Madame D., 56 ans, est diabétique, hypertendue et obèse depuis son adolescence (IMC: 33 kg/m2). Elle a tenté de nombreux régimes, seule ou sous surveillance d’une nutritionniste. Elle sait qu’elle devrait maigrir et je l’encourage dans ce sens à chaque visite. L’année dernière, elle s’est inscrite à un programme de gestion de poids et a perdu 6 kg. Elle en était très fière; je l’ai félicitée. Malheureusement, 6 mois plus tard, elle avait repris tout le poids perdu.
Il s’agit d’une histoire banale. Même si l’espoir individuel de perdre du poids est toujours permis et doit être encouragé, l’expérience clinique nous enseigne que les succès durables du traitement non chirurgical de l’obésité sont limités.
Le Guide canadien sur le traitement et la prévention de l’obésité1 suggère plusieurs stratégies de perte de poids. Toutefois, les auteurs reconnaissent que c’est le maintien du poids qui pose des problèmes. Peutêtre que nous—les soignants et les patients—nous y prenons mal. Peut-être que nous ne sommes pas suffisamment outillés, pas assez persévérants. Alors, que disent les études?
La misère des études sur l’obésité
Ces études sont généralement de courte durée et le taux d’abandon est important ou non rapporté. Ainsi, dans leur revue d’études sur le traitement diététique publiées entre 1931 et 1999, Ayyad et Andersen2 ont pu retenir seulement 17 études sur 898. Dix études étaient contrôlées et 5 d’entre elles étaient randomisées. En moyenne, 15% des individus (de 0 à 35%) ont réussi à maintenir la perte de poids initiale. Bien entendu, il s’agit du meilleur scénario possible: uniquement les personnes motivées qui acceptent un suivi à long terme finissent ces études. Un régime à très faible contenu calorique associé à une thérapie comportementale et un suivi actif semblait offrir les résultats favorables pour un petit contingent de patients.
La méta-analyse de Dansinger et collab.3 couvrant les essais publiés entre 1980 et 2006 s’est également heurtée à des études de qualité médiocre. Les auteurs concluent que les interventions amènent des changements modestes—une diminution de 1,5 à 2,3 unités de l’IMC—après 12 mois de traitement, qui s’estompent cependant avec le temps.
On peut douter de la valeur des témoignages ou des registres volontaires utilisés parfois pour évaluer le succès d’une perte de poids4.
Les idées erronées sur le poids
Beaucoup de gens possèdent des notions qui vont à l’encontre de la gestion du poids; celles-ci méritent d’être combattues.
« Je mange bien, pourtant j’engraisse! » suivi de l’exclamation « Je mange beaucoup de légumes et de fruits, pourtant, je grossis! » L’alimentation saine n’est pas synonyme de perte de poids. Une pomme moyenne (80 cal) prise en trop chaque jour amènera un gain d’environ 3 kg par année.
« Je fais beaucoup d’exercice et je ne maigris pas! » Les gens surestiment en général la dépense énergétique de l’activité physique. De plus, ceux qui pratiquent l’exercice léger et occasionnel ont tendance à se récompenser par une petite gâterie qui non seulement comblera la dépense calorique, mais engrangera quelques calories de plus.
« Pourtant, je bois beaucoup d’eau! » Boire de l’eau ne va pas dissoudre le gras ni diluer les calories. Le remplissage de l’estomac et la diminution de la faim sont de très courte durée.
« Je mange moins que mon amie, pourtant je prends du poids et elle en perd! » Les seules comparaisons valables concernent la parenté. La conservation de l’énergie sous forme de gras, génétiquement déterminée, s’avère avantageuse pour pallier le manque de nourriture durant les périodes de famine. Pour la majorité des gens, jusqu’à tout récemment, le travail physique et une certaine frugalité alimentaire permettaient d’éviter de transformer cet avantage en obésité.
« Il faut s’accepter comme on est. » Oui, si l’excès de poids se mesure en quelques kilogrammes. Non, si la personne est franchement obèse. Les conséquences de l’obésité sont bien connues et irréfutables. Y a-t-il quelqu’un qui ne pense pas que l’obésité est source de multiples problèmes physiques et psychologiques?
Les marchands d’espoir
Comme madame D., la majorité des obèses désirent maigrir. Ils se trouvent devant un choix presque infini de produits et de services.
En 2010, BCC Research a publié une estimation du marché d’amaigrissement aux États-Unis5. Pour 2009, ce marché a été estimé à 121 milliards de dollars. Les prévisions pour 2014: 134 milliards de dollars. Selon l’article, les taux d’obésité aux États-Unis ne cessent d’augmenter et l’industrie de l’amaigrissement est florissante. Si les stratégies qu’elle offre étaient efficaces, on pourrait se consoler en se disant que l’on en a pour son argent. Mais ce n’est pas le cas.
Les quelques patients qui perdent du poids de façon durable remportent un succès personnel important. Toutefois, au point de vue de la santé publique, le traitement de l’obésité constitue un échec.
La prévention avant tout
Les succès observés du traitement de l’obésité étant très limités, les efforts devraient s’orienter principalement vers la prévention. Celle-ci ne peut pas se passer d’un certain dirigisme que certains critiqueront. Le dépistage et le suivi de l’excès de poids dès le plus jeune âge, l’inscription d’activités physiques dans le cursus scolaire jusqu’à l’université, la création de milieux qui favorisent la marche et l’apprentissage de la préparation des repas sont autant de mesures efficaces. Cela coûtera cher? Il faut plutôt comprendre que le coût individuel et collectif de l’obésité sera astronomique.
Je conserve l’espoir pour chaque individu qui veut perdre du poids. Pour la société, toutefois, c’est la prévention qui me permet d’espérer.
CONCLUSIONS FINALES
Même si l’espoir individuel de perdre du poids est toujours permis et doit être encouragé, l’expérience clinique nous enseigne que les succès durables du traitement non chirurgical de l’obésité sont limités.
La prévention dès le jeune âge offre le meilleur espoir pour la santé publique.
Footnotes
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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Références
- 1.Lau DC, Douketis JD, Morrison KM, Hramiak IM, Sharma AM, Ur E, et al. 2006 Canadian clinical practice guidelines on the management and prevention of obesity in adults and children [summary] CMAJ. 2007;176(8):S1–13. doi: 10.1503/cmaj.061409. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
- 2.Ayyad C, Andersen T. Long-term efficacy of dietary treatment of obesity: a systematic review of studies published between 1931 and 1999. Obesity Rev. 2000;1(2):113–9. doi: 10.1046/j.1467-789x.2000.00019.x. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
- 3.Dansinger ML, Tatsioni A, Wong JB, Chung M, Balk EM. Meta-analysis: the effect of dietary counselling for weight loss. Ann Intern Med. 2007;147(1):41–50. doi: 10.7326/0003-4819-147-1-200707030-00007. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
- 4.Wing RR, Phelan S. Long-term weight loss maintenance. Am J Clin Nutr. 2005;82(1 Suppl):222S–225S. doi: 10.1093/ajcn/82.1.222S. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
- 5.Spending on weight loss products to reach more than $134 billion in 2014. Rockville, MD: MarketResearch.com [website]; 2010. Accessible à: www.marketwire.com/press-release/spending-on-weight-loss-products-to-reach-more-than-134-billion-in-2014-1354393.htm. Accédé le 12 mars 2012. [Google Scholar]