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. 2001 Jul-Aug;6(6):393–395. [Article in French]

Le vaccin contre la rougeole, la rubéole et les oreillons et les troubles envahissants du développement : Une simple hypothèse

PMCID: PMC2804766

En 1998, Andrew Wakefield et ses collaborateurs (1) ont publié un rapport dans lequel ils avançaient l’hypothèse selon laquelle l’administration du vaccin contre la rougeole, la rubéole et les oreillons (vaccin RRO) aux jeunes enfants précipitait l’apparition d’une maladie inflammatoire de l’intestin pouvant provoquer l’autisme. Les mécanismes qui, selon eux, déclenchaient le processus morbide, s’établissaient comme suit : le vaccin RRO pourrait produire une hyperplasie lymphoïdonodulaire iléale, une colite non spécifique; cette colite peut activer soit une malabsorption de vitamines ou de micronutriments, soit une augmentation de la perméabilité intestinale aux protéines, ce qui finit par susciter la formation d’auto-anticorps néfastes aux tissus cérébraux ou à d’autres organes. D’après les auteurs, ces mécanismes provoqueraient ensuite l’apparition de l’autisme. Cette hypothèse se fondait sur l’étude de cas d’une série de neuf enfants atteints d’une maladie inflammatoire de l’intestin et d’autisme ayant été immunisés par le vaccin RRO. Trois autres enfants non autistiques présentant des troubles de comportement étaient également inclus dans l’étude. Depuis la publication du rapport de Wakefield et de ses collaborateurs (1), une importante controverse a germé au sein du milieu médical, de la presse non spécialisée, du grand public et du congrès américain.

L’association entre le vaccin RRO, les maladies inflammatoires de l’intestin et l’autisme décrite par Wakefield et ses collaborateurs (1) pourrait être accidentelle, causale ou provenir d’une interaction avec un autre événement inconnu. Pour établir si un lien est probablement causal, les critères suivants sont généralement évalués : la puissance de l’association, la cohérence des études menées auprès de diverses populations et par divers investigateurs, la spécificité, la temporalité ou non des événements après l’exposition, le gradient biologique, la plausibilité (bien que son absence n’écarte pas la possibilité d’un lien causal), la cohérence, les preuves expérimentales de soutien et, enfin, l’analogie avec d’autres maladies (2).

La causalité ne pouvait être démontrée dans le rapport de Wakefield et de ses collaborateurs (1) en raison du petit nombre d’enfants à l’étude, des préjugés de sélection d’une clinique de gastro-entérologie hautement spécialisée, de la mémoire défaillante des parents quant au moment de l’apparition des symptômes et de l’absence de groupe témoin. Un rapport ultérieur de Wakefield et de ses collaborateurs (2), portant sur d’autres enfants atteints comparés à un groupe témoin, comportait également plusieurs failles méthodologiques qui empêchaient une association causale (3).

Depuis la diffusion du premier rapport de Wakefield et de ses collaborateurs (1), plusieurs études ont été publiées sur l’existence du mérite scientifique de l’association hypothétique entre le vaccin RRO et l’autisme.

  • Le conseil national de la santé et l’institut national de la santé publique de Finlande (4) ont examiné des données colligées pendant 14 ans sur les effets néfastes du vaccin RRO administré à 1,8 million d’enfants (soit environ trois millions de doses de vaccin) et n’ont trouvé aucun cas semblable à ceux qu’avaient décrits Wakefield et ses collaborateurs (1).

  • Taylor et ses collaborateurs (5) ont examiné 498 cas d’autisme chez des enfants nés depuis 1979 et n’ont pas trouvé de lien épidémiologique avec l’administration du vaccin RRO. Plus précisément, ils n’ont remarqué aucune augmentation brusque de diagnostic d’autisme ou de modification importante aux tendances de diagnostic d’autisme depuis l’implantation et l’adoption du vaccin RRO dans le calendrier de vaccination universel. De plus, l’âge de diagnostic demeurait le même chez les enfants qui n’avaient jamais été vaccinés, ceux qui avaient été vaccinés avant l’âge de 18 mois et ceux qui avaient été vaccinés après cet âge. Les auteurs n’ont observé aucune association temporelle entre l’apparition de l’autisme et l’administration du vaccin. Ils n’ont remarqué aucune grappe de régression du développement dans les mois suivant l’administration du vaccin RRO chez les enfants diagnostiqués comme autistiques.

  • Deux études, l’une menée en Angleterre (6) et l’autre, en Californie (7), portaient sur les tendances d’augmentation des cas déclarés d’autisme en association avec des modifications à la couverture du vaccin RRO et n’ont fait état d’aucune différence dans la couverture vaccinale en association avec une augmentation rapide des diagnostics d’autisme. Dans l’étude britannique, les taux déclarés d’autisme sont passés de 0,3 cas pour 10 000 habitants-année en 1988 à 2,1 cas pour 10 000 habitants-année en 1999, tandis que le taux de vaccin RRO demeurait stable, à 95 % tout au long de l’intervalle observé (6). Dans l’étude californienne, la signalisation des cas d’autisme est passée de 44 cas pour 100 000 naissances vivantes en 1980 à 208 cas pour 100 000 naissances vivantes en 1994 (7), ce qui représente une augmentation relative de 373 % du taux de cas d’autisme déclarés. Par contre, le taux d’immunisation au vaccin RRO à 24 mois est passé de 72 % à 82 % au cours de la même période, ce qui représente une augmentation relative de seulement 14 %. Bref, un examen des données disponibles en Grande-Bretagne et en Californie ne démontre pas de corrélation entre les tendances séculaires de couverture au vaccin RRO dans la petite enfance et la prévalence de l’autisme. Une absence de corrélation similaire a été relatée en Suède, où le taux de prévalence d’autisme n’a pas changé après l’implantation de l’immunisation au vaccin RRO (8).

L’incidence d’enfants recevant un diagnostic d’autisme ou de trouble envahissant du développement a connu une augmentation apparente considérable au cours des dix dernières années (6,7,9). Les adeptes de la théorie selon laquelle le vaccin RRO est responsable de l’autisme considèrent cette augmentation apparente comme une preuve à l’appui de la validité de leur théorie. Les raisons de cette augmentation apparente de diagnostics d’autisme ne sont pas tout à fait claires. Les spécialistes du développement de l’enfant pensent que les deux principaux facteurs reliés à cette augmentation sont une plus grande sensibilisation à ce trouble et la libéralisation des critères diagnostiques de cette maladie au début des années 1990 (9,10). L’utilisation du diagnostic de troubles envahissants du développement plutôt que d’autisme entraîne l’inclusion de beaucoup plus d’enfants, ce qui accroît de manière considérable les taux déclarés de la maladie. Cependant, il n’existe pas assez de données pour exclure la possibilité d’une augmentation véritable de ce trouble ou de la corrélation de certains cas à des modifications environnementales. L’une des difficultés repose sur l’absence de marqueur biologique pour poser un diagnostic. En effet, le diagnostic d’autisme est posé d’après l’anamnèse et l’examen physique conjugués à un ou plusieurs outils de dépistage et critères diagnostiques (11). De même, environ le tiers des enfants autistiques présente une régression des phases du développement ou des aptitudes. Malheureusement, il n’existe aucune définition standardisée de cette variante, qui est justement associée au vaccin RRO.

Plusieurs autres organisations ont examiné l’association entre le vaccin RRO et l’autisme. En 1998, le Medical Research Council du Royaume-Uni a évalué les données disponibles et a découvert que les observations étaient insuffisantes pour étayer une association entre le vaccin RRO et l’autisme (12). En avril 2001, un examen qui incluait des renseignements plus récents a été publié dans le Relevé des maladies transmissibles au Canada (13), et les auteurs sont parvenus à la même conclusion que le Medical Research Council du Royaume-Uni. Enfin, le rapport de la New Challenges in Childhood Immunizations Conference, qui a eu lieu à Oak Brook, en Illinois, les 12 et 13 juin 2000, et qui approfondissait la question, a été publié en mai 2001 (14). La conférence, qui passait en revue toutes les données disponibles publiées et non publiées à ce sujet, concluait également que les données disponibles n’appuient pas l’hypothèse selon laquelle le vaccin RRO cause l’autisme, des maladies connexes ou les MII (maladies inflammatoires de l’intestin).

LES RECOMMANDATIONS

  • La Société canadienne de pédiatrie (SCP) appuie les conclusions d’autres groupes indiquant que les données obtenues à l’échelle internationale jusqu’à maintenant n’étayent pas d’association entre le vaccin RRO et l’apparition de l’autisme.

  • La SCP appuie le maintien du recours universel au vaccin RRO combiné pour les enfants canadiens. Rien ne démontre les bienfaits de l’administration distincte des vaccins contre la rougeole, la rubéole et les oreillons et, par conséquent, un tel mode de vaccination entraînerait une augmentation inutile du nombre d’injections que recevraient les enfants et une augmentation de la possibilité de rater ou de retarder des vaccins.

  • La SCP fait valoir et soutient des études scientifiques bien conçues afin de garantir l’innocuité du vaccin RRO et des autres vaccins.

  • La SCP favorise des études scientifiques fondamentales et épidémiologiques ciblées accompagnées d’une analyse rigoureuse des données pour déterminer les causes de l’autisme, en améliorer la prise en charge et élaborer des stratégies de prévention.

Footnotes

COMITÉ DES MALADIES INFECTIEUSES ET D’IMMUNISATION

Membres : Docteurs Upton Allen, The Hospital for Sick Children, Toronto (Ontario); H Dele Davies, unité des maladies infectieuses, Alberta Children’s Hospital, Calgary (Alberta); Joanne Embree (présidente), université du Manitoba, Winnipeg (Manitoba); Joanne Langley, département de pédiatrie, IWK Health Centre, Halifax (Nouvelle-Écosse); Mireille Lemay, département des maladies infectieuses, Hôpital Sainte-Justine, Montréal (Québec); Gary Pekeles (administrateur responsable), Hôpital de Montréal pour enfants, Montréal (Québec)

Conseillers : Docteurs Noni MacDonald, faculté de médecine, université Dalhousie, Halifax (Nouvelle-Écosse); Victor Marchessault, Cumberland (Ontario)

Représentants : Docteurs Scott Halperin, département de pédiatrie, IWK Health Centre, Halifax (Nouvelle-Écosse) (IMPACT); Susan King, unité des maladies infectieuses, The Hospital for Sick Children, Toronto (Ontario) (Canadian Paediatric AIDS Research Group); Monique Landry, direction de la santé publique de Laval, Laval (Québec) (Santé publique); Larry Pickering, centre de recherche en pédiatrie, Norfolk (Virginie) (American Academy of Pediatrics); John Waters, Santé Alberta, Edmonton (Alberta) (Épidémiologie)

Auteure principale : Docteur Joanne Embree, université du Manitoba, Winnipeg (Manitoba)

Les recommandations du présent énoncé ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes.

Les adresses dans Internet sont à jour au moment de la publication.

RÉFÉRENCES

  • 1.Wakefield AJ, Murch SH, Anthony A, et al. Ileal-lymphoid-nodular hyperplasia, non-specific colitis, and pervasive developmental disorder in children. Lancet. 1998;351:637–41. doi: 10.1016/s0140-6736(97)11096-0. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
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