RÉSUMÉ
L’infection par le virus respiratoire syncytial (VRS) est la principale cause d’infections des voies respiratoires inférieures chez les jeunes enfants. Le palivizumab, un anticorps monoclonal anti-VRS, réduit le taux d’hospitalisation des enfants à haut risque mais est très coûteux. Le présent document de principes remplace les trois précédents documents de principes de la Société canadienne de pédiatrie sur le sujet et est mis à jour principalement pour traiter des récentes modifications aux lignes directrices de l’American Academy of Pediatrics dans le contexte canadien. Il contient une analyse des publications ainsi que des recommandations au sujet de l’utilisation du palivizumab chez les enfants à haut risque
RECOMMANDATIONS
La qualité des preuves s’inspire des critères de données probantes établis par les GRADE (Grades of Recommendation, Assessment, Development and Evaluation). Dans ce système, les données probantes sont classées comme élevées, modérées, faibles ou très faibles. Les valeurs et les préférences des patients et de la société sont ensuite prises en compte et donnent lieu à une recommandation faible (conditionnelle) ou élevée. Seules les données probantes tirées d’essais aléatoires et contrôlés ou d’études par observation comportant un groupe témoin étaient analysées dans le cadre des présentes lignes directrices. Ces données probantes devaient porter sur le virus respiratoire syncytial (VRS) et non sur l’ensemble des infections des voies respiratoires.
I. Des mesures non pharmacologiques préviennent-elles la propagation du VRS chez les enfants très vulnérables à une grave infection par le VRS?
Recommandation. Des mesures préventives, telles qu’une bonne hygiène des mains à la maison et le fait de limiter les contacts directs des enfants très vulnérables avec les autres enfants et adultes ayant une infection des voies respiratoires, lorsque c’est possible, demeurent essentielles pour prévenir le VRS (recommandation élevée, aucune donnée probante).
Remarques. Même s’il n’y a pas de données probantes au sujet de ces interventions simples et peu coûteuses pour prévenir le VRS en particulier, on possède des données probantes sur leur efficacité à prévenir les infections des voies respiratoires. Puisque la prévention du VRS et des hospitalisations s’y rapportant grâce au palivizumab ne s’élève qu’à 55 % environ et que même avant l’utilisation du palivizumab, la plupart des hospitalisations touchaient des nourrissons à terme et en santé, il faudrait accorder plus d’attention à ces mesures.
II. Les enfants à haut risque devraient-ils recevoir du palivizumab pour prévenir une hospitalisation attribuable au VRS?
1. Chez les enfants ayant une maladie pulmonaire chronique de la prématurité (MPC) qui ont besoin d’une thérapie médicale continue, les enfants ayant une cardiopathie congénitale importante sur le plan hémodynamique de moins de 24 mois au début de la saison du VRS et les nourrissons nés avant 32 semaines et 0 jour d’âge gestationnel (AG) qui ont moins de six mois au début de la saison du VRS :
Recommandation. Ces enfants devraient recevoir jusqu’à cinq doses de palivizumab (recommandation élevée, données probantes de qualité).
Remarques. Les décisions relatives à l’utilisation de palivizumab dans ce groupe à haut risque et dans tous les autres groupes très vulnérables doivent tenir compte des priorités de financement locales concurrentes, qui permettent peut-être l’utilisation de palivizumab seulement chez certains nourrissons de cette cohorte.
Valeurs et préférences. Cette recommandation accorde une haute valeur à la prévention des hospitalisations chez ces nourrissons vulnérables, malgré le coût élevé du palivizumab.
2. Chez les enfants nés entre 32 semaines et 0 jour et 35 semaines et 6 jours d’AG :
Recommandation no 1. Il faudrait réunir un groupe d’experts dans chaque province ou territoire (faible recommandation, aucune donnée probante) pour établir une politique au sujet de ces nourrissons.
Remarques. Il faudra peut-être déterminer le seuil supérieur d’AG selon le financement disponible.
Recommandation no 2. Le groupe pourrait utiliser les critères de l’American Academy of Pediatrics (AAP) ou l’outil canadien de pointage du risque pour sélectionner les nourrissons admissibles à une prophylaxie par le palivizumab (faible recommandation, aucune donnée probante).
Remarques. Il semble probable que l’application des critères de l’AAP entraînerait le recours à la prophylaxie auprès d’un plus grand nombre de nourrissons, mais pendant une plus courte période. Il est impossible de prédire les répercussions relatives de cette décision sur les hospitalisations.
Recommandation no 3. Quels que soient les critères sélectionnés, on devrait envisager d’administrer la dernière dose à trois mois d’âge chronologique dans cette cohorte d’AG (faible recommandation, aucune donnée probante).
Remarques. Cette recommandation se veut une tentative pour équilibrer les coûts et les avantages, et elle est conçue pour protéger les nourrissons les plus vulnérables à une hospitalisation.
3. Chez les nourrissons qui vivent dans des collectivités éloignées et qui devront être transportés par avion pour être hospitalisés :
Recommandation no 1. Il faudrait envisager d’administrer jusqu’à cinq doses de palivizumab à tous les nourrissons nés avant 36 semaines d’AG et de moins de six mois au début de la saison du VRS (forte recommandation, données probantes de qualité).
Remarques. On ne sait pas si cette recommandation devrait s’appliquer uniquement aux nourrissons inuits, à tous les nourrissons autochtones ou à tous les nourrissons des collectivités éloignées. Pour prendre cette décision, il faudrait tenir compte de l’incidence d’hospitalisations attribuables au VRS dans une collectivité éloignée au cours des années précédentes. Il existe un problème pratique : l’apparition et la durée de la saison du VRS ne sont pas prévisibles dans le Grand Nord. Il arrive que plus d’un an s’écoule entre les saisons du VRS (Michael Young, communication personnelle). Pour économiser, on retarderait l’administration de palivizumab jusqu’à ce que l’on constate une activité confirmée du VRS dans une collectivité éloignée. Le risque corollaire, c’est qu’une propagation importante se serait peut-être déjà produite.
Valeurs et préférences. Cette recommandation accorde une haute valeur à la prévention des hospitalisations attribuables au VRS, en raison du coût élevé de ces hospitalisations.
Recommandation no 2. On peut envisager d’administrer jusqu’à cinq doses de palivizumab aux nourrissons inuits à terme de moins de six mois qui habitent dans des communautés où le taux d’hospitalisations attribuables au VRS est à la fois élevé, persistant et étayé (faible recommandation, aucune donnée probante).
Remarques. Aucune donnée probante directe ne démontre l’efficacité du palivizumab chez les nourrissons inuits à terme, mais des études d’observation chez des nourrissons inuits prématurés et des nourrissons à terme ayant d’autres facteurs de risque laissent supposer qu’il serait bel et bien efficace. Les données relatives à la morbidité du VRS sont insuffisantes pour qu’on en recommande l’utilisation chez les nourrissons à terme d’autres populations du Grand Nord.
4. Chez les enfants immunodéprimés ou ayant le syndrome de Down, la fibrose kystique, une obstruction des voies aériennes supérieures ou une autre maladie pulmonaire chronique qu’une maladie pulmonaire chronique de la prématurité :
Recommandation. Le palivizumab n’est pas recommandé systématiquement. Cependant, on peut l’envisager chez les enfants de moins de 24 mois (parce qu’ils n’ont peut-être jamais encore été infectés par le VRS) qui sont susceptibles d’être exposés au VRS et sont sous oxygénothérapie à domicile, ont été hospitalisés pendant une période prolongée en raison d’une maladie pulmonaire grave ou sont gravement immunodéprimés (faible recommandation, aucune donnée probante).
Remarques. Cette recommandation devrait être élargie pour inclure un plus grand nombre d’enfants atteints d’une maladie pulmonaire si de nouvelles données probantes démontrent que l’évitement ou le report de la première hospitalisation attribuable au VRS influe sur la fonction pulmonaire à long terme.
III. Comment le palivizumab devrait-il être administré?
Recommandation. Chaque territoire de compétence devrait optimiser les processus en vue d’adopter ces recommandations selon le meilleur rapport coût-efficacité possible. Des cliniques de palivizumab bien organisées réduisent les pertes de médicament (forte recommandation, aucune donnée probante).
LES PRIORITÉS DE LA RECHERCHE INCLUENT, SANS S’Y LIMITER :
une validation plus approfondie des critères utilisés pour déterminer les nourrissons les plus vulnérables nés entre 32 et 35 semaines d’AG et l’étude de ces critères entre 29 et 31 semaines d’AG. Il serait informatif de valider les critères de l’AAP au sein de cohortes déjà formées.
la détermination de l’efficacité de trois doses de palivizumab au lieu de cinq, et de doses plus faibles de palivizumab.
la détermination de l’efficacité du palivizumab chez les nourrissons à terme.
le suivi de la saisonnalité du VRS dans les collectivités du Grand Nord.
l’étude des répercussions d’une situation socioéconomique défavorable, de l’ethnie et des facteurs environnementaux sur la gravité du VRS, ainsi que de l’efficacité de la prophylaxie au palivizumab chez les enfants immunodéprimés ou ayant la fibrose kystique, d’autres troubles pulmonaires chroniques ou le syndrome de Down.
la détermination de critères pour établir lors de quelle semaine de l’année amorcer et conclure la prophylaxie au palivizumab.
l’étude de la résistance au palivizumab.
Acknowledgments
Le comité d’étude du fœtus et du nouveau-né et le comité de la santé des Premières nations, des Inuits et des Métis de la Société canadienne de pédiatrie ont révisé le présent document de principes.
Footnotes
COMITÉ DES MALADIES INFECTIEUSES ET D’IMMUNISATION
Membres : Jane C Finlay MD; Susanna Martin MD (représentante du conseil); Jane C McDonald MD; Heather Onyett MD; Joan L Robinson MD (présidente)
Représentants : Upton D Allen MD, Groupe canadien de recherche sur le sida chez les enfants; Janet Dollin MD, Le Collège des médecins de famille du Canada; Charles PS Hui MD, Santé Canada, Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages; Nicole Le Saux MD, Programme canadien de surveillance active de l’immunisation; Larry Pickering MD, American Academy of Pediatrics, comité des maladies infectieuses; Marina I Salvadori MD, Comité consultatif national de l’immunisation; John S Spika MD, Agence de la santé publique du Canada
Conseillers : Robert Bortolussi MD; Noni E MacDonald MD; Dorothy L Moore MD
Auteure principale : Joan L Robinson MD
Les recommandations contenues dans le présent document ne sont pas indicatrices d’un seul mode de traitement ou d’intervention. Des variations peuvent convenir, compte tenu de la situation. Tous les documents de principes et les points de pratique de la Société canadienne de pédiatrie sont régulièrement révisés. Consultez la zone Documents de principes du site Web de la SCP (www.cps.ca) pour en obtenir la version complète à jour.
