La dépression maternelle est considérée comme un facteur de risque pour le développement socioaffectif et cognitif de l’enfant (1). La prévalence de la dépression au Canada atteint une moyenne de 6 %, similaire aux taux observés dans les autres pays occidentaux (2) (la moyenne du ratio entre les femmes et les hommes est de 2 pour 1 [3]). Cependant, la prévalence de dépression postpartum est d’environ 13 % (4). En effet, les femmes en âge de procréer sont particulièrement vulnérables à la dépression, et elles sont nombreuses à présenter des taux élevés de morbidité sociale et de symptômes dépressifs, qui restent souvent non dépistés et non traités. Les mères déjà vulnérables à la dépression sont particulièrement fragiles pendant les premiers mois suivant l’accouchement. La dépression maternelle a des conséquences sur le développement de l’enfant. Puisque les médecins qui s’occupent des nourrissons et des enfants rencontrent les mères à maintes reprises, il est important qu’ils possèdent les connaissances et les compétences nécessaires pour déceler les symptômes de dépression maternelle.
Le présent énoncé vise à :
examiner les connaissances actuelles sur les conséquences de la dépression maternelle sur le développement de l’enfant à divers âges;
examiner la documentation scientifique fondée sur des faits probants sur le traitement de la dépression maternelle et ses répercussions sur le nouveau-né, le nourrisson et l’enfant;
examiner le rôle du médecin de l’enfant dans le dépistage des symptômes de dépression maternelle et la coordination d’un soutien et d’une prise en charge convenables.
Une recherche dans la documentation scientifique publiée depuis 15 ans a été menée dans la base de données MEDLINE, et les bibliographies des articles retenus ont également été examinées. Les études longitudinales prospectives de cohortes, dans lesquelles les mères étaient recrutées pendant la grossesse ou la période postpartum et les enfants étaient évalués à intervalles réguliers, étaient d’un intérêt particulier.
INTRODUCTION
D’ordinaire, les troubles psychiatriques postpartum se divisent en trois catégories : le syndrome du troisième jour (baby blues), la psychose postpartum et la dépression postpartum. Le syndrome du troisième jour est un trouble affectif relativement courant qui s’accompagne de pleurs, de confusion, de labilité d’humeurs, d’anxiété et d’humeur dépressive. Les symptômes font leur apparition pendant la première semaine suivant l’accouchement, durent quelques heures à quelques jours et laissent peu de séquelles. À l’autre bout du spectre, la psychose postpartum désigne un trouble grave qui se déclenche dans les quatre semaines suivant l’accouchement et s’accompagne de délire, d’hallucinations et d’altérations fonctionnelles marquées. Enfin, la dépression postpartum se manifeste ou se poursuit pendant la période postpartum. Ses caractéristiques principales incluent les humeurs dysphoriques, la lassitude, l’anorexie, les troubles du sommeil, l’anxiété, la culpabilité excessive et les pensées suicidaires (5). Les symptômes doivent persister pendant au moins un mois et provoquer une altération fonctionnelle pour qu’il soit possible de poser un diagnostic (6). Les femmes qui souffrent de dépression postpartum présentent un risque de 50 % à 62 % de dépressions futures (7). Les autres facteurs de risque de dépression postpartum incluent des antécédents de troubles d’humeur, des symptômes de dépression pendant la grossesse et des antécédents familiaux de troubles psychiatriques (4). Des facteurs de stress, tels que des événements négatifs de la vie, de mauvaises relations conjugales, un nourrisson ayant des besoins spéciaux ou un nourrisson « fragile » du point de vue médical, l’absence de soutien social, l’abus d’intoxicants et une psychopathologie personnelle et familiale s’associent à la dépression postpartum selon certaines études, tandis que d’autres études ne décèlent aucune association de ce genre (6). La dépression postpartum tend à être plus bénigne que les crises de dépression qui se produisent à d’autres moments, les taux d’anxiété, d’agitation, d’insomnie et de symptômes somatiques étant plus faibles (8). Cependant, la dépression semble durer plusieurs mois, qu’elle ait lieu pendant la période postpartum ou non (6).
Les conséquences de la dépression postpartum de la mère sur l’enfant ne sont pas limitées à la première enfance, mais elles peuvent toucher les tout-petits, les enfants d’âge préscolaire et même ceux d’âge scolaire. Une dépression qui se manifeste plus tard chez la mère influe sur le développement de l’enfant d’âge scolaire et de l’adolescent. Le tableau 1 résume les conséquences de la dépression maternelle à toutes les étapes, du fœtus jusqu’à l’adolescence.
TABLEAU 1.
Fœtus | Soins prénatals insuffisants, mauvaise alimentation, prématurité plus élevée, petit poids de naissance, prééclampsie et avortement spontané |
Nourrisson | |
Comportementales | Colère et style d’adaptation protecteur, passivité, repli sur soi, comportement d’autorégulation et attention et éveil désorientés |
Cognitives | Rendement cognitif plus faible |
Tout-petit | |
Comportementales | Non-docilité passive, expression moins mature de l’autonomie, troubles d’internalisation et d’externalisation et interactions plus limitées |
Cognitives | Jeux créatifs moins fréquents et rendement cognitif moins élevé |
Enfant d’âge scolaire | |
Comportementales | Altération fonctionnelle de l’adaptation, troubles d’internalisation et d’externalisation, troubles affectifs, troubles anxieux et troubles des conduites |
Scolaires | Trouble de déficit de l’attention avec hyper-activité et résultats de QI moins élevés |
Adolescent | |
Comportementales | Troubles affectifs (dépression), troubles anxieux, phobies, troubles paniques, troubles des conduites, abus d’intoxicants et dépendance à l’alcool |
Scolaires | Trouble de déficit de l’attention avec hyperactivité et troubles d’apprentissage |
Les associations entre la dépression maternelle, le comportement maternel et les issues de l’enfant sont complexes, et les études n’ont pas toutes établi un lien entre la dépression maternelle et des indicateurs de mauvais rôle parental. Les variations du type, de la gravité, de la chronicité et du moment de la dépression maternelle (9), l’hétérogénéité des échantillons (échantillons dans la collectivité par rapport à échantillons multiproblèmes à haut risque) et les facteurs de risque renforçateurs, tels qu’une situation défavorable dans la famille, un faible soutien social et un stress financier (10), contribuent tous à des différences d’issues chez les enfants. Par contre, des facteurs de stress peuvent être responsables d’issues négatives chez l’enfant, même en l’absence de dépression maternelle.
LA DÉPRESSION MATERNELLE ET LE DÉVELOPPEMENT DU NOURRISSON
Les interactions entre la mère et le nourrisson
Tous les jours, les nourrissons participent à maintes reprises à des routines interactives avec leur mère. La dépression maternelle compromet la capacité de cette dyade à réguler mutuellement l’interaction, en raison de deux schèmes interactifs : l’intrusion et le repli sur soi. Les mères intrusives affichent un affect hostile et perturbent l’activité du nourrisson. Celui-ci ressent de la colère, se détourne de sa mère pour limiter l’intrusion et internalise la colère et un mode protecteur d’adaptation. Les mères repliées sur elles-mêmes sont désengagées, non réactives, affectivement neutres et soutiennent peu l’activité de leur nourrisson. Celui-ci est incapable de s’adapter à cet état négatif ou de l’autoréguler, et il devient passif, se replie sur lui-même et adopte des comportements autorégulés (p. ex., regarder ailleurs ou se sucer le pouce) (11,12).
Le développement cognitif
On constate que les nourrissons de mères qui souffrent de dépression postnatale affichent des profils d’attention et d’éveil désorganisés. Dans une étude menée par Murray (13), le rendement cognitif relié à l’existence indépendante des objets était moins positif pour les nourrissons de 61 mères souffrant de dépression postnatale que pour les nourrissons de 42 mères non dépressives, même après un rajustement tenant compte de l’adversité contextuelle. Les mères dépressives sont moins susceptibles d’offrir une stimulation auxiliaire à leur nourrisson (14), et cette attitude perturbe leur rendement à des tâches d’apprentissage non sociales (15). Un autre facteur peut nuire à l’apprentissage, soit l’affect négatif des nourrissons de mères dépressives, même lorsqu’ils interagissent avec des adultes non dépressifs (16). Il est documenté que le propre affect négatif du nourrisson nuit à son apprentissage et à sa capacité de traiter l’information (17).
LA DÉPRESSION MATERNELLE ET L’ISSUE DÉVELOPPEMENTALE DES TOUT-PETITS ET DES ENFANTS D’ÂGE PRÉSCOLAIRE
Le développement comportemental
Règle générale, les mères dépressives sont moins attentives et réagissent moins aux besoins de leurs enfants. Elles sont également de mauvais modèles de régulation des humeurs négatives et de résolution de problèmes. Dans le cadre d’études longitudinales, on a comparé le comportement de mères dépressives à celui de mères non dépressives et l’issue de leurs enfants. Ces études ont démontré que les mères dépressives étaient moins susceptibles de fixer des limites à leurs enfants et de les faire respecter lorsqu’elles en avaient fixées (18). Les enfants de mère dépressive semblaient manifester une plus grande non-docilité passive et présenter moins d’expressions matures d’autonomie selon leur âge (19). Ils étaient évalués par leur mère dysphorique comme plus vulnérables, ayant plus de problèmes d’internalisation (dépression) et d’externalisation (agression et destruction), associés à des évaluations d’interaction plus faibles (20). Ils étaient également plus susceptibles de réagir négativement à des contacts amicaux et de participer à des jeux physiques de faible niveau et moins susceptibles de participer à des jeux créatifs individuels que les enfants témoins (21). Ces aspects du comportement de l’enfant s’associaient à la dépression postnatale, même compte tenu de situations défavorables, comme des conflits conjugaux, et de variables démographiques, comme l’âge de la mère, l’ethnie, le statut socioéconomique, l’état matrimonial, l’âge de l’enfant et le nombre de frères et sœurs.
Le développement cognitif
Les études sur de vastes échantillons conviennent toutes des répercussions négatives de la dépression postpartum de la mère sur le développement cognitif de l’enfant. Une expérience précoce d’interactions maternelles insensibles (comme c’est le cas en situation de dépression postpartum) semble prédictive d’un fonctionnement cognitif médiocre (22). Les garçons pourraient être plus sensibles que les filles aux effets de la maladie de la mère. Dans une étude menée par Sharp et coll. (23), seuls les garçons affichaient une diminution de l’atteinte intellectuelle dans les tests normalisés (surtout dans les indices d’intelligence abstraite, de raisonnements au sujet des opposés et des analogies) et dans la tâche « dessine un enfant ». D’autres aspects du développement cognitif, tels que le fonctionnement cognitivolinguistique (24), en souffrent également, et on remarquait aussi des déficits dans l’échelle perceptuelle et de rendement (25). Les effets d’issue étaient indépendants de l’ordre de naissance, de la scolarisation de la mère, du revenu familial, de l’état matrimonial et du soutien social.
LA DÉPRESSION MATERNELLE ET L’ISSUE DÉVELOPPEMENTALE DES ENFANTS D’ÂGE SCOLAIRE
Le développement comportemental
Diverses études démontrent que les enfants d’âge scolaire de mères dépressives affichent une détérioration de leur fonctionnement adaptatif, y compris des troubles d’internalisation et d’externalisation. Les études analysées par Beardslee et coll. (26) n’étaient pas contrôlées, mais une analyse plus récente menée par Downey et Coyne (27) inclut des études faisant appel à des groupes témoins (appariés selon l’âge des parents, le statut professionnel, l’ethnie, l’état matrimonial et le nombre et l’âge des enfants), à des critères diagnostiques standardisés pour repérer la dépression parentale et à des mesures valides de fonctionnement psychologique chez les enfants. Billings et Moos (28) ont démontré qu’un stress familial et un soutien minime aggravaient la prédiction de perturbation de l’enfant au-delà de celle découlant de la présence d’un parent dépressif. Cependant, l’étude de Lee et Gotlib (29) comparant des enfants de mères psychiatrisées dépressives à ceux de mères psychiatrisées non dépressives a révélé que l’ajustement de l’enfant était plus fortement relié à la gravité de la psychopathologie maternelle qu’au statut diagnostique.
Les enfants de parents dépressifs sont également plus vulnérables à une psychopathologie, y compris des troubles affectifs (surtout la dépression), des troubles anxieux et des troubles des conduites. Hammen et coll. (30) ont comparé des enfants de quatre groupes de mères (atteintes d’un trouble unipolaire, d’un trouble bipolaire ou d’une maladie médicale chronique ou mères en santé) sans différences d’ethnie, d’âge, de statut socioéconomique ou de scolarisation. Malgré l’effet du stress chronique statistiquement contrôlé, ils ont démontré qu’il restait des différences de variables d’issues psychosociales parmi les groupes et que le déficit était plus notable chez les enfants de mères souffrant d’une maladie unipolaire (30). D’autres études (31–34), ne comportant aucune différence démographique (âge, état matrimonial et niveau socioéconomique) entre les parents dépressifs et non dépressifs, ont confirmé un risque plus élevé de psychopathologie chez les enfants des parents dépressifs. Il semble que l’apparition d’un grave trouble dépressif avant 30 ans chez les parents accroisse le risque d’apparition d’une dépression chez l’enfant très tôt pendant l’enfance (33,34). Il est quelque peu difficile de distinguer les troubles comportementaux causés par la dépression maternelle et d’autres facteurs environnementaux de ceux qui découlent d’une susceptibilité génétique.
Le développement scolaire
Il semble exister un lien entre la santé mentale de la mère et le trouble de déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) de l’enfant, comme l’indique une étude transversale menée par Lesesne et coll. (35). Au moyen de l’enquête par entrevue sur la santé nationale menée en 1998 auprès de 9 529 dyades mère-enfant, on observe une association entre la dépression limitant l’activité, l’anxiété ou les troubles affectifs de la mère et le TDAH chez l’enfant de quatre à 17 ans, même compte tenu d’un rajustement selon l’âge, le sexe, la race, le revenu du ménage et le type de structure familiale (35).
Dans une étude longitudinale menée par Hay et coll. (36) auprès de 132 enfants, les indices de QI plus faibles, les troubles de l’attention, les troubles de raisonnement mathématique et les besoins éducatifs spéciaux étaient beaucoup plus courants chez les enfants dont la mère était dépressive trois mois après l’accouchement que chez les sujets témoins. De plus, les garçons étaient plus touchés que les filles. Cependant, les troubles scolaires des enfants de mère dépressive n’étaient plus imputables au QI des parents, à des variables sociodémographiques et à la santé mentale de la mère une fois l’épisode de dépression postpartum passé.
LA DÉPRESSION MATERNELLE ET L’ISSUE DÉVELOPPEMENTALE DES ADOLESCENTS
Le développement comportemental
En général, l’adolescence est une période vulnérable pour les maladies affectives et les graves troubles dépressifs, deux fois plus courants chez les filles que chez les garçons (37). D’après deux études transversales, les adolescents ayant un parent dépressif souffrent de maladaptation psychosociale (38) et présentent un taux beaucoup plus élevé de trouble affectif que les adolescents de parents témoins psychiatrisés ne souffrant pas de troubles affectifs (39).
Des études longitudinales font constamment état de taux plus élevés de dépression profonde et d’autres psychopathologies (troubles anxieux, troubles des conduites et abus d’intoxicants) chez les adolescents ayant un parent atteint d’une maladie affective que dans les familles témoins aux caractéristiques démographiques similaires (âge, ethnie, statut socioéconomique et scolarisation). Hammen et coll. (40) ont suivi une cohorte de 92 enfants et adolescents de huit à 16 ans pendant une période de trois ans. Ils ont découvert que les enfants et les adolescents dont la mère était atteinte de dépression unipolaire présentaient des taux plus élevés de troubles affectifs, et souffraient souvent plus d’un trouble, tandis que les troubles des enfants et adolescents dont la mère était atteinte d’une dépression bipolaire étaient moins graves. Weissman et coll. (31,41,42) ont évalué 91 familles comptant 220 enfants de six à 23 ans pendant une période de dix ans. Ils ont observé des taux plus élevés de dépression profonde, de phobies, de troubles paniques et de dépendance à l’alcool chez les enfants de parents dépressifs qu’au sein du groupe comparatif non atteint. Les cas de dépression profonde se manifestaient souvent entre 15 et 20 ans. Beardslee et coll. (43) ont étudié 81 familles choisies au hasard dans le centre urbain d’un organisme de maintien de la santé, comptant 153 enfants de six à 19 ans. À la première évaluation, 30 % des enfants et des adolescents dont un parent était atteint d’une maladie affective avaient souffert d’au moins un épisode de maladie affective, par rapport à 2 % dans le groupe témoin. Quatre ans plus tard, les taux de troubles affectifs étaient de 26 % et de 10 %, respectivement, et les enfants de parents atteints d’une maladie affective souffraient eux-mêmes d’épisodes plus longs, qui faisaient leur apparition plus tôt dans la vie, et d’un plus grand nombre de diagnostics comorbides (44).
Le développement scolaire
Les problèmes dont souffrent les enfants d’âge scolaire, notamment le TDAH et les troubles d’apprentissage, persistent à l’adolescence (35).
LES FACTEURS DE RISQUE, LA VULNÉRABILITÉ ET LA RÉSILIENCE
De nombreuses études soulignent que certains enfants dont s’occupent des personnes dépressives n’affichent pas de dysfonction comportementale et que certains facteurs exacerbent ou modèrent peut-être les effets de la dépression parentale (45).
Les facteurs contextuels
Parmi les facteurs de risque contextuels, les conflits conjugaux (27), les événements stressants de la vie (6), un soutien social limité (6), la pauvreté (46), une classe sociale plus précaire (13) et une scolarisation maternelle plus limitée (47) sont des facteurs susceptibles d’exacerber la dépression parentale et les mécanismes de mésadaptation du parent. Dans une étude auprès de 156 tout-petits (y compris 104 dont la mère souffrait d’une dépression profonde depuis la naissance de l’enfant), Cicchetti et coll. (48) ont démontré que les facteurs de risque contextuels contribuent à la relation entre la dépression maternelle et les troubles de comportement de l’enfant.
Le rôle des pères
Le rôle des pères et de la détresse paternelle sur le développement de l’enfant n’est pas assez étudié, et l’emphase continue d’être accordée aux mères, peut-être parce qu’en général, la mère demeure la principale personne à s’occuper du nourrisson. Cependant, dans leur étude auprès de nourrissons de trois à six mois, Hossain et coll. (49) ont démontré que les nourrissons de mère dépressive interagissaient mieux avec leur père non dépressif, qui pouvait « amortir » les effets de la dépression de la mère sur le comportement d’interaction du nourrisson. De plus, selon une analyse transversale (50) auprès de 96 familles ayant des enfants de cinq à dix ans, dans les familles où la mère était dépressive, les enfants affichaient des compétences sociales et affectives plus faibles si le père souffrait également d’un trouble psychiatrique. Le rôle des pères a fait l’objet d’études indirectes dans le contexte de désaccords conjugaux. D’après une analyse effectuée par Downey et Coyne (27), les problèmes conjugaux contribuent directement à l’externalisation des problèmes par l’enfant et accroissent leur risque de dépression clinique en suscitant et en maintenant la dépression parentale.
Les caractéristiques de l’enfant
Certaines études décrivent des différences selon les sexes (13,23,36), les garçons étant plus vulnérables et perturbés par la dépression maternelle que les filles.
Le tempérament de l’enfant contribue également aux processus interpersonnels de dépression parentale. Il est démontré que les mères dépressives ont une évaluation plus négative des comportements de leur enfant, ont moins confiance en leur efficacité parentale et font plus souvent appel à des techniques parentales mésadaptées (27,51,52). Un enfant au tempérament plus robuste et plus facile sera plus imperméable au comportement négatif de sa mère dépressive et ne réagira pas par un schéma réciproque de négativité (27). Il existe d’autres sources de résilience chez l’enfant, dont des aptitudes sociales et cognitives qui les aident à recevoir une attention positive d’autres adultes que leurs parents dépressifs et qui contribuent à réduire le sentiment d’incompétence et de rejet de leur parent dépressif. Pour que l’enfant puisse développer une résilience, il semble très important que celui-ci comprenne la maladie du parent et qu’il n’est pas responsable du comportement du parent relié à sa maladie (53).
Bien que l’interaction entre les parents et leur enfant handicapé dépasse la portée du présent énoncé, on a déjà constaté que les parents d’enfants ayant un retard intellectuel manifestent un indice de dépression plus élevé que les parents témoins (54), et que la difficulté à s’occuper d’un enfant est un prédicteur de dépression maternelle (55).
LES POSSIBILITÉS DE TRAITEMENT
La pharmacothérapie
Parce que de nombreux épisodes dépressifs se produisent pendant les années de procréation, la décision d’administrer des antidépresseurs doit être soupesée entre le bien-être de la mère et la sécurité du fœtus. Une femme qui vient de se remettre d’une dépression traitée aux antidépresseurs et qui devient enceinte est très vulnérable à une rechute (7). La dépression pendant la grossesse s’associe à de mauvais soins prénatals, à une mauvaise alimentation, à une prématurité plus élevée, à un petit poids de naissance, à une prééclampsie, à un avortement spontané, à l’abus d’intoxicants et à des comportements à risque dangereux. La morbidité substantielle de la dépression non traitée pendant la grossesse doit être soupesée par rapport au risque des médicaments (56). Les antidépresseurs tricycliques ont été remplacés par des inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS), dont le risque d’effets toxiques est faible.
Tant les antidépresseurs tricycliques que les ISRS traversent la barrière placentaire. Toutefois, Kulin et coll. (57) n’ont remarqué aucune augmentation des malformations fœtales graves ou des complications reliées à la grossesse chez 267 femmes qui prenaient des ISRS par rapport à 267 sujets témoins. Une autre étude (58) auprès de 228 femmes enceintes qui prenaient de la fluoxétine a révélé une augmentation des complications périnatales mineures lorsque les médicaments étaient pris pendant le troisième semestre de la grossesse.
Pendant la période néonatale, il semble que les réponses à la douleur démontrées par le comportement et le rythme cardiaque diminuent chez le nouveau-né exposé à des ISRS in utero (59). Nulman et coll. (60) ont comparé 46 enfants de mères traitées aux antidépresseurs tricycliques pendant la grossesse, 40 enfants de mères traitées à la fluoxétine et 36 enfants témoins de mères non dépressives qui ne prenaient aucun médicament pendant leur grossesse. Après un rajustement tenant compte de la durée et de la gravité de la dépression maternelle, de la durée du traitement, du nombre d’épisodes dépressifs après l’accouchement, du QI de la mère et du statut socioéconomique, l’étude a révélé que les antidépresseurs tricycliques et la fluoxétine n’avaient aucun effet négatif sur le QI global, le développement du langage ou le comportement d’enfants de 15 à 71 mois (60). Dans un échantillon plus petit, Casper et coll. (61) ont comparé 13 enfants nés d’une mère dépressive qui avait choisi de ne pas prendre de médicaments pendant sa grossesse à 31 enfants nés d’une mère traitée aux ISRS. Bien que les résultats des indices de développement intellectuel de Bayley aient été similaires dans les deux groupes d’enfants (de six à 40 mois), les enfants exposés aux ISRS obtenaient de moins bons résultats aux indices de développement psychomoteur de Bailey et aux facteurs de qualité motrice de l’échelle d’évaluation du comportement de Bailey (61).
L’intensification du lien entre la mère et le nourrisson constitue l’un des nombreux bénéfices de l’allaitement. Il est donc essentiel qu’une mère dépressive qui désire allaiter reçoive de l’information pertinente. Si l’administration de l’antidépresseur est interrompue pendant la période postnatale, il existe un risque de rechute, qui entraîne des conséquences négatives sur le développement affectif et comportemental du nourrisson. Par contre, tous les antidépresseurs sont excrétés dans le lait maternel. La plupart des renseignements disponibles proviennent de rapports de cas, de séries de cas et d’investigations pharmacocinétiques (62). D’après une analyse effectuée par Ito (63), les antidépresseurs tricycliques et la sertraline et la fluoxétine, des ISRS, sont les médicaments d’élection. Aucune anomalie neurologique ou développementale n’a encore été observée chez les enfants exposés à des ISRS (64,65) ou à des antidépresseurs tricycliques (66) par le lait maternel.
Pour réduire l’exposition du nourrisson pendant le traitement de la mère souffrant de dépression postpartum, il faut documenter tout ce que la mère utilise en matière de médicaments, d’alcool, de tabac, de remèdes à base de plantes médicinales et de drogues, et favoriser l’arrêt de toutes les expositions environnementales non essentielles. Si la maladie de la mère nuit à l’interaction avec le nourrisson ou les autres enfants, il est préférable de s’aventurer vers l’exposition au traitement. Si un traitement aux antidépresseurs est retenu, le choix de l’antidépresseur devrait se fonder sur la réaction préalable de la mère et sur l’expérience des effets négatifs d’un médicament donné, sur le risque d’interactions avec d’autres médicaments et sur les effets négatifs publiés d’un médicament donné pour les mères allaitantes et leur nourrisson. Les doses maternelles devraient être évaluées pour parvenir à la dose la plus faible possible pour assurer un contrôle complet des symptômes dépressifs. Une monothérapie est préférable, et le médicament utilisé pendant la grossesse devrait être maintenu pendant la période postnatale. L’exposition du nourrisson aux ISRS peut être réduite si la mère vide ses seins et jette son lait de huit heures à neuf heures après avoir pris son médicament (67).
Bien qu’il n’existe aucun consensus définitif sur le recours aux antidépresseurs pendant la grossesse et l’allaitement, les antidépresseurs devraient être envisagés dans le contexte d’une évaluation risque-avantage approfondie, tel que l’illustre le modèle de décision de Wisner et coll. (68). Un traitement aux antidépresseurs devrait être envisagé chez les femmes qui présentent des symptômes modérés à graves et qui n’ont pas réagi à des traitements non pharmacologiques. Selon des analyses récentes (56,67–69), les antidépresseurs tricycliques et les ISRS semblent très efficaces pendant la grossesse et la période postnatale et peuvent être utilisés pendant la grossesse et l’allaitement.
Le soutien social et les interventions psychoéducatives pendant la première enfance
Étant donné les conséquences de la dépression maternelle sur le développement du nourrisson, de nombreuses études d’intervention ciblent les mères pendant la période postnatale. Les interventions ont été axées sur la modification de l’humeur de la mère, sur l’accroissement de sa sensibilité ou de sa sensibilisation aux issues du nourrisson et sur la diminution de ses perceptions négatives des comportements du nourrisson (16). Les techniques d’encadrement des interactions visent à améliorer la qualité des interactions entre la mère et son nourrisson, que ce soit en enseignant à des mères intrusives hyperstimulantes à imiter leur nourrisson ou à des mères repliées sur elles-mêmes à attirer et à maintenir l’attention de leur nourrisson (70).
Un soutien social et des interventions de visite à domicile réussissent à améliorer les humeurs et les attitudes des mères dépressives (71,72), de même que la sécurité d’attachement et le développement psychomoteur de leur nourrisson (46,73).
Des démarches de traitement plus complètes sont prometteuses. McDonnough (74) a décrit un traitement d’orientation interactif orienté vers les problèmes repérés par la mère dans la prise en charge de son nourrisson. Ce traitement assure un soutien, des conseils pratiques et une formation, de même qu’un solide renforcement des bonnes pratiques parentales. Field (75) a étudié 80 mères dépressives et leur nourrisson et a offert à la moitié d’entre elles un programme complet de réadaptation sociale, éducative et professionnelle et des services de garde gratuits dans une pouponnière modèle pendant une période de trois mois. Six mois plus tard, les mères du groupe d’intervention avaient des comportements interactifs plus positifs, et leur nourrisson obtenait des résultats plus élevés aux indices intellectuels et moteurs de Bailey, de même que des comportements interactifs plus positifs que les sujets du groupe témoin (75).
La thérapie familiale
Les enfants d’âge scolaire et les adolescents de familles ayant un parent dépressif peuvent bénéficier d’une intervention axée sur la famille, centrée sur la communication au sujet de la maladie dans la famille et sur le développement de la résilience de l’enfant. Dans une étude menée par Beardslee et coll. (76), 37 familles qui avaient un enfant de huit à 15 ans et un parent souffrant d’un trouble affectif ont été divisées au hasard entre des discussions de groupe ou une intervention psychoéducative facilitée par un clinicien. Les deux interventions permettaient de transmettre aux parents de l’information sur les causes et les symptômes de la dépression dans l’enfance et à l’âge adulte et mettaient en lumière le besoin de communication au sein de la famille. Cependant, l’intervention facilitée par le clinicien reliait la documentation cognitive aux expériences de vie de la famille. Les participants au groupe dirigé par un clinicien affichaient plus de changements de comportement et d’attitudes parmi les parents et les enfants, y compris des taux plus élevés de communication entre les parents et les enfants au sujet de la maladie et une meilleure compréhension par l’enfant de la maladie affective du parent (76).
La psychothérapie
Robert-Tissot et coll. (77) ont comparé la thérapie psychodynamique à la thérapie d’orientation interactive. Le traitement psychodynamique est axé sur la représentation qu’a la mère de son nourrisson et sur sa relation avec celui-ci et il explore les aspects de la propre enfance de la mère et de son histoire d’attachement précoce. Comme on l’a déjà décrit, la thérapie d’orientation interactive visait à repérer les comportements positifs adoptés par la mère lorsqu’elle s’occupait de son nourrisson et à suggérer d’autres interprétations du comportement du nourrisson. Après un maximum de dix séances, on remarquait une amélioration significative dans les deux groupes. Les troubles de sommeil et de l’alimentation du nourrisson diminuaient, de même que les troubles de la séparation et le contrôle intrusif, tandis que la sensibilité de la mère aux signaux du nourrisson augmentait. De plus, l’estime de soi de la mère augmentait, et le nourrisson devenait plus coopératif, moins compulsivement docile et plus heureux.
La thérapie interpersonnelle porte sur les relations et les problèmes interpersonnels que vivent les mères en dépression postpartum. Dans une étude auprès de 120 femmes en dépression postpartum, la psychothérapie interpersonnelle réduisait les symptômes dépressifs et accroissait le rajustement social des sujets par rapport au groupe témoin sur la liste d’attente (78). La thérapie interpersonnelle est également utilisée pour prévenir la dépression postpartum chez les femmes enceintes présentant au moins un facteur de risque d’une telle dépression (79).
Les médecines parallèles
Les médecines parallèles sont de plus en plus courantes, et le millepertuis est la deuxième plante médicinale la plus vendue au Canada (80). Le millepertuis semble traiter avec efficacité la dépression bénigne à modérée, mais il s’associe à de nombreuses interactions médicamenteuses (81). On ne possède à peu près aucune donnée sur son innocuité génésique, et il ne peut donc pas être recommandé comme traitement sûr pendant la grossesse (82). Les données sur son innocuité pendant l’allaitement sont rares. D’après un rapport de cas (83), l’hyperforine est excrétée à faible niveau dans le lait maternel, tandis que l’hyperforine et l’hypericin demeurent sous la limite inférieure de quantification dans le plasma du nourrisson. Une étude d’observation prospective auprès de 33 femmes allaitantes qui prenaient du millepertuis (84) n’a établi aucune différence dans la fréquence de diminution de la production du lait maternel ou dans le poids du nourrisson au cours de la première année de vie par rapport à un groupe témoin.
LE RÔLE DU MÉDECIN OU DU PÉDIATRE DE PREMIÈRE LIGNE
D’après les lignes directrices de 1994 du Groupe de travail canadien sur l’examen médical périodique (85), de bonnes données probantes appuient l’exclusion des personnes asymptomatiques à la dépression aux tests systématiques au moyen du questionnaire de santé générale ou de l’échelle d’autoévaluation de la dépression de Zung (catégorie de recommandation D, taux de constatation I) tiré de l’examen médical périodique. Cependant, il est fortement suggéré que les cliniciens conservent un degré élevé de présomption clinique de dépression à l’égard de leurs patients (85). Dans son énoncé de 2002 (86), le groupe de travail des services de prévention des États-Unis recommande aux cliniciens qui disposent de systèmes pour assurer un diagnostic précis, un traitement efficace et un suivi de dépister la dépression chez les adultes (catégorie de recommandation B, niveau de constatation I). Dans leurs recommandations de 2003 pour l’exercice de la pédiatrie, le groupe de travail de la famille de l’American Academy of Pediatrics (87) a déclaré que les pédiatres devraient vérifier la santé physique et mentale des parents dans leur pratique et évaluer périodiquement à quel point les parents portent attention à leurs propres besoins de santé mentale.
Dans un vaste sondage auprès de 559 femmes, effectué dans trois établissements cliniques, Kahn et coll. (88) ont constaté que plus de 80 % des mères admettaient les répercussions potentielles de la dépression sur la santé et le bien-être de l’enfant et que plus de 85 % des mères acceptaient le rôle du pédiatre dans le dépistage et l’aiguillage vers des soins primaires aux adultes. Cependant, d’après une étude récente (89), la dépression maternelle est sous-diagnostiquée par les dispensateurs de soins pédiatriques. De plus, selon Olson et coll. (90), les pédiatres manquent de confiance en leur capacité de diagnostiquer la dépression maternelle et limitent leur engagement en raison d’une formation et de connaissances incomplètes.
Le pédiatre devrait avoir le rôle de dépister la dépression maternelle et d’aiguiller la mère vers une évaluation et un traitement supplémentaires. Il devrait s’informer systématiquement des antécédents familiaux de dépression et des épisodes précédents de dépression maternelle. Des questionnaires de dépistage ont été élaborés et validés précisément pour déceler la dépression postpartum (91–93). D’ailleurs, des exemples de questions qui peuvent susciter de l’information sur la dépression postpartum figurent au tableau 2 (90,94, 95). Lorsque la dépression est présumée, le pédiatre peut donner des conseils et discuter avec le médecin de la mère ou aiguiller celle-ci vers des services psychiatriques pertinents. Une collaboration s’impose entre le médecin de la mère et celui de l’enfant.
TABLEAU 2.
Qu’est-ce que ça vous fait d’être une nouvelle mère? |
Prenez-vous plaisir à avoir votre nouveau bébé? |
Trouvez-vous qu’il est facile ou difficile de vous occuper de votre nouveau bébé? |
Comment se passent les choses dans votre famille? |
Vous reposez-vous assez? |
Comment est votre appétit? |
Depuis un mois, vous êtes-vous souvent sentie découragée, déprimée ou désespérée? |
Depuis un mois, vous est-il souvent arrivé d’avoir peu d’intérêt ou de plaisir à faire les choses? |
Pour bien des mères, les visites périodiques prévues pour les bébés bien portants peuvent représenter leur seul contact continu avec des dispensateurs de soins. Le médecin de l’enfant peut être le premier professionnel à être mis au courant des troubles d’éducation d’une mère en détresse vis-à-vis de son nourrisson ou de son enfant. De plus, le médecin de l’enfant peut aider la mère dépressive à comprendre en quoi son humeur peut influer sur son rôle parental et contribuer aux problèmes de l’enfant. De nombreux domaines d’aide incluent les troubles de sommeil du nourrisson, les questions reliées au tempérament de l’enfant, le retard de développement, l’isolement social et le stress familial. Il est important de conserver un indice de présomption de dépression maternelle élevé lorsque les troubles de comportement de l’enfant sont abordés pendant une visite médicale. En outre, les interventions pour la dépression de la mère devraient avoir préséance sur le traitement comportemental de l’enfant. Comme la dépression postpartum peut avoir des effets à long terme sur la mère et les enfants et que sa prévalence de pointe se produit à environ trois mois, il est suggéré de procéder au dépistage de la dépression postpartum au moment des visites des bébés bien portants à deux mois, six mois et 12 mois (95).
Chez les enfants d’âge scolaire et les adolescents, des problèmes d’adaptation de l’enfant et une altération fonctionnelle à la maison et à l’école devraient éveiller le médecin à la possibilité d’une dépression de la mère. De plus, dans les familles ayant des antécédents de dépression, le médecin doit se souvenir que les enfants peuvent devenir dépressifs ou souffrir d’autres psychopathologies, surtout à l’adolescence. Ces troubles demeurent souvent sous-diagnostiqués et non traités pendant une longue période et perpétuent la souffrance de toute la famille. Le médecin de l’enfant a un rôle essentiel à jouer pour faciliter un aiguillage vers des services pertinents, à la fois pour l’enfant et l’adolescent et pour le parent.
Enfin, tout en convenant que les enfants de mères dépressives sont vulnérables à des troubles de développement et de comportement et qu’ils sont eux-mêmes prédisposés à des troubles dépressifs, les médecins devraient vérifier régulièrement le développement de l’enfant, offrir des conseils préventifs et les aiguiller rapidement pour qu’ils subissent une évaluation et une prise en charge plus complète des troubles de développement et de comportement.
CONCLUSIONS
Une dépression postpartum s’observe chez environ 13 % des femmes et demeure souvent non diagnostiquée. Une fois le diagnostic posé, il existe souvent un long délai entre l’aiguillage et l’évaluation et le traitement psychiatriques, en raison du manque de ressources.
Le nourrisson d’une mère dépressive risque de développer un attachement précaire, un affect négatif et une attention et un éveil désorientés.
Les tout-petits et les enfants d’âge préscolaire de mères dépressives risquent de développer une mauvaise maîtrise de soi, des troubles d’internalisation et d’externalisation ainsi que des troubles de fonctionnement cognitif et d’interactions sociales avec leurs parents et leurs pairs.
Les enfants d’âge scolaire et les adolescents de parents dépressifs sont vulnérables à une altération fonctionnelle de l’adaptation et à une psychopathologie, y compris des troubles des conduites, des troubles affectifs et des troubles anxieux. Ils sont également vulnérables aux TDAH et à des troubles d’apprentissage.
Des facteurs de risque contextuels comme la pauvreté, les conflits conjugaux et des événements stressants de la vie peuvent exacerber la dépression parentale et les troubles de comportement de l’enfant. Par contre, certains enfants développent de la résilience grâce à un tempérament facile, à de bonnes aptitudes cognitivosociales et à la compréhension de la maladie du parent.
L’expérience du recours aux ISRS pendant la grossesse et l’allaitement est limitée, mais aucune malformation ou risque physique et développemental marqué pour le fœtus ou le nourrisson allaité n’a été décrit. Les risques que représente la dépression de la mère semblent supérieurs aux faibles risques des antidépresseurs sur le fœtus ou le nourrisson allaité.
RECOMMANDATIONS
Lorsqu’il surveille le bien-être et le développement des nourrissons et des enfants, le médecin devrait garder l’oeil ouvert quant aux signes de troubles d’interaction entre la mère et l’enfant et de troubles de comportement et de développement de l’enfant. Dans une telle situation, il devrait se souvenir de la possibilité de dépression maternelle, poser quelques questions de dépistage et favoriser le contact avec le médecin de la mère ou les services psychiatriques.
Les mères qui ont pris des antidépresseurs pendant leur grossesse devraient être rassurées, car la majorité des données probantes jusqu’à présent démontrent que le risque de tératogénicité ou d’anomalies fœtales n’est pas plus élevé avec la prise de ces médicaments.
Les mères qui ont pris des antidépresseurs pendant leur grossesse devraient être rassurées quant au développement neurologique de leur enfant, car des études à long terme n’ont pas révélé de réaction négative, sauf des différences peu perceptibles dont l’importance clinique demeure à confirmer.
Les mères qui ont pris des antidépresseurs pendant l’allaitement devraient être rassurées, car, jusqu’à présent, la majorité des données probantes confirment l’absence d’anomalies neurologiques ou développementales chez les enfants exposés à ces médicaments par le lait maternel.
Les mères devraient être informées que les données sur le millepertuis sont rares et que de tels remèdes à base de plantes médicinales ne devraient pas être pris pendant la grossesse et l’allaitement.
Footnotes
COMITÉ DE LA PÉDIATRIE PSYCHOSOCIALE (2003–2004)
Membres : Docteurs Kim Burrows, Kelowna (Colombie-Britannique); Anthony Ford-Jones, The Burlington Professional Centre, Burlington (Ontario); Gilles Fortin, Hôpital Sainte-Justine, Montréal (Québec); Sally Longstaffe (présidente), Children’s Hospital, Winnipeg (Manitoba); Theodore Prince, Calgary (Alberta); Sarah Shea (représentante du conseil), IWK Health Centre, Halifax (Nouvelle-Écosse)
Représentants : Docteurs Jane Foy, faculté de médecine de l’université Wake Forest, Winston-Salem (Caroline du Nord) États-Unis (comité des aspects psychosociaux de la santé de l’enfant et de la famille, American Academy of Pediatrics); Rose Geist, The Hospital for Sick Children, Toronto (Ontario) (Académie canadienne de pédopsychiatrie); Anton Miller, Sunny Hill Health Centre for Children, Vancouver (Colombie-Britannique) (section de la pédiatrie du développement, Société canadienne de pédiatrie)
Auteure principale : Docteur Anne-Claude Bernard-Bonnin, Hôpital Sainte-Justine, Montréal (Québec)
Les recommandations du présent énoncé ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
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