À la suite d’une conférence sur le retour à l’apprentissage (RAA) après une commotion cérébrale d’origine sportive (COS), prononcée lors de la Journée clinique des 5 chefs de médecine familiale à Toronto, en Ontario, un peu plus tôt cette année, une MF s’est approchée du conférencier pour discuter d’un cas en particulier. Cette histoire, déplorablement trop familière, relatait l’expérience d’une étudiante ayant été blessée à la tête. Elle avait été évaluée par les services de santé d’une grande université qui avaient posé un diagnostic de « simple commotion ». On ne lui a offert aucun soutien, aucune stratégie de retour au jeu (RAJ) et encore moins de plan de RAA. L’étudiante a suivi ses cours pendant de nombreuses semaines sans pouvoir se concentrer, angoissée, avec un sommeil agité. Le stress additionnel causé par l’éventualité de perdre un semestre complet en raison de cette blessure a entraîné d’autres problèmes de santé. Le médecin qui racontait l’histoire ressentait vivement cette détresse. L’étudiante en question était sa propre fille.
La couverture médiatique soutenue de la COS subie par la vedette du hockey Sidney Crosby en janvier 2011 a enfin suscité un intérêt des plus nécessaires à l’égard des stratégies de prise en charge d’une COS. Nous croyons que le présent numéro du Médecin de famille canadien déclenchera un nouveau changement de paradigme, à l’initiative des MF, quant à la prise en charge des commotions cérébrales et, par conséquent, produira de meilleurs résultats chez les patients victimes d’une COS. L’importance est de cerner les 10 % à 20 % de patients dont le rétablissement se produit au-delà de la période typique de 7 à 10 jours1. Une fois ces patients identifiés, des stratégies peuvent être mises en œuvre pour régler leurs symptômes persistants. Cette démarche peut relever entièrement des MF, car ces derniers sont en mesure de voir les patients en temps opportun après une blessure et de prendre en charge efficacement ces cas. La série d’articles dans ce numéro du Médecin de famille canadien insistent sur la nécessité que les médecins de soins primaires adhèrent aux pratiques exemplaires, en particulier aux stratégies actuelles de RAA, et qu’ils cherchent une même compréhension de la prise en charge la plus efficace des COS. Les médecins de famille doivent diriger une approche de communication en équipe2 afin d’obtenir les meilleurs résultats pour le patient dans les plus courts délais possible.
Positionnement idéal
Dans le présent numéro, 2 études connexes réalisées en Ontario3,4 se penchent sur les raisons expliquant pourquoi le monde médical, le milieu de l’enseignement et les organisations sportives ont peut-être eu du mal à se mettre à l’heure juste en ce qui a trait à la prise en charge des COS. La première étude (page e310) s’est penchée sur l’ampleur du problème des commotions cérébrales en procédant à un examen des dossiers. On a constaté que dans 43,5 % des cas de COS, l’athlète revenait au jeu trop tôt et que 44,7 % des victimes retournaient aux études trop rapidement3. Dans la deuxième étude (page 548), on examinait les résultats d’une enquête validée auprès de MF, d’urgentologues et de pédiatres, et on a constaté que le transfert du savoir était difficile et que l’information n’était pas mise en pratique de manière uniforme4. Un sondage antérieur de petite envergure auprès de MF en Alberta ainsi qu’au Dakota du Nord et du Sud s’était conclu de façon similaire5. Il semble que la prise en charge des commotions cérébrales présente des défis aux médecins quant à ce qu’il faut dire, à qui demander une consultation et à la façon d’assister le mieux possible les patients. Un transfert mieux ciblé des connaissances tirées des lignes directrices fondées sur des données probantes se révèle nécessaire.
Les médecins de famille occupent une position optimale pour améliorer la prise en charge des COS en raison des 4 principes de la médecine familiale: les MF sont des cliniciens compétents, nous sommes une ressource auprès d’une population de pratique définie et nous pratiquons une discipline communautaire dans laquelle la relation patient-médecin est centrale. Les médecins de famille peuvent se servir de ces 4 principes pour prendre en charge de manière optimale ce qui représente en quelque sorte une incapacité temporaire, c’est-à-dire la COS. Le MF est un expert pour faciliter l’accès à d’autres ressources communautaires et les mettre à contribution. C’est important parce que la prise en charge d’une COS peut se concentrer sur la personne dans son ensemble et les déterminants de la santé, si on lui consacre assez de temps.
Il y a 15 ans, des Canadiens se sont faits les pionniers de changements dans la prise en charge des COS en raison d’un manque de données probantes qui rendait désuets les protocoles antérieurs d’évaluation par degrés6–8. Ils ont mis en œuvre une approche pratique, ancrée dans un protocole individualisé de RAJ en 6 étapes qui ne se fonde pas sur la présentation initiale du patient. Cette initiative a mené à la création du Concussion in Sport Group (CISG) qui a, depuis, tenu 4 conférences internationales (dont la plus récente en 2012), dans le but d’en arriver à un consensus sur la prise en charge et sur des outils utiles de diagnostic1. Les plus récentes versions de ces outils sont le SCAT 3 (version 3 du Sport Concussion Assessment Tool) et un tout nouveau SCAT3 conçu spécifiquement pour les enfants (ChildSCAT3). Même s’ils ont fait l’objet de certaines critiques raisonnables9, les outils élaborés par le CISG ont généralement été grandement respectés par le milieu de la médecine du sport. Cependant, ce respect ne s’est pas traduit par une utilisation cohérente dans le milieu clinique des cabinets de MF, peut-être parce que les médecins ont l’impression qu’il faut beaucoup de temps pour administrer cet outil.
Des problèmes de mise en oeuvre semblables se sont produits dans les urgences. Les patients, leur famille et leur MF présument que les urgentologues fourniront des conseils exhaustifs quant à la prise en charge d’une COS, mais le manque de temps les en empêche. À l’urgence, on se concentre sur l’exclusion d’une lésion cérébrale traumatique majeure. Par ailleurs, des tentatives d’ajouter des outils comme le SCAT3 à l’urgence pourraient être vouées à l’échec. Sans mesures d’incitation ou de ressources cliniques suffisantes, l’administration d’un SCAT3 intensif viendrait en compétition avec d’autres tâches importantes et urgentes. Idéalement, il importerait d’avoir des experts en COS dans les urgences des hôpitaux, car toute nouvelle initiative à l’urgence ou tout changement dans la pratique doit venir de la base. Par contre, des données de l’étude comportant l’examen des dossiers dans le présent numéro du Médecin de famille canadien3 ont révélé que seulement 26,5 % des victimes d’une COS étaient allées à l’urgence. Si seulement 26,5 % de ces patients vont se faire soigner à l’urgence et si les symptômes disparaissent plus tard dans seulement 10 à 20 % des cas, l’effort en vaut-il la peine lorsque divers autres processus à l’urgence exigent plus de temps et ont une priorité plus élevée?
Prise en charge en cabinet
Quelle est la durée de temps suffisante pour prendre en charge une COS dans une pratique familiale? Pour être efficaces, nous devons consacrer 30 minutes au premier rendez-vous lorsqu’une COS est soupçonnée. Nous devons diagnostiquer correctement la commotion cérébrale, en commençant par demander à la personne de répondre à la portion du SCAT3 ou du ChildSCAT3 réservée au patient, avant que le MF entre dans la salle d’examen. Un diagnostic différentiel doit exclure tous les autres mécanismes de blessures avant de diagnostiquer définitivement une COS. Un mal de tête seul pourrait indiquer une céphalée cervicogénique, car des symptômes semblables à ceux d’une commotion peuvent se produire avec un coup de fouet cervical. Ce qui complique la situation, c’est que dans bien des cas, il y a eu à la fois une commotion et un coup de fouet cervical. De plus, des problèmes médicaux antérieurs, comme des troubles affectifs9 ou de l’apprentissage, doivent être pris en compte durant la visite initiale.
Une fois un diagnostic de COS posé, le patient et les parents doivent être renseignés. Il faut discuter et expliquer en profondeur les concepts du repos cognitif et physique, et avertir le patient que les recommandations consensuelles du CISG conseillent un retour progressif aux activités de manière à ce que les symptômes ne soient pas exacerbés1. Il faudrait avoir d’abord presque complété le plan du RAA avant que les étapes du RAJ commencent. Le directeur de l’école devrait être averti que le patient a une incapacité temporaire et ne peut pas faire ses devoirs ou ses examens jusqu’à ce que ses symptômes se soient améliorés considérablement. Il est souvent utile de fournir une lettre signée demandant des accommodements appropriés à l’école. Le protocole du RAJ doit être expliqué en détail de manière à ce que, lorsque les symptômes du patient soient raisonnablement disparus, le RAJ puisse commencer en toute sécurité. Les liens suivants sont de bonnes sources d’information pour les patients, les parents ou les soignants: le site web de ThinkFirst pour le RAJ (www.parachutecanada.org/thinkfirstcanada)10 et celui du Nationwide Children’s Hospital pour le RAA (www.nationwidechildrens.org/concussions-in-the-classroom)11. Il faudrait réévaluer le patient à chaque semaine. Avant de voir le médecin, le patient devrait remplir la section du SCAT3 qui lui est réservée pour aider à surveiller les progrès. S’il n’y a pas d’amélioration durant les 3 semaines suivant la blessure, il y a lieu de demander une consultation auprès d’un spécialiste en médecine du sport ou d’un physiatre. Une demande de consultation à d’autres spécialistes entraînera probablement plus de temps d’attente pour votre patient. Il n’existe actuellement pas de lignes directrices fondées sur des données probantes sur la prise en charge d’athlètes dont le rétablissement est tardif. Parmi les principes de réadaptation que votre patient peut s’attendre à recevoir comme conseils figurent un programme d’hygiène du sommeil, l’identification des déclencheurs des symptômes et la priorisation du traitement contre les symptômes qui, selon lui, limitent le plus son fonctionnement. Des exercices qui ne dépassent pas le seuil de déclenchement des symptômes peuvent être bénéfiques et une physiothérapie ciblant la colonne vertébrale ou la dysfonction vestibulaire, si elle est présente, peut aider à réduire les symptômes12.
Les étudiants universitaires sont plus indépendants et ont souvent moins de soutien. Le Collège Seneca a été mis en nomination pour un prix d’innovation en raison de son programme qui amorce des accommodements scolaires dans les 24 heures suivant une COS pour ses athlètes des ligues collégiales. Les pressions et les attentes sur le plan des études sont encore plus grandes au niveau universitaire, mais les principes de prise en charge sont semblables, surtout pour les athlètes des ligues universitaires. Il n’est pas rare d’entendre dire qu’un étudiant sportif a dû abandonner un cours ou même un semestre complet pour récupérer pleinement d’une COS. Passer outre les symptômes non résolus est contre-productif et peut réellement prolonger le rétablissement et retarder le RAJ.
La plus grande différence
Dans le monde en évolution rapide de la recherche sur les COS, les MF peuvent cerner les données probantes axées sur le patient qui importent. Nous devons conseiller à nos patients des stratégies qui favorisent le repos cognitif et physique, s’il y a lieu, et défendre les intérêts des victimes d’une COS qui retournent aux études pour qu’elles le fassent progressivement. On devrait encourager les chercheurs en médecine familiale à faire plus d’études sur le RAA afin de cerner les pratiques exemplaires. Les études sur les résultats doivent aussi veiller à améliorer les efforts de transfert du savoir. Nous devons insister pour avoir des outils de décision qui sont utiles dans de multiples milieux cliniques. Nous avons la possibilité et le temps de prendre en charge de manière optimale les 10 % à 20 % de patients ayant subi une COS qui ne se rétablissement pas rapidement. Il faut des efforts concertés pour faire « dévier à ligne vers la droite » de manière à ce que moins de victimes d’une COS soient symptomatiques au-delà de 3 semaines. Nous accomplirons cela par des interventions et des demandes de consultation opportunes lorsque les symptômes persistants indiquent un échec à s’améliorer comme prévu. Les établissements postsecondaires et les conseils scolaires doivent reconnaître qu’une véritable relation avec les MF peut sauver le semestre d’un étudiant et lui épargner le stress inhérent à la situation. Préconiser un meilleur RAA pour nos patients, nos enfants, nos collègues et même Sidney Crosby est à la portée des MF canadiens. Nous sommes les médecins qui pouvons faire la plus grande différence grâce à l’amorce sans délai d’un plan d’intervention quant au RAA.
Footnotes
This article is also in English on page 505.
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
Les opinions exprimées dans les commentaires sont celles des auteurs. Leur publication ne signifie pas qu’elles sont sanctionnées par le Collège des médecins de famille du Canada.
Références
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