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. Author manuscript; available in PMC: 2013 Mar 16.
Published in final edited form as: Can Public Adm. 2008 Summer;50(2):219–243. [Article in French] doi: 10.1111/j.1754-7121.2007.tb02011.x

Tensions entre rationalité technique et intérêts politiques : l’exemple de la mise en œuvre de la Loi sur les agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux au Québec

D Contandriopoulos 1, Raymond Hudon 2, Elisabeth Martin 3, Daniel Thompson 4
PMCID: PMC3598858  CAMSID: CAMS2508  PMID: 23509412

Sommaire

L’objet de cet article est constitué par les processus décisionnels entourant la mise en œuvre de la Loi sur les agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux (Loi 25). Nous entendons mettre en lumière les stratégies des groupes ou institutions de diverses natures qui ont fait valoir leurs préférences et ont tenté, avec un succès inégal, d’influencer les décisions relatives à cette réforme majeure de la structure du système de santé québécois. Au plan théorique, nous nous appuyons principalement sur les modèles d’analyse du lobbying qui, depuis les travaux fondateurs de Milbrath (1960, 1963), présentent cette pratique comme un processus fondamental d’échange d’information. Selon les données colligées dans les retranscriptions d’entrevues, les stratégies observées correspondent effectivement aux caractéristiques constitutives du lobbying et, dans quelques situations, à celles du patronage. La combinaison de ces divers éléments révèle que la mise en œuvre de la Loi 25 s’avère être avant tout un processus proprement politique. Ainsi, furent relégués au second plan les arguments techniques qui composaient initialement les objectifs de la Loi.


Selon les disciplines, le développement et la mise en œuvre des politiques publiques dans le domaine de la santé sont conçus dans des perspectives utilitariste et technocratique ou, par contraste, politique et contingente. Cet article1 analyse empiriquement la mise en œuvre d’une réforme majeure du système de santé québécois (telle que commandée par la Loi 25) et étudie la nature des processus décisionnels à la lumière des stratégies d’influence adoptées par les différents acteurs qui y ont pris part.

La Loi 25 (Loi sur les agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux)2 vise l’établissement, sous la coordination d’agences régionales, d’instances locales chargées de mettre en place des réseaux locaux de services de santé et de services sociaux (RLS). Ces instances locales, qui seront ultérieurement désignées sous le nom de Centres de santé et de services sociaux (CSSS), résultent de la fusion de certains établissements à une échelle sous-régionale. Intégrées horizontalement sur un territoire donné, ces nouvelles organisations de santé le sont aussi verticalement, afin d’assurer une meilleure coordination entre les niveaux de soins généraux et spécialisés.

Sur une autre facette importante, l’intention de la réforme est, à terme, de rendre les RLS partiellement imputables de la santé de la population de leur territoire.3 Tant dans ses objectifs que dans ses moyens, cette réforme correspond à une tendance internationale dont les origines se retracent au croise-ment du mouvement population health.4 Elle se fonde sur le besoin d’améliorer la prise en charge des patients et l’intégration des soins,5 en s’inspirant du succès de certaines organisations comme le HMO étasunien Kaiser.6

Dans le cas que nous étudions, les principes de la réforme ont été définis par l’administration centrale, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), ensuite, leur opérationnalisation a été confiée au palier régional, les agences créées par la Loi 25. En ce sens, elle correspond à une vision man-agériale qui place les échanges entre acteurs engagés dans sa mise en œuvre sur le terrain dans des logiques de nature plus technique que politique. Comme le remarque Meyer7 en ce qui concerne la Commission européenne, il en résulte une dépolitisation qui déplace l’emphase sur la résolution de problèmes et la réalisation d’objectifs, tout en mettant au second plan les rapports de force.

Mise en contexte : la Loi 25

Nous avons déjà signalé la tendance internationale qui consiste à confier une plus grande part des prérogatives (en termes d’organisation des soins) et de l’imputabilité (en termes de santé de la population) directement à des réseaux d’établissements intégrés. Des arguments théoriques ainsi que des données empiriques crédibles démontrent que de tels arrangements organi-sationnels sont à même d’améliorer la qualité des soins, la satisfaction des usagers et, ultimement, la santé de la population.8

Au Québec, peu après l’élection d’un nouveau gouvernement en avril 2003, cette tendance s’est traduite par le dépôt du projet de loi 25, qui compte parmi les propositions de réforme les plus importantes du système de santé au cours des trente dernières années. Au niveau local, le projet initial prévoyait la créa-tion d’instances locales issues de la fusion de certains établissements publics présents sur un territoire sous-régional donné, nommément un centre hospi-talier de soins généraux et spécialisés (CHSGS – en abrégé, dans la suite du texte : CH), un ou plusieurs centres locaux de services communautaires (CLSC), et un ou plusieurs centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD). Chaque instance locale serait ensuite chargée d’établir des ententes de services avec les autres ressources et institutions du territoire – cliniques médicales, organismes communautaires, groupes de médecine de famille (CMF), par exemple – pour constituer un RLS.

Pour leur part, les régies régionales, mises en place dans la foulée de la Commission Rochon9 en 1991, seront abolies, leurs responsabilités et prérog-atives étant transférées aux agences nouvellement créées. Maîtres d’œuvres de l’implantation de la Loi 25, elles devront soutenir le développement des instances locales de même que la mise en réseau des institutions. Fait à noter, au terme de cette transformation, l’organisation des services de santé et des services sociaux se verra confiée aux nouvelles instances locales.

Suite à son dépôt à l’Assemblée nationale en novembre 2003, le projet de loi 25 est discuté très brièvement en commission parlementaire en décembre. Les objectifs généraux de la réforme – une meilleure intégration de la prise en charge des patients et des soins à leur assurer ainsi qu’une meilleure com-plémentarité des services – font l’objet d’un très large consensus parmi les groupes entendus. Par exemple, si l’Association des hôpitaux du Québec (AHQ) et le Collège des médecins appuient d’emblée le projet, par contre les syndicats, des regroupements d’organismes communautaires ou certains députés se contenteront d’une critique de principe des intentions du gouv-ernement.

En revanche, les moyens préconisés pour rencontrer ces objectifs soulèvent de vives inquiétudes et parfois même l’opposition d’un certain nombre d’acteurs. Par exemple, certains insistent sur la difficulté de mettre en place ce modèle particulièrement dans la région de Montréal, en raison, notamment, de l’absence de détermination territoriale des profils de consommation, de la faible part de marché de chaque institution et du rôle important des centres hospitaliers universitaires (CHU).

Mais au-delà de ces arguments, ce sont principalement les fusions forcées d’établissements de diverses missions qui dominent les discussions en commission parlementaire. Il faut comprendre que l’inclusion de centres hospi-taliers (CH) au sein des instances locales constituait la pierre angulaire de la réforme. Sans CH, la Loi 25 revient à imposer la création de CLSC–CHSLD de plus grande taille, apportant ainsi des modifications somme toute mineures tant au niveau organisationnel que clinique, d’autant plus que ces regroupements avaient déjà été réalisés dans plusieurs régions. En revanche, l’inté-gration CH-CLSC-CHSLD implique, pour chaque type d’institution fusionnée, une transformation substantielle sur plusieurs plans.

En réponse aux craintes exprimées notamment par l’Association des CLSC et CHSLD, le projet de loi est modifié pour prévoir certaines exceptions qui viendront altérer substantiellement l’essence de la proposition. Ainsi, il sera possible de soustraire un CH à l’obligation d’intégration aux instances locales si un tel exercice apparaît trop complexe ou encore si l’établissement visé par la fusion offre des services à une population présentant des particu-larités ethnoculturelles ou linguistiques.

La Loi 25 est finalement adoptée par l’Assemblée nationale le 17 décembre à la faveur d’un bâillon imposé par le gouvernement et entre en vigueur en janvier 2004. À partir de ce moment, le processus de création des RLS peut être divisé en deux moments forts. Le premier renvoie au temps administratif de la mise en œuvre de la Loi 25 qui s’étend du 30 janvier au 30 avril 2004. Pendant ces trois mois, les agences se voient déléguer la responsabilité d’organiser des consultations publiques et d’élaborer une recommandation quant aux regroupements d’établissements et aux délimitations territoriales des RLS à mettre en place dans leur région. La proposition doit parvenir au ministre avant la date butoir du 30 avril 2004. Un temps politique prend ensuite le relais du début du mois de mai jusqu’à la fin du mois de juin. À partir de ce moment, c’est une dimension politique qui caractérise la mise en œuvre de la Loi. Durant cette période, le ministre ainsi que ses conseillers examinent les recommandations et jugent de leur acceptabilité.10 Ainsi, le 23 juin 2004, après approbation du gouvernement, le ministre crée 95 RLS dans l’ensemble du Québec.

Compte tenu de l’ampleur des restructurations entraînées par la réforme, il faut constater que sa mise en œuvre s’est généralement déroulée sans incidences majeures sur la production continue de services ou de soins.11 Il faut dire que l’appui général aux objectifs poursuivis offrait bien peu de prise à une contestation organisée. Une opposition relative aux moyens envisagés comportait donc une forte exigence de crédibilité, qui pressait concrètement à des formulations particulières dans la proposition de solutions de rechange.

Cependant, l’implantation ne s’est pas déroulée sans heurts, des efforts d’influence, qui ont porté essentiellement sur la mise en œuvre locale de la Loi et ses modalités d’application, ont été déployés dans toutes les régions du Québec. Les revendications s’articulaient autour de deux pôles principaux : d’une part, un certain nombre d’institutions ont voulu se prévaloir des modalités d’exclusion prévues à la Loi pour soustraire leur établissement à l’obligation d’intégration à une instance locale; d’autre part, des institutions et des groupes ont contesté les délimitations territoriales des RLS proposées par certaines agences.

Données et cadre conceptuel

Données et analyse

L’objectif de notre analyse est de comprendre les stratégies utilisées par les groupes et les acteurs pour faire valoir leurs préoccupations dans les proces-sus décisionnels d’opérationnalisation de la Loi 25. En d’autres termes, nous nous intéressons à la nature des stratégies utilisées, à leurs déterminants ainsi qu’à la manière dont elles s’intègrent dans le processus global de décision.

Notre analyse s’appuie sur des observations directes et des entrevues menées dans quatre régions : tout d’abord, les villes de Québec et Montréal avec des observations plus approfondies, et de manière complémentaire, Chaudière-Appalaches et Laurentides, pour des observations plus précisé-ment ciblées.

Les données utilisées dans notre analyse proviennent principalement de 39 entrevues semi-dirigées avec des informateurs clés dans chacune des régions ou territoires étudiés.12 En concordance avec la nature de notre objet de recherche, les entrevues constituent la source d’information générale-ment la plus appropriée en raison de sa richesse et sa flexibilité.13 Le corpus a également été enrichi à partir de quatre autres sources de données : des notes d’observation non participante de diverses activités publiques (séances de conseils d’administration, séances de consultation publique, soi-rées d’information); les retranscriptions des débats survenus en commission parlementaire; des documents officiels en lien avec le sujet étudié et un certain nombre d’articles de journaux lorsque pertinents.

Les données d’entrevue ont été retranscrites et codées à l’aide du logiciel QSR NVivo pour permettre leur traitement et faciliter leur analyse. L’explo-ration des données a été faite en s’appuyant sur les techniques de l’analyse du discours.14

Notre analyse s’appuie donc sur une étude longitudinale de cas multiples avec unités imbriquées.15 Il est généralement admis que les devis par études de cas sont particulièrement indiqués pour des recherches qui portent sur la compréhension (how?) et l’explication (why?) de processus dynamiques dans leur contexte réel.16 Au-delà d’une contribution empirique descriptive, pareilles études de cas permettent d’interpréter des phénomènes dont la conceptualisation est plus ou moins arrêtée.17

Cadre conceptuel

Modèle communicationnel

Il est courant de concevoir le lobbying essentiellement comme un processus de communication.18 Terry19 y perçoit précisément le facteur déterminant de l’influence exercée par des lobbyistes. Dans cette perspective, au moyen de différents mécanismes et par la voix de leurs porte-parole, les groupes de pression, cherchent à transmettre aux décideurs de l’information appuyant à leur point de vue.

Anyone wishing to influence the decision of a governmental official, then must be concerned not only with getting the information to him but also with the problem of presenting it so that the decision maker will be receptive. The only effective communications are those which get through the perceptual screen. In fact there is no other way to influence governmental decisions short of remaking the personalities of decision makers or replacing them with other persons. The lobbying process, then, is essentially a communication process, and the task of the lobbyist is to figure out how he can handle communications most effectively in order to get through to decision makers.20

Cette communication mérite d’être plus précisément qualifiée. Tout d’abord, elle s’inscrit dans un échange asymétrique où le titulaire de charge publique (TCP)21 contrôle une ressource convoitée par le lobby ou a autorité légitime sur une décision désirée par le lobby. Les relations de pouvoir ainsi mises en forme comportent une nécessaire réciprocité, qui se traduit dans un échange de moyens : par exemple, décision ou ressource contre de l’infor-mation ou de l’expertise utiles au TCP qui en tire satisfaction, tout en manifestant régulièrement sa reconnaissance.22 Toutefois, le TCP n’est pas toujours la source ultime de la ressource convoitée ou le lieu final de la déci-sion recherchée. Ainsi, la pratique du lobbying présente souvent des situations qui entraînent un rapport de transitivité entre différents acteurs (un ministre qui intervient auprès d’un collègue ministre) ou différents niveaux d’acteurs (un député qui intervient auprès d’un ministre). Par ailleurs, même si la relation peut gagner à un rapport personnalisé, la communication ne s’incarne pas toujours dans une relation directe entre le TCP et le lobby.23 La pratique du lobbying indirect24 est trop répandue pour être écartée d’emblée du domaine des possibles configurations. Néanmoins, les attentes qui se greffent à ces stratégies peuvent être déçues face à l’apathie de citoy-ens pervertis en consommateurs25 ou au peu d’effet sur les opinions d’un public peu informé.26

Au-delà de cette caractérisation, le lobbying ne vise donc pas la transmission d’informations neutres. Celles-ci ont en effet pour fonction de rappeler la réalité de relations de pouvoir et de conscientiser les TCP aux con-séquences possibles ou probables de leurs décisions. Par exemple, dans le cas qui nous intéresse, un groupe pourrait mettre en relief les conséquences de l’inclusion d’une institution donnée à une instance locale. Ces dernières auraient un impact à la fois sur l’accessibilité aux services pour la population, sur la baisse de popularité du député local et sur ses chances de réélec-tion, ainsi que sur un possible défaut de collaboration d’autres institutions aux décisions futures d’une agence. Parfois, il pourra toutefois se révéler stratégiquement préférable de maintenir un doute chez le TCP en retenant une partie des informations susceptibles de l’intéresser.27 En fin de compte, même conçu principalement comme un processus communicationnel, le lobbying doit aussi être rattaché à des rapports de force de plus large enver-gure. Il traduit pratiquement un effort de convaincre un TCP qu’une action ou décision de sa part s’associe à des incitatifs positifs (ou négatifs), souvent de nature intangible, purposive au sens de Clark et Wilson28 ou expressive au sens de Salisbury29 et parfois aussi de nature matérielle. Dans nombre de cas, tout de même, l’effort se limite à s’assurer une participation effective aux débats et votes de la part des TCP dont l’accord et l’appui sont déjà acquis.30

Par ailleurs, pour analyser le processus communicationnel du lobbying, nous nous appuyons aussi sur la typologie de Peterson31 qui propose de dis-tinguer les conséquences programmatiques et politiques. Les conséquences programmatiques sont en lien avec les objectifs ou les effets de la décision en cause. Dans le cas qui nous intéresse, les considérations programmatiques sont directement liées aux objectifs de la Loi 25 et à la mission du secteur sociosanitaire : par exemple, une baisse ou une hausse de la qualité, de la continuité, de l’intégration ou de l’accessibilité. À l’inverse, les conséquences politiques touchent l’équilibre des rapports de force entre acteurs : par exem-ple, les possibilités de réélection d’un député, l’exacerbation de rivalités régionales, la modification de rapports de force interinstitutionnels.

Il demeure toutefois problématique de pondérer adéquatement l’effet pro-pre des différentes conséquences anticipées dans le processus de décision. Le modèle de Milbrath se révèle assez cohérent avec l’hypothèse de rational-ité limitée.32 Dans ces conditions, on comprend que les TCP tentent de maximiser les conséquences positives et minimiser les conséquences négatives de leurs décisions. L’efficacité du lobbying passe donc par une conscientisation des TCP à un ensemble donné de conséquences, dont la connaissance précise et complète peut leur échapper, prolongée d’un effort pour surpondérer l’importance de certaines conséquences particulières par rapport à l’ensem-ble des conséquences possibles.33

De cette façon, concentrer ses efforts sur la mise en relief de conséquences que le TCP juge plutôt anecdotiques équivaut bien évidemment à perdre son temps. Dans l’action, l’évaluation des conditions de l’intervention suppose alors des analyses somme toute complexes qui tiennent compte des car-actéristiques intrinsèques de la décision, des valeurs du TCP, et du contexte à plusieurs dimensions. Tout d’abord, divers facteurs de nature sociale et économique influent indiscutablement sur le déroulement concret des activ-ités de lobbying.34 D’autres éléments, toujours liés aux conditions sociales mais plutôt ancrés dans un volet culturel, permettent de mieux comprendre les particularités de pratiques du lobbying, d’autant plus qu’ils éclairent les différences observables entre diverses configurations institutionnelles.35 Bouwen36 l’a d’ailleurs bien montré dans le cadre de l’Union européenne. Les structures et arrangements institutionnels non seulement orientent les conduites des lobbyistes mais déterminent leur « sélection » selon les niveaux d’intervention. Finalement, une dernière explication des activités de lobbying se retrouve bien simplement dans l’activité gouvernementale qui, par la seule adoption de législations et réglementations,37 crée des occasions de lobbying et des parties intéressées. Cette énumération partielle de fac-teurs peut aussi se concevoir comme un ensemble de conditions qui influencent la définition des stratégies de communication et le contenu des informations communiquées.

Canaux et acteurs de la communication

Nous avons déjà noté que la communication à la base de la pratique du lobbying, qu’elle soit professionnalisée ou pas, n’est pas restreinte à la forme directe comprise dans la plupart des législations existantes. Des études empiriques ont en effet bien montré que les relations directes et formelles avec les TCP ne sont pas en priorité dans le répertoire des actions privilégiées et jugées efficaces par les groupes aux États-Unis.38 Il est en effet courant que l’« information » passe par des voies indirectes : appel à des intermédiaires mieux « branchés », mobilisation de l’opinion publique, campagne de presse, etc. Nous incluons ces diverses formes de communication dans la gamme des moyens utilisés par les différents porteurs d’intérêts dans le but spécifique de faire (re)connaître leur message aux TCP concernés par la mise en œuvre de la Loi 25.

En plus de ne pas être réductible à des processus simples d’échange ouvert d’informations neutres la pratique du lobbying montre bien que la détermination des participants à l’échange n’est pas, non plus, tout à fait innocente. Il peut en effet y avoir des laissés-pour-compte. Leur capacité d’influence repose alors sur l’exploitation d’un capital de contrepoids dont la mobilisation replonge l’activité d’influence dans des logiques proprement politiques. La tentation est alors présente d’emprunter les ornières du patronage,39 surtout dans celles du lobbying indirect. Le lobbying indirect, longtemps considéré comme l’arme des « faibles » ou comme le seul recours des acteurs qui ont échoué dans les interventions jugées plus orthodoxes, n’a plus forcément ces fonctions. Il peut aussi avoir pour visée de démontrer son utilité à des membres ou des commettants, même potentiels.40 Le principe de réalité amène toutefois à multiplier les actions de pression pour amener le TCP à se soumettre à l’expression d’une volonté qui s’affirme être générale,41 avec les pièges que cela comporte.

Présentation des cas

Nous avons souligné plus tôt que la mise en œuvre de la Loi 25 s’est, somme toute, déroulée sans problème majeur. Toutefois, aux fins heuristiques du présent travail, nous avons porté une attention particulière aux cas où des acteurs se sont opposés aux agences ou au MSSS. Ainsi, quatre régions sociosanitaires ont été sélectionnées : la capitale nationale (Québec), Mon-tréal, Chaudière-Appalaches et Laurentides.

Ce choix permet d’explorer deux types de cas. Premièrement, les régions de Québec et de Montréal permettent l’examen de la mise en œuvre de la Loi 25 sur l’ensemble du territoire des deux agences. Les catégories d’acteurs et les enjeux observés sont pour ainsi dire similaires; plusieurs acteurs ayant tenté et parfois réussi à convaincre ou forcer les agences à modifier leurs scénarios de départ. Par contre, les recommandations formulées par ces agences ont été entérinées par le ministre sans modification.

Deuxièmement, l’étude des cas de Chaudière-Appalaches et des Lauren-tides consiste en des observations ciblées de mouvements d’opposition qui réagissent aux propositions des agences. Les observations ont donc été menées dans les territoires locaux où l’opposition a pu être notée. Dans ces cas précis, le ministre a choisi de modifier les recommandations des agences.

Premier cas : Québec

Dans la région métropolitaine de Québec,42 tous les CH ont une désignation universitaire. Malgré la complexité de l’opération, l’Agence envisage tout de même d’intégrer les CHU aux instances locales, comme le suppose la Loi. Très tôt, les dirigeants de ces hôpitaux et la Faculté de médecine de l’univer-sité Laval jugent cette avenue inacceptable. Utilisant la tribune que leur offrent les consultations régionales, ils soutiennent que la restructuration proposée risque de secouer les structures du réseau universitaire et de mettre en péril les fonctions de formation et de recherche médicales. Leur stratégie consiste à construire un front commun suffisamment solide pour que l’Agence comprenne qu’elle n’a pas leur appui. Ils préparent néanmoins le terrain par des rencontres préliminaires avec le président du conseil d’administration (CA) et le PDG de l’Agence, de même qu’avec des fonction-naires du MSSS. Tout au long de ces démarches, les membres du réseau uni-versitaire s’en tiennent à un discours simple et bien ciblé. Les CHU n’ont pas appuyé leur argumentation sur des données techniques. Ils ont plutôt, posé un jugement sur le facteur temps de la réforme. Ils mettent en relief les diffi-cultés que créent déjà les rivalités importantes entre les différentes unités au sein même des CHU. La réorganisation proposée viendrait en quelque sorte perturber une organisation qui n’est pas encore très solide, d’autant plus que les conséquences politiques envisagées (c’est-à-dire le mécontentement prévisible des médecins) sont jugées trop importantes pour risquer un tel exercice. L’Agence de la capitale nationale et le MSSS semblent avoir sérieusement pris en considération ces arguments puisque les CHU seront finalement exclus des instances locales.

Par ailleurs, le nombre et la taille des RLS sont le résultat d’une négociation assez discrète entre les dirigeants des établissements à vocation CLSC ou CHSLD et les représentants de l’Agence. Ainsi, après quelques désaccords, ces établissements en viennent à établir un compromis qui sera par la suite retenu par l’Agence, soit la création de deux RLS de taille comparable. Ce découpage territorial ne récolte toutefois pas un appui unanime. En effet, le directeur général (DG) du Centre de santé de la Haute-Saint-Charles s’oppose à cette solution. Afin de défendre l’autonomie de son établissement, il mise surtout sur l’utilisation des canaux formels de communication avec l’État. Il participe aux consultations locales et intervient auprès du CA de l’Agence. Des arguments principalement programmatiques sont mis de l’avant : l’intégration des missions CH, CLSC et CHSLD étant déjà accomplie, l’établissement est auto-suffisant et apte à répondre aux besoins de la population. De toute évidence, cette stratégie ne s’est pas avérée efficace puisque l’Agence a décidé de recommander l’intégration de l’établissement à l’instance locale.

Le DG du Centre de santé se replie alors sur une stratégie de lobbying clas-sique. Ainsi, obtient-il une rencontre avec le ministre par l’entremise de la députée de sa circonscription, mais ne réussira cependant pas à le faire fléchir. De son côté, le syndicat des employés de l’établissement, en intervenant à quelques reprises dans les journaux locaux, a tenté d’utiliser un registre nettement plus politique fondé sur le sentiment d’appartenance présumé de la population. Par contre, l’absence de mobilisation populaire et le peu d’intérêt qu’ont porté les élus municipaux au dossier laissent présager un échec de la stratégie.

Avec les amendements adoptés en commission parlementaire, la Loi stipule explicitement que des motifs linguistiques ou culturels peuvent justifier l’exclusion de certaines institutions d’une fusion. L’interprétation des critères d’exclusion est toutefois laissée à la discrétion des agences. Or, dans la région de Québec, environ 12 000 anglophones bénéficient de services offerts en anglais dans quelques établissements. Dans ce contexte, les directions générales de ces établissements forment une alliance avec Voice of English-speaking Québec, une organisation de défense des droits de la com-munauté d’expression anglaise, afin d’éviter leur intégration aux instances locales. Une démarche de sensibilisation est entreprise au sein de la commu-nauté anglophone et de nombreux gestes de lobbying indirect (envoi de courriels, pétition, intervention médiatique) sont posés. La stratégie vise à empêcher que les revendications soient interprétées comme un simple réflexe de protection institutionnel.

La communauté anglophone obtiendra deux appuis politiques de taille, soit celui d’une députée libérale senior et celui du maire de Québec. Pub-liquement, l’argumentation est centrée sur un discours politique qui met l’accent sur la nécessité de préserver l’autonomie des institutions anglophones au regard du sentiment d’appartenance manifesté par la commu-nauté. Cette dernière semblait d’ailleurs prête à l’affrontement et laissait planer le doute quant à un recours éventuel aux tribunaux. Cette amalgamation des registres politique et juridique s’accompagnait d’un réel souci d’élaborer un compromis acceptable à la fois pour la communauté anglophone et pour l’Agence. Tout en faisant des pressions de portée publique, les établissements anglophones ont démontré aux dirigeants de l’Agence leur volonté de collaborer à l’élaboration de scénarios alternatifs. Ainsi, pour sat-isfaire le souci d’une rationalisation administrative, les établissements anglophones proposent de se fusionner entre eux. L’Agence répondra favor-ablement à leurs inquiétudes et recommandera finalement leur exclusion des instances locales.

Deuxième cas : Montréal

Dans la région de Montréal, contrairement à Québec, il existe plusieurs hôpitaux non universitaires pouvant être intégrés dans des instances locales. Toutefois, le regroupement des CLSC de Montréal, de même que celui des CHSLD, se sont conjointement opposés à tout modèle de RLS incluant des CH. Le consensus autour de cette position était solide puisqu’un seul des 29 CLSC a soutenu l’idée d’une fusion avec le CH de son secteur. Ceci dit, le regroupement des CLSC a rapidement constaté qu’une opposition complète à la réforme serait stérile et qu’il valait mieux proposer à l’Agence un compro-mis sur les modalités d’opérationnalisation de la réforme. Leur position sera étayée dans un mémoire intitulé « Option Communautés Santé » qui propose, à l’instar de la situation à Québec, que les instances locales ne soient constituées que de CLSC et de CHSLD fusionnés. Cette proposition, très pro-fessionnelle dans sa forme et programmatique dans son contenu, s’appuie sur des analyses chiffrées nettement plus sophistiquées que celles produites par les autres groupes. Présentant un argumentaire sur les niveaux de soins et les philosophies d’intervention, la proposition inclut aussi un découpage sous-régional des territoires de RLS qui est le fruit d’un travail de négocia-tion interne entre CLSC. Assez vite, les CLSC doivent toutefois convenir que la stratégie n’ébranle pas l’Agence qui retient le découpage des territoires pro-posé, mais intègre, partout où ils existent, les CH de quartier. Dès lors, l’asso-ciation des CLSC adopte une stratégie de confrontation utilisant tous les vecteurs possibles pour forcer l’Agence à exclure les CH des instances locales. Toutefois, ni les contacts directs avec le sous-ministre, ni les sorties dans les médias, ni le support des députés de l’opposition parlementaire et des syndicats, ni les contacts avec le président du CA de l’agence ne per-mettront à cette proposition d’être acceptée.

Hormis l’opposition des CLSC, un certain nombre d’établissements ont aussi revendiqué, sur une base individuelle, leur exclusion des instances locales. Nous avons étudié plus particulièrement les CHSLD à vocation cul-turelle (chinois, polonais et juif), les CH St. Mary et Santa Cabrini ainsi que l’Institut de gériatrie qui ont réussi, après plus ou moins d’efforts, à obtenir que l’Agence propose le maintien de leur autonomie.

Ces cas présentent des points communs intéressants. Premièrement, seul l’argument culturel ou linguistique a été l’objet d’une quelconque couver-ture médiatique, le traitement médiatique allant dans le sens d’un appui à une autonomie de ces institutions. Deuxièmement, toutes ces institutions ont utilisé simultanément différents vecteurs et plusieurs registres d’argu-mentation. Par exemple, l’hôpital St. Mary justifiait simultanément sa demande d’exclusion par des motifs juridiques, linguistiques, historiques, et techniques. L’importance relative accordée à chaque registre était bien évi-demment variable selon les atouts et les caractéristiques de chaque acteur. Ainsi, tandis que l’hôpital Santa Cabrini insistait sur le volet culturel italo-phone, l’hôpital St. Mary jouait les différents registres de manière plus équilibrée. De plus tous ces acteurs sont intervenus auprès de députés de leur comté ou d’autres comtés, dont l’appui semblait acquis. Notons cepen-dant une différence : seuls l’hôpital St. Mary et l’Institut de gériatrie ont pu compter sur l’appui, respectivement, des facultés de médecine des univer-sités McGill et de Montréal.

Si les arguments programmatiques sont centraux pour légitimer la réforme au niveau provincial, il est notable que peu d’acteurs ont inscrit leurs représentations respectives sur ce même registre en rapport avec la mise en œuvre locale. À l’exception des CLSC, toutes les institutions étudiées ont ainsi réussi à obtenir que l’Agence modifie ses intentions initiales pour tenir compte de leurs préférences.

Troisième cas : Chaudière-Appalaches (territoire des Etchemins)

Dans la région de Chaudière-Appalaches, la mise en œuvre de la Loi 25 se caractérise par le vaste mouvement d’opposition observé sur le territoire local des Etchemins; il a réagi à la recommandation de l’Agence qui propo-sait de fusionner le Centre de santé des Etchemins avec les établissements de la Beauce.

C’est le maire de Lac-Etchemin qui est la « bougie d’allumage » de ce mouvement de contestation. En plus d’être à l’origine de la mobilisation de la population, il parvient à obtenir l’appui du conseil des maires de la MRC et agit en tant que porte-parole des contestataires. L’implication d’élus munici-paux met en lumière les enjeux socio-économiques de la fusion du Centre de santé : la perte du contrôle de l’établissement local viendrait s’ajouter à une série de pertes importantes qui ont marqué le territoire des Etchemins au cours des dix années précédentes. Dénonçant dans les journaux ce qu’ils ont perçu comme un manque d’ouverture de la part de l’Agence et son piètre processus de consultation, les représentants du monde municipal et du Centre de santé forment une coalition afin d’élaborer une stratégie de mobilisation. De son côté, l’Agence ne partage pas cet avis et met en évidence l’étendue et la diversité des méthodes employées pour consulter la population et les intervenants du secteur sociosanitaire.

À l’initiative des élus municipaux, une campagne d’envoi de lettres indiv-iduelles écrites à la main, signées par les citoyens et destinée au ministre est mise en branle. La coalition sollicite également l’appui de la députée libérale de la circonscription. Pour la convaincre de porter le dossier auprès du ministre, sa « réélection » est évoquée en faisant référence à la capacité de mobilisation citoyenne démontrée sur le territoire. En cinq jours, la députée parvient à obtenir une rencontre avec le ministre. Puisant dans les arguments développés par les organisateurs communautaires du territoire, la DG intérimaire du Centre de Santé des Etchemins tente de démontrer au ministre que la fusion proposée entre en contradiction avec les objectifs de la Poli-tique nationale de la ruralité. Ces arguments semblent avoir porté puisque, quelques jours plus tard, le ministre annonce qu’il modifie la recommanda-tion de l’Agence et crée un cinquième RLS pour le territoire des Etchemins.

Quatrième cas : Laurentides (territoire des Pays-d’en-Haut)

Tout comme dans les Etchemins, la mise en œuvre de la Loi 25 dans la région des Laurentides est marquée par l’opposition musclée du territoire des Pays-d’en-Haut aux projets de l’Agence qui proposait la fusion du CLSC-CHSLD des Pays-d’en-Haut aux établissements de la MRC voisine. Les dirigeants de l’établissement mobilisent tout d’abord les milieux commu-nautaires et socio-économiques de la région afin qu’ils participent aux séances de consultations organisées par l’Agence. Malgré une réussite impressionnante sur ce plan et les nombreux appuis favorables exprimés lors des consultations, l’Agence décide quand même de recommander la fusion du CLSC-CHSLD des Pays-d’en-Haut au sein d’un plus grand RLS.

L’établissement dirige ensuite ses efforts vers le ministre. Avocat à la retraite, le président du CA opte pour une stratégie judiciaire. À titre de représentant des Laurentides au sein du CA de l’Association des CLSC-CHSLD du Québec, il parvient à convaincre ses homologues de demander un avis légal sur la Loi 25. Il souhaite ainsi faire reconnaître le CLSC-CHSLD des Pays-d’en-Haut comme une instance locale à part entière. L’avis formulé ne lui donne cependant pas raison, ce qui ne l’empêche pas d’affirmer qu’il s’adressera quand même aux tribunaux en cas d’une éventuelle fusion forcée. L’appui du député péquiste de la circonscription est également sollic-ité. Ce dernier rencontre le ministre à plusieurs reprises et le questionne en chambre. Fait à noter, une fois la proposition de l’Agence transmise, les représentants du CLSC-CHSLD des Pays-d’en-Haut n’ont jamais rencontré le ministre dans le but de l’influencer, le député ayant pris le dossier en main. Le ministre modifiera finalement la recommandation de l’Agence des Lau-rentides et officialisera la création d’un RLS correspondant au territoire des Pays-d’en-Haut.

Discussion

La majorité des travaux sur les groupes d’intérêt portent sur des groupes qui tentent d’influencer les TCP à partir de l’extérieur de l’appareil étatique. Des analyses existent aussi sur le lobbying intra-gouvernemental où des com-posantes de l’État tentent d’influencer d’autres composantes de ce même État.43 Les cas analysés ici se situent à la frontière de ces deux univers. Certains des acteurs, comme les agences, font clairement partie de l’appareil étatique; d’autres, comme les associations d’établissements ou les syndicats, se situent nettement à l’extérieur de ses limites; finalement quelques-uns comme les CH se retrouvent plutôt à la frontière. Par ailleurs, comme il fallait s’y attendre, des TCP ont agi comme représentants d’intérêts donnés tandis que d’autres ont été la cible de leurs représentations. Il est tout de même intéressant de noter qu’aucun des acteurs ayant cherché à influencer la mise en œuvre de la Loi 25 ne correspond à la définition que la Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme44 donne d’un lobbyiste.

Au départ, nous avons choisi d’interpréter les relations de lobbying en référence à un échange d’informations à partir du modèle proposé par Mil-brath. Nous avons alors apporté un certain nombre de précisions sur les car-actéristiques générales de ce type de relations. Nous avons aussi signalé que divers facteurs interviennent; ils déterminent la nature et la qualité des informations qui font l’objet de transactions et tractations et influencent le choix des stratégies décidées par les parties qui participent à ces opérations. Nous voulons maintenant voir comment et dans quelle mesure ces propositions conceptuelles et théoriques viennent éclairer la mise en œuvre de la Loi 25.

Cet exercice d’évaluation gagne en pertinence dans la mesure où on retient que la mise en œuvre de la Loi 25 se décompose en deux étapes prin-cipales déjà identifiées lors de la mise en contexte : une première, de janvier à avril, qui se révèle de nature plus administrative, et une deuxième qui, couvrant les mois de mai et juin, s’appuie sur des logiques plus proprement politiques. C’est dans ce cadre d’action que nous examinons successivement la nature et le statut des acteurs engagés dans cet épisode particulier d’une politique publique, le contenu des communications ainsi que leurs formes, révélées par les stratégies retenues par ces acteurs.

Nature et statut des acteurs

À un premier niveau, nos analyses montrent que les acteurs ne sont pas égaux dans l’échelle de l’influence. Certains partenaires dans la gestion, comme les CHU, jouissent d’un accès privilégié auprès des décideurs clés. D’autres, comme les facultés de médecine ou les réseaux universitaires intégrés de santé (RUIS) exercent une influence déterminante.45 On ne pouvait tout simplement pas ignorer leur rôle actuel et futur dans le fonctionnement des agences. Du fait que leur refus de coopérer créerait d’importantes zones d’incertitude,46 ces acteurs se révèlent centraux aux yeux des TCP : même s’ils ne peuvent à coup sûr imposer leurs vues, il est pratiquement impossible de les ignorer. À l’opposé, se trouvent des acteurs périphériques qui n’ont qu’un accès indirect ou limité aux décideurs clés. Leur faiblesse relative vient du fait que leur maîtrise restreinte du champ d’intervention ne les autorise pas vraiment à brandir une menace crédible à l’endroit du TCP visé; du moins apparaît-il évident qu’ils ne contrôlent qu’imparfaitement l’issue des scénarios évoqués. C’est la situation observée quand les représentants des Etchemins « forcent » la collaboration de la députée en proférant des menaces touchant sa réélection.

Cette distinction entre acteurs centraux et acteurs périphériques contribue à expliquer comment des discours peuvent se révéler performatifs – cela va arriver ou ne pas arriver parce que je le veux! – alors que d’autres ne font qu’y prétendre en empruntant des tonalités apparentées à des discours fatalistes – cela va arriver ou ne pas arriver parce que cela est inévitable ou probable. Il est vraisemblable que l’effet de conscientisation du TCP aux mêmes conséquences soit extrêmement différent d’un cas à l’autre. Dans ces conditions, les acteurs périphériques doivent trouver des moyens susceptibles de maximiser l’efficacité de leurs communications avec les TCP. Dans un cadre où les TCP sont de toute façon appelés à arbitrer parmi des intérêts en com-pétition,47 ces acteurs peuvent accroître leurs chances auprès de ces TCP. Ils peuvent le faire en adaptant le contenu et la forme de leurs communications. Soit en développant des stratégies qui peuvent, entre autres, se traduire en sollicitation d’appuis de la part d’acteurs centraux qui joueraient un rôle intermédiaire en relayant eux-mêmes les revendications, soit en ouvrant les voies d’une communication directe présumée plus efficace.

Nos observations s’opposent à certaines conclusions d’autres études importantes qui posaient l’absence d’influences déterminantes de la part d’acteurs centraux (core actors) au sein des systèmes de lobbying.48 Nos analyses vont toutefois dans le même sens que d’autres travaux menés dans la foulée de ceux de Alford49 qui s’était inspiré des propositions analytiques de Brachrach et Baratz.50 Ces travaux consacrés à l’analyse plus spécifique des systèmes de santé ont couramment établi l’existence de tels acteurs centraux dans l’évolution de ces systèmes.51

Contenu et forme des communications

Au premier regard, la nature et le statut des acteurs semblent avoir été déter-minants dans le choix des stratégies utilisées. Une description sommaire des actions privilégiées amène à identifier deux types principaux de conduites. D’une part, des conduites plus discrètes, apparemment axées sur la coopéra-tion, ont été retenues principalement par les acteurs centraux du système (facultés de médecine, CHU, AHQ, etc.). Elles ont ainsi donné lieu à des échanges privilégiés, quasi exclusifs entre les porte-parole de ces institutions et certains TCP (principalement au niveau des hauts fonctionnaires des agences et du MSSS); caractéristiques de l’exercice d’un direct lobbying. D’autre part, des actions d’opposition, de caractère plus ou moins public, ont mis en scène les positions défendues notamment par les CLSC à Montréal, par divers groupes dans les Pays-d’en-Haut et aux Etchemins. Les comportements ainsi observés sont, eux, du domaine d’un indirect lobbying qui vise –dans la perspective décrite par Herbst52 – à modifier les positions des TCP en faisant appel au public et aux médias, ou en tentant de constituer des alliances avec d’autres acteurs du système. Ce lobbying indirect a eu un effet chez des députés qui ont fait part de leurs préoccupations aux TCP visés.

Condition minimale pour l’exercice d’un lobbying direct, l’accès privilégié aux TCP par des voies de communication confère normalement un avantage indiscutable aux acteurs centraux d’un système. En outre, le fait de connaître son interlocuteur dans la relation de lobbying offre des conditions favorables à un contenu et une forme de communication plus appropriés. Nos analyses montrent que les acteurs centraux du système étudié ont limité leurs interventions à des communications directes et ont généralement développé des argumentaires de teneur programmatique. Signalons néan-moins que l’emploi de stratégies de nature indirecte n’est pas théoriquement exclu pour ces acteurs centraux. Dans le concret de l’action, le choix est fonc-tion de plusieurs facteurs,53 au premier chef, l’évaluation de l’efficacité potentielle des modes d’intervention retenus54 mais aussi le besoin estimé.

En revanche, c’est justement en fonction de ce besoin que, devant les pos-sibilités plus restreintes d’accès direct, les acteurs périphériques ont retenu l’option de lobbying indirect. Par exemple, la présidente de l’association des CLSC déplorait ne pouvoir communiquer avec l’Agence de Montréal qu’à l’occasion de la période de questions publique lors du CA mensuel. Ce lobbying indirect a pris la forme d’une mobilisation importante de la population dans le cas des Etchemins et de certaines interventions médiatiques dans ce même cas et celui des Pays-d’en-Haut. Par ailleurs, dans tous les cas étudiés, de nombreux acteurs ont obtenu le soutien d’acteurs centraux, le plus souvent dans des rôles d’intermédiaires auprès des TCP. Ainsi a-t-on vu la Faculté de médecine de l’université McGill soutenir la cause de l’hôpital St. Mary à Montréal. Les députés ont aussi été appelés à prendre parti soit en appuyant la position d’acteurs ou groupes spécifiques comme l’hôpital Santa Cabrini à Montréal, le Centre de santé des Etchemins, la communauté anglophone de Québec et le CLSC-CHSLD des Pays-d’en-Haut, soit en facilitant l’accès direct au ministre comme ce fut le cas pour le Centre de santé des Etchemins et celui de la Haute-Saint-Charles. Pareils soutiens ont semblé avoir un effet crucial sur l’issue des démarches des acteurs concernés. L’échec notable du Centre de santé de la Haute-Saint-Charles signale toute-fois que le résultat de telles interventions ne fut pas automatique. D’autres facteurs de nature politique s’ajoutent à l’explication.

Pragmatisme et sensibilité politique

L’ensemble du processus de mise en œuvre de la Loi 25 est caractérisé par le pragmatisme des TCP et une grande sensibilité aux pressions politiques. Cette loi, rappelons le, a bénéficié d’un appui général quant à ses objectifs, mais elle a aussi été marquée d’un notable déficit de soutien aux moyens mis de l’avant. Dans pareil contexte, le succès de la mise en œuvre de la Loi tenait à deux conditions. Tout d’abord, il apparaissait désirable que la discussion sur les objectifs de la réforme et, surtout, sur ses modalités d’appli-cation reste limitée aux acteurs internes du réseau sans provoquer un débat ouvert dans la société. Une telle situation aurait sans doute apporté de l’eau au moulin des acteurs qui désiraient des modifications dans l’application de la Loi. Elle aurait ainsi placé les TCP dans une position politique délicate, particulièrement dans nos sociétés où la réclamation est devenue l’archétype des conduites politiques – culture of complaint, pour reprendre les termes de Scammel.55 Il y aurait eu alors risque que l’opposition à la Loi se généralise jusqu’à ses principes. On s’explique ainsi le pragmatisme des responsables de la mise œuvre de la Loi qui voulaient éviter que des oppositions limitées ou des demandes de modification dégénèrent et étendent le débat.

La seconde condition de réussite était de trouver des compromis permet-tant de prévenir une potentielle opposition d’acteurs centraux. Cette préoc-cupation, déjà observée dans des contextes similaires,56 a inspiré un certain nombre de compromis dans le processus de mise en œuvre. Ainsi, pour les concepteurs de la Loi, l’inclusion d’un CH au sein des instances locales représentait un élément fondamental de cohérence entre les objectifs de la Loi et les moyens proposés lors de sa mise en œuvre. Toutefois, a-t-on pu observer, la réalisation de cet élément a été à plusieurs reprises subordonnée à des logiques politiques. En pratique, les agences et le MSSS ont capitulé devant les facultés de médecine et les CHU à Québec qui résistaient juste-ment au projet d’intégration des CHU au sein des instances locales. Des com-promis localisés étaient le prix à payer pour sauver la réforme dans son ensemble.

Le poids relatif des considérations programmatiques – correspondant à une rationalité technique – et des intérêts politiques dans le processus de mise en œuvre est précisément au cœur de notre analyse. À première vue, il semble bien que les acteurs qui, comme dans le cas du Centre de santé de la Haute-Saint-Charles à Québec et l’Association des CLSC de Montréal, ont opté principalement pour un registre technique d’argumentation ont échoué dans leurs efforts d’infléchir un certain nombre d’orientations des agences ou du MSSS. Par contre, il serait abusif de conclure que les considérations programmatiques ont été systématiquement évacuées des démarches et représentations d’intervenants qui réclamaient des changements ou des exemptions. Par exemple, l’hôpital St. Mary a préparé un dossier de nature technique en appui à ses demandes, mais on sait par ailleurs que l’appui de l’université McGill et l’identification de l’établissement à la communauté anglophone expliquent mieux la décision de ne pas l’intégrer à une instance locale.

En bref, il semblerait bien ressortir de nos analyses que les considérations politiques ont largement dominé tout au long du processus de mise en œuvre de la Loi 25. La prise en compte d’une dimension temporelle dans le processus de mise en œuvre inspire des conclusions plus en nuances. Comme nous l’avons signalé au stade de la mise en contexte, le processus peut en effet se diviser en deux moments distincts. Tout d’abord, la période du 1er février au 30 avril se caractérise par une primauté de la rationalité technique qui, faute de dominer absolument le déroulement des discussions, laisse tout de même beaucoup de place aux intérêts politiques. Puis, du 1er mai au 30 juin, on remarque des interventions qui, devant des situations de blocage, puisent au répertoire du lobbying indirect et du patronage et qui, à l’exception du Centre de santé de la Haute-Saint-Charles, démon-trent une volonté d’étouffer toute opposition de couleur politique.

Il faut bien nous entendre … Durant ce que nous pourrions appeler le temps administratif (première période), les intérêts politiques ont dicté plu-sieurs décisions de la part des agences et, surtout, du MSSS. Mais les acteurs insatisfaits de la mise en œuvre, qu’ils soient centraux ou périphériques, durent inscrire leurs représentations dans une logique programmatique, comme les y contraignaient les règles du jeu définies par la Loi : la procé-dure consultative minait d’emblée la légitimité de démarches qui auraient eu des allures de protestation politique. Il était ainsi quasi fatal que les modes d’intervention soient limités à ceux propres au lobbying direct. À ce jeu, les acteurs internes ont eu un net avantage. D’un autre côté, certains acteurs dits périphériques ont pu enregistrer certains gains, grâce non seule-ment à des alliances avec des acteurs centraux, mais aussi à des concessions de caractère politique consenties par les concepteurs de la réforme ou les responsables au plus haut niveau de sa mise en œuvre. La préservation des principaux objectifs exigeait des compromis qui, sans être secondaires, n’en menaçaient pas l’essence. Par contre, certaines situations de blocage, con-statées à la fin de ce temps administratif, appelaient, dans le temps propre-ment politique ouvert après le 30 avril, des interventions d’une tout autre nature. Pour défendre leurs intérêts et positions, les acteurs placés dans pareille situation ont en effet dû recourir à un lobbying indirect, parfois musclé, au point de s’apparenter au patronage comme dans le cas des Etchemins; ou encore appuyé de menaces de recours judiciaires telles qu’observées dans le dossier des Pays-d’en-Haut. Dans ces conditions, le ministre trouva inutilement onéreux, politiquement parlant, de défier ces forces mobilisées pour imposer le respect des recommandations que lui avaient acheminées les agences concernées. Par contraste, il est pertinent de signaler l’échec du DG du Centre de santé de la Haute-Saint-Charles qui, à cause de son statut d’ancien sous-ministre, avait apparemment estimé superflu de recourir à des pressions carrément politiques pour renforcer son accès privilégié au ministre.

En somme, le contenu du message véhiculé est un élément crucial de tout effort de lobbying. Par ailleurs, la portée effective de ce message dépend, dans une large mesure, de l’évaluation qui est faite par le lobbyiste de ce qui constitue un message significatif pour le TCP. Dès lors, le sentiment d’une issue marquée d’incertitude influencera le TCP tout autant, sinon plus, que le contenu propre de la communication. Le processus de mise en œuvre de la Loi 25 a signifié que la rationalité technique ayant inspiré ladite Loi a été nettement subordonnée à des intérêts de nature politique. Nos cas l’illus-trent éloquemment.

Conclusion

À un premier niveau, notre analyse des processus décisionnels entourant la mise en œuvre de la Loi 25 indique de manière assez évidente qu’une réforme de cette envergure est, et reste, avant tout un exercice politique. Au-delà des appels à la dépolitisation du système et en dépit de la nature technique des objectifs poursuivis, le processus de mise en œuvre a été soumis à des impératifs et des logiques proprement politiques. Cette observation peut sembler relever de l’évidence, surtout en rapport avec le palier provincial de décision. Notre analyse montre que les mêmes préoccupations se retrouvent aux paliers régional et local de l’action. Notre travail fait ressortir, au-delà des contingences et des spécificités locales, que les modes de fonctionne-ment sont similaires d’un palier à l’autre et entre les régions. Dans tous les cas, en fonction des conditions qui prévalent à chacun des deux grands moments de la mise en œuvre de la Loi 25, les considérations politiques au sens employé par Peterson57 marquent le processus décisionnel et relèguent parfois les considérations programmatiques au second plan. Les dossiers analysés font voir que face à des facteurs tels la maîtrise d’un capital de con-trepoids ou l’accès privilégié à des canaux de communication, la validité programmatique des arguments utilisés peut devenir secondaire, voire anecdotique.

À un second niveau, il est intéressant de constater que les modèles con-ceptuels et analytiques développés pour rendre compte des pratiques d’influence dans les systèmes politiques nationaux peuvent – et à notre avis doivent – être utilisés pour analyser l’action des institutions du secteur sociosanitaire dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques pub-liques de santé. Les politiques publiques sont une source importante de perturbations dans l’environnement organisationnel de ces institutions. Dès lors, ces dernières sont incitées à mobiliser une partie de leurs ressources pour influencer ces politiques conformément à leurs préférences. Ainsi, elles vont s’adonner à des pratiques qui ont toutes les caractéristiques constitutives du lobbying. Dans ces conditions, il nous apparaît tout à fait pertinent d’emprunter aux cadres analytiques développés; ceci pour rendre compte généralement des pratiques d’influence politique et pour les appliquer aux processus observés autour de ces institutions. Les législations et réglementa-tions relatives au lobbying n’y prêtent pas ou peu attention. Il est toutefois révélateur que les gouvernements et organismes municipaux ont de plus en plus de visées à cet égard.

En terminant, rappelons que ces conclusions ne se veulent en aucun cas un jugement de valeur sur la qualité des processus décisionnels étudiés. La prédominance du politique sur le programmatique ou le recours à des stratégies d’influence ne déterminent pas en eux-mêmes la qualité d’un pro-cessus ou ses résultats. Tout système organisationnel, réglementaire et poli-tique structure les choix et les comportements des acteurs qui y participent. Notre analyse d’un ensemble spécifique d’actions au sein du système sociosanitaire québécois oblige à noter que ce dernier est un système haute-ment politique.

Contributor Information

D. Contandriopoulos, Département d’administration de la santé et Groupe de recherche interdisciplinaire en santé à l’université de Montréal

Raymond Hudon, Département de science politique à l’université Laval, Québec.

Elisabeth Martin, Centre d’analyse des politiques publiques (CAPP), Département de science politique/Département de médecine sociale et préventive à l’université Laval, Québec.

Daniel Thompson, Centre d’analyse des politiques publiques, Département de science politique à l’université Laval, Québec.

Notes

  • 1.Ce projet a été rendu possible, d’une part, grâce à une subvention des IRSC (Hudon R, Contandriopoulos D, Forest P-G. Analyse des modes d’influence et des stratégies des groupes d’intérêts (lobbies) dans l’élaboration des politiques publiques de santé au Québec. . Subvention No 117003) et, d’autre part, grâce à une bourse postdoctorale des IRSC (Contandriopoulos D. Analyse de l’influence et des stratégies des groupes d’intérêts (lobbies) dans l’élaboration des poli-tiques publiques de santé au Québec. . Core program fellowship).
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  • 11.Cette observation s’appuie sur des données recueillies au moyen de dizaines d’entrevues et de centaines d’observations non participantes dans quatre CSSS situés dans deux régions dans le cadre d’un projet de recherche qui porte spécifiquement sur la mise en œuvre organ-isationnelle et clinique des CSSS : Denis J-L, Contandriopoulos D, Dubois CA, Fulop N, Lamothe L, Langley A. Governing change and changing governance in health care systems and organizations. , projet financé par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC–CIHR).
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