Beaucoup d’entre vous ont déjà entendu parler de la campagne Choisir avec soin1, que ce soit dans les communications de l’Association ou dans le cadre des efforts de promotion réalisés auprès de leur établissement local. Lancée en avril 2014, cette campagne est axée sur la publication, par neuf organisations médicales nationales, de listes d’examens, de traitements et d’interventions dont les patients n’ont pas toujours besoin. Elle s’inspire de la campagne américaine Choosing Wisely2, une initiative sans précédent mise en œuvre par la Fondation ABIM afin de répertorier 45 examens jugés inutiles par 9 organisations médicales. Depuis, les listes se sont allongées pour inclure à présent plus de 200 examens, traitements et interventions déconseillés par plus de 50 associations de spécialistes. Elles découlent d’un effort concerté visant à promouvoir les meilleures pratiques et à éviter des interventions inutiles, voire possiblement dommageables. Le projet a été conçu au départ pour favoriser le dialogue entre les médecins et les patients à propos de la surutilisation de certains examens médicaux.
Si la campagne américaine Choosing Wisely met l’accent sur les soins primaires, l’Association des urologues des États-Unis (AUA) a fait état en 2012 de cinq interventions déconseillées dans le domaine de l’urologie :
La scintigraphie osseuse chez les patients qui présentent un faible risque de cancer de la prostate ;
L’ordonnance de testostérone aux patients qui souffrent de dysfonction érectile, mais qui ont un taux de testostérone normal ;
Le calcul de la clairance de la créatinine et l’imagerie des voies urinaires supérieures en cas d’hyperplasie bénigne de la prostate ;
L’ordonnance d’antibiotiques aux patients qui affichent un taux élevé d’anti-gènes prostatiques spécifiques (APS), sans d’autres symptômes ;
L’échographie chez les garçons atteints de cryptorchidie.
Différentes organisations ont proposé plusieurs autres examens et traitements qui valent aussi la peine d’être considérés. C’est notamment le cas de la mise en garde de l’American Geriatrics Society (AGS) contre l’administration d’antibiotiques chez les personnes âgées et des réserves exprimées par l’American Academy of Family Physicians (AAFP) à l’égard des cysto-uréthrographies mictionnelles pratiquées dès la première infection urinaire fébrile. L’American Society of Radiation Oncology et l’AAFP ont toutes deux choisi d’inclure le dépistage de l’antigène prostatique spécifique (APS) sur leur liste – ce qui est peut-être davantage matière à controverse pour les urologues.
Fait peu étonnant, la campagne s’est retrouvée sous le feu des critiques. La surutilisation des examens médicaux découle généralement d’une volonté des médecins de se prémunir contre d’éventuelles poursuites judiciaires. Pour paraphraser l’auteur d’un blogue dans le domaine de la santé, nous commencerons à « choisir avec soin » les traitements que nous prescrivons lorsque les avocats se résoudront à « poursuivre avec soin ». D’autres opposants à la campagne ont déploré le fait que, même s’il est louable de vouloir atténuer les frais médicaux et les risques de préjudices, les listes sont simplistes à outrance et manquent de contexte ; dans cette optique, elles risquent de faire obstacle aux demandes d’assurance et à la rémunération des services. À notre avis, aucune de ces préoccupations ne devrait nous empêcher d’adopter avec enthousiasme les objectifs de la campagne dans le contexte des soins de santé au Canada.
L’un des défis posés par ce genre d’initiatives est leur capacité à faire passer le message. La coopération d’un grand nombre d’organisations, d’associations et de groupes de défense des intérêts des patients est nécessaire si l’on veut toucher la corde sensible des praticiens et du grand public. Choisir avec soin a fait un travail admirable à cet égard. Au Canada seulement, plus de 30 organisations sont déjà engagées dans le processus. La campagne est étayée par une documentation claire et accessible qui parle à la fois aux médecins cliniciens et aux patients. Ses responsables ont également produit, conjointement avec Consumer Reports, des dépliants d’information aux consommateurs afin de les aider à amorcer ce dialogue essentiel avec leur médecin. Cependant, il y a peu de chances pour que ces efforts incitent un grand nombre de patients à interroger leur urologue sur les examens prescrits au beau milieu d’une interaction médicale souvent complexe et extrêmement personnelle.
Il n’empêche que Choisir avec soin fournit une nouvelle occasion aux associations de mobiliser leurs membres et de les inviter à réfléchir sur la surutilisation de certains examens médicaux, mais aussi de consolider les meilleures pratiques explicitées par les associations de spécialistes. Les lignes directrices de l’AUC, comme celles qui sont présentées dans la refonte de l’article « Sports and the Solitary Kidney » (en anglais) du présent numéro3, offrent des recommandations judicieuses et pratiques aux urologues tout en garantissant une gestion rigoureuse de nos ressources limitées4. Les messages véhiculés sans détour par la campagne Choisir avec soin offrent une chance inouïe d’exploiter ces recommandations.
Sous la houlette du comité des lignes directrices, l’AUC a accepté de s’associer à la deuxième vague de la campagne Choisir avec soin, qui sera lancée en octobre 2014. L’occasion s’offre à nous de faire avancer le dialogue entre les médecins et les patients afin de les inciter à faire des choix efficaces et réfléchis. C’est ainsi que nous conforterons notre capacité à maintenir la grande qualité des soins urologiques au Canada. Les pistes lancées par l’Association des urologues des États-Unis (AUA) sont un excellent point de départ, mais certaines ne sont peut-être pas pertinentes pour le Canada. Nous aimerions vous entendre sur le concept de la campagne et la liste des interventions discutables à proposer. Veuillez nous faire part de vos commentaires et suggestions à l’adresse corporate.office@cua.org.
Références
- 1.ABIM Foundation. www.choosingwisely.org. Accessed August 4, 2014.
- 2.Choosing Wisely Canada. www.choosingwiselycanada.org. Accessed August 4, 2014.
- 3.Psooy K. Sports and the solitary kidney: What parents of a young child with a solitary kidney should know. Can Urol Assoc J. 2014;8:233–5. doi: 10.5489/cuaj.2306. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
- 4.Kassouf W, Siemens R, Morash C, et al. Follow-up guidelines after radical or partial nephrectomy for localized and locally advanced renal cell carcinoma. Can Urol Assoc J. 2009;3:73–6. doi: 10.5489/cuaj.1028. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]