L’Australie, la Nouvelle-Zélande et l’Irlande offrent une formation postdoctorale en médecine familiale (MF) de 5 ans. Le R.-U. recommande l’adoption d’une formation de 4 et éventuellement de 5 ans en plus du programme de base de 2 ans1. Tous les pays européens offrent une formation de plus de 3 ans aux résidents en MF. Lorsque les États-Unis passeront bientôt d’une résidence de 3 ans à une de 4 ans, le Canada offrira le programme le plus court au monde, d’une durée inférieure de 2 années complètes. Qu’est-ce que nos collègues internationaux comprennent de plus que nous en ce qui a trait à la durée optimale de la formation?
Le débat concernant la durée et l’étendue de la résidence en MF n’est pas nouveau2–9. De fait, notre programme de résidence en MF était d’abord de 3 ans en 1966, mais il a été réduit à 2 ans en 1970 à cause de problèmes de financement. Les ouvrages comptent peu de données probantes qui traitent du temps adéquat pour une formation2. Pourquoi alors soulève-t-on encore cette discussion? Tandis que la durée de formation est demeurée la même depuis les années 1970, la médecine, la pratique familiale et les besoins de santé de nos patients ont changé. Le Canada en 2012 n’est pas le même qu’il était en 1972 ou même en 1992. Voici certains des défis auxquels sont confrontés nos programmes de résidence en MF: une population de cultures diversifiées, vieillissante, avec plusieurs maladies chroniques concomitantes et des besoins complexes; une évolution vers des soins interprofessionnels; le fait que les professionnels non médecins prétendent fournir adéquatement la plupart des soins assurés actuellement en clinique externe; la disparité sociale grandissante; les innovations technologiques; l’explosion du savoir médical et de la recherche en soins primaires; les nouveaux enjeux en santé publique, les récentes restrictions dans les heures de formation des résidents; et une réorientation majeure des soins hospitaliers vers les soins communautaires.
Malgré tous ces défis, nos programmes de 2 ans ont quand même le mérite de former des MF diplômés qui donnent d’excellents soins aux Canadiens. Cependant, des problèmes persistent. Peu de MF offrent des soins globaux et complets. De plus en plus de diplômés optent pour la pratique en cabinet seulement. Seulement 10,5 % des MF pratiquent l’obstétrique intrapartum10. La majorité n’effectuent pas la plupart des interventions autrefois fréquentes en pratique familiale. Plusieurs renoncent aux soins hospitaliers ou d’urgence. Toutes proportions gardées, peu d’entre eux pratiquent dans des régions rurales et éloignées. Seulement 42 % offrent des soins à domicile et parmi ceux de moins de 35 ans, seulement 30 % le font. Environ le tiers d’entre eux choisissent des pratiques retreintes ou ciblées.
Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte, mais il semble que la résidence actuelle de 2 ans au Canada soit trop courte pour amener les résidents à avoir confiance en eux et à acquérir toutes les compétences de haut niveau nécessaires pour pratiquer la MF de nos jours. Il n’y a juste pas assez de temps pour tout apprendre—particulièrement les soins hors cabinet ou plus difficiles à donner qui sont décrits plus haut. Il est grand temps de prolonger la période de résidence à 3 ans au moins, afin que nos résidents puissent pratiquer la MF complète et globale avec confiance, de façon sécuritaire et efficace, partout au Canada.
Étant donné que les autres professionnels veulent augmenter la portée de leur pratique et que les gouvernements soutiennent leurs efforts, il est temps pour les MF de mettre l’accent sur les compétences secondaires et tertiaires qui les distinguent—spécialement les soins plus difficiles à donner que les MF laissent de côté. De tels soins nécessitent l’implication des médecins et, à cause de leur complexité, l’apprentissage nécessite logiquement plus de temps qu’il y a 30 ou 40 ans.
C’est maintenant bien connu, le cursus Triple C du CMFC11 prévoit dorénavant une formation axée sur les compétences plutôt que sur le temps. On prévoit que la plupart des résidents auront acquis les compétences actuelles essentielles en 2 ans2. Dans une optique Triple C, ce serait le minimum de temps requis pour développer une confiance en soi, des compétences et une identité professionnelle. Certains pensent qu’il est impossible de déterminer la durée optimale de formation avant que chaque programme ne mette en place un système d’évaluation axée sur les compétences en cours de formation. Cela semble sensé à première vue, mais pouvons-nous nous permettre d’attendre de 5 à 10 ans pour le savoir, alors que de moins en moins de MF pratiquent de véritables soins globaux?
Triple C ne règle pas certaines des lacunes mentionnées plus haut dans la pratique des soins complets, qui pourraient être reliées à la compétence et à la confiance des diplômés. Certains soutiennent que la confiance n’est pas une raison de prolonger la formation, mais dans d’autres pays, il s’agit d’une raison bien valable1.
Environ 23 % des résidents entreprennent un programme de 3 ans en compétences avancées; 30 % additionnels y pensent10. Par conséquent, peut-être que 40 % des résidents suivront de toutes façons une formation de plus de 2 ans. Green et ses collaborateurs ont démontré que la formation de 3 ans était étroitement associée à l’augmentation des soins hors cabinet12. Ils disent qu’une formation plus longue pourrait aider à s’assurer que plus de diplômés canadiens pratiquent la MF complète. Un programme de résidence en MF de 3 ans pourrait bien réduire la nécessité d’une formation avancée et freiner la tendance vers la pratique plus restreinte.
Une résidence en MF plus longue n’exclut pas la formation axée sur les compétences. L’amélioration de l’efficacité de l’enseignement2 sera bénéfique dans tous les programmes où le temps est de plus en plus restreint par la loi, mais une formation de plus de 2 ans est nécessaire pour pratiquer la MF complète au XXIe siècle. Il était vraiment temps.
Footnotes
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Références à la page 1045.