Il faut prendre au sérieux les lombalgies chez les jeunes athlètes afin d’éviter les retards de diagnostic et de traitement (1,2). D’ordinaire, l’étiologie des lombalgies chez les jeunes diffère énormément de celle chez les adultes (1–4). Chez les jeunes, les lombalgies ont tendance à découler de traumatismes structurels, tels que la spondylolyse, tandis que les pathologies discales et les entorses musculaires sont peu fréquentes (3).
Les lombalgies sont courantes chez les jeunes athlètes, car elles se déclarent chez 10 % à 15 % d’entre eux (5). Leur incidence est plus élevée dans des sports comme le football, le patinage artistique, la gymnastique et le soccer (1,2,4–7).
Le présent article contient une analyse de quelques-unes des causes et de la prise en charge des lombalgies chez les jeunes athlètes (tableau 1).
TABLEAU 1.
Les causes et le traitement des lombalgies chez les jeunes athlètes
Problème | Type de douleur | Apparition | Traitement | Retour au jeu |
---|---|---|---|---|
Spondylolyse | Extension | Insidieuse | Physiothérapie, repos, avec ou sans orthèse | 4 à 8 semaines avec une orthèse; 3 à 6 mois sans orthèse |
Syndrome de surutilisation du limbus postérieur | Extension | Insidieuse | Physiothérapie, repos, avec ou sans orthèse | 4 à 8 semaines |
Fracture vertébrale par avulsion | Flexion | Aiguë | Repos, chaleur, possibilité d’opération | 3 à 6 mois |
Hernie discale | Flexion | Aiguë, parfois chronique | Physiothérapie, repos | 3 à 6 mois |
LES FACTEURS DE RISQUE
Les adolescents peuvent être prédisposés aux douleurs dorsales en raison de déséquilibres musculaires, d’une non-flexibilité, de différences structurelles de la colonne vertébrale et d’un entraînement inadéquat. Pendant les poussées de croissance, les muscles et les ligaments ne peuvent pas suivre le rythme de la croissance osseuse, ce qui réduit la flexibilité et provoque des déséquilibres musculaires (5,6).
En pédiatrie, les différences structurelles de la colonne vertébrale incluent la croissance des cartilages et des centres d’ossification secondaire susceptibles à la compression, à la distraction et aux traumatismes de torsion (5,7). Les plateaux vertébraux cartilagineux et les anneaux apophysaires qui chevauchent les cartilages de conjugaison aux deux extrémités du corps vertébral peuvent s’endommager en raison des flexions répétées de la colonne vertébrale. En outre, à cause de ces flexions, les disques intervertébraux peuvent se hernier par l’anneau apophysaire, un centre d’ossification secondaire. Par ailleurs, l’ossification de l’isthme interarticulaire vertébral n’est peut-être pas terminée, ce qui peut prédisposer à la spondylolyse (2,5).
Les traumatismes dorsaux peuvent découler d’une mauvaise technique ou d’un entraînement excessif, surtout pendant les périodes de croissance rapide (5). Chez les jeunes athlètes, la quantité et l’intensité pertinentes de l’entraînement dépendent de l’individu, parce que chaque athlète tolère l’entraînement différemment, et cette tolérance peut se modifier à mesure qu’il grandit et se développe (2).
DES TRAUMATISMES PRÉCIS (TABLEAU 1)
La spondylolyse
La spondylolyse est une fracture de stress de l’isthme inter-articulaire vertébral causée par une extension et une rotation répétitives de la colonne vertébrale. Les sports qui exigent ces mouvements, comme la danse, le patinage artistique et la gymnastique, accroissent le risque de spondylolyse (2,5,7).
Les athlètes ressentent des douleurs dorsales à l’extension, qui se manifestent de manière insidieuse (1,2,5,8). La flexibilité de leurs muscles ischio-jambiers est réduite et ils peuvent ressentir de la douleur lors des activités d’impact (course, saut). L’examen physique révèle une hyperlordose, des spasmes musculaires paradorsaux et une raideur des muscles ischio-jambiers.
Les explorations incluent la radiographie, la scintigraphie osseuse et, peut-être, la tomodensitométrie (figure 1). Les radiographies antéropostérieures et latérales peuvent permettre de repérer des variantes anatomiques et des anomalies du développement, comme le spina bifida occulte. Jusque dans le tiers des cas, les radiographies obliques peuvent laisser percevoir une réaction de stress de l’isthme interarticulaire vertébral, mais leur utilisation systématique est déconseillée en raison de l’exposition accrue aux radiations (5,8).
Figure 1).
A Radiographie oblique de la colonne lombaire. La flèche indique la sclérose de l’isthme interarticulaire vertébral, évocatrice d’une spondylolyse. B La scintigraphie osseuse par émission d’un seul photon révèle une captation préférentielle (flèches) de l’isthme interarticulaire vertébral, évocatrice d’une spondylolyse
Une scintigraphie osseuse par émission de photon unique révèle une captation préférentielle en cas de traumatisme osseux au renouvellement actif. La tomodensitométrie peut confirmer la spondylolyse et permettre de surveiller la guérison, mais elle entraîne une plus grande exposition aux radiations (1,5).
La prise en charge doit s’attarder à l’évitement des activités douloureuses (mouvements d’extension). Il faut entreprendre de renforcer les muscles abdominaux, d’étirer les muscles fléchisseurs de la hanche et les muscles ischio-jambiers et d’effectuer des exercices antilordotiques, de préférence sous la supervision d’un physiothérapeute (2,6,9). Certains praticiens recommandent le port d’une orthèse thoracolombaire ou lombaire sur mesure pour limiter l’extension vertébrale (1,5,8–10). D’autres recommandent plutôt de limiter les activités, sans porter d’orthèse (1).
Si on utilise une orthèse, l’athlète la porte de quatre à huit semaines ou jusqu’à ce qu’il ne ressente plus de douleurs. Il reprend graduellement ses activités, jusqu’à pouvoir toutes les pratiquer sans douleur avec son orthèse. Au cours des quelques mois suivants, il en est ensuite sevré (5,8–10). Si on n’utilise pas d’orthèse, l’athlète ne peut généralement pas pratiquer d’activités pendant trois à six mois ou jusqu’à ce qu’il ne ressente plus de douleurs, puis il les reprend graduellement jusqu’à pouvoir toutes les pratiquer (1). Un athlète qui a repris toutes ses activités sans orthèse est considéré comme guéri sur le plan clinique. Au bout de six mois, la plupart des athlètes ayant une spondylolyse ont repris toutes leurs activités sans ressentir de douleurs et sans porter d’orthèse.
Le syndrome de surutilisation du limbus postérieur
Le syndrome de surutilisation du limbus postérieur, qu’on appelle douleurs hyperlordotiques ou douleurs dorsales mécaniques ou musculaires, désigne une constellation de troubles touchant la partie postérieure de la colonne, y compris les unités muscle-tendon, les ligaments et les facettes des vertèbres lombaires (3).
Les athlètes ressentent des douleurs dorsales à l’extension, qui se manifestent de manière insidieuse, comme dans le cas de la spondylolyse. La colonne lombaire, ainsi que les muscles paradorsaux, peut être douloureuse en un endroit bien localisé. D’ordinaire, les explorations sont négatives.
La glace et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) soulagent la douleur et l’inflammation. Les activités non douloureuses sont autorisées (il faut éviter les mouvements d’extension). Un physiothérapeute doit prescrire un programme d’exercices antilordotiques, de renforcement des muscles abdominaux et d’étirements des muscles ischio-jambiers et thoracolombaires (1,2,5). Le port d’une orthèse antilordotique peut être utile jusqu’à ce que la douleur se soit résorbée. D’habitude, les athlètes sont en mesure de reprendre toutes leurs activités sans ressentir de douleur dans un délai de quatre à huit semaines.
La fracture par avulsion de l’apophyse du corps vertébral
Les flexions et les extensions vertébrales répétitives peuvent blesser l’anneau apophysaire, provoquant des fractures qui peuvent ensuite se glisser postérieurement dans le canal rachidien avec le disque intervertébral (2,6). Les fractures par avulsion se produisent dans le cadre d’activités sportives comme le volley-ball, la gymnastique et l’haltérophilie (2,6). Les athlètes souffrent de douleurs lombaires aiguës à la flexion, comme s’ils avaient une hernie discale, mais sans symptômes neurologiques connexes. À l’examen, on peut constater des limites de flexion et d’extension de la colonne vertébrale et des spasmes musculaires paradorsaux.
Les radiographies lombaires latérales peuvent révéler la présence d’un fragment d’ossification dans le canal rachidien. La tomodensitométrie est l’intervention d’imagerie privilégiée afin de repérer un glissement de fracture apophysaire, car il se peut que l’imagerie par résonance magnétique (IRM) ne le décèle pas.
La prise en charge inclut du repos, l’application de chaleur et des AINS. Les athlètes devront peut-être demeurer au repos pendant trois à six mois pour voir disparaître leurs symptômes. Les constatations neurologiques importantes, comme une faiblesse marquée des jambes ou une perte du contrôle vésical ou intestinal, exigent l’excision chirurgicale du fragment (2,6,9).
La hernie discale
Seulement 11 % des jeunes athlètes souffrant de lombalgies ont une hernie discale aiguë de la colonne lombaire (3). D’ordinaire, la douleur est aiguë à son apparition, liée à la flexion et associée à des spasmes musculaires du dos, à une raideur des muscles ischio-jambiers ainsi que, parfois, à une pygalgie (une douleur des muscles fessiers) (2,4,5,7). Les symptômes radiculaires (faiblesse musculaire, paresthésie) sont peu fréquents (1,6). L’examen démontre une diminution de la flexion, une manœuvre de Lasègue positive (soulèvement de la jambe raide entraînant des douleurs) et une diminution occasionnelle des réflexes ou de la force des membres inférieurs.
Les radiographies lombaires permettent d’écarter les pathologies connexes, telles que les fractures ou les tumeurs. L’IRM peut démontrer l’étendue de la hernie, y compris un conflit radiculaire, mais est réservée aux symptômes évolutifs ou réfractaires. Puisque l’IRM peut être trop sensible en cas de hernie discale, il est important d’obtenir une corrélation clinique.
L’état de la plupart des patients s’améliore en trois à six mois grâce à une prise en charge prudente, y compris les AINS et la physiothérapie. Les indications d’opérer in cluent le syndrome de queue de cheval (perte de la fonction intestinale ou vésicale et paralysie des jambes, causées par une compression neurologique radiculaire), un déficit neurologique évolutif ou une douleur réfractaire (2,5,7,9).
D’autres causes de lombalgies
L’inflammation, l’infection, les tumeurs et les pathologies viscérales peuvent se manifester sous forme de douleurs dorsales. Des signaux d’alarme comme la fièvre, les douleurs nocturnes, les anomalies neurologiques, la perte de poids et les malaises devraient susciter sans délai une exploration plus approfondie (1,2,5,6,9).
LA PRÉVENTION
Pour prévenir les traumatismes, il est essentiel de reconnaître les facteurs de risque, tels que l’entraînement excessif, une mauvaise technique, les déséquilibres musculaires et la non-flexibilité musculaire (2). Il faudrait réduire l’entraînement pendant les périodes de croissance rapide, sans oublier d’insister sur l’emploi d’une bonne technique. On peut limiter le risque de traumatisme grâce à des exercices de renforcement global et à des étirements des muscles ischio-jambiers ainsi que des muscles fléchisseurs de la hanche (2,6).
LES DIRECTIVES DE RETOUR AU JEU
Les recommandations de retour au jeu doivent être adaptées au diagnostic, au sport ou à l’activité, à l’âge et à la maturité de l’enfant ainsi qu’à la collaboration de l’athlète, des parents et des entraîneurs (2,6). En général, un repos relatif favorise la guérison, et il faut éviter les activités douloureuses. Les jeunes athlètes peuvent avoir besoin d’un avis écrit du médecin pour être dispensés de leurs cours d’éducation physique et de leur activité sportive jusqu’à la disparition des symptômes. Lorsqu’ils ont retrouvé leur amplitude de mouvement et leur force normale sans ressentir de douleur, les athlètes peuvent recommencer à participer sans contrainte aux activités sportives.
Footnotes
SECTION DE LA MÉDECINE DU SPORT ET DE L’EXERCICE EN PÉDIATRIE
Comité directeur: Docteurs Laura Purcell (présidente), London Health Sciences Centre, London (Ontario); Merrilee Zetaruk (présidente désignée), Winnipeg (Manitoba); John Philpott (secrétaire-trésorier), Toronto (Ontario); Michelle McTimoney (administratrice), IWK Health Centre, Halifax (Nouvelle-Écosse); Claire LeBlanc (administratrice, 2007–2009), Edmonton (Alberta)
Auteure principale: Docteure Laura Purcell, London Health Sciences Centre, London (Ontario)
Les recommandations contenues dans le présent document ne sont pas indicatrices d’un seul mode de traitement ou d’intervention.
Des variations peuvent convenir, compte tenu de la situation.
Tous les points de pratique de la Société canadienne de pédiatrie sont régulièrement évalués, révisés ou supprimés, au besoin.
Pour en obtenir la version la plus à jour, consultez la zone « Documents de principes » du site Web de la SCP (www.cps.ca/Francais/publications/Enonces.htm).
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