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. 2014 May;19(5):266–270. [Article in French]

La gestion des antimicrobiens dans la pratique quotidienne : administrer une ressource importante

Nicole Le Saux 1,
PMCID: PMC4029231

La gestion des antimicrobiens se définit comme une série d’interventions visant à optimiser la prescription d’antimicrobiens et inclut la sélection, le dosage, la voie d’administration et la durée de la thérapie antimicrobienne pour optimiser les résultats cliniques des patients et réduire les événements indésirables qui y sont liés.(1)

À part les antimicrobiens, rares sont les médicaments qui peuvent prétendre guérir des maladies. On observe encore tous les jours les effets spectaculaires et salvateurs de la thérapie antimicrobienne sur le traitement de maladies importantes, comme la pneumonie bactérienne, la fièvre typhoïde, les infections urinaires, le sepsis et l’endocardite. Toutefois, ces effets pourraient être en péril.

Le présent document de principes vise à exposer les principes de gestion des antimicrobiens et à donner des exemples concrets pour en faire un élément de la pratique quotidienne en milieu hospitalier et en milieu ambulatoire. La nécessité de gérer les antimicrobiens s’est imposée lorsqu’on a établi que leur surutilisation accroît le risque de portage de bactéries résistantes chez les enfants et contribue à l’incidence croissante d’infections gastro-intestinales à Clostridium difficile. Parmi les exemples du lien entre la surutilisation des antimicrobiens et l’émergence d’une résistance, soulignons l’utilisation de macrolides et la résistance du Streptococcus pneumoniae, de même que l’utilisation d’ampicilline et la résistance de l’Escherichia coli.(24) De plus, des bactéries résistantes et le C difficile peuvent se répandre dans l’environnement et être excrétés d’une personne à l’autre, ce qui représente un risque pour l’ensemble de la société. La diminution des surinfections et des effets indésirables liés à l’utilisation d’antimicrobiens et les économies réalisées grâce à leur moins grande utilisation représentent d’autres avantages de la gestion des antimicrobiens pour les patients et les organisations. La prescription d’antimicrobiens pour soigner des infections des voies respiratoires supérieures non complexes, des otites séreuses chroniques, des « bronchites » ou l’utilisation empirique d’antibiotiques pour soigner la pharyngite font partie des situations fréquentes de surutilisation. Si on ne modifie pas les pratiques de prescription et qu’on ne contrôle pas l’accès aux antimicrobiens en vente libre sur la scène mondiale, il faudra s’attendre à une augmentation de la résistance antimicrobienne et à l’émergence de superbactéries qui menaceront le bien-être des populations du monde entier.

De plus, de récentes études à long terme sur les effets de la thérapie antimicrobienne sur le microbiome humain laissent croire à une association entre une thérapie antimicrobienne antérieure et l’apparition d’obésité et d’allergies.(57) Ces résultats, et d’autres encore, pourraient révolutionner notre compréhension des effets à long terme de ces médicaments sur l’hôte humain. Une meilleure gestion des antimicrobiens contribue non seulement à en préserver l’utilisation dans le traitement des infections, mais réduit également les dommages non intentionnels causés par leur utilisation malavisée. Les interventions et la gestion des antimicrobiens continueront de faire partie des pratiques organisationnelles requises dans les organisations de la santé du Canada.(8)

Pour améliorer la gestion, le prescripteur décide si le patient a vraiment besoin d’antimicrobiens et, si c’est le cas, il sélectionne celui qui est le mieux adapté, la dose, la voie d’administration et la durée du traitement, compte tenu de deux objectifs connexes : optimiser le traitement et réduire au minimum le risque d’effets indésirables. Les programmes actuels de gestion des antimicrobiens en milieu hospitalier vont de l’influence des comités sur le formulaire aux influences « persuasives » sur les prescriptions, tels les vérifications prospectives et les commentaires de pharmaciens et de médecins spécialisés en infectiologie. Cependant, il incombe à chaque prescripteur d’appliquer les mêmes principes à tous les patients, y compris en milieu ambulatoire.

Certains principes de gestion, comme l’attente vigilante ou la réduction du spectre antimicrobien, ne sont pas toujours applicables aux patients immunodéprimés ou autrement susceptibles à de graves infections (p. ex., patients présentant une asplénie ou un syndrome d’immunodéficience congénitale) ou aux nouveau-nés ou nourrissons chez qui il faut envisager une administration empirique d’antimicrobiens dans des situations cliniques où il est difficile de déterminer le foyer de l’infection.

FAIRE PREUVE DE JUGEMENT CLINIQUE ET EFFECTUER JUDICIEUSEMENT LES TESTS

Il est essentiel de faire preuve de jugement clinique, d’après l’âge du patient, ses antécédents cliniques et l’examen clinique (y compris les signes vitaux) pour déterminer la présence d’une infection et en évaluer la gravité. Lorsque les signes et les symptômes sont évocateurs d’une bactériémie, d’une méningite ou d’une autre infection grave ou au potentiel fatal, il faut effectuer les cultures nécessaires et amorcer immédiatement un traitement antimicrobien d’après les agents pathogènes potentiels. De même, le bilan septique et les cultures des prélèvements devraient être réservés aux patients dont l’infection bactérienne représente une présomption raisonnable. Dans le cadre du processus de prise en charge, il est important d’obtenir les résultats des cultures et de réévaluer la situation clinique pour rajuster ou cesser le traitement antimicrobien.

Il peut être plus difficile d’effectuer des tests en cabinet, selon l’emplacement du laboratoire ou du centre d’imagerie diagnostique le plus près. À moins qu’il soit nécessaire d’administrer des anti-microbiens immédiatement, il est raisonnable d’en retarder l’utilisation lorsque l’enfant est stable, légèrement malade et que son problème est probablement d’étiologie virale (p. ex., nourrisson ayant une respiration sifflante, fiévreux, mais autrement bien pendant la saison du virus respiratoire syncytial). Cependant, si on soupçonne une maladie virale, la prolongation ou la détérioration des symptômes devrait susciter une réévaluation, car une petite proportion de patients peut présenter une infection bactérienne secondaire.

Dans d’autres situations, il est important de confirmer une étiologie virale pour des raisons thérapeutiques ou épidémiologiques (au début de la saison de la grippe ou chez les patients hospitalisés, par exemple). Pendant la saison virale, même en milieu ambulatoire, il peut être important d’effectuer des tests rapides de la grippe chez un enfant modérément malade atteint ou non d’une pneumonie ou présentant des facteurs de risque de maladie grave avant d’entreprendre un traitement antiviral contre la grippe (p. ex., oseltamivir).

En cas de pharyngite sans symptômes viraux, il faut effectuer un prélèvement de gorge ou un test rapide de détection des antigènes pour déceler les streptocoques du groupe A, afin de confirmer une pharyngite à streptocoque. Si on demande une culture, il est raisonnable d’attendre les résultats pendant 24 heures à 48 heures avant de prescrire un antibiotique lorsque l’enfant n’est pas gravement malade. Une excellente analyse documentaire a été effectuée sur ce sujet.(9)

Lorsqu’on envisage une otite moyenne aiguë (OMA), il est capital d’obtenir un diagnostic exact (liquide derrière une membrane tympanique enflammée chez un enfant ayant d’intenses maux d’oreille). Si l’enfant a plus de six mois, est atteint d’une OMA unilatérale non compliquée et que ses signes et ses symptômes sont bénins, que le suivi est accessible et que les personnes qui s’occupent de lui en comprennent la raison, il est raisonnable de lui prescrire seulement des analgésiques et d’adopter une approche attentiste de 48 heures à 72 heures après l’apparition des symptômes, afin de vérifier si la douleur et la fièvre se résorberont. Toutefois, des symptômes persistants justifient un traitement aux antimicrobiens, car la probabilité d’une étiologie bactérienne est alors plus élevée.(10)

Dans la mesure du possible, il est également recommandé de confirmer un diagnostic de pneumonie lobaire par radiographie pulmonaire avant d’amorcer le traitement empirique.(11) Selon les études, l’évaluation clinique suscite souvent des surdiagnostics et des traitements excessifs.(12) En l’absence d’infiltrat pulmonaire ou si la radiographie évoque une bronchiolite, un suivi attentif s’impose, sans prescription d’antimicrobiens. Lorsque le foyer est cliniquement infecté et purulent, il est tout aussi important de prélever des cultures.

Dans la majorité des situations, il est plus prudent pour les patients atteints d’une maladie virale présumée ou démontrée de profiter d’un suivi rapide plutôt que de leur prescrire des antibiotiques. Pour déterminer si un processus viral ou bactérien est en jeu, le médecin se fie à son sens clinique et à l’évolution de la maladie.

TRAITER L’INFECTION, PAS LA CONTAMINATION

Les échantillons sont souvent contaminés, surtout lorsqu’il s’agit d’urine ou de plaies. Sans signes et symptômes d’infection, il est fort probable que la bactérie isolée ait simplement été présente au moment du prélèvement ou ait contaminé le prélèvement à l’arrivée au laboratoire. Pour prévenir la contamination, il faut s’assurer de prélever les échantillons d’urine correctement (par cathéter ou par mi-jet), même chez les nouveau-nés. Pour diagnostiquer une infection urinaire, certains signes d’infection (fièvre ou dysurie, ou mictions fréquentes chez les enfants plus âgés) et certaines manifestations d’inflammation en laboratoire (globules blancs, leucocyte estérase ou nitrites dans les urines) doivent être constatés, en plus d’une grande quantité d’agent uropathogène comme l’E coli.(13) En général, il n’est pas bon d’entreprendre un traitement si les cultures sont positives et qu’il n’y a pas de signes d’infection. L’évitement de cette pratique est un principe important de la gestion des antimicrobiens.

Il n’est pas judicieux d’effectuer une culture pharyngée chez une personne asymptomatique ou chez un enfant qui tousse et présente une rhinorrhée, parce que la culture démontrera seulement que le streptocoque du groupe A colonise le foyer ou y est présent sans causer d’infection. Ce n’est donc pas une raison de traiter. De même, la présence d’un Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM) isolé dans un prélèvement nasal ou rectal ne devrait pas mener systématiquement à la prise d’antibiotiques pour des besoins de décolonisation ou de traitement.

Par contre, la prophylaxie antibiotique est indiquée dans certaines situations, telles que des contacts étroits définis avec des personnes atteintes de maladie invasive causée par le méningocoque, le streptocoque du groupe A ou l’Haemophilus influenzae de type b (Hib).

PRENDRE LES ANTÉCÉDENTS DÉTAILLÉS DES EFFETS SECONDAIRES POTENTIELS DES ANTIBIOTIQUES ET, DANS LA MESURE DU POSSIBLE, CONFIRMER UNE ALLERGIE AUX ANTIMICROBIENS

Une allergie immunoglobuline (Ig)E-médiée se manifeste généralement par une urticaire, un prurit, un bronchospasme, un angiœdème ou une hypotension dans l’heure suivant l’administration du médicament. Les patients ayant une allergie IgE-médiée à la pénicilline devraient éviter les pénicillines par la suite. Cependant, le taux de réaction croisée avec une céphalosporine est extrêmement faible (2 %), même en présence d’une allergie à la pénicilline.(14) Si les antécédents sont évocateurs d’une réaction à la pénicilline IgE-médiée, un allergologue devrait effectuer des tests cutanés à la pénicilline. Si le test est négatif, la pénicilline pourra être prescrite, et « l’étiquette » d’allergie à la pénicilline pourra être retirée.(15) Un parent qui a des antécédents d’allergie IgE-médiée ne constitue pas un motif pour éviter cet antibiotique chez l’enfant.

Des antécédents de graves réactions non IgE-médiée, comme un syndrome de Stevens-Johnson ou une nécrolyse épidermique toxique attribué à un antibiotique, est une contre-indication à la future utilisation de cette famille d’antibiotiques.

Les principaux effets secondaires d’un antibiotique sont les éruptions maculopapulaires non urticariennes ou les symptômes gastro-intestinaux comme la diarrhée. Bon nombre de ces symptômes sont probablement d’étiologie virale ou découlent d’une réaction idiosyncrasique au médicament plutôt que d’une allergie. Puisqu’il ne s’agit pas d’effets secondaires IgE-médiés, on pourra administrer de nouveau cet antibiotique à l’enfant, souvent sous forme d’antimicrobien à spectre plus étroit.

EN LABORATOIRE, PRODUIRE DES ANTIBIOGRAMMES LOCAUX ADAPTÉS À L’ÂGE POUR ORIENTER LE CHOIX D’ANTIBIOTIQUES CONTRE CERTAINES INFECTIONS

Sauf dans le cas d’un traitement empirique contre la méningite ou d’autres infections au potentiel fatal, à l’égard desquelles les lignes directrices recommandent l’administration de médicaments à large spectre en attendant le résultat des cultures, l’antibiogramme local ou régional est utile. L’antibiogramme local est une compilation des profils de susceptibilité de bactéries souvent isolées, comme le S pneumoniae, le S aureus ou l’E coli, dans une région donnée. À ce titre, il est utile pour prédire la susceptibilité des bactéries. Par exemple, dans certaines régions, plus de 90 % des E coli responsables des infections urinaires chez les enfants peuvent être susceptibles à une céphalosporine de première génération, ce qui fait de cet antibiotique un choix raisonnable pour un traitement empirique en milieu ambulatoire.(16) Les profils d’antibiorésistance d’autres pays ou de populations majoritairement adultes risquent de surestimer la résistance (p. ex., la prévalence de S pneumoniae résistante à la pénicilline est plus élevée chez les adultes que chez les enfants au Canada) et favorisent l’utilisation inutile d’antimicrobiens à large spectre. De même, les agents pathogènes multirésistants sont rares chez la plupart des enfants atteints d’une infection urinaire, et les quinolones devraient être réservées aux cas de résistance confirmée d’un agent pathogène à d’autres antimicrobiens. Dans ce scénario, un traitement empirique aux quinolones est à rejeter.

ENCADRÉ 1. Dix moyens de promouvoir la gestion des antimicrobiens en pédiatrie.

  1. Toujours inscrire au dossier les signes vitaux de l’enfant, les résultats de l’examen physique et les raisons pour lesquelles un antibiotique est prescrit. Cette démarche, qui oblige le médecin à mieux réfléchir à sa décision, est très utile lorsque l’enfant est suivi par d’autres intervenants. Il est préférable de planifier un suivi clinique plutôt que de prescrire des antibiotiques aux patients qui ne sont pas très malades, mais qui sont peut-être atteints d’une infection bactérienne.

  2. Détailler le plus possible une réaction médicamenteuse présumée pour déterminer si les antécédents respectent ou non les critères d’une véritable allergie. Chez certains patients, une consultation auprès d’un allergologue peut se révéler utile.

  3. S’assurer de respecter les critères diagnostiques minimaux d’infection urinaire avant de commencer à administrer des antibiotiques. Envoyer une analyse d’urine, une microscopie des urines et une culture d’urine (par mi-jet ou prélèvement du cathéter). Les vaginites causées par le savon ou les bains moussants sont souvent confondues avec des infections urinaires chez les fillettes d’âge préscolaire.

  4. Les syndromes infectieux habituellement causés par le Streptococcus pneumoniae ou le streptocoque du groupe A (SGA) réagissent mieux à des bêta-lactamines comme la pénicilline qu’à l’azithromycine ou à d’autres macrolides (p. ex., la clarithromycine). Pour couvrir principalement le Staphylococcus aureus, utiliser de la cloxacilline (si l’enfant peut avaler des comprimés) ou de la céphalexine. Si l’enfant est très vulnérable à un S aureus résistant à la méthicilline et que les lésions sont classiques, un simple drainage peut suffire, accompagné ou remplacé par l’administration empirique de triméthoprime-sulfaméthoxazole par voie orale ou de vancomycine par voie intraveineuse en cas d’infections graves.

  5. Ne pas effectuer de culture de gorge chez les enfants qui ont des maux de gorge et des caractéristiques de rhume (rhinorrhée, toux ou raucité de la voix). Dans un tel contexte, une culture positive au SGA signifie presque toujours que l’enfant est porteur, et les antibiotiques ne lui seront pas utiles. Ne pas effectuer de culture de gorge chez les enfants qui ont terminé leur traitement de pharyngite à SGA.

  6. TOUJOURS utiliser la dose correspondant au poids et optimiser la fréquence et la durée de l’antibiothérapie pour en tirer les effets maximaux. La plupart des prescriptions d’antibiotiques en milieu ambulatoire devraient être d’une durée de cinq ou sept jours. De nombreux cas d’otite moyenne bénigne à modérée se résorbent d’eux-mêmes, sans antibiothérapie.

  7. L’ampicilline par voie intraveineuse ou l’amoxicilline orale (trois fois par jour) sont les médicaments empiriques de première intention en cas de pneumonie d’origine non nosocomiale. Si la réponse est insatisfaisante, il faut envisager les complications de la pneumonie ou d’autres diagnostics avant de changer d’antibiotique. Le traitement au macrolide doit être réservé aux présentations cliniques évocatrices d’une pneumonie à Mycoplasma ou à Chlamydia.

  8. Une radiographie pulmonaire est très sensible pour diagnostiquer la pneumonie et, dans la mesure du possible, doit être effectuée avant la prise des antibiotiques.

  9. Les enfants qui ont une respiration sifflante n’ont presque jamais besoin d’antibiotiques, parce qu’on diagnostique généralement de l’asthme chez les enfants plus âgés, et une bronchiolite virale chez les nourrissons.

  10. Il faut connaître les bactéries généralement responsables des infections en milieu ambulatoire. La plupart des infections de la peau et des tissus mous sont causées par le S aureus ou le SGA et répondent à des antibiotiques à spectre étroit comme la céphalexine. Les foyers cliniquement infectés et purulents devraient être cultivés. Les infections mineures de la peau ou de plaies peuvent être traitées par un médicament topique.

Les laboratoires régionaux devraient produire et diffuser régulièrement des antibiogrammes adaptés à l’âge à l’intention des cliniciens. De même, les médecins devraient se familiariser avec la prévalence habituelle de résistance à des agents pathogènes courants pour orienter les traitements empiriques. Les cultures devraient encore être utilisées, mais il serait probablement moins fréquent de devoir revenir à un traitement à moins large spectre.

RÉDUIRE LE SPECTRE DES ANTIMICROBIENS LORSQUE L’ORGANISME RESPONSABLE EST CONNU

Puisque la plupart du temps, le traitement initial est empirique, il incombe au médecin de revenir à un traitement à moins large spectre lorsque l’agent pathogène est susceptible à un antimicrobien à spectre plus étroit (p. ex., pour les infections urinaires), si c’est faisable. La cloxacilline ou la céphalexine (plutôt qu’une céphalosporine ou un macrolide de deuxième ou de troisième génération) est le médicament de première intention si le S aureus est susceptible à l’oxacilline. La plupart des infections respiratoires d’origine non nosocomiale sont causées par des agents pathogènes (S pneumoniae et streptocoque du groupe A) qui sont encore susceptibles aux pénicillines.

OPTIMISER LA DOSE D’ANTIMICROBIENS POUR EN TIRER LE MEILLEUR PARTI

On néglige souvent d’optimiser les doses d’antimicrobiens. Il ne faut pas choisir les antibiotiques seulement d’après le caractère pratique de la dose.(17) En général, les prescripteurs devraient toujours privilégier le seuil élevé de la posologie recommandée contre une infection précise pour traiter un enfant dont la fonction rénale ou hépatique est normale.

La capacité bactéricide de certains antimicrobiens (comme les aminoglycosides) est fonction de la dose (dose-dependent killing). D’ordinaire, elle atteint son effet maximal lorsque la dose initiale est élevée et que les doses sont espacées. Ainsi, les aminoglycosides administrés une fois toutes les 24 heures, plutôt que toutes les huit heures comme c’est habituellement le cas, sont recommandés après la période néonatale pour tous les enfants dont la fonction rénale est normale (certains centres l’utilisent également pour les nouveau-nés). Par contre, la plupart des pénicillines et des céphalosporines (bêta-lactamines) par voie orale ont une très courte demi-vie d’environ une heure. Toutefois, pour atteindre une efficacité maximale (capacité bactéricide), la quantité de bêtalactamine au foyer de l’infection doit être plus élevée que la concentration nécessaire pour inhiber l’agent pathogène pendant au moins la moitié de la journée. Autrement, la multiplication bactérienne se poursuivra pendant les périodes de creux. La capacité bactéricide est alors fonction du temps (time-dependent killing).

En cas d’infection modérée comme l’OMA, il est raisonnable d’utiliser de l’amoxicilline, un bêta-lactamine, deux fois par jour si la dose est assez élevée (de 75 mg/kg/jour à 90 mg/kg/jour). Cependant, en présence d’infections plus graves, comme la pneumonie, la cellulite, l’adénite cervicale, la sinusite ou un abcès, il faut administrer le bêta-lactamine trois ou quatre fois par jour. (11,17,18) Les médecins devraient alors expliquer aux parents pourquoi une telle posologie est plus susceptible de guérir leur enfant que l’administration de deux doses par jour.

PRIVILÉGIER LE CYCLE DE TRAITEMENT RECOMMANDÉ LE PLUS COURT EN CAS D’INFECTIONS NON COMPLEXES

On ne connaît pas la durée optimale du traitement de la plupart des infections. Des cycles plus courts s’associent toutefois à moins d’effets secondaires et à moins de cas de résistance que des cycles plus longs.(19)

La durée recommandée du traitement à la pénicilline pour traiter la pharyngite streptococcique est toujours de dix jours. Dans le cas d’autres infections, certaines données appuient le recours à des cycles plus courts. Chez les enfants de plus de deux ans, la durée recommandée du traitement pour soigner une OMA non compliquée qui ne s’est pas résorbée après une approche attentiste est de cinq jours, plutôt que de sept ou de dix jours. En cas de pneumonie non compliquée chez des enfants autrement en santé, une durée de sept jours, plutôt que de dix à 14 jours, est raisonnable.(10,11,18,20) Pour soigner une infection urinaire, les recommandations oscillent entre sept et 14 jours.(13) Au moment de personnaliser le traitement pour choisir le cycle recommandé le plus court, il faut tenir compte de l’importance de la maladie à la présentation et de la rapidité de l’amélioration clinique après le début du traitement.

NE PAS MODIFIER OU PROLONGER INDÛMENT LA THÉRAPIE ANTIMICROBIENNE

Il ne faut pas considérer trop rapidement qu’un traitement a échoué, car il faut au moins trois jours à des patients atteints d’infections comme une pneumonie lobaire, une adénite cervicale ou une pyélonéphrite avant que leur fièvre baisse, lorsque d’autres signes font foi d’une amélioration de leur état clinique. Il peut aussi falloir environ une journée avant qu’une cellulite commence à se résorber. Dans la plupart des cas, il n’est pas nécessaire d’élargir le traitement à un médicament à plus large spectre si aucune considération microbiologique le justifie. En l’absence de manifestations cliniques d’infection ou de réponse aux anti-microbiens, il est plutôt utile de réévaluer le diagnostic présumé et d’envisager une étiologie non infectieuse ou autre (fongique ou virale). D’autres maladies provoquent de la fièvre, comme la maladie de Kawasaki, les néoplasies, l’arthrite inflammatoire juvénile, les maladies inflammatoires de l’intestin et les syndromes de fièvre récurrente.

PROMOUVOIR LA VACCINATION POUR RÉDUIRE LE RISQUE DE MALADIE CLINIQUE

Les vaccins préviennent les infections et, par conséquent, réduisent le recours aux antimicrobiens. L’utilisation systématique du vaccin conjugué contre le pneumocoque a réduit l’incidence d’otite moyenne et de pneumonie et ainsi contribué à réduire considérablement l’utilisation d’antimicrobiens.(21) De même, l’administration du vaccin contre la grippe aux enfants réduit les maladies fébriles et, peut-être, l’utilisation d’antibiotiques. (22,23) Le vaccin contre la varicelle financé par le gouvernement a non seulement réduit l’incidence de varicelle, mais a également prévenu les cas de cellulites secondaires qui s’y associent.(24)

D’autres moyens simples de réduire l’utilisation d’antibiotiques au minimum en pratique sont proposés dans l’encadré 1.

CONCLUSIONS

La gestion des antimicrobiens est un mélange complexe d’art, de science et de jugement. Lorsqu’on utilise ces précieux médicaments, il faut tenir compte de nombreuses variables, telles que le moment de commencer à les administrer, leur dose optimale, la réévaluation des patients, la détermination de ce qui constitue et ne constitue pas une infection bactérienne et le moment où le patient peut arrêter d’en prendre. Une évaluation attentive de leur utilisation doit faire partie intégrante de la pratique.

Acknowledgments

Des représentants de l’Association pour la microbiologie médicale et l’infectiologie Canada, de même que le comité d’étude du fœtus et du nouveau-né, le comité de la pédiatrie communautaire, le comité de la pharmacologie et des substances dangereuses et le comité des soins aigus de la Société canadienne de pédiatrie ont révisé le présent document de principes.

Footnotes

Remarque : Le document d’information pour les parents, intitulé Comment s’assurer que les antibiotiques sont indiqués, est accessible à l’adresse www.soinsdenosenfants.cps.ca.

COMITÉ DES MALADIES INFECTIEUSES ET D’IMMUNISATION DE LA SCP

Membres : Robert Bortolussi MD (président sortant); Natalie A Bridger MD; Jane C Finlay MD (membre sortante); Susanna Martin MD (représentante du conseil); Jane C McDonald MD; Heather Onyett MD; Joan L Robinson MD (présidente); Marina I Salvadori MD (membre sortante); Otto G Vanderkooi MD

Représentants : Upton D Allen MBBS, Groupe de recherche canadien sur le sida chez les enfants; Michael Brady MD, comité des maladies infectieuses, American Academy of Pediatrics; Charles PS Hui MD, Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages, Agence de la santé publique du Canada; Nicole Le Saux MD, Programme canadien de surveillance active de la vaccination (IMPACT); Dorothy L Moore MD, Comité consultatif national de l’immunisation; Nancy Scott-Thomas MD, Le Collège des médecins de famille du Canada; John S Spika MD, Agence de la santé publique du Canada

Conseillère : Noni E MacDonald MD

Auteure principale : Nicole Le Saux MD

Les recommandations contenues dans le présent document ne sont pas indicatrices d’un seul mode de traitement ou d’intervention. Des variations peuvent convenir, compte tenu de la situation. Tous les documents de principes et les points de pratique de la Société canadienne de pédiatrie sont régulièrement révisés. Les documents de principes retirés sont supprimés du site Web. Consultez la zone Documents de principes du site Web de la SCP (www.cps.ca) pour en obtenir la version complète à jour.

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Articles from Paediatrics & Child Health are provided here courtesy of Oxford University Press

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