Depuis qu’on recommande de coucher les bébés en décubitus dorsal pendant le sommeil pour réduire l’incidence de mort subite du nourrisson, les cliniciens constatent une augmentation involontaire de la fréquence d’asymétrie crânienne, qu’on nomme également plagiocéphalie. L’asymétrie crânienne en l’absence de synostose des sutures et touchant l’occiput est décrite dans les publications comme une plagiocéphalie postérieure non synostotique. La plagiocéphalie positionnelle (PP) est toujours de ce type; elle est causée par l’effet des forces qui déforment le crâne en décubitus dorsal. La forme de la tête est alors souvent décrite comme un parallélogramme. On constate un aplatissement unilatéral de l’occiput et un déplacement antérieur ipsilatéral de l’oreille. Moins souvent, on observe une brachycéphalie et un aplatissement relativement symétrique de l’occiput.
Le présent point de pratique vise à décrire l’incidence et les causes de la PP et la différenciation de la craniosynostose, à aborder la prévention de la plagiocéphalie, les méthodes thérapeutiques offertes et leur utilité ainsi qu’à résumer les recommandations.
L’INCIDENCE ET LES CAUSES DE PP
L’incidence de PP est remarquable à six semaines de vie, atteint un pic à quatre mois, puis s’atténue lentement sur une période de deux ans, la plupart des cas étant alors résolus. Une étude de cohorte (1) a révélé que l’incidence de PP est de 16 % à six semaines, de 19,7 % à quatre mois, de 6,8 % à 12 mois et de 3,3 % à 24 mois. Les facteurs accroissant le risque de PP sont le sexe masculin, la place d’aîné dans la famille, une rotation passive du cou limitée à la naissance (torticolis congénital), le décubitus dorsal pour dormir à la naissance et à six semaines, l’alimentation exclusive au bi beron, des périodes d’éveil sur le ventre moins de trois fois par jour et un taux d’activités limité associé à l’atteinte plus lente des étapes du développement (1,2). Le fait de dormir la tête du même côté et une préférence positionnelle pendant le sommeil s’associent également à l’apparition de la PP. Le côté de l’aplatissement occipital est fortement corrélé avec l’orientation de la tête pendant le sommeil en décubitus dorsal (3).
LA DIFFÉRENCIATION DE LA CRANIOSYNOSTOSE
L’examen d’un enfant qui présente une plagiocéphalie doit inclure une évaluation des dysmorphismes et des syndromes. Il est important de vérifier l’amplitude des mouvements passifs et actifs du cou pour déceler le torticolis congénital, qui s’améliorera grâce à la physiothérapie. À mesure que le torticolis s’améliorera, l’asymétrie crânienne s’estompera aussi. Même si elles sont moins fréquentes, les anomalies de la colonne cervicale peuvent également provoquer une plagiocéphalie.
La craniosynostose qui touche les sutures lambdoïdes, relativement peu fréquente, est la seule qui cause un aplatissement occipital. Si elle est unilatérale, l’asymétrie crânienne doit être différenciée de la PP. Très souvent, la suture touchée formera une crête. Le crâne présentera une saillie occipitomastoïdienne ipsilatérale et un déplacement postérieur de l’oreille qui contraste avec le déplacement antérieur ipsilatéral de l’oreille en cas de PP (4).
Le diagnostic de PP est d’abord d’ordre clinique. Les radiographies du crâne ne sont utiles qu’en cas de présomption clinique de craniosynostose ou d’aggravation de la déformation de la tête à un âge où la PP devrait s’atténuer (5).
La présence de PP ne réduit en rien la précision ou la nécessité des mesures sérielles de la circonférence crânienne lors des soins des jeunes enfants.
LA PRÉVENTION DE LA PLAGIOCÉPHALIE
Parmi les facteurs qui favorisent l’apparition de la PP, seulement quelques-uns peuvent être modifiés. Les manœuvres importantes portent sur la position du sommeil et les périodes passées en décubitus ventral. Puisque la plupart des couchettes sont placées contre un mur, il est recommandé d’orienter la tête du bébé vers la tête ou le pied du lit, tous les jours en alternance. Ainsi, le bébé est couché de manière à toujours avoir la tête orientée vers la chambre. L’alternance devrait encourager le bébé à tourner l’occiput tout autant d’un côté que de l’autre.
Le décubitus ventral désigne le temps d’éveil passé couché sur le ventre. Selon des données de cohorte (2), il est idéal d’être couché sur le ventre au moins trois fois par jour, de dix à 15 minutes chaque fois. Certains patients peuvent avoir besoin d’être rassurés : la recommandation d’éviter de coucher un bébé sur le ventre s’applique seulement pendant le sommeil. De plus, on peut les encourager en leur indiquant que le temps passé en décubitus ventral contribue à la progression des étapes du développement qui exigent d’être couché sur le ventre.
Certains bébés démontreront une préférence marquée pour une position d’un même côté de la tête. Il faudra plus d’efforts pour coucher ces bébés sur le dos, dans une position contraire à leur préférence, de manière à limiter le risque de PP (2).
LE TRAITEMENT DE LA PLAGIOCÉPHALIE
Les possibilités de traitement de la plagiocéphalie sont d’ordre chirurgical et non chirurgical. L’intervention chirurgicale n’est indiquée qu’en cas de craniosynostose confirmée. Le traitement non chirurgical peut comprendre la position et la physiothérapie ou le recours à un casque de moulage (thérapie par port du casque). Il convient d’interpréter les avantages d’une intervention selon l’évolution naturelle du problème.
Comme on l’a déjà souligné, selon des études de cohorte, la majorité des cas de plagiocéphalie se sont résorbés à l’âge de deux ans. D’après les données probantes d’un essai aléatoire (5), un programme de physiothérapie associant la position (similaire aux mesures de prévention indiquées plus haut) à l’exercice, au besoin (torticolis congénital, préférence positionnelle ou stimulations développementales), est supérieur aux conseils aux parents comme mesure préventive sans soutien par physiothérapie.
Le recours à la thérapie par moulage (thérapie par port du casque) pour réduire l’asymétrie crânienne suscite la controverse dans certains pays en raison de sa commercialisation directement auprès des parents par des sources comme Internet. Ce traitement est coûteux, n’est pas toujours remboursé par les assurances et peut s’associer à des effets indésirables. Dans le cadre de programmes de thérapie par port du casque, le casque est porté 23 heures par jour et peut s’associer à une dermatite de contact, à des plaies de pression et à une irritation cutanée localisée (6).
Les études comparant les bienfaits de la thérapie par moulage à ceux de la thérapie par position comportent plusieurs failles. Les études publiées contiennent des biais potentiels qui limitent la capacité de tirer des conclusions (7–9). Il n’existe aucun essai aléatoire, et les meilleures données probantes jusqu’à maintenant proviennent d’études de cohorte. Les failles méthodologiques incluaient, dans le groupe de thérapie par moulage, une asymétrie plus marquée, la présence d’enfants plus âgés et l’inclusion d’enfants qui n’avaient pas « répondu » à la thérapie par position. De plus, il n’y avait pas de méthode uniforme ou objective pour évaluer la gravité de l’asymétrie crânienne.
Si on tient compte de ces limites, les données probantes indiquent que le taux d’amélioration de la forme du crâne favorise le traitement par moulage. Une étude a démontré une amélioration relative 1,3 fois supérieure en cas d’asymétrie crânienne traitée par moulage que par thérapie par position (10). Cependant, les résultats étaient similaires tant dans le groupe de thérapie par moulage que dans celui ayant été traité seulement par la position.
D’après le consensus global tiré de l’analyse des études publiées, la thérapie par position est le choix favorisé pour les patients de quatre mois ou moins présentant une asymétrie légère à modérée. La physiothérapie et la position sont préférables à l’attente vigilante. Chez les patients présentant une grave asymétrie, la thérapie par moulage peut être envisagée quel que soit l’âge du bébé. Toutefois, la thérapie par port du casque ne peut être envisagée après un âge maximal de huit mois. Puisque aucune de ces études ne procédait à la stratification des groupes selon l’âge ou la gravité, ce consensus n’est pas bien étayé par des données probantes (7).
RECOMMANDATIONS
Les catégories de recommandation sont décrites conformément aux critères de données probantes du Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventif (11).
Pour prévenir la plagiocéphalie, il faut d’abord placer la tête de manière qu’elle soit orientée d’un côté ou de l’autre, en alternance, lorsque l’enfant est en décubitus dorsal. Il faudra peut-être d’autres mesures si l’enfant affiche une préférence marquée pour un côté de la tête. (Catégorie de preuve II-2, catégorie de recommandation A)
La position sur le ventre pendant les périodes d’éveil, de dix à 15 minutes au moins trois fois par jour, réduit l’apparition de plagiocéphalie. (Catégorie de preuve II-2, catégorie de recommandation A)
L’évaluation de la craniosynostose, du torticolis congénital et des anomalies de la colonne cervicale devrait faire partie de l’examen d’un enfant qui présente une plagiocéphalie. (Catégorie de preuve III, catégorie de recommandation A)
La thérapie de position associée à la physiothérapie, au besoin, est l’intervention de choix chez la plupart des enfants présentant une PP légère à modérée. (Catégorie de preuve II-1, catégorie de recommandation B)
La thérapie par moulage (thérapie par port du casque) peut être envisagée pour les enfants dont l’asymétrie est marquée. Chez ces enfants, il est démontré que la thérapie par port du casque accélère le rythme de correction de l’asymétrie, mais pas les résultats finaux. Les données probantes tirées des études publiées jusqu’à maintenant sont insuffisantes pour recommander la thérapie par port du casque en cas d’asymétrie légère à modérée. (Catégorie de preuve II-3, catégorie de recommandation I)
Footnotes
COMITÉ DE LA PÉDIATRIE COMMUNAUTAIRE
Membres : Minoli Amit MD (représentante du conseil); Carl Cummings MD; Sarah Gander MD; Barbara Grueger MD; Mark Feldman MD (président); Anne Rowan-Legg MD
Représentant : Peter Nieman MD, Société canadienne de pédiatrie, section de la pédiatrie générale
Conseillères : Mia Lang MD; Hema Patel MD
Auteur principal : Carl Cummings MD
Les recommandations contenues dans le présent document ne sont pas indicatrices d’un seul mode de traitement ou d’intervention. Des variations peuvent convenir, compte tenu de la situation. Tous les documents de principes et les points de pratique de la Société canadienne de pédiatrie sont régulièrement révisés. Consultez la zone Documents de principes du site Web de la SCP (www.cps.ca) pour en obtenir la version complète à jour.
RÉFÉRENCES
- 1.Hutchison BL, Hutchison LA, Thompson JM, Mitchell EA. Plagiocephaly and brachycephaly in the first two years of life: A prospective cohort study. Pediatrics. 2004;114:970–80. doi: 10.1542/peds.2003-0668-F. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
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- 11.Goupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs < www.canadiantaskforce.ca> (consulté le 3 août 2011).