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. 2013 Jan 23;7(1-2):E29–E32. [Article in French] doi: 10.5489/cuaj.11168

Éléphantiasis pénoscrotal idiopathique : une nouvelle observation et revue de la littérature

Angoran Dekou 1,, Paul-Gérard Konan 1, Blaise Yao 1, Clément Vodi 1, Abroulaye Fofana 1, Konan Manzan 1
PMCID: PMC3559616  PMID: 23401736

Résumé

Nous rapportons un nouveau cas d’éléphantiasis pénoscrotal idiopathique chez un adulte de 31 ans. La masse scrotale atteignait les genoux, avec lésions de grattage traitées et guéries à l’éosine aqueuse associée à une antibiothérapie par voie parentérale. Une exérèse de la masse scrotale a été effectuée, suivie d’une plastie de peau scrotale postérosupérieure associée à une circoncision partielle. Le résultat esthétique et fonctionnel à long terme fut excellent, avec une peau pénienne assouplie et élastique.

Introduction

L’éléphantiasis des organes génitaux externes est caractérisé par une lymphangite chronique avec hypertrophie spectaculaire des organes génitaux externes. C’est une affection rare d’étiologie variée dont la plus fréquente est la filariose. L’étiologie en dehors des zones d’endémie filarienne est toujours difficile à retrouver. Il s’agit d’une affection qui a un retentissement sur les activités sexuelles, professionnelles et sportives, et pose un problème esthétique110.

Ainsi, la découverte d’un éléphantiasis qui évolue depuis plusieurs années pose particulièrement le problème du traitement chirurgical110. Nous rapportons un nouveau cas d’éléphantiasis pénoscrotal idiopathique dont nous présentons, à travers une revue de la littérature, l’épidémiologie, la présentation clinique, le traitement et le résultat à long terme.

Observation

NJ, âgé de 31ans, vivant en zone rurale, avait consulté pour grosses bourses chroniques, évoluant depuis l’âge de 18 ans. L’anamnèse a révélé qu’il s’agissait d’une lésion d’installation progressive avec pour point de départ du prurit scrotal suivi de lésions de grattage, d’une augmentation progressive et indolore du volume des bourses avec épaississement du scrotum étendu au pénis dans un contexte apyrétique et traité à l’indigénat. Handicapé par cette énorme masse, le patient a suspendu toute activité, notamment les activités scolaires et sportives. Un homme de bonne volonté l’ayant découvert l’a accompagné et fait hospitaliser au Service d’urologie du CHU de Cocody d’Abidjan, le 6 janvier 2008. L’examen clinique a révélé un patient avec un état de santé général moyen, une température à 36,8 °C, une TA de 120/80 mm hg et une hypertrophie pénoscrotale avec pachydermie. Le diagnostic d’éléphantiasis a été retenu. On a noté par ailleurs des lésions scrotales de grattage surinfectées (fig.1) traitées avec un antibiotique par voie parentérale (céphalosporine de 3e génération) pendant 5 jours, associé à de l’éosine aqueuse en traitement local après désinfection de la plaie, tous les deux ou trois jours. La guérison de la plaie cutanée a été obtenue au bout de deux semaines, avec une masse scrotale modérément diminuée de volume avec cependant une peau périnéale et scrotale postérieure souple (fig. 2). La recherche de microfilaires dans le sang a donné un résultat négatif et l’échographie abdominopelvienne était normale. Cependant, l’échographie scrotale a montré des testicules apparemment normaux en situation normale mais invaginés dans une épaisseur occupant entièrement les bourses. L’étiologie n’a pu être retrouvée. Le bilan préopératoire était apparemment normal. Le patient a été opéré le 28 janvier 2008 sous rachianesthésie. L’opération a consisté en une incision scrotale transversale 2 à 3 cm en dessous du sillon pénoscrotal, puis remontant latéralement vers les orifices externes des canaux inguinaux. La dissection du plan profond était progressive avec une hémostase progressive aux fils Vicryl n°2/0 ou 3/0, parfois au bistouri électrique, des vaisseaux très dilatés de la peau scrotale et de l’épaisseur invaginée. L’exérèse de la masse s’est faite avec conservation de la paroi postérosupérieure du scrotum qui a été rabattue en avant, couvrant les testicules apparemment normaux, et suturée à la base du pénis, sur drain aspiratif, après contrôle de l’hémostase et orchidopexie bilatérale. Une ablation partielle du prépuce a également été réalisée, libérant le méat urétral. Le drain a été enlevé au 3e jour postopératoire. Au 8e jour postopératoire, il s’est produit un lâchage pariétal qui a été avivé (fig. 3) et suturé sous anesthésie locale. La cicatrisation a été effective avec ablation totale des fils au 11e jour de la reprise du lâchage pariétal (fig. 4). Avec un recul de 3 ans et 10 mois, soit le 11 novembre 2011, les résultats esthétiques et fonctionnels sont bons : la peau pénoscrotale est devenue souple et normale (fig. 5). Le patient note des rapports sexuels satisfaisants malgré la déformation du gland, et signale avoir une fillette de 19 mois.

Fig. 1 :

Fig. 1 :

Aspect clinique de l’éléphantiasis pénoscrotal avec lésions de grattage.

Fig. 2 :

Fig. 2 :

Éléphantiasis des OGE, après guérison des lésions de grattage.

Fig. 3 :

Fig. 3 :

Lâchage de suture pariétale, avivement des berges cutanées sous anesthésie locale (J8 postopératoire).

Fig. 4 :

Fig. 4 :

Cicatrisation de la plaie opératoire (J19 postopératoire).

Fig. 5 :

Fig. 5 :

Aspect pénoscrotal près de 4 ans plus tard.

Commentaire

Nous rapportons un cas d’éléphantiasis chez un adulte de 31 ans, sans cause retrouvée, et qui a été efficacement traité par exérèse chirurgicale et plastie scrotale de recouvrement.

En effet, l’éléphantiasis des OGE est une affection rare, mais plus fréquente dans les zones tropicales, d’endémie filarienne. Il est la conséquence d’une obstruction mécanique des canaux lymphatiques, soit par la présence de vers adultes de type filaire, par inflammation et fibrose des vaisseaux lymphatiques ou par une compression externe14. Il atteint particulièrement les adultes et touche préférentiellement l’homme58. Hormis les causes parasitaires, l’éléphantiasis des OGE peut être de cause soit bactérienne ou congénitale, soit iatrogène ou idiopathique27, enfin soit secondaire à une sténose inflammatoire de l’urètre, cause la plus fréquente rapportée dans l’étude de Ndoye et al.6. L’étiologie chez notre patient n’a pu être dégagée.

Sur le plan clinique, l’éléphantiasis rapporté dans la littérature110 est lié à une hypertrophie parfois monstrueuse du scrotum souvent accompagné d’un enfouissement du pénis. Cette hypertrophie des organes génitaux externes associe une pachydermie qui se caractérise par un épaississement de la paroi scrotale qui est cartonnée, épargnant le plus souvent la peau scrotale postérosupérieure comme le rapportent tous les auteurs, et qui sert de tissu de recouvrement en cas d’exérèse suivie de plastie. Le délai de consultation est souvent long, soit deux à quinze ans selon les auteurs3,6; il est de 8 ans chez notre patient qui présentait les caractéristiques cliniques décrites dans la littérature110.

La découverte d’un éléphantiasis des organes génitaux externes pose un problème esthétique et constitue un handicap physique et fonctionnel qui impose la reconstruction plastique. L’étiologie est le plus souvent difficile à retrouver, en particulier en dehors des zones d’endémie filarienne48. La recherche étiologique implique selon les circonstances la réalisation d’examens complémentaires parfois onéreux pour nos patients pauvres qui prennent en charge leurs soins de santé. Ces examens sont pourtant utiles pour la recherche étiologique. Ce sont comme le rapporte la littérature110 l’écho-doppler qui permet d’éliminer un obstacle sur l’axe vasculaire des membres inférieurs, en particulier en cas de filariose, la recherche de filaires adultes et la recherche sanguine de microfilaires. La lymphographie bipédieuse est de moins en moins utilisée. L’échographie, la tomodensitométrie abdominale et même l’imagerie par résonance magnétique et nucléaire (IRMN) permettent d’éliminer une cause compressive telle une tumeur pelvienne ou abdominale. L’urétrocystographie rétrograde et mictionnelle (UCRM) est demandée lorsqu’on soupçonne une sténose scléro-inflammatoire de l’urètre. Chez notre patient, nous avons fait une recherche de microfilaires dans le sang et réalisé une échographie abdominopelvienne qui ont donné des résultats normaux. Même si l’étiologie est retrouvée, l’hypertrophie doit être si possible traitée4. Mais comme le rapporte Zugor et al.4, le but du traitement de l’éléphantiasis est de réparer l’obstruction en rétablissant la perméabilité lymphatique, puis de corriger la dysmorphie. Aucun traitement médicamenteux n’est efficace. Seule la chirurgie est recommandée.

Le traitement chirurgical proposé selon les auteurs110 consiste à exciser la masse, en emportant toute la peau et les tissus sous-cutanés pathologiques. La reconstruction de la peau de la verge se fait par des greffes cutanées et celle de la bourse scrotale par des greffes ou des lambeaux locaux de peau.

Les techniques opératoires sont nombreuses : certaines sont abandonnées telles les techniques conservatrices visant à améliorer le drainage lymphatique, notamment la lymphangioplastie, ou l’anastomose lymphaticoveineuse (opération de Nielubowicz) entre la crosse de la veine saphène interne et le groupe lymphonodal inguinal superficiel, dont la perméabilité de l’anastomose est temporaire, ainsi que la greffe d’épiploon1,10. D’autres, telles l’exérèse chirurgicale et la plastie de recouvrement, restent de mise. De nombreuses techniques ont été décrites. Elles consistent en l’exérèse chirurgicale des tissus éléphantiasiques, suivie d’une reconstruction scrotale110. Cette reconstruction scrotale est faite le plus souvent à partir des parties crânio-latérales et crânio-dorsale du scrotum qui sont le plus souvent préservées. Cette méthode, utilisée par de nombreux auteurs, ainsi que par notre équipe, semble donner un bon résultat fonctionnel et esthétique; les résultats de cette chirurgie sont excellents avec peu de récidives selon la littérature1,5,6,810. Nous n’avons pas observé de récidive après un recul de 4 ans. Quant à l’utilisation de greffes de peau libre mince, cette technique peut modifier la régulation thermique locale testiculaire et perturber la spermatogenèse1. Des auteurs tels que Prica et al.11 ont testé l’utilisation d’un lambeau myocutané du muscle gracile avec de bons résultats sur le plan esthétique et fonctionnel, mais sans avoir évalué la fertilité.

En ce qui concerne la greffe du pénis, comme le rapportent des auteurs1,5,6,810, il est préférable d’utiliser une peau libre mince qui doit être posée de façon spiralée afin d’éviter une rétraction longitudinale ou circulaire sur le pénis. La reconstruction du fourreau pénien était envisagée dans un deuxième temps opératoire chez notre patient. Il ne s’est pas présenté et nous l’avons retrouvé près de 4 ans plus tard avec un excellent résultat esthétique et fonctionnel. L’ablation de la masse scrotale a probablement facilité le drainage lymphatique pénien, permettant la résorption de l’œdème ainsi que l’assouplissement et la revitalisation de la peau pénienne de notre patient.

L’éléphantiasis du scrotum et du pénis présente un formidable défi de reconstruction chirurgicale. Le bon résultat esthétique et fonctionnel obtenu ainsi que le faible taux de morbidité indiquent le choix de cette technique qui améliore la qualité de vie du patient.

Conclusion

L’éléphantiasis pénoscrotal est une affection rare, dont l’intérêt de l’étude réside dans sa prise en charge thérapeutique. Il nécessite un bilan étiologique judicieux qui ne devrait pas empêcher ou retarder le traitement qui est toujours chirurgical. Les facteurs déterminant le choix de la technique opératoire sont : le type d’éléphantiasis (pénien, scrotal, péno-scrotal), la préservation ou non des parties crânio-latérales et crânio-dorsale du scrotum, l’étiologie (rétrécissement urétral, tumeur pelvienne, etc.), mais également les préférences du chirurgien.

Footnotes

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This paper has been peer-reviewed.

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