Abstract
Cet article présentent les résultats d'une Consultation d'Experts dont l'objectif était d'évaluer l'efficacité et l'innocuité des suppléments de fer administrés aux nourrissons et aux jeunes enfants dans les zones d’endémie palustre, ainsi que les conséquences d’une telle mesure pour la santé publique. Les participants à cette Consultation, qui s’est déroulée à Lyon (France) les 12–14 juin 2006, se sont entendus sur plusieurs questions importantes concernant l’administration d’une supplémentation martiale aux nourrissons et aux jeunes enfants dans les zones d’endémie palustre. Les conclusions du présent rapport s’appliquent plus particulièrement aux pays où le paludisme est endémique.
Keywords: Carence martiale, Paludisme, Supplémentation en fer, Acide folique, Enfants
Keywords: Iron deficiency, Malaria, Iron supplementation, Folic acid, Children
Abstract
This article presents the results of an expert consultation meeting aimed at evaluating the safety and public health implications of administering supplemental iron to infants and young children in malaria-endemic areas. Participants at this meeting that took place in Lyon, France on June 12–14, 2006 reached consensus on several important issues related to iron supplementation for infants and young children in malaria-endemic areas. The conclusions in this report apply specifically to regions where malaria is endemic.
La carence martiale etl’anémie ferriprive sont courantes chez le jeune enfant, et il est amplement attesté que la carence martiale nuit à la santé et au développement de l’enfant. Par conséquent, l’administration de fer aux nourrissons et aux jeunes enfants carencés en fer devrait être une priorité de santé publique.
Deux essais d’envergure, coordonnés et financés par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), ont été réalisés à Zanzibar (Tanzanie) et au Népal pour déterminer l’impact d’une supplémentation de zinc et/ou de fer + acide folique sur la mortalité et la morbidité grave chez les enfants d’âge préscolaire (1, 2). A Zanzibar, où la transmission du paludisme à Plasmodium falciparum est stable, pérenne et intense, l’administration systématique de suppléments de fer + acide folique avec ou sans zinc a entraîné une augmentation de la fréquence des manifestations indésirables graves chez les enfants (morbidité et mortalité). D’après une sous-étude parallèle, les manifestations indésirables se sont produites chez des enfants qui n’étaient pas carencés avant de prendre les suppléments. Au Népal, l’essai n’a pas fait apparaître de différence dans la mortalité et dans l’incidence des infections courantes entre les enfants prenant du fer et de l’acide folique avec ou sans zinc et ceux qui ne prenaient que du zinc ou un placebo. Les résultats de l’étude menée à Zanzibar (Tanzanie) (1) incitent à se demander s’il est sûr d’administrer des suppléments de fer aux nourrissons et aux jeunes enfants dans les zones d’endémie palustre et quelles sont les conséquences d’une telle mesure pour la santé publique. L’OMS a organisé une consultation d’experts à Lyon (France), du 12 au 14 juin 2006, pour étudier la question.
La consultation, qui portait sur les nourrissons et les jeunes enfants des zones d’endémie palustre, avait pour buts précis de passer en revue les données scientifiques sur la sécurité et l’efficacité de différents modes d’administration de fer contre la carence martiale et l’anémie ferriprive, et de formuler des recommandations sur les moyens les plus sûrs, les plus praticables et les plus efficaces d’administrer des suppléments de fer pour combattre la carence martiale et l’anémie dans ces zones.
RÉSUMÉ DES DISCUSSIONS DE LA CONSULTATION
Les participants à la consultation se sont entendus sur plusieurs questions importantes concernant l’administration d’une supplémentation martiale aux nourrissons et aux jeunes enfants dans les zones d’endémie palustre. Les conclusions du présent rapport s’appliquent plus particulièrement aux pays où le paludisme est endémique.
Dans le présent rapport, la ≪ supplémentation martiale≫ désigne les suppléments de fer donnés par voie orale à des groupes de population contre la carence martiale. ≪Thérapeutique martiale ≫ s’entend des suppléments de fer administrés par voie orale ou parentérale pour le traitement de la carence martiale chez des patients pris individuellement. Les ≪ préparations ferrugineuses pour l’enrichissement des aliments à domicile ≫ sont les suppléments de fer à mélanger aux aliments et présentés sous forme de poudre, de comprimé à écraser ou de matière grasse à tartiner. Les ≪ aliments transformés enrichis en fer ≫ désignent des aliments enrichis en fer pendant le processus de transformation.
Dans les régions d’endémie palustre
Les stratégies de lutte contre la carence martiale doivent être appliquées dans le cadre de soins de santé complets et performants qui englobent la fourniture de moustiquaires imprégnées d’insecticide et la lutte antivectorielle pour prévenir le paludisme, ainsi que le diagnostic et le traitement rapides du paludisme et de ses complications au moyen d’antipaludiques et d’antibiotiques efficaces. Elles doivent aussi prévoir des moyens de lutte contre d’autres infections et parasitoses fréquentes et des moyens de promotion de l’allaite-ment maternel exclusif pendant les six premiers mois, suivis par la consommation d’aliments très nutritifs et/ou de compléments alimentaires transformés et enrichis (4, 5).
La supplémentation martiale universelle (c’est-à-dire la prise de comprimés ou de sirops contenant du fer) sans dépistage de la carence martiale est à exclure, car ce mode d’administration du fer peut provoquer des manifestations indésirables graves chez les enfants qui ne sont pas carencés.
L’innocuité des préparations ferrugineuses utilisées pour l’enrichissement à domicile des compléments alimen-taires destinés aux nourrissons et aux jeunes enfants (poudres, comprimés à écraser et matières grasses à tartiner) est aléatoire dans les zones d’endémie palustre. Il y a lieu de croire qu’elles sont plus sûres que la supplémentation martiale, mais on ne peut en recommander l’utilisation tant que cela n’est pas prouvé.
Une des solutions consisterait à administrer du fer aux nourrissons et aux jeunes enfants sous la forme de compléments alimentaires transformés et enrichis. Aucune étude n’a été faite sur leur innocuité dans les zones d’endémie palustre, mais il est probable qu’ils évitent les effets secondaires associés à l’administration d’un important bolus de fer en dose unique, puisque le fer est consommé en plus petites quantités tout au long de la journée et donc absorbé plus lentement.
Les nourrissons et les jeunes enfants paludéens chez qui l’on diagnostique une carence martiale (6) ou une anémie (le diagnostic clinique de l’anémie grave repose sur l’observation d’une ≪pâleur palmaire sévère≫) ont besoin d’un traitement antipaludique et, le cas échéant, d’une antibiothérapie ainsi que d’une thérapeutique martiale, qui doit tou-jours être administrée avec des aliments. Les réserves au sujet de la supplémentation martiale universelle en raison de ses effets nocifs ne rendent pas moins nécessaire une thérapeutique martiale adaptée en cas de carence.
Comme la carence en acide folique n’est pas, d’après ce que l’on sait, un problème courant chez le nourrisson et le jeune enfant et que les compléments d’acide folique peuvent compromettre l’efficacité des antifoliques prescrits contre le paludisme, il ne faut pas administrer de suppléments d’acide folique ni d’aliments enrichis en acide folique aux nourrissons et aux jeunes enfants dans les zones où l’on utilise des médicaments antipaludiques antifoliques.
Il a également été question des mécanismes pathophysiologiques qui régissent les relations entre le métabolisme du fer et l’infection ainsi que du risque d’événements indésirables graves consécuti fs à ’ l administrati on de fer, mais e l s participants ont jugé les données insuffisantes pour en tirer des conclusions qui justifieraient de modifier les programmes de santé publique. Il faut poursuivre les recherches dans ce domaine.
CONCLUSIONS DE LA CONSULTATION
Relations entre le métabolisme du fer, le paludisme et l’infection chez le nourrisson et le jeune enfant
La carence martiale est le plus courant des troubles acquis du bilan ferrique. Elle est particulièrement fréquente pendant les deux premières années de vie, période pendant laquelle sa cause principale est un apport insuffisant de fer biodisponible (absorbable) pour répondre aux besoins importants de la croissance.
Le fer est un métal qui joue un rôle vital dans le métabolisme de l’homme. La carence martiale est associée à une augmentation du risque de morbidité grave. D’après les expériences menées chez l’animal et chez l’homme, elle affecte le développement moteur, cognitif et émotionnel en perturbant la myélinisation et en modifiant la fonction de récepteurs des neurotransmetteurs (en particulier les récepteurs dopaminergiques) et le métabolisme neuronal. Le bilan du fer doit être suffisant pour l’hématopoïèse, le développement neurologique et la fonction immunitaire.
Dans l’organisme, presque tout le fer se présente sous deux formes : soit il est un constituant de protéines fonctionnelles, soit il est étroitement lié à des protéines de transport ou de réserve. Le fer libre est potentiellement toxique. Des mécanismes complexes régulent le transport, le stockage et le métabolisme du fer pour éviter qu’il ne soit présent à l’état libre. Les doses de fer en bolus administrées par voie parentérale ou orale, surtout sans aliments, peuvent augmenter la concentration de fer plasmatique et la saturation de la transferrine, et dépasser les capacités de liaison de la transferrine ; apparaît alors du fer non lié à la transferrine, potentiellement toxique, car il peut faciliter la formation de radicaux libres et être plus facilement accessible aux agents pathogènes.
La supplémentation martiale administrée par voie orale peut altérer la flore intestinale en modifiant l’équilibre entre les micro-organismes bénéfiques et pathogènes. Il a été suggéré qu’une surcharge locale en fer dans l’intestin pouvait aussi nuire au système immunitaire. D’après les observations faites récemment dans le cadre de l’étude à Zanzibar (Tanzanie) (1), les suppléments de fer + acide folique administrés par voie orale pourraient augmenter le risque de morbidité palustre et/ou d’infections bactériennes compliquant le paludisme chez l’enfant de moins de trois ans.
Cependant, les enfants carencés en fer semblent être plus exposés à une morbidité grave à Zanzibar (Tanzanie) (1) et tirer bénéfice des suppléments de fer + acide folique. L’explication la plus plausible de ce résultat paradoxal en apparence pourrait être que deux processus interviennent. La carence martiale peut affaiblir le système immunitaire tandis que le bolus de fer accroît le risque que se forme du fer non lié à la transferrine, qui est potentiellement toxique. Les enfants carencés en fer pourraient être protégés contre ce risque parce que, leurs tissus ayant un grand besoin de fer, celuici est supprimé plus rapidement du plasma.
Une inflammation suite à une infection provoque des changements considérables dans le métabolisme du fer qui, pense-t-on, passent principalement par la production d’hep-cidine, peptide antimicrobien produit par le foie qui joue un rôle majeur dans la régulation du métabolisme du fer en régulant la libération des réserves de fer et son assimilation intestinale, en augmentant l’absorption du fer en cas de carence et en la réduisant pour la reconstitution des réserves de fer chez l’adulte. Ces modifications consistent en une diminution de la libération de fer en réserve, une réduction de l’absorption intestinale du fer et une baisse du fer plasmatique. On pense que ce processus a un effet protecteur, puisque le fer joue un rôle important dans l’interaction entre l’hôte et les agents pathogènes. Nombre d’études in vitro et de modèles expérimentaux chez l’animal montrent que les agents pathogènes sont moins virulents si les tissus de l’hôte parviennent à réduire l’acquisition de fer par l’agent pathogène. Toutefois, les éléments indiquant que la carence martiale systémique peut accroître cette protection contre l’infection chez l’homme ne sont pas probants.
Chez les paludéens, les interactions sont complexes entre le parasite, le bilan du fer et la réponse immunitaire. Elles ne dépendent sans doute pas uniquement de l’accès du parasite au fer plasmatique libre pendant la phase intraéry-throcytaire de l’infection. Le système immunitaire de l’hôte peut se trouver modifié. De plus, on sait peu de choses concernant l’effet du bilan ferrique sur la phase hépatique du paludisme.
Dans les zones d’endémie palustre, il est attesté qu’un rapport élevé protoporphyrine-zinc/hème plasmatique peut permettre de distinguer les enfants carencés en fer auxquels une supplémentation martiale par voie orale pourrait être bénéfique.
Certains éléments suggèrent que l’administration de suppléments d’acide folique pourrait nuire à l’efficacité des antipaludiques antifoliques. Toutefois, il est peu probable que l’acide folique contenu dans les suppléments de fer + acide folique utilisés pour l’étude de Zanzibar (Tanzanie) (1) soit à l’origine des réactions indésirables. Aucun élément probant n’indique que la carence en acide folique soit courante chez les enfants d’Afrique (6) ni que la supplémentation d’acide folique soit bénéfique aux enfants anémiés. Il est donc recommandé d’utiliser une supplémentation martiale qui ne contient pas d’acide folique pour le traitement des nourrissons et des jeunes enfants atteints de carence martiale et d’anémie ferriprive qui prennent des antipaludiques antifoliques.
La relation entr e l’âge de l’enfant et e l s effets indésirables des suppléments de fer + acide folique est floue. L’allaitement au sein et l’immunité passiv e acquise de la mère protègent dans une certaine mesure contre le paludisme et d’autres infections, et e l s mécanis mes qui régule nt le métaboli sme du fer ne sont pas pleinement développés avant l’âge de six mois.
Les polymorphismes génétiques des protéines intervenant dans le transport du fer et l’haptoglobine pourraient accroître le risque d’événements indésirables graves suite à l’administration d’une supplémentation martiale au jeune enfant. Cela dit, la thalassémie, certaines hémoglobinopathies et la carence en glucose-6-phosphate déshydrogénase (G6PD), qui sont fréquentes dans les zones impaludées, protègent le jeune enfant contre le paludisme et peuvent donc réduire le risque d’événements indésirables graves résultant de la supplémentation martiale.
On ignore actuellement si les risques que présente la supplémentation de fer et éventuellement d’acide folique sont spécifiques du paludisme et/ou des infections bactériennes qui compliquent le paludisme ou s’ils valent aussi pour les infections sans lien avec le paludisme.
Eléments attestant les bienfaits des interventions destinées à améliorer le bilan ferrique du nourrisson et du jeune enfant
• Dans les zones exemptes de paludisme
Dans les populations exposées au risque de carence martiale, il est amplement attesté que tous les types d’apport de fer réduisent la carence martiale et l’anémie ferriprive et améliorent le développement moteur des enfants de moins de deux ans, et il est relativement bien attesté que ces interventions améliorent le développement social et émotionnel des nourrissons de six à 12 mois.
Les interventions qui améliorent le bilan du fer et réduisent l’anémie chez la femme enceinte accroissent par ailleurs le poids et/ou la taille de naissance, diminuent la prévalence du faible poids de naissance et améliorent le bilan ferrique chez l’enfant.
Le fait de retarder le clampage du cordon ombilical (1 à 3 minutes) améliore le bilan ferrique dans la petite enfance (11).
Il se peut que les suppléments de fer donnés aux nourrissons plus âgés carencés en fer et aux enfants dans le même cas qui commencent à marcher n’empêchent pas complètement un développement neural moins satisfaisant à long terme. C’est une des raisons qui justifient les interventions précoces.
• Dans les zones impaludées
Des éléments attestent que les suppléments de fer réduisent la morbidité grave chez les enfants carencés en fer s’ils vont de pair avec de bons soins de santé, notamment le traitement du paludisme, d’autres parasitoses et des infections.
Eléments attestant les risques des interventions destinées à améliorer le bilan ferrique du nourrisson et du jeune enfant
Dans les zones impaludées, où la prévention du paludisme et les soins cliniques sont limités, la supplémentation martiale universelle est associée à une augmentation du risque d’événements indésirables graves.
Dans les zones d’endémie palustre, les bienfaits de l’administration systématique de suppléments d’acide folique ne sont pas établis et il est possible que ces suppléments interfèrent avec les médicaments antipaludiques anti-foliques. Le rapport risques/avantages ne plaide pas en faveur de l’administration universelle de suppléments d’acide folique aux enfants de ces zones (NB : Chez les enfants atteints de certaines affections, comme la thalassémie, la supplémentation d’acide folique pourrait être bénéfique).
D’après certains éléments, la supplémentation martiale chez les nourrissons ayant des réserves de fer suffisantes peut légèrement ralentir la croissance. On notera que ces données proviennent d’études à court terme réalisées dans des zones exemptes de paludisme.
Modes d’administration de suppléments de fer aux nourrissons et aux jeunes enfants dans les zones exemptes de paludisme
Dans les zones exemptes de paludisme, les directives actuelles de l’OMS pour la lutte contre la carence martiale et l’anémie ferriprive continuent de s’appliquer aux nourrissons et aux jeunes enfants (7, 8). Toutefois, elles seront révisées afin de tenir compte des nouvelles données scientifiques obtenues ces dix dernières années.
Modes d’administration de suppléments de fer aux nourrissons et aux jeunes enfants dans les zones d’endémie palustre
Dans les zones d’endémie palustre, la lutte contre les maladies infectieuses et le paludisme au moyen de moustiquaires imprégnées d’insecticide et d’interventions antivectorielles, ainsi que le traitement des épisodes de paludisme au moyen d’antipaludiques efficaces sont des éléments cruciaux des soins de santé et, à ce titre, doivent être institués, de même que la promotion de l’allaitement maternel exclusif jusqu’à l’âge de six mois, suivi d’une alimentation de complément de grande qualité (4, 5).
Pendant les six premiers mois de vie, le lait maternel et le capital de fer à la naissance couvrent les besoins en fer de l’enfant de poids normal né à terme et dont la mère avait un bilan du fer satisfaisant pendant la grossesse. Après six mois, d’autres sources alimentaires de fer sont nécessaires. La meilleure est la viande, car le fer hémique a une grande biodisponibilité et la viande accroît l’absorption de fer inorganique dans la ration alimentaire. Si l’apport de tissus animaux n’est pas assez important, les nourrissons ont besoin d’une autre source de fer biodisponible sous la forme de compléments alimentaires enrichis.
La supplémentation martiale universelle pour les enfants de moins de deux ans n’est pas recommandée dans les zones d’endémie palustre. Il se peut cependant que la thé-rapeutique martiale ait un impact positif important sur la survie de l’enfant à condition qu’elle soit destinée aux enfants carencés en fer et que le paludisme et les infections bacté-riennes à l’origine de ses complications soient correctement traités. Le dépistage préalable de la carence martiale est un élément indispensable de toute intervention de ce type.
Pour éviter que l’acide folique n’interfère avec l’action des antipaludiques antifoliques et comme la carence en acide folique n’est guère observée chez l’enfant et le jeune enfant, il est préférable, dans les populations sous traitement antipaludique, d’exclure l’acide folique de tous les types de suppléments de micronutriments ou d’aliments transformés enrichis que l’on donne aux nourrissons et aux jeunes enfants.
Le rapport protoporphyrine-zinc (PPZ)/hème plasmatique doit encore être étudié pour être pleinement validé dans les zones d’endémie palustre ; il reste l’indicateur de prédilection pour dépister la carence martiale chez l’enfant, car il permet de distinguer les enfants carencés à qui une supplémentation martiale pourrait être bénéfique.
Le tableau I récapitule les stratégies visant à améliorer le bilan ferrique des nourrissons et des jeunes enfants dans les zones d’endémie palustre.
Tableau I.
Stratégies pour contrôler le bilan ferrique des nourrissons et des jeunes enfants dans les zones d’endémie palustre.
Quels que soient l’âge et les conditions de dépistage | Lutte contre le paludisme | |
Prévention : fourniture de moustiquaires imprégnées d’insecticide et lutte antivectorielle. Traitement : antipaludiques efficaces | ||
Soins de santé généraux, notamment : | ||
Lutte contre les infections/parasitoses | ||
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Selon la tranche d’âge | Quand il existe des services de santé et un système de dépistage de la carence martiale | Quand il n’existe pas de système de dépistage de la carence martiale |
| ||
Moins de 6 mois | Allaitement maternel exclusif | |
| ||
Enfants prématurés et de faible poids de naissance | Lutte contre la carence martiale | |
Clampage tardif du cordon | ||
Suppléments de fer pendant 3 mois à partir de l’âge de 2 mois | ||
Les suppléments de fer doivent être administrés uniquement en conjonction avec les mesures de lutte contre le paludisme | ||
On évitera les suppléments d’acide folique | ||
Enfants nés à terme et de poids de naissance normal | Lutte contre la carence martiale | Lutte contre la carence martiale |
Clampage tardif du cordon | Clampage tardif du cordon | |
Suppléments de fer pendant 3 mois à partir de l’âge de 2 mois seulement pour les enfants carencés en fer
|
Suppléments de fer pendant 3 mois à partir de l’âge de 2 mois seulement pour les enfants ayant des symptômes cliniques d’anémie grave
|
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6–24 mois |
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Tous les nourrissons et les jeunes enfants | Compléments alimentaires transformés et enrichis en fer ou, à défaut, Thérapeutique martiale pendant 3 mois seulement aux nourrissons et aux jeunes enfants qui ont une carence martiale
|
Compléments alimentaires transformés et enrichis en fer ou, à défaut, Thérapeutique martiale pendant 3 mois seulement aux nourrissons et aux jeunes enfants ayant des symptômes cliniques d’anémie sévère
|
• Pendant les six premiers mois de vie
Le bilan ferrique de la mère pendant la grossesse influe sur le stockage du fer par le foetus et des stratégies efficaces pour améliorer le bilan ferrique des femmes enceintes augmenteront les réserves de fer de l’enfant à sa naissance.
Le clampage du cordon à l’accouchement doit être retardé de façon à améliorer le bilan ferrique du nouveauné.
Les enfants prématurés et de faible poids de naissance sont plus exposés au risque de carence martiale et d’anémie ferriprive. L’OMS recommande actuellement de leur administrer une supplémentation martiale (7, 8). Comme l’infection paludéenne se produit dans la petite enfance et est par-ticulièrement dangereuse à cet âge, on veillera, dans les zones d’endémie palustre, à ne donner des suppléments de fer qu’aux enfants prématurés et de faible poids de naissance qui dorment sous une moustiquaire imprégnée d’insecticide, et seulement si tous les épisodes de paludisme peuvent être rapidement traités au moyen d’antipaludiques efficaces conformément aux directives nationales. La supplémentation martiale doit être mise en route à l’âge de deux mois pour une durée de trois mois.
• Après les six premiers mois de vie
Les aliments transformés enrichis en fer présentent l’avantage de fournir une dose physiologique de fer qui peut être distribuée tout au long de la journée et qui évite les effets gastro-intestinaux et la morbidité d’une dose en bolus. Pour être efficace sans dépasser l’apport maximal recommandé, la formulation des compléments alimentaires enrichis en fer doit être conforme aux directives de l’OMS (9). Il faut aussi enseigner les meilleures pratiques en matière d’alimentation de complément (4).
Les compléments alimentaires transformés et enrichis en acide folique sont à proscrire pour éviter une éventuelle interférence de l’acide folique avec les médicaments anti-paludiques antifoliques.
Dans les zones d’endémie palustre, on évitera les préparations de fer utilisées pour l’enrichissement à domicile tels que les poudres, les comprimés à écraser et les produits à base de matières grasses. Quand ces préparations sont ajoutées à un seul repas, la dose de fer reste relativement élevée et il est possible que ses effets soient similaires à ceux d’un supplément de fer en bolus. Il faut rapidement faire des recherches sur l’innocuité de ces méthodes d’administration de fer dans les zones d’endémie palustre, car, tout aussi efficaces que les suppléments de fer pour soigner et prévenir la carence martiale, elles pourraient constituer une option en l’absence de compléments alimentaires transformés.
Les nourrissons et les jeunes enfants paludéens chez qui l’on diagnostique une carence martiale ou une anémie grave doivent se voir administrer un traitement antipaludique efficace et une thérapeutique martiale par voie orale. La thé-rapeutique martiale par voie orale doit toujours être donnée avec des aliments.
Priorités de la recherche
Les effets de la supplémentation et de la thérapeutique martiales sur la morbidité associée au paludisme ne sont pas complètement élucidés. Il faut étudier les mécanismes directs et indirects, en particulier les effets sur le système immunitaire et la phase hépatique du cycle de la maladie, la relation entre le bilan du fer et le mode d’administration, de préférence en suivant des protocoles standard dans le cadre d’un essai multisite, et le rôle de la morbidité concomitante avec le paludisme dans les effets indésirables du fer. Il faut poursuivre les recherches sur les méthodes optimales pour déterminer le bilan du fer dans les études sur le terrain. Ces travaux peuvent être regrou-pés en trois catégories indiquées ci-après par ordre de priorité.
• Mécanismes des effets indésirables de l’admi-nistration de fer
Impact de différents types de préparations de fer (poudres, comprimés, aliments enrichis, matières grasses à tartiner), de différentes doses, de la durée et de la fréquence d’administration (plusieurs fois par jour, une fois par jour, une fois par semaine) et des différentes modalités d’administration du fer (avec ou sans aliments) sur :
la pharmacocinétique de l’absorption et du méta-bolisme du fer (pour éviter le plus possible d’entraîner des taux de fer plasmatique potentiellement toxique, y compris de fer non lié à la transferrine) ;
la microflore intestinale et le système immunitaire.
Le rôle de la comorbidité due à d’autres infections dans les effets indésirables de l’administration de fer aux paludéens.
Le rôle de l’hepcidine et d’autres protéines de régulation du fer dans la réaction à l’administration de fer, en particulier chez le nourrisson et le jeune enfant.
• Evaluation du bilan ferrique dans les zones d’endémie palustre
Détermination d’indicateurs utilisables sur le terrain pour dépister la carence martiale chez les enfants prématurés et de faible poids de naissance à l’âge de deux mois.
Détermination des variables indépendantes pour repérer les enfants de moins de six mois très exposés au risque de carence martiale.
Détermination des outils abordables et utilisables sur le terrain pour dépister la carence martiale chez les enfants de 0 à 1 an.
Evaluation de la fiabilité du rapport PPZ/H comparé à d’autres indicateurs de la carence martiale et du risque de carence martiale, et élaboration d’un instrument portable peu coûteux et fiable pour mesurer ce rapport.
• Mode d’administration de suppléments de fer : risques et avantages
Evaluation de l’efficacité de différentes préparations de fer pour l’enrichissement à domicile, y compris l’observance.
Interaction entre le fer et d’autres micronutriments, en particulier le zinc, dans les programmes visant à améliorer le bilan ferrique des enfants, et effets du mode d’ad-ministration (suppléments oraux, préparations de fer pour l’enrichissement à domicile et aliments transformés et enrichis).
Relation entre la supplémentation martiale chez l’enfant et différentes infections préexistantes (notamment paludisme, tuberculose et infection à VIH).
Impact à court terme et à long terme des suppléments de fer prénatals et postnatals sur le développement de l’enfant, y compris la croissance et le développement neural, surtout dans les zones impaludées.
Bienfaits d’une supplémentation martiale prénatale sur la nutrition en fer du nourrisson.
Faisabilité et coût des stratégies d’administration de fer aux enfants carencés.
Rapport risques/avantages de la supplémentation martiale chez les enfants souffrant d’une hémoglobinopathie dans les zones d’endémie palustre.
Etude de la fréquence du clampage précoce du cordon ombilical dans différents contextes - à domicile et en institution - et des obstacles au clampage tardif du cordon.
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