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. 2001 May-Jun;6(5):289–291. [Article in French]

La compréhension de l’adoption : Une méthode axée sur le développement

PMCID: PMC2804561

À mesure qu’ils grandissent, les enfants se forgent une image positive de leur identité, de leur bien-être psychosocial (1). Peu à peu, ils élaborent un concept de soi (comment ils se perçoivent) et une estime de soi (à quel point ils aiment ce qu’ils voient) (2). Ils finissent par apprendre à se sentir à l’aise avec eux-mêmes. L’adoption peut rendre les questions normales de l’attachement, de la perte et de l’image de soi (2) encore plus complexes. Les enfants adoptés doivent apprendre à accepter et à intégrer à la fois leur famille naturelle et leur famille adoptive.

L’enfant adopté quand il est encore nourrisson est affecté par l’adoption tout au long de sa vie. Celui qui est adopté plus tard apprend à accepter l’adoption à une autre phase de son développement. Celui qui a vécu des traumatismes ou de la négligence peut se souvenir de ces expériences, qui compliquent davantage son image de soi (1). Les questions transraciales et interculturelles et les besoins spéciaux peuvent également influer sur l’expérience d’adoption de l’enfant (2,3). Tous les enfants adoptés, dans une certaine mesure, font le deuil de leur famille biologique, de leur héritage et de leur culture (4). Les parents adoptifs peuvent faciliter ce processus de deuil naturel et y contribuer en utilisant le langage de l’adoption (p. ex., parents naturels et famille naturelle) et en discutant des questions d’adoption sans gêne (5).

Le présent énoncé examine la manière dont les enfants comprennent l’adoption tout au long du passage de la première enfance à l’adolescence. Les enjeux relatifs aux adoptions transraciales dépassent la portée du présent énoncé et ne seront pas abordés.

LA PREMIÈRE ET LA PETITE ENFANCES

Pendant la première et la petite enfances, un enfant s’attache au principal fournisseur de soins et noue des liens avec lui. Les questions prénatales, comme la durée de gestation, l’usage de drogues ou d’alcool par la mère et les vulnérabilités génétiques peuvent influer sur la capacité d’adaptation de l’enfant. Le tempérament de toutes les personnes en cause entre également en jeu.

À mesure qu’il approche de l’âge préscolaire, l’enfant développe une pensée magique, c’està-dire que le monde de la fantaisie lui sert à expliquer ce qu’il ne peut comprendre. L’enfant ne comprend pas la reproduction, et il doit d’abord prendre conscience qu’il a eu une mère naturelle et qu’il est né de la même manière que les autres enfants (2,5). Même si, dès l’âge de trois ans, un enfant peut répéter l’histoire de son adoption, il ne la comprend pas (3,5). Il doit d’abord saisir le concept de temps et d’espace, qu’il acquiert généralement entre quatre et cinq ans, pour comprendre que certains événements se sont produits dans le passé, même s’il ne s’en souvient pas. L’enfant doit comprendre que des lieux et des gens existent à l’extérieur de son environnement immédiat.

En racontant à l’enfant l’histoire de son adoption dès ce jeune âge, les parents peuvent apprendre à se sentir à l’aise avec le langage de l’adoption et avec l’histoire de la naissance de leur enfant. L’enfant doit savoir qu’il a été adopté. L’ouverture et l’aise des parents créent un environnement favorable pour que l’enfant pose des questions au sujet de son adoption (3).

L’ÂGE SCOLAIRE

La pensée opérationnelle, la causalité et la planification logique émergent chez l’enfant d’âge scolaire. L’enfant tente de comprendre et de maîtriser le monde dans lequel il vit. Il est un expert dans la résolution de problèmes. Il se rend compte que la plupart des autres enfants vivent avec au moins un membre de leur famille biologique (6). Pour la première fois, il se perçoit comme différent des autres enfants. Il peut chercher à s’expliquer la raison pour laquelle il a été adopté et éprouver des sentiments de perte et de tristesse (1,7). Il commence à percevoir l’envers de l’histoire de son adoption et peut se demander ce qui cloche avec lui : Pourquoi sa mère naturelle l’a-t-elle mis en adoption? L’enfant peut se sentir abandonné et en colère (1,2). À cet âge, il est normal d’observer de l’agressivité, de la colère, un repli sur soi ou de la tristesse et des troubles d’image de soi (1,8) chez l’enfant adopté. L’enfant tente de reformuler les parties de son histoire qui sont difficiles à comprendre et de compenser pour des émotions douloureuses (2). Par conséquent, la rêverie est très courante chez l’enfant adopté, qui tente de régler des questions d’identité complexes (5,7).

Le contrôle peut devenir un enjeu. Un enfant peut croire qu’il n’exerce aucun contrôle sur la perte d’une famille et son entrée dans une autre. Il peut ressentir le besoin de se faire rassurer quant à ses activités quotidiennes ou exiger des explications répétées sur de simples modifications à la routine familiale (5). Les transitions peuvent se révéler particulièrement difficiles. L’enfant peut éprouver une franche peur de l’abandon, avoir de la difficulté à s’endormir et même faire des cauchemars au cours desquels il se fait kidnapper (1).

Il est utile d’expliquer que la mère naturelle a fait un choix d’amour en mettant l’enfant en adoption, qu’elle avait des projets pour l’avenir de l’enfant. L’enfant peut avoir besoin de se faire répéter cette explication encore et encore. Par ailleurs, il existe certaines similarités entre les symptômes de deuil et les symptômes reliés au trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention. Les éducateurs doivent se méfier d’étiqueter un enfant ainsi lorsque, en fait, son comportement s’inscrit dans le processus normal du deuil (9). La patience et la compréhension des parents sont essentielles à cette étape de la vie de l’enfant adopté. Les parents peuvent se montrer proactifs en informant le personnel de l’école des deuils normaux reliés à l’adoption que vit leur enfant.

L’ADOLESCENCE

La principale tâche de développement de l’adolescent consiste à se forger une identité tout en cherchant activement l’indépendance et la séparation de sa famille (2). L’adolescent adopté a besoin d’arriver à comprendre ses deux couples de parents, et ce phénomène peut produire un sentiment de conflit d’appartenance (7). Au début de l’adolescence, la perte même de l’enfance est un enjeu important. L’adolescent adopté a déjà vécu une perte, ce qui complique davantage le passage à l’adolescence (1,7). Cette période de développement peut être difficile et bouleversante. L’adolescent peut ressentir de la honte et une perte d’estime de soi, surtout parce que l’image qu’a la société des parents naturels est souvent négative (2).

L’adolescent adopté voudra connaître les détails de ses antécédents génétiques et de son unicité. Il réfléchira sur lui et sur sa famille adoptive pour établir des similitudes et des différences. Il tentera d’établir quelle est sa place et d’où il vient (7). Tous les adolescents peuvent éprouver une réticence naturelle à parler avec leurs parents, et les adolescents adoptés peuvent éviter de partager avec leurs parents les questions relatives à leurs origines. Ils peuvent garder leurs réflexions pour eux. Cette quête d’information des adolescents adoptés est très normale, et les parents ne devraient pas la percevoir comme une menace. Les parents devraient plutôt accepter le double héritage biologique et environnemental de leur enfant pour l’aider à s’adapter à cette réalité (7).

LES CONCLUSIONS

L’intérêt de l’enfant envers son adoption varie tout au long des phases de développement de l’enfance et de l’adolescence. Pendant qu’il passe d’une phase à l’autre, l’enfant acquiert de nouvelles capacités cognitives et structures psychosociales. Il perçoit l’adoption différemment et, souvent, a de nouvelles préoccupations et de nouvelles questions. Ces questions peuvent s’atténuer jusqu’au passage à une nouvelle phase cognitive ou psychosociale. Les parents peuvent faciliter ce processus développemental en s’informant, en appuyant leur enfant et en lui répétant l’histoire de son adoption. Le deuil que vit leur enfant est réel et ne doit être ni nié, ni évité. Le soutien de dispensateurs de soins informés est précieux pour aider les parents adoptifs et leur enfant. Bien que le présent énoncé ait exposé des enjeux courants reliés à la perception qu’a l’enfant de son adoption, une consultation auprès d’un psychologue ou d’un psychiatre s’impose si l’enfant souffre de dépression ou présente des symptômes qui nuisent à son fonctionnement quotidien. Les pédiatres et les autres professionnels qui soignent des enfants devraient donner des conseils de prévention aux parents adoptifs sur les enjeux pertinents relatifs à la manière dont leur enfant comprend son adoption.

Il existe de bonnes ressources pleines de bon sens pour les parents. L’ouvrage de Lois Melina, Making Sense of Adoption: A Parent’s Guide (5) est une excellente source pratique de renseignements en matière d’adoption pour les parents. Le livre de Joyce Maguire Pavao, The Family of Adoption (7) aborde toute l’expérience d’adoption de la famille pendant le cycle de vie de la famille. Enfin, Talking to children about their adoption: When to start, what to say, what to expect, est un article court mais informatif pour les parents, qui a été publié dans le bulletin Adopted Child (6).

Footnotes

COMITÉ DE LA PÉDIATRIE COMMUNAUTAIRE

Membres : Docteurs Cecilia Baxter, Edmonton (Alberta); Fabian P Gorodzinsky, London (Ontario); Denis Leduc (président), Montréal (Québec); Paul Munk (administrateur responsable), Toronto (Ontario); Peter Noonan, Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard); Sandra Woods, Val d’Or (Québec)

Conseillère : Docteur Linda Spigelblatt, Montréal (Québec)

Représentant : Docteur Joseph Telch, Unionville (Ontario) (Société canadienne de pédiatrie, section de la pédiatrie générale)

Auteure principale : Docteur Cecilia Baxter, Edmonton (Alberta)

Les recommandations du présent énoncé ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes.

RÉFÉRENCES

  • 1.Brodzinsky D, editor. The Psychology of Adoption. Oxford; Oxford University Press; 1990. [Google Scholar]
  • 2.Okun BF, Anderson CM. Understanding Diverse Families: What Practitioners Need to Know. New York: Guilford Press; 1996. p. 376. [Google Scholar]
  • 3.Melina L. Raising Adopted Children: Practical Reassuring Advice for Every Adoptive Parent. New York: HarperCollins Publishers Inc; 1998. [Google Scholar]
  • 4.Brodzinsky DM, Schechter MD, Marantz Hening R. Being Adopted: The Lifelong Search for Self. New York: Doubleday; 1992. [Google Scholar]
  • 5.Melina L. Making Sense of Adoption: A Parent’s Guide. New York: HarperCollins; 1989. [Google Scholar]
  • 6.Melina L. Talking to children about their adoption: When to start, what to say, what to expect. Adopted Child. 2000;19:1–4. [Google Scholar]
  • 7.Maguire Pavao J. The Family of Adoption. Boston: Beacon Press; 1998. [Google Scholar]
  • 8.Derdeyn A, Graves CL. Clinical vicissitudes of adoption. Child Adolesc Psychiatry North Am. 1998;7:373–88. [PubMed] [Google Scholar]
  • 9.Jewett Jaratt C. Helping Children Cope with Separation and Loss. Boston: The Harvard Common Press; 1994. [Google Scholar]

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