La simple utilisation d’un dossier médical électronique (DME) ne se traduit pas nécessairement par de meilleurs soins. Comme le disait éloquemment une équipe de recherche, les résultats ont démontré que, même après l’étape initiale potentiellement chaotique de la mise en œuvre des DME [dossiers médicaux électroniques], les améliorations de la qualité demeurent difficiles à cerner. Pour utiliser cette technologie de manière significative, il faudra plus que du temps et de l’expérience. Il faudra aussi reconnaître que, tant et aussi longtemps que la santé de la population ne s’est pas améliorée, l’utilisation n’est pas synonyme de succès1.
Les dossiers médicaux électroniques sont conçus pour aider les médecins à consigner des renseignements et à donner des soins aux patients, un à la fois, comme avec les dossiers papier. L’amélioration des soins passe par la capacité d’observer la population d’une pratique, d’identifier où se trouvent les failles et de changer ses méthodes de travail pour continuellement combler les lacunes. Souvent, les 2 premières étapes ne sont pas facilitées par les systèmes de DME actuels (p. ex. nous pourrions être incapables de dresser une liste complète de nos patients atteints de diabète et, de ce fait, ne pas pouvoir découvrir si les paramètres s’appliquant au diabète ont toujours été respectés).
Les vérifications et la rétroaction traditionnelles n’ont que des effets légers à modérés2. Les vérifications fondées sur les données des DME et la réponse directe aux questions des médecins pourraient être une nouvelle voie vers de meilleurs soins. Par contre, les systèmes de DME actuels ne peuvent pas produire cette information de façon rapide, facile et efficace3. C’est encore plus problématique pour les groupes de médecins dont les données de DME sont réparties dans plusieurs serveurs.
L’outil de présentation des données (OPD), une application logicielle élaborée par le Réseau canadien de surveillance sentinelle en soins primaires (RCSSSP), permet la production de rapports de qualité en fonction des médecins, de l’emplacement des cabinets et des groupes de médecins. L’OPD utilise des données extraites et fusionnées des DME; il déjoue les limites des applications logicielles individuelles en utilisant des données qui ont été filtrées selon les processus standards du RCSSSP. Par exemple, tous les poids sont convertis en kilogrammes et il n’y a qu’un seul terme pour indiquer le niveau d’hémoglobine A1c. Dans un numéro antérieur de l’œil de la sentinelle4, on décrivait les étapes suivies par le RCSSSP afin d’identifier plus uniformément les patients aux prises avec une maladie chronique, grâce à des algorithmes standardisés et à l’aide des données des DME. Ces définitions de cas dans les DME permettent à l’OPD de générer des registres de patients aux prises avec une maladie chronique spécifique.
Il est donc possible de prendre des décisions en matière de soins en se basant sur les données réelles. Par exemple, une équipe voulait savoir si patients dépressifs et diabétiques étaient plus enclins à fumer que les diabétiques non dépressifs. Grâce à l’OPD, l’équipe a identifié 3 310 patients diabétiques vus au cours des 2 dernières années. De ce nombre, 551 étaient dépressifs (17 %); 8 % des patients diabétiques non dépressifs étaient fumeurs, comparativement à 12 % des diabétiques dépressifs. L’équipe voulait aussi savoir quels patients diabétiques accusaient du retard dans leurs visites. On a cherché tous les patients diabétiques ayant des dossiers actifs qui avaient été vus durant les 2 dernières années, mais pas au cours des 6 derniers mois. De tous les patients diabétiques, 477 (14 %) nécessitaient un rendez-vous. Un rapport de l’OPD mentionnant la répartition des patients selon leur âge et leur sexe était annexé aux données que l’équipe a reçues.
L’OPD peut aussi aider les médecins et les équipe de soins primaires à améliorer les données dans leurs DME. Il fournit une description détaillée de tous les termes trouvés pour certains problèmes chroniques et les facteurs de risque. Notre équipe a été surprise de trouver 6 719 façons d’indiquer un statut de fumeur, incluant en anglais «A FEW», «somker» et «stoped». Nous avons décidé d’utiliser des termes cohérents et standardisés pour indiquer l’usage du tabac: fumeur actuel, ex-fumeur et non-fumeur. La démarche nous a rendus capables d’identifier correctement tous les fumeurs actuels et d’ajouter des alertes dans leur DME. Nous avons constaté qu’il est impossible d’améliorer la qualité sans la mesurer et qu’on ne peut pas mesurer la qualité si les données ne sont pas standardisées.
L’OPD peut offrir de nouvelles méthodes aux médecins et aux équipes de soins primaires pour surveiller systématiquement leur qualité à mesure qu’ils mettent en œuvre des cycles plus petits planifier-exécuter-étudier-agir au sein des pratiques individuelles ou dans des programmes plus étendus d’équipes en soins primaires. L’OPD comporte aussi des rapports sur la standardisation des données, une étape préliminaire nécessaire à l’amélioration de la qualité. Des outils tels que l’OPD peuvent surmonter les limites des DME actuels et aider les médecins à transformer leurs données en information utile et ouvrir ainsi la voie vers une utilisation significative des DME.
Acknowledgments
L’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) a financé cette publication. Les opinions exprimées ne représentent pas nécessairement celles de l’ASPC.
L’œil de la sentinelle est coordonné par le RCSSSP, en partenariat avec le CMFC, dans le but de mettre en évidence les activités de surveillance et de recherche entourant la prévalence et la prise en charge des maladies chroniques au Canada. Veuillez faire parvenir vos questions ou commentaires à Anika Nagpurkar, Application et échange des connaissances, à an@cfpc.ca.
Footnotes
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the October 2012 issue on page 1168.
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
Références
- 1.Crosson JC, Ohman-Strickland PA, Cohen DJ, Clark EC, Crabtree BF. Typical electronic health record use in primary care practices and the quality of diabetes care. Ann Fam Med. 2012;10(3):221–7. doi: 10.1370/afm.1370. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
- 2.Jamtvedt G, Young JM, Kristoffersen DT, O’Brien MA, Oxman AD. Audit and feedback: effects on professional practice and health care outcomes. Cochrane Database Syst Rev. 2006;(2):CD000259. doi: 10.1002/14651858.CD000259.pub2. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
- 3.Fernandopulle R, Patel N. How the electronic health record did not measure up to the demands of our medical home practice. Health Aff (Millwood) 2010;29(4):622–8. doi: 10.1377/hlthaff.2010.0065. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
- 4.Greiver M, Keshavjee K, Martin K, Aliarzadeh B. Who are your patients with diabetes? EMR case definitions in the Canadian primary care setting. Can Fam Physician. 2012;58:804. (ang), e421 (fr). [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]