Résumé
Si la hernie inguinale est une pathologie fréquente en chirurgie digestive, elle touche rarement la vessie. La hernie vésicale ne se manifeste généralement par aucun signe particulier, et son diagnostic est le plus souvent peropératoire, parfois même postopératoire lors de l’apparition de complications. Le traitement est chirurgical ; il consiste à réintégrer la partie herniée et à réaliser une pariétorraphie. Le présent article fait état de l’observation médicale d’un patient présentant une hernie vésicale de découverte peropératoire.
Introduction
La hernie inguinale est une pathologie fréquente en chirurgie digestive. Elle se traduit par le passage du contenu abdominal ou pelvien à travers un défaut de la paroi abdominale ou le canal inguinal. Elle résulte à la fois d’une faiblesse de la paroi abdominale et d’une élévation de la pression intraabdominale, l’obstruction prostatique étant le plus souvent en cause chez le sujet âgé.
Il est rare qu’une hernie inguinale touche la vessie. Le cas échéant, aucun signe clinique ne permet généralement de la déceler. Le cas suivant fait état d’une hernie vésicale de découverte peropératoire.
Observation
Un patient âgé de 62 ans s’est présenté en consultation de chirurgie viscérale en raison de l’apparition, quelques mois auparavant, d’une hernie inguinale droite. Il ne possédait aucun antécédent pathologique notable. En l’interrogeant sur son état de santé, le médecin a découvert d’importants troubles de vidange vésicale de type dysurie (jet fin et interrompu, gouttes retardataires), des troubles de remplissage de type pollakiurie (trois réveils nocturnes par nuit) et de l’impériosité mictionnelle. Mis à part une hernie inguinale droite, l’examen clinique a révélé, au toucher rectal, une prostate pesant 60 grammes de consistance souple et aux contours bien nets. Le bilan biologique a révélé un PSA de 3,2 ng/ml et un ECBU stérile, aucune anomalie n’ayant été décelée à la numération formule sanguine et à l’ionogramme. L’échographie abdomino-pelvienne a permis de confirmer le diagnostic de hernie inguinale sans préciser l’organe touché, en plus d’indiquer une hypertrophie prostatique à 50 grammes avec paroi vésicale épaissie et diverticule de la corne vésicale droite unique. Le haut appareil urinaire ne présentait aucune anomalie.
Un traitement par des alpha-bloquants a permis d’améliorer la symptomatologie urinaire notamment obstructive en quelques jours. On a décidé de procéder à un traitement chirurgical de la hernie inguinale avec poursuite du traitement alpha-bloqueur.
Au cours de l’exploration chirurgicale, l’ouverture du diverticule vésical faisant hernie dans le canal inguinal (lequel a été pris au départ pour un sac herniaire péritonéal) a permis d’orienter le diagnostic vers une hernie vésicale. L’épreuve du remplissage vésical à l’aide d’une sonde de Foley a confirmé cette hypothèse en raison du passage du sérum à travers le diverticule ouvert. L’intervention s’est conclue par la fermeture du diverticule au moyen de fil résorbable 2-0, sa réintégration pelvienne et la fermeture de l’orifice inguinale. Les suites opératoires ont été simples.
Une sonde vésicale a été maintenue en place pendant 10 jours après l’intervention. Une débimétrie réalisée trois mois plus tard a indiqué un débit urinaire maximal de 16 ml/s avec absence de résidus postmictionnels. Le contrôle à six mois s’est révélé satisfaisant.
Discussion
La hernie vésicale représente de 1 % à 4 % de toutes les hernies inguinales1,2 et affecte surtout les hommes âgés de 50 à 70 ans3,4. L’existence de troubles urinaires du bas appareil constitue un facteur de risque5,6 de la maladie.
Les hernies peuvent toucher une corne vésicale, un diverticule ou même l’ensemble de la vessie. Elles sont responsables d’une symptomatologie allant du simple syndrome irritatif jusqu’à l’insuffisance rénale aiguë obstructive7,8. Une miction en deux temps, facilitée par l’appui sur la vous-sure herniaire et la disparition de la hernie après la vidange vésicale, constitue un signe clinique très révélateur9,10. Or, cette pathologie reste souvent asymptomatique. De ce fait, le diagnostic est généralement peropératoire.
Dans 279 des 347 cas signalés par Watson, une hernie vésicale a été découverte pendant l’intervention chirurgicale11. Dans le cas qui nous occupe, la symptomatologie irritative a été associée à la pathologie prostatique. Aucune hernie vésicale n’a été soupçonnée à l’examen clinique.
L’imagerie préopératoire peut être d’une grande aide au chirurgien, car elle permet de consolider le diagnostic, d’orienter l’exploration chirurgicale et, par conséquent, de limiter le risque de négliger, voire de léser la vessie au cours de l’intervention chirurgicale.
L’échographie, la tomodensitométrie et la cystographie peuvent s’avérer très utiles en montrant la partie de la vessie herniée engagée dans le canal inguinal7. En l’occurrence, l’échographie n’a pas permis de préciser le contenu herniaire, la découverte ayant eu lieu pendant la phase peropératoire.
Les complications de la hernie vésicale sont essentiellement l’infection urinaire et la lithiase urinaire12. La survenue d’une tumeur vésicale intraherniaire a aussi été signalée13.
Le traitement consiste en une chirurgie de la hernie avec réintégration de la vessie. En cas de hernie importante, de diverticule vésical, de collet court ou de nécrose vésicale, la partie herniée peut être réséquée.
Chez notre patient, après confirmation du diagnostic, la résection du diverticule vésical a permis de gagner de l’espace à la suite de la suture de la paroi vésicale. Ainsi, la partie herniée a pu être réintégrée facilement au niveau pelvien. L’intervention a été complétée par une fermeture de l’orifice inguinal profond.
Ainsi, traiter une hernie vésicale, c’est avant tout savoir la reconnaître. Cela dit, la reconnaissance peropératoire d’une hernie vésicale n’est pas toujours évidente.
Dans 43 des 347 cas signalés par Watson11, le diagnostic a été posé pendant la phase postopératoire à la suite de l’apparition d’une fistule urinaire et d’une infection de la paroi pour cause de blessures non diagnostiquées à la vessie.
La hernie inguinale est une complication fréquente de l’adénome prostatique. Elle survient dans de 15 % à 25 % des cas d’adénome de la prostate14. Le traitement de l’obstruction prostatique doit être envisagé avant ou en même temps que le traitement de la hernie, car la persistance de la dysurie entraîne des risques de récidive. La présence d’une hernie inguinale ne justifie pas un traitement chirurgical de l’adénome prostatique15, qui peut être traité de façon médicale, endoscopique ou chirurgicale pendant la chirurgie de la hernie inguinale14.
En présence d’une hernie vésicale, il n’est pas établi que le traitement chirurgical de l’adénome prostatique donne de meilleurs résultats16. Bien que le traitement chirurgical de l’adénome prostatique permette une meilleure désobstruction, il pourrait exister une autre solution : un traitement médical permettant une amélioration notable des paramètres débimétriques.
Chez notre patient, l’adénome prostatique a bien répondu au traitement médical, d’où une amélioration de la symptomatologie obstructive. La surveillance clinique, échographique et débimétrique reste nécessaire.
Footnotes
Competing interests: Dr. El Anzaoui, Dr. El Harrech, Dr. Abbaka, Dr. Touiti, Dr. Lahkim, Dr. Fassi Fihri, Dr. Bakzaza, Dr. Majdane and Dr. Achour all declare no competing financial or personal interests.
This paper has been peer-reviewed.
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