Résumé
La suppuration d’un carcinome rénal nécrosé a été rapportée seulement trois fois dans la littérature et demeure une circonstance exceptionnelle de découverte de cancer du rein. Le tableau clinique et radiologique est trompeur, et c’est l’évolution défavorable malgré un traitement approprié qui doit évoquer le diagnostic de cancer rénal. Nous rapportons un nouveau cas de carcinome rénal révélé par un abcès du rein.
Introduction
Le mode de révélation des tumeurs du rein a changé depuis le début des années 1980. Classiquement révélé par des symptômes urologiques ou généraux1, il est actuellement fortuit dans près de 70 % des cas, grâce à l’apport de l’imagerie2.
Un carcinome rénal présenté comme un abcès du rein est une situation exceptionnelle. Il est important de poser le diagnostic exact pour une prise en charge convenable.
Observation
Patiente âgée de 62 ans, hypertendue, qui présente des lombalgies droites avec une fièvre entre 38 et 38,5°C évoluant depuis 3 semaines. L’examen biologique a montré un syndrome inflammatoire biologique avec une hyperleucocytose et une CRP élevée. La culture des urines était négative. L’échographie (Fig. 1) a révélé une formation de 3 cm au rein droit, hypoéchogène et finement hétérogène, non vascularisée au Doppler couleur, sans dilatation des voies excrétrices ni image de lithiase.
Une TDM abdomino-pelvienne a objectivé une collection rénale droite de 3 cm, de siège médio-rénal cortical antérieur, entourée d’une coque périphérique épaisse rehaussée par le produit de contraste, avec une infiltration de la graisse périrénale (Fig. 2 et 3).
Le diagnostic retenu était un abcès rénal droit. Une ponction de la collection a été pratiquée (Fig. 4), ayant ramené quelques millilitres de pus épais, dont l’étude bactériologique était négative. L’analyse cytologique n’a pas été faite.
La patiente a été mise sous antibiothérapie avec une association de céfotaxime et de gentamicine. L’évolution était marquée par l’aggravation du tableau septique et la détérioration de l’état général après 10 jours d’antibiothérapie. Une TDM de contrôle après 15 jours a montré une augmentation de la taille de la masse liquidienne, passant à 5 cm de diamètre, un aspect globuleux hétérogène du pôle inférieur du rein avec infiltration de graisse et des fascias périrénaux en regard (Fig. 5 et 6).
Devant l’absence d’amélioration clinique malgré le traitement et l’aggravation des lésions radiologiques, une néphrectomie droite a été réalisée. En peropératoire, l’ablation du rein a été très difficile en regard de la lésion en raison de rapports intimes avec les structures digestives adjacentes. À l’ouverture de la pièce de néphrectomie, on note la présence d’une néoformation tumorale, indurée, mal limitée et d’aspect blanchâtre.
L’examen histologique et immuno-histochimique a révélé un carcinome à cellules claires du rein de grade 4 de Furhman associé à une composante sarcomatoïde et rhabdoïde.
L’évolution a été marquée par la récidive tumorale sur la cicatrice de lombotomie après 3 mois. L’état général de la patiente était altéré. La patiente a été orientée vers un oncologue médical pour traitement anti-angiogénique.
Discussion
Classiquement, le cancer du rein était révélé par des symptômes urologiques ou généraux, et ce, dans 90 % des cas en 19713. La proportion des cancers infracliniques de découverte fortuite a considérablement augmenté au cours des deux dernières décennies grâce au développement de l’imagerie médicale4. En effet, l’utilisation de plus en plus répandue de l’échographie, de la TDM abdominale et plus récemment de l’IRM a permis d’augmenter à près de 70 % le diagnostic des cancers du rein à un stade présymptomatique2.
L’uroscanner reste l’examen de référence pour le diagnostic des tumeurs rénales, mais dans certains cas, les suppurations rénales peuvent se présenter sous forme de pseudotumeurs inflammatoires et, dans ce cas, seront responsables d’un syndrome de masse trompeur5.
L’aspect scannographique d’un abcès rénal peut mimer une tumeur nécrosée avec une néovascularisation périphérique, mais souvent le contexte clinico-biologique est évocateur et on trouve habituellement sur le scanner des signes de néphrite et de périnéphrite associés5. Dans les cas douteux, le diagnostic est obtenu par la ponction ou après traitement antibactérien efficace5.
La pyélonéphrite aiguë focale peut également, dans certains cas rares, se traduire par une masse pseudotumorale isolée, sans signe scannographique évocateur de pyélonéphrite dans le reste du parenchyme5. C’est le contexte clinique et biologique de pyélonéphrite aiguë qui doit faire évoquer le diagnostic et proposer un traitement médical à base d’antibiothérapie prolongée associée à une surveillance scannographique rapprochée5. Celle-ci montrera la disparition progressive de la lésion en quelques semaines après la guérison clinique.
L’association d’un abcès rénal, secondaire à l’obstruction de la voie excrétrice par la masse tumorale, à un hypernéphrome a été décrite dans la littérature6–9. Cette association est plus fréquente avec les tumeurs des voies excrétrices urinaires supérieures.
La suppuration d’un carcinome rénal nécrosé a été rapportée et constitue une circonstance exceptionnelle de découverte du cancer. Seulement trois cas ont été rapportés dans la littérature10–12. Le tableau clinique n’est pas différent de celui d’un abcès rénal d’origine hématogène avec une étude cytobactériologique urinaire négative. Le diagnostic repose sur les résultats de l’imagerie réalisée à distance de l’épisode infectieux après un traitement antibactérien efficace, démontrant la persistance d’une masse solide vascularisée de signification péjorative.
Dans notre cas, le contexte clinico-biologique (lombalgies fébriles avec un syndrome inflammatoire biologique), l’aspect scannographique qui n’était pas en faveur d’une tumeur et la ponction ramenant du pus, ont écarté d’emblée le diagnostic de carcinome rénal, et donc l’analyse cytologique du liquide de ponction n’a pas été réalisée. La présence de la tumeur n’a pas été soupçonnée avant la néphrectomie, qui a été motivée par l’absence d’amélioration après traitement antibiotique et l’aggravation des lésions radiologiques. La nécrose extensive, objectivée sur la pièce de néphrectomie, était probablement responsable de la genèse de l’abcès, mode de découverte de la tumeur.
Conclusion
Ce cas souligne les pièges d’interprétation des données de l’imagerie dans le diagnostic des tumeurs rénales qui peuvent prêter à confusion avec des abcès rénaux. Il souligne également l’importance du suivi étroit, même après le succès d’un traitement conservateur des abcès rénaux. L’évolution défavorable d’un abcès rénal sous traitement antibactérien efficace doit toujours évoquer un cancer rénal et impose un réajustement de la stratégie thérapeutique.
Footnotes
Competing interests: The authors declare no competing financial or personal interests.
This paper has been peer-reviewed.
Références
- 1.Skinner DG, Colvin RB, Vermillion CD, et al. Diagnosis and management of renal cell carcinoma. A clinical and pathological study of 309 cases. Cancer. 1971;28:1165–77. doi: 10.1002/1097-0142(1971)28:5<1165::AID-CNCR2820280513>3.0.CO;2-G. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
- 2.Charles T, Lindner V, Matau A, et al. Cancer du rein. EMC-Urologie. 2010. article-18-096-A-10.
- 3.Skinner DG, Colvin RB, Vermillion CD, et al. Diagnosis and management of renal cell carcinoma. A clinical and pathological study of 309 cases. Cancer. 1971;28:1165–77. doi: 10.1002/1097-0142(1971)28:5<1165::AID-CNCR2820280513>3.0.CO;2-G. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
- 4.Hélénon O, Eiss D, Hayoun J, et al. Tumeurs du rein de l’adulte. EMC-Radiologie et Imagerie Médicale : Génito-urinaire - Gynéco-obstétricale - Mammaire. 2008. pp. 1–29. article 34-117-A-10.
- 5.Hélénon O, André M, Correas JM, et al. Caractérisation des masses rénales. J Radiol. 2002;83:787–802. [PubMed] [Google Scholar]
- 6.Perimenis P. Pyonephrosis and renal abscess associated with kidney tumours. Br J Urol. 1991;68:463–5. doi: 10.1111/j.1464-410X.1991.tb15385.x. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
- 7.Van Poppel H, Vereecken RL, Wilms G. Bilateral renal cell carcinoma diagnosed as renal abscesses. Urology. 1985;25:548–50. doi: 10.1016/0090-4295(85)90477-7. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
- 8.Childs GJ, Pickleman J, Churchill RJ, et al. Renal cell carcinoma complicated by perinephric abscess and colon perforation. Urol Radiol. 1982;4:37–9. doi: 10.1007/BF02924023. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
- 9.Chintapalli K, Lawson TL, Foley DW, et al. Perinephric abscess with renal cell carcinoma. Urol Radiol. 1981;3:113–5. doi: 10.1007/BF02927820. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
- 10.Lee TY, Ko SF, Wan YL, et al. Unusual imaging presentations in renal transitional cell carcinoma. Acta Radiol. 1997;38:1015–9. doi: 10.3109/02841859709172121. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
- 11.Salvatierra O, Jr, Bucklew WB, Morrow JW. Perinephric abscess: A report of 71 cases. J Urol. 1967;98:296–302. doi: 10.1016/S0022-5347(17)62874-X. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
- 12.Gillitzer R, Melchior SW, Hampel C, et al. Transitional cell carcinoma of the renal pelvis presenting as a renal abscess. Urology. 2002;60:165. doi: 10.1016/S0090-4295(02)01634-5. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]