodes d’évaluation et techniques statistiques sont-elles pertinentes ?
2.12 Résultats : A-t-on comparé l’instrument à un instrument servant à mesurer un construit différent (p. ex., agressivité, autonomie) ? Dans l’affirmative, y a-t-il absence de corrélation statistiquement significative entre les deux instruments ?
Fiabilité (cohérence interne)
3.1 Échantillon : Ratio homme-femme pertinent ? Représente-t-il toute la population visée ou seulement une partie (origine ethnique, classe sociale, etc.) ?
3.2 Le statut cognitif des sujets est-il établi ?
3.3 La taille de l’échantillon est-elle pertinente pour les analyses (n = 5 nombre d’énoncés) ?
3.4 Les méthodes d’évaluation et techniques statistiques sont-elles pertinentes ?
3.5 Résultats : La cohérence interne (α de Cronbach) est-elle supérieure à 0,70 ?
Fiabilité interobservateurs
3.6 Échantillon : Ratio homme-femme pertinent ? Représente-t-il toute la population visée ou seulement une partie (origine ethnique, classe sociale, etc.) ?
3.7 Le statut cognitif des sujets est-il établi ?
3.8 Les méthodes d’évaluation et techniques statistiques sont-elles pertinentes ?
3.9 Résultats : La fiabilité interobservateurs est-elle supérieure à rp = 0,70 ? L’ICC est-il supérieur à 0,60 ? Le pourcentage d’accord est-il supérieur à 70 % ? Le coefficient Kappa est-il supérieur à 0,60 ?
Fiabilité test-retest
3.10 Échantillon : Ratio homme-femme pertinent ? Représente-t-il toute la population visée ou seulement une partie (origine ethnique, classe sociale, etc.) ?
3.11 Le statut cognitif des sujets est-il établi ?
3.12 Les méthodes d’évaluation et techniques statistiques sont-elles pertinentes ?
3.13 Résultats : La fiabilité test-retest est-elle supérieure à rp = 0, 70 ? (idem question n° 3.9) ?
Utilité clinique
4.1 Les qualifications des observateurs sélectionnés pour la mise au point sont-elles pertinentes dans un contexte d’utilisation clinique de l’instrument ?
4.2 La méthode d’administration est-il bien décrite et facile à reproduire ?
4.3 Le mode d’attribution des scores est-elle bien décrite et reproductible ?
4.4 Des directives ou consignes adéquates sont-elles proposées pour l’interprétation des scores ?
4.5 Existe-t-il des données satisfaisantes pour établir une norme pour l’instrument ? Les auteurs présentent-ils un score moyen avec écart-type (et distribution normale), obtenus sur un échantillon de taille appropriée (>100), constitué de personnes représentatives de la population visée ?
4.6 Les énoncés sont-ils bien décrites et faciles à comprendre ?
4.7 Les énoncés sont-ils de format uniforme ?
4.8 La durée requise pour administrer l’instrument est-elle pertinente (c.-à-d. ≤ 10 minutes) ? Si la durée n’est pas précisée, on essaie de l’estimer à partir de l’information disponible.
4.9 L’entraînement requis pour l’observateur est-il convenable (c.-à-d. ≤ 3 heures) ? Si l’entraînement n’est pas précisé, on essaie de l’estimer à partir de l’information disponible.
4.10 L’instrument a-t-il été bien reçu (et perçu comme utile) par les soignants ?

Pour chaque question, une réponse « oui » donne un point et une réponse « non » ne donne pas de point, avec un score maximum de 47 points

La grille d’évaluation utilisée (tableau 1) s’inspire du travail d’évaluation réalisé par Herr et coll. (48) ainsi que des ouvrages de McDowell et Newell (49) et d’Anastasi (50). Elle est composée de 47 questions regroupées en quatre critères, soit la validité de contenu (12 questions), la validité de construit (12 questions), la fiabilité (13 questions) et l’utilité clinique (10 questions). Une moyenne a d’abord été calculée pour chacun des quatre critères, puis une moyenne globale a ensuite été calculée en accordant une pondération égale à chaque critère. Une grille préliminaire, comportant 29 questions, a d’abord été élaborée. Une évaluation pilote de trois des 24 instruments au moyen de cette grille préliminaire a résulté en un pourcentage d’accord des trois évaluateurs de 74 % et a servi de base pour améliorer la grille d’évaluation finale (tableau 1).

Suivant l’exemple de Herr et coll. (48), la liste d’énoncés composant chaque instrument a été évaluée en comparaison avec les six catégories de signes et symptômes évocateurs de la douleur décrites par l’American Geriatric Society (AGS) (8). Un point a été accordé pour la présence d’au moins un comportement par catégorie, donnant un maximum de six points pour la composition de la liste d’énoncés de chaque instrument (tableau 1, nos 1.4–1.9).

Pour l’évaluation de la fiabilité, des seuils d’acceptabilité de 0,70 pour les coefficients de Pearson (rp) et de Spearman (rs) et de 70 % pour le pourcentage d’accord ont été fixés. Le coefficient de corrélation intraclasse (ICC) étant souvent légèrement inférieur au rp, parce qu’il tient compte d’un biais systématique possible (49), nous avons fixé le seuil acceptable d’ICC à 0,60. Selon Fleiss (51), un ICC de 0,40 à 0,75 peut être considéré acceptable et un ICC supérieur à 0,75 peut être interprété comme ayant une excellente fiabilité. Pour sa part, le calcul du coefficient Kappa intègre une correction pour la possibilité d’accord imputable au hasard. Il est donc plus conservateur que le rp (49). Nous en avons donc fixé arbitrairement la valeur seuil à 0,60.

Plusieurs auteurs ont indiqué des scores moyens avec écarttypes qui pourraient être utilisés pour estimer les valeurs normatives des instruments (p. ex., PACSLAC [52], DS-DAT [53], PAINAD [54], DOLOPLUS-2 [37]). Pour que le calcul de telles normes soit jugé possible (tableau 1, no 4.5), un échantillon supérieur à 100 participants a été fixé comme minimal.

Pour plusieurs instruments, la validité critériée a été mesurée en utilisant l’autoévaluation comme norme de référence (p. ex., DS-DAT [53], CNPI [55], PACI [33]). Cependant, il a été démontré que la mesure d’autoévaluation de la douleur est inopérante dans les cas de démence sévère (2,33). C’est pourquoi ces mesures n’ont pas été prises en compte pour évaluer la validité des instruments.

Deux des trois évaluateurs ont participé au développement de certains des outils évalués : T. Hadjistavropoulos est à l’origine du PACSLAC. Il a travaillé à sa validation (52), de même qu’à celles du FACS (5658) et du PBM (25). M. Aubin a travaillé à la validation de la version française du PACSLAC (59). Ces chercheurs n’ont donc pas participé à l’évaluation de leurs propres études.

RÉSULTATS

On compte six instruments en français parmi les instruments évalués (tableau 2). Les listes d’énoncés varient beaucoup d’un instrument à l’autre, allant de cinq énoncés (PAINAD [54] et PBM [25,60]) à 60 énoncés (PACSLAC [52]). Tous les instruments comprennent des énoncés relatifs aux expressions faciales, ce qui correspond à la première catégorie des signes et symptômes évocateurs de la douleur décrite par l’AGS (8) (voir le tableau 1, nos 1.4–1.9, pour obtenir une description des catégories). De plus, tous les instruments, sauf le FACS (5658), incluent les vocalisations et verbalisations et les mouvements du corps. Cependant, seulement la moitié des instruments comprennent des énoncés relatifs aux changements dans les interactions sociales, les formes d’activités ou l’état mental.

TABLEAU 2.

Description des instruments d’évaluation de la douleur

Instrument Références Langue Taille de l'échantillon Nombre d’énoncés (étendue du score) Signes et symptômes évocateurs de la douleur
Expressions du visage Vocali- sations Mouvements du corps Interactions interper- sonnelles Formes d'activités Étatmental
Abbey Pain Scale (70) A 61 6 (0–18) x x x x
Assessment of Discomfort in Dementia Protocol (ADDP) (71,82) A 104, 143 15* x x x x x x
Amy's guide (67) A 36* x x x x x x
Checklist of Nonverbal Pain Indicators (CNPI) (55) A 88 12 (0–12) x x x
Davies et coll. (63,64) A 39* x x x x x
DOLOPLUS-2 (37,74) F, A, N 43–510 10 (0–30) x x x x x x
Discomfort Scale- Dementia of the Alzheimer's Type (DS-DAT) (53,79,83) A 46, 68, 104 9 (0–27) x x x
DS-DAT modifié (83) A 46 6 (−6 −21) x x x
Échelle de comportement douloureux de la personne âgée (ECPA) (68) F 11 (0–28) x x x x x x
Échelle comportementale simplifiée (ECS) (72) F 146 14 (0–1) x x x x x x
Facial Action Coding system (FACS) (25,5658,84) A 26–82 13–46 x
Facial Grimace Scale/Behaviour Checklist (FGS/BC) (85) A 13, 40 FGS = 1 question BC = 20 questions x x x x x x
Non-Communicative Patient's Pain Assessment Instrument (NOPPAIN) (62) A 0 (acteurs) 20 (0–6) x x x
Pain Assessment in the Communicatively Impaired (PACI) (33) A 130 7 x x x
Pain Assessment Checklist for Seniors with Limited Ability to Communicate (PACSLAC) (52,59,73) F, A 27–86 60 (0–60) x x x x x x
Pain Assessment for the Dementing Elderly (PADE) (61) A 25, 40 24 (0–96) x x x x x x
Pain Assessment in Advanced Dementia (PAINAD) (54) A 19, 25 5 (0–10) x x x x
Pain Behaviour Measure (PBM) (25,60) A 39, 58 5 x x x
Simons et Malabar (86) A 105 25 (0–25) x x x x
Lamotte et Vetel (65) F 30 37* x x x x x x
Laurent-Kenesi et coll. (87) F 45 28 (0–28) x x x x
Pain Assessment Tool in Confused Older Adults (PATCOA) (69) A 116 9 (0–9) x x x
Parke (66) A 17* x x x x x x
Pain Target Behaviors (PTB) (78) A 41 26* x x x x x x
*

Pas d'échelle utilisée, pas de score global calculé ;

Manque d'information. – Aucune mise au point réalisée; A Anglais; F Français; N Norvégien

Quelques instruments, soit le PADE (61), le NOPPAIN (62) et l’échelle de Davies et coll. (63,64), intègrent, en plus de l’observation comportementale du patient, une évaluation globale du niveau de douleur perçue par l’observateur. Le NOPPAIN (62) et l’échelle de Davies et coll. (63,64) incluent une autoévaluation par le patient.

La validité de contenu est la qualité psychométrique la plus souvent évaluée dans l’ensemble des instruments étudiés, tandis que la validité de construit n’a été étudiée que dans sept des 24 instruments évalués, et la fiabilité, dans dix de ces 24 instruments. Aucune validation, ou au plus une validation très sommaire, de la validité de construit et de la fiabilité n’a été constatée pour les instruments de Davies et coll. (63,64), de Lamotte et Vetel (65), de Parke (66), de l’Amy’s guide (67) et de l’ECPA (68).

La validité divergente est une mesure relativement peu utilisée puisque seuls le PATCOA (69), le PADE (61) et le DS-DAT (53) ont été validés au moyen de cette comparaison. L’analyse des énoncés a confirmé que touts les énoncés semblaient pertinentes pour 12 des 24 instruments (tableau 1, n° 1.12). La validité convergente a été testée et jugée pertinente pour moins de sept instruments. La fiabilité interobservateurs est le type de fiabilité le plus souvent vérifié (14 des 24 instruments). Seulement six instruments ont été évalués en regard de la reproductibilité (fiabilité test-retest), laquelle a été jugée acceptable pour seulement deux d’entre eux (tableau 1, n° 3.13). La validité critériée mesurée en comparaison avec l’autoévaluation de la douleur (considérée comme la norme de référence pour estimer la douleur) a été établie pour sept instruments.

Plusieurs des instruments évalués ont été bien acceptés et perçus comme utiles par les soignants, soit l’Abbey Pain Scale (70), l’ADDP (71), le DOLOPLUS (37), l’ECS (72), l’échelle de Lamotte et Vetel (65), le PACSLAC (52) et l’échelle de Davies et coll. (63,64). Dans le cas du PAINAD (54), cet instrument a même été intégré à la routine de soins après le projet de recherche. Le DS-DAT (53) a pour sa part été qualifié de complexe et difficile à utiliser par les utilisateurs.

En général, les études de validation ont été réalisées au moyen d’échantillons de taille relativement petites en regard des exigences établies pour l’établissement de normes (tableau 2). Ainsi, seulement six des 24 instruments étudiés ont utilisé un échantillon de plus de 100 sujets pour certaines des mesures réalisées. Parmi toutes les études de validation, seule l’étude réalisée pour le PACI (33) présente des données satisfaisantes pour l’établissement de normes, c’est-à-dire scores avec écarttype, obtenus au moyen d’un échantillon représentatif de l’ensemble de la population visée, d’une taille supérieure à 100 sujets.

Le tableau 3 présente les scores spécifiques et le score global obtenus pour chacun des 24 instruments évalués. En tenant compte d’un seuil d’acceptation fixé arbitrairement à 50 %, seulement quatre instruments obtiennent des résultats acceptables pour l’ensemble des quatre critères évalués : l’Abbey (66), le DOLOPLUS-2 (37), le PACSLAC (52) et le PADE (61) (tableau 3).

TABLEAU 3.

Résultats de l'évaluation des instruments d’évaluation de la douleur

Instruments (références) Validité de contenu, % Validité de construit, % Fiabilité, % Utilité clinique, % Moyenne globale, %
PACSLAC (52,59,73) 100 67 92 90 87
Abbey Pain Scale (70) 81 61 56 93 73
DOLOPLUS (37,74) 78 53 56 73 65
PADE (61) 56 67 82 53 64
PAINAD (54) 78 50 49 77 63
DS-DAT (53,79,83) 64 36 72 67 60
CNPI (55) 61 33 62 63 55
NOPPAIN (62) 61 42 44 70 54
ADDP (71,82) 92 22 28 63 51
PATCOA (69) 72 28 49 53 51
ECS (72) 81 22 0 77 45
PBM (25,60) 58 54 27 35 44
PTB (78) 83 19 0 70 43
PACI (33) 53 0 51 60 41
Simons et Malabar (86) 67 17 0 77 40
FGS (85) 72 11 13 60 39
Laurent-Kenesi et coll. (87) 69 17 0 67 38
FACS (25,5658,84) 42 63 0 45 37
DS-DAT modifié (83) 64 0 18 67 37
Amy's guide (67) 78 0 0 60 34
Lamotte et Vetel (65) 81 0 5 47 33
Parke (66) 78 0 0 53 33
ECPA (68) 78 6 18 23 31
Davies et coll. (63,64) 69 0 0 53 31

ADDP Assessment of Discomfort in Dementia Protocole; CNPI Checklist of Nonverbal Pain Indicators; DS-DAT Discomfort Scale-Dementia of the Alzheimer's Type; ECPA Échelle de comportement douloureux de la personne âgée; ECS Échelle comportementale simplifiée; FACS Facial Action Coding system; FGS Facial Grimace Scale; NOPPAIN Non-Communicative Patient's Pain Assessment Instrument; PACI Pain Assessment in the Communicatively Impaired; PACSLAC Pain Assessment Checklist for Seniors with Limited Ability to Communicate; PADE Pain Assessment for the Dementing Elderly; PAINAD Pain Assessment in Advanced Dementia; PAT-COA Pain Assessment Tool in Confused Older Adults; PBM Pain Behaviour Measure; PTB Pain Target Behaviors

EXPOSÉ

Aucun des instruments existants n’est encore parfaitement validé. De plus, presque tous les instruments devraient être testés sur des échantillons de plus grande taille, de manière à établir des normes pour encadrer l’interprétation des résultats et faciliter l’intégration à la pratique clinique. Devant la difficulté pour les cliniciens et les chercheurs à sélectionner un outil, nous recommandons les instruments 1) comprenant des énoncés tirés d’au moins trois catégories de signes et symptômes évocateurs de la douleur recommandées par l’American Geriatric Society (8), 2) ayant une validité de construit et une fiabilité acceptables et 3) ayant une bonne applicabilité clinique. Plusieurs instruments satisfont à l’ensemble de ces critères. Nous recommandons donc les trois dont la validation est la plus avancée (c’est-à-dire ceux ayant obtenu les scores globaux les plus élevés) :

  • PACSLAC (52,59,73)

  • Abbey Pain Scale (70)

  • DOLOPLUS-2 (37,74)

Notre évaluation révèle que le PACSLAC (52) est un outil prometteur dont la validation est assez avancée relativement aux autres instruments disponibles. Ce résultat est en accord avec l’évaluation de Zwakhalen et coll. (75). On se doit cependant de souligner que le PACSLAC n’a été évalué que par un seul des trois évaluateurs, les deux autres ayant travaillé à sa conception ou à sa validation. Ce facteur pourrait représenter une faiblesse de notre travail d’évaluation, mais le pourcentage d’accord élevé des trois évaluateurs (81 %) permet de faire confiance aux résultats du PACSLAC même s’ils ne proviennent que d’un seul évaluateur.

Quelques autres travaux d’évaluation de ce type d’instruments figurent dans les publications (48,75,76), mais aucun n’a porté sur autant d’instruments et n’a utilisé une grille d’évaluation aussi détaillée des qualités psychométriques et de l’utilité clinique des instruments que la présente étude. Une revue systématique récente, effectuée par Zwakhalen et coll. (75) sur 12 instruments (publiés en anglais, en français, en allemand ou en néerlandais), a fait appel à une grille d’évaluation de dix questions et a également reconnu le potentiel du PACSLAC (52) et du DOLOPLUS-2 (37) pour évaluer la douleur chez les personnes âgées atteintes de démence, et ce, même si cette revue n’a utilisé qu’une partie des résultats de validation du PACSLAC. K. Herr et ses collaborateurs ont également réalisé une évaluation de dix instruments de langue anglaise, au moyen d’une grille comportant 44 critères (48). Cette évaluation accorde peu d’importance à l’utilité clinique relativement aux qualités psychométriques, ce qui explique en partie que le DS-DAT (53) y obtienne le meilleur score global, suivi du NOPPAIN (62) et de l’ADDP (71) tandis que le PACSLAC (52), le DOLOPLUS (37) et le CNPI (55) parviennent ex æquo au quatrième rang. Il faut aussi noter que les auteurs n’ont pu utiliser les récents résultats de validation du PACSLAC en français (59) lors de la réalisation de cette évaluation, puisqu’ils n’étaient alors pas disponibles.

Chez la personne âgée présentant une atteinte cognitive, la douleur peut se manifester de multiples manières (12,53,77). Étant donné la variabilité des comportements associés à la douleur, les instruments utilisant une échelle étendue de comportements devraient avoir un meilleur potentiel clinique (meilleur dépistage, sensibilité accrue) (52). Pour souligner l’importance de cet aspect, notre évaluation comportait plusieurs points pour juger la liste d’énoncés : nous avons mieux coté la validité de contenu des instruments dont les énoncés couvraient une plus grande étendue de comportements. On observe que la validité de contenu du PACSLAC (52) et de l’Abbey Pain Scale (70) constitue une base solide qui justifie les efforts de validation entrepris pour ces instruments. L’ADDP (71), le PTB (78), l’ECS (72) et l’échelle de Lamotte et Vetel (65) présentent aussi une validité de contenu adéquate (>80 %) qui justifierait la réalisation d’études additionnelles pour en amorcer ou compléter la validation (validité de construit, fiabilité et utilité clinique). Pour les autres instruments évalués, un travail d’amélioration de la validité de contenu paraît souhaitable avant d’entreprendre des travaux additionnels de validation du construit ou de la fiabilité.

Il est surprenant de constater qu’il n’existe aucune mesure de fiabilité pour plus de la moitié des instruments. Si un instrument de mesure de la douleur doit être utilisé pour juger de l’efficacité des traitements instaurés, il doit au préalable donner des résultats reproductibles, et sa fiabilité test-retest est cruciale. De plus, si un tel instrument est utilisé pour mesurer un état transitoire, sa cohérence interne devient une caractéristique importante qui sous-tend une plus grande validité (49).

Plusieurs outils semblent moins applicables en milieu de soins, soit parce que la durée de la formation requise pour l’observateur est inapplicable dans un contexte de soins (DS-DAT [53]), soit parce que le protocole d’observation nécessaire est long et fatigant pour le résidant, ce qui ne convient pas dans le contexte d’un suivi systématique du niveau de douleur (PBM [25]), soit parce qu’ils requièrent l’utilisation d’un enregistrement vidéo (FACS [56–58]).

Le PAINAD (54), le PATCOA (69), le PADE (61) et le CNPI (55) ont tous démontré une faible cohérence interne (respectivement, α Cronbach = 0,30–0,83; 0,44; 0,23–0,88 et 0,54–0,64). Ce phénomène semble être une difficulté inhérente aux instruments visant à évaluer la douleur. En effet, la douleur est en soi une sensation subjective qui varie beaucoup d’un individu à l’autre, ce qui fait que même en regroupant les énoncés en sous-échelles, il peut être difficile d’obtenir des cohérences internes élevées (50). Il serait peutêtre possible d’améliorer la cohérence interne en enlevant les énoncés qui sont les moins corrélées aux autres, mais cette solution pourrait compromettre la validité de contenu de l’instrument (49).

Il est intéressant de constater que les auteurs qui ont mesuré la validité divergente ont observé une certaine corrélation entre les échelles de douleur et celles d’agressivité (PADE [61], DS-DAT [53]), d’agitation (DS-DAT [53], PADE [61]) ou de confusion (PATCOA [69]). Ces résultats suggèrent que la douleur est un construit complexe et qu’il peut être difficile de l’évaluer de façon indépendante des autres états de la personne âgée ayant une capacité réduite à communiquer. Ainsi, même si le PACSLAC (52) semble être le meilleur outil actuellement disponible pour mesurer la douleur chez ces personnes, l’adéquation de ce type d’instrument est difficile à démontrer complètement. En effet, comme le souligne Young (79), la douleur est une expérience multidimensionnelle, et il est difficile d’en isoler la composante sensorielle (p. ex., intensité) qui est influencée par la détresse, l’inquiétude et la peur qui s’expriment aussi par des changements comportementaux. Selon McDowell et Newell (49), la mesure de la douleur représente le plus grand défi et la mesure subjective relative à la santé la plus difficile. Un rapport de douleur est influencé par plusieurs facteurs : biologiques, sociaux et psychologiques. L’évaluation devrait donc comprendre non seulement de l’information sur l’intensité de la douleur, mais aussi des données sur le patient dans son contexte plus global de fonctionnement, ce qui inclut, entre autres, ses diagnostics et ses résultats d’examen physique, son humeur, son contexte social, son histoire personnelle et les stratégies de soulagement ayant été tentées précédemment (80).

CONCLUSION

La présente étude a permis de constater qu’il existe plusieurs instruments propres à l’évaluation de la douleur chez les aînés ayant des capacités réduites à communiquer. Plusieurs de ces instruments sont bien conçus, mais ils nécessitent tous un travail additionnel de validation avant d’être intégrés à la pratique en milieux de soins de longue durée. De plus, il serait utile d’évaluer des stratégies d’implantation de ce type d’outils aux milieux de soins, lesquelles devraient comprendre un module de formation du personnel soignant et l’implantation d’outils additionnels de planification et de documentation des soins prodigués pour soulager la douleur (71,77,81).

Footnotes

REMERCIEMENTS : Nous remercions le docteur Manon Choinière, qui a agi comme rédactrice en chef intérimaire pour le présent article.

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Articles from Pain Research & Management : The Journal of the Canadian Pain Society are provided here courtesy of Wiley

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