Avant-propos
Depuis plusieurs dizaines d’années, le monde assiste à un virage vers la chirurgie ambulatoire dans plusieurs domaines de spécialité1,2. Ce virage s’explique en grande partie par une volonté de limiter les coûts tout en assurant la sécurité des patients, notamment en diminuant les cas d’infections nosocomiales3. L’urologie compte parmi les spécialités chirurgicales qui ont ouvert la voie en favorisant l’avancement de la chirurgie ambulatoire. Aujourd’hui, la plupart des endoscopies urogénitales sont couramment pratiquées dans un contexte ambulatoire4.
Bien que les premières séries de cas de néphrolithotomie percutanée ambulatoire aient été documentées par Preminger dans les années 19805, on a persiste à hospitaliser les patients qui subissent cette intervention. Plus récemment, un vent de changement s’est mis à souffler au Canada avec la publication de petites séries de cas indépendantes de l’université Queen’s et de l’université McGill6,7. S’est ajoutée à cela une étude pluriinstitutionnelle démontrant la sécurité et l’efficacité de la méthode ambulatoire chez 50 patients triés sur le volet, moyennant un taux de réadmission acceptable de 4 %8. Dans le même ordre d’idées, Abbott et son équipe ont fait état de leur expérience de la néphrolithotomie percutanée ambulatoire auprès de plus de 60 patients9. Il est maintenant possible de proposer cette intervention aux patients qui satisfont à des critères d’admissibilité rigoureux6,7. Pour beaucoup d’urologues, dont certains maîtres à penser de l’endo-urologie, la néphrolithotomie percutanée ambulatoire reste toutefois une intervention peu sûre en raison des risques de saignements postopératoires qu’elle comporte. Malgré ces préoccupations, les études récentes nourrissent la volonté d’étendre cette pratique à d’autres centres d’excellence. Le présent article a pour objectif d’offrir, par le truchement du Cadre des compétences CanMEDS 2015 pour les médecins10, des conseils et des leçons tirées de notre expérience à ceux qui souhaitent mettre sur pied un programme de néphrolithotomie percutanée ambulatoire.
Leçon no 1 : Exiger la ponction parfaite (rôle d’expert médical selon CanMEDS)
Il est sage de procéder par étapes quand on instaure un programme de néphrolithotomie percutanée ambulatoire. Une ponction parfaite est une condition technique indispensable qui permet aux patients de rentrer à la maison quelques heures après la chirurgie. Nous recommandons de cibler chaque fois un abord percutané passant par une tige calicielle. À cette fin, la technique de l’œil de bœuf ou du chas de l’aiguille est de mise11. Pour vérifier si la méthode d’abord est adéquate, il y a deux questions simples à se poser : premièrement, des saignements ou des caillots obstruent-ils la vue au moment d’insérer le néphroscope rigide ? Deuxièmement, est-il difficile, voire impossible d’introduire un néphroscope flexible parce que des saignements nuisent à la visibilité ? Si vous répondez à ces deux questions par la négative, la méthode de ponction n’est pas suffisamment au point pour permettre au patient de rentrer chez lui jour même. Pour la perfectionner, certains s’exerceront à l’aide de simulateurs ; d’autres préféreront la réaliser sous guidage radiologique ou échographique. Peu importe la méthode choisie, il faut toujours réaliser une ponction parfaite par abord caliciel.
Leçon no 2 : Omettre la sonde (rôle de leader selon CanMEDS)
Une fois la méthode d’abord optimisée, il est important de ne pas poser de sonde de néphrostomie. Après tout, le recours à une sonde pour réaliser une néphroscopie de second regard n’est nécessaire que chez une minorité de patients. C’est pourquoi nous recommandons d’effectuer une néphrolithotomie percutanée sans sonde et d’hospitaliser les premiers patients ainsi traités. Vous constaterez vite à quel point l’emploi d’une sonde est rarement nécessaire et, chose plus importante encore, à quel point les saignements postopératoires sont peu fréquents. Vous gagnerez ainsi confiance et serez prêt à amorcer votre première néphrolithotomie percutanée ambulatoire.
Leçon no 3 : Observer le même protocole de soins (rôle d’expert médical selon CanMEDS)
Passer en mode ambulatoire comporte son lot de changements et de défis, et il n’est pas nécessaire de bouleverser toutes ses habitudes. L’adoption d’une nouvelle méthode d’intervention implique de sortir de sa zone de confort. C’est pourquoi nous recommandons de traiter le plus possible les patients ambulatoires comme les autres patients. Le maintien du protocole de suivi et la modification de peu de variables à la fois vous permettront de passer à la néphrolithotomie percutanée ambulatoire l’esprit tranquille.
Leçon no 4 : Sélectionner les patients avec soin (rôle de promoteur de la santé selon CanMEDS)
Il n’y a peut-être pas de leçon plus importante que la sélection rigoureuse des patients. Cela débute à la clinique préopératoire par un bilan des maladies concomitantes et se termine en salle de réveil par l’examen de l’état clinique du patient et des premiers résultats d’épreuves postopératoires. Il est essentiel de se montrer sélectif d’entrée de jeu. Les premiers patients doivent tous respecter les critères stricts publiés dans les deux séries de cas6,7. La priorité va à la sécurité des patients ; il suffit qu’un seul critère ne soit pas respecté pour que le patient doive être hospitalisé. N’hésitez pas à changer votre fusil d’épaule pendant ou après l’intervention. Écoutez votre instinct et, dans le doute, hospitalisez le patient. Avec l’expérience et l’habitude, vous pourrez assouplir vos exigences en constatant à quel point les patients se portent bien après l’opération.
Leçon no 5 : Bien préparer le patient et ses proches (rôle de communicateur selon CanMEDS)
La gestion des attentes du patient et de ses proches est d’une importance primordiale. Pendant la consultation préopératoire, il faut les préparer à l’éventualité d’un congé le jour même, sans quoi ils s’attendront à être hospitalisés. Nous expliquons habituellement aux patients qu’ils seront probablement assez en forme pour rentrer chez eux le jour même, mais leur demandons d’apporter quand même leurs effets personnels au cas où ils devraient passer la nuit à l’hôpital. Il faut aussi s’enquérir de la personne qui reconduira le patient à la maison et qui veillera sur lui pendant la nuit s’il obtient son congé.
Leçon no 6 : Impliquer l’équipe de soins infirmiers (rôles de collaborateur et de professionnel selon CanMEDS)
Pour garantir le départ sécuritaire des patients trois ou quatre heures après l’opération, il est bon d’impliquer les infirmières dans le processus décisionnel. Les infirmières en salle de réveil sont d’une grande efficacité quand il s’agit de remettre sur pied les patients après une chirurgie et savent reconnaître ceux qui sont aptes à sortir. Si vous leur montrez que vous valorisez leur opinion d’expertes, elles feront de leur mieux pour optimiser la qualité des soins offerts aux patients afin de favoriser un retour hâtif et sécuritaire à la maison.
Leçon no 7 : Impliquer l’anesthésiste (rôles de collaborateur et de professionnel selon CanMEDS)
Il est tout aussi important de solliciter la participation de l’anesthésiste quand vient le temps d’évaluer les candidats à l’opération. Commencez par lui demander avant l’opération (sans rien lui imposer) si un congé le jour même est une option envisageable pour tel ou tel patient. Ainsi, il planifiera les agents anesthésiques à administrer de façon à hâter la sortie du patient. De plus, il pourrait décider d’engourdir la plaie au moyen d’anesthésiques locaux et de prescrire de l’acétaminophène sous forme de suppositoires avant le réveil. Pour des raisons évidentes, l’examen qu’il pratiquera en salle de réveil aura beaucoup de poids dans la décision de garder le patient ou non.
Leçon no 8 : Communiquer rapidement avec les patients (rôles de communicateur et de promoteur de la santé selon CanMEDS)
Il n’est pas étonnant que les urologues hésitent à donner congé après l’intervention quand on sait que la gestion classique d’un traumatisme pénétrant du rein exige une période d’alitement à l’hôpital. Quelles que soient vos habitudes, nous vous recommandons de téléphoner à vos patients le soir même de la chirurgie. Ce sera une agréable surprise pour le patient, qui ne s’attend pas à recevoir un appel de son médecin, et ce sera rassurant pour vous de savoir qu’il se porte bien et ne présente pas de saignements abondants. Et ce sera d’autant plus vrai si vous en êtes à vos premières armes en matière de néphrolithotomie percutanée ambulatoire.
Leçon no 9 : Revoir régulièrement le programme (rôle d’érudit selon CanMEDS)
Soyez critique envers vous-même et la nouvelle méthode. Évaluez vos résultats et comparez-les à ceux des néphrolithotomies percutanées avec hospitalisation. N’hésitez pas à modifier vos critères à mesure que vous prenez de l’expérience et que vous maîtrisez la nouvelle méthode. Connaissez vos limites et repoussez-les lentement et prudemment pour réduire le risque de porter préjudice à un patient.
Leçon no 10 : Être disponible si des patients téléphonent ou sont hospitalisés d’urgence (rôle de promoteur de la santé selon CanMEDS)
Peu importe la vigilance des soins apportés avant et pendant l’opération, tous les patients ont des questions ou des préoccupations pendant leur convalescence. Il est important de leur expliquer clairement quand, pourquoi et où ils doi-vent consulter d’urgence (par exemple, en cas d’hématurie accompagnée de caillots ou de fièvre supérieure à 38,5 °C). Il faut également leur donner un numéro de téléphone où ils peuvent joindre un médecin jour et nuit après l’intervention. Enfin, un membre de l’unité d’urologie doit pouvoir les examiner s’ils reviennent à la salle d’urgence. Parmi les 50 patients traités par néphrolithotomie percutanée ambulatoire de nos séries, 12 % sont revenus à la salle d’urgence et 4 % ont été réadmis pour des complications de grade I ou II selon la classification de Clavien. Aucune complication de grade III à V n’a été observée8.
Conclusions
Comme nous l’a appris la gestion classique des traumatismes du rein, cet organe possède la capacité naturelle de se régénérer après une lésion. Ainsi, le tube collecteur se referme normalement à la suite d’une néphrolithotomie percutanée, et ce, plus vite qu’on ne le pense. À ce titre, la méthode de ponction percutanée par abord caliciel est, croyons-nous, un « traumatisme du rein contrôlé ». Suivant cette méthode, le rein se rétablit généralement sans saignements importants ni extravasation urinaire. Malgré tout, bien des urologues hésitent – et on peut les comprendre – à donner congé aux patients trois ou quatre heures après l’opération, notamment en raison du risque de saignements postopératoires. L’expérience nous a pourtant montré que les saignements intraopératoires ou postopératoires abondants surviennent au bloc opératoire ou en salle de réveil, soit avant la sortie de l’hôpital. Malgré tout, la néphrolithotomie percutanée ambulatoire peut sembler peu attrayante aux yeux des urologues qui pratiquent une néphroscopie de second regard. Le cas échéant, il reste possible d’opter pour des soins ambulatoires après la néphroscopie.
Le présent article résume les leçons tirées de l’expérience au moyen du cadre conceptuel de CanMEDS. En raison des critères d’inclusion très rigoureux qui sont en place, notre expérience repose jusqu’ici sur un groupe limité de 70 patients, dont les 50 premiers ont fait l’objet de notre première publication pluri-institutionnelle8. Cependant, nous réévaluons sans cesse nos résultats et élargissons les critères d’inclusion à mesure que nous prenons de l’expérience. Nous avons bon espoir que ces leçons pourront servir de guides à d’autres urologues qui souhaitent pratiquer la néphrolithotomie percutanée ambulatoire. Nous invitons d’ailleurs ceux qui le désirent à communiquer avec nous en vue d’une éventuelle collaboration à nos prochains essais cliniques multicentriques.
Acknowledgments
This work was supported in part by the Northeastern AUA Young Investigator Award and Montreal General Hospital Foundation Award to Sero Andonian and the Academic Health Sciences Centre (AHSC)-Alternate Funding Payment (AFP) Innovation Fund Research Grant to Darren Beiko.
Références
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