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. 2013 Nov;59(11):1156-1157. [Article in French]

Définir et mesurer une approche palliative en soins primaires

Joshua D Shadd 1,, Fred Burge 2, Kelli I Stajduhar 3, S Robin Cohen 4, Mary Lou Kelley 5, Barbara Pesut 6
PMCID: PMC3828087

Les statistiques les plus fréquemment mentionnées à propos des soins palliatifs au Canada, reprises dans de nombreuses publications des décideurs1, des politiciens2, des universitaires3, des intervenants4 et des grands médias5 canadiens, indiquent que seulement 16 à 30 % de ceux qui en ont besoin reçoivent des soins palliatifs6. Bien sûr, cette affirmation est trompeuse puisqu’elle sous-entend que tous les Canadiens en fin de vie devraient être soignés par des équipes spécialisées en soins palliatifs. La perception généralisée est que le rôle des soins primaires dans la prestation des soins palliatifs est à la fois mineur et en déclin, et que le système devrait réagir en formant des réseaux de soins palliatifs spécialisés pour s’occuper de ces patients de plus en plus nombreux.

Mythe des 16 %

En réalité, les médecins de famille fournissent la majorité des soins médicaux aux patients en fin de vie qui résident dans la communauté7,8. Alors, si nous savons que des équipes de soins primaires dispensent des soins palliatifs à la plupart des patients des collectivités, pour-quoi le mythe des 16 % est-il si généralisé? La confusion vient du fait que l’expression soins palliatifs est utilisée à la fois pour décrire une approche en matière de soins et une équipe de soins spécialisée. En tant qu’approche, les soins palliatifs envisagent la mort comme un événement normal de la vie; on insiste sur une bonne communication et sur la clarification des objectifs des soins, et on se concentre sur la qualité de vie, y compris la prise en charge des symptômes. Par ailleurs, l’expression est aussi utilisée pour désigner les personnes spécialement formées dont le travail porte exclusivement sur cette population de patients. À titre de médecins de famille, nous reconnaissons que tous les patients atteints de maladies possiblement mortelles devraient recevoir des soins dits palliatifs en tant qu’approche, mais ces soins ne doivent pas être nécessairement fournis par des médecins ou des équipes spécialisés. La continuité des soins qu’offrent les médecins de soins primaires est valorisée par les patients en soins palliatifs9,10 et est rentable pour le système11.

Si nous pouvons si facilement expliquer cette distinction entre les soins palliatifs en tant qu’approche et les soins palliatifs à titre de discipline, pourquoi le mythe des 16 % persiste-t-il? L’une des raisons se situe dans notre échec à décrire clairement la contribution que les soins primaires peuvent et devraient apporter et qu’ils apportent effectivement dans le traitement des patients ayant des besoins palliatifs. Pour ce faire, nous devons définir dans les termes les plus concrets possibles, ce que comporte exactement une approche palliative en soins primaires. Que signifie donner l’accès à des soins palliatifs dans nos pratiques de soins primaires? Nous devons être capables de reconnaître et de jauger la mesure dans laquelle nos systèmes de soins primaires répondent aux besoins en soins palliatifs des patients. Il se peut que seulement 16 % à 30 % des Canadiens en fin de vie soient desservis par des équipes spécialisées en soins palliatifs, mais ne serait-il pas mieux de se demander quel est le nombre de Canadiens dont les besoins en soins palliatifs sont adéquatement satisfaits? Et, plus précisément pour nous, médecins de famille, combien y a-t-il de Canadiens dont les besoins en soins palliatifs sont adéquatement satisfaits en soins primaires?

Assurer une approche palliative en soins primaires

En réalité, le seul fait d’avoir un professionnel des soins primaires ne garantit pas l’accès à une approche palliative en soins primaires. Nous connaissons tous quelques médecins de famille qui ne prescriront des opioïdes en aucune circonstance, qui ne font pas de visites à domicile et sont incapables d’offrir des soins après les heures de bureau au-delà d’un message téléphonique conseillant aux patients de se rendre à l’urgence la plus proche. Pour répondre aux besoins en soins palliatifs d’une personne, il faut que les soins répondent réellement à ces besoins, autrement dit, des soins qui se conforment à une approche palliative. Bien qu’il n’existe pas de définition formelle de l’approche palliative en soins primaires, l’idée de base, c’est que les équipes interprofessionnelles de soins primaires, quel que soit le milieu des soins, doivent disposer des compétences, des ressources et des processus nécessaires pour reconnaître, évaluer et prendre en charge les besoins en soins palliatifs en temps opportun (24 heures par jour, 7 jours par semaine) en milieu communautaire (cabinet, domicile ou centre de soins de longue durée).

Faire en sorte que les patients aient accès à une approche palliative en soins primaires ne veut pas dire adopter une politique uniforme, s’attendre à ce que chaque équipe de soins primaires offre un panier identique de services dispensés exactement de la même manière. L’accès à une approche palliative en soins primaires n’a pas besoin d’être monolithique, mais il doit être universel12. Nous ne sommes pas obligés de faire les mêmes choses de la même manière, mais devraient adopter une même approche des soins palliatifs tous les professionnels de la santé qui s’occupent de patients vivant avec des maladies potentiellement mortelles.

Cette conversation ne concerne pas seulement la médecine familiale. L’argument n’est pas que nous, en tant que médecins de famille, sommes ceux qui doivent répondre à tous les besoins de chaque patient. L’accès à une approche palliative en soins primaires exige que, dans chaque milieu de soins primaires (cabinets de médecins, organisations de soins à domicile, centre de soins de longue durée et autres), les professionnels de toutes les disciplines (médecins de famille, infirmières, infirmières praticiennes, pharmaciens, travailleurs en soutien personnel, paramédicaux, travailleurs sociaux et autres) aient et mettent en application les connaissances, les compétences et les attitudes voulues en soins palliatifs de base, qui s’appliquent à leur discipline. Il ne faut pas seulement de la formation13, mais aussi une infrastructure, un environnement politique et une culture de prestation des soins qui facilitent une approche palliative en soins primaires. Une telle approche nécessite aussi un soutien approprié des spécialistes pour les patients dont les besoins sont complexes. Des soins palliatifs de grande qualité, comme des soins de maternité ou de santé mentale de qualité supérieure, dépendent de la coopération et de la coordination entre les équipes de soins primaires et celles des spécialistes consultants.

Conclusion

Les Canadiens aux prises avec des maladies limitant l’espérance de vie s’attendent à ce que leurs professionnels des soins primaires répondent à leurs besoins en soins palliatifs. Il nous incombe de démontrer que nous répondons à cette attente. Pour assurer que nos patients bénéficient d’une approche palliative en soins primaires, nous devons la définir, la décrire, la soutenir, l’enseigner et la mesurer. La contribution des soins primaires répondre aux besoins des Canadiens en fin de vie est déjà appréciée par ces patients et leur famille, mais ce n’est que lorsque nous la mesurerons que notre rôle dans le système des soins palliatifs sera reconnu par nos collègues et pris en compte de manière appropriée par les planificateurs du système. Alors seulement pourrons-nous dissiper le mythe des 16 %.

Nos patients méritent d’avoir accès à une approche palliative en soins primaires. Rendons-la explicite. Faisons en sorte qu’on s’y attende et qu’elle se matérialise.

Acknowledgments

Tous les auteurs sont membres de PINNACLE (Primary Healthcare Innovations for People with Advancing Chronic Life-Limiting Conditions); l’équipe de PINNACLE a reçu un soutien financier des Instituts de recherche en santé du Canada pour son programme de recherche.

Footnotes

Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.

This article is also in English on page 1149.

Intérêts concurrents

Aucun déclaré

Les opinions exprimées dans les commentaires sont celles des auteurs. Leur publication ne signifie pas qu’elles sont sanctionnées par le Collège des médecins de famille du Canada.

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