Tous les résidents en médecine familiale doivent connaître les principes fondamentaux de la discussion des soins en fin de vie avec les patients, leurs soignants et leurs proches. Il faut donc leur enseigner les connaissances, les habiletés et les attitudes nécessaires concernant l’aide médicale à mourir (AMM). L’aide médicale à mourir est devenue légale en 2016 (2015 au Québec) et, au cours de la dernière année, environ 1 % de tous les décès au Canada ont été assistés par des cliniciens1,2. Les taux d’AMM signalés par différentes compétences en matière de santé varient entre 0,5 et 5 %. Étant donné que nos lois et nos sociétés sont semblables à celles des Pays-Bas et de la Belgique, nous pouvons nous attendre à ce que, d’ici quelques années, les taux de l’AMM au Canada se situent entre 4 et 5 %3, c’est-à-dire environ 13 000 décès annuellement. Tous les médecins de famille doivent être prêts à répondre aux questions des patients à propos de l’AMM et à donner des renseignements exacts, quels que soient leurs valeurs et leurs sentiments personnels. Certains voudront effectuer les évaluations seulement et d’autres seront aussi disposés à dispenser l’AMM à leurs patients. La plupart des autorités de la santé auront un programme de mentorat à l’intention des médecins qui souhaitent offrir l’AMM.
Voici un rappel de notre devoir de diligence énoncé dans le Code de déontologie de l’Association médicale canadienne :
11. Reconnaître et dévoiler les conflits d’intérêt survenant dans l’exercice de vos activités et devoirs professionnels, et les résoudre dans le meilleur intérêt des patients5
21. Fournir à vos patients l’information dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées au sujet de leurs soins de santé et répondre à leurs questions au meilleur de vos compétences5
Les données préliminaires qui se dégagent de l’expérience canadienne indiquent que les personnes qui choisissent l’AMM sont semblables à celles des autres pays, en ce sens que le diagnostic médical le plus fréquent est le cancer, suivi par les maladies neurologiques et la défaillance d’un organe1,2,6,7–9. Parmi les raisons qui motivent le plus souvent le recours à l’AMM figurent le désir d’autonomie, l’incapacité à faire des activités agréables ou utiles et des symptômes comme la douleur7–10.
Évaluation de l’admissibilité
Deux médecins ou infirmières praticiennes autonomes (c.-à-d. qui n’ont pas de relations employeur-employé ou mentor-mentoré, etc.) doivent remplir des formulaires provinciaux documentant leurs évaluations. Au Québec, les infirmières praticiennes ne peuvent pas faire l’évaluation ni administrer l’AMM.
Les critères d’admissibilité se lisent comme suit :
Le patient a droit aux services de santé financés par un gouvernement au Canada.
Le patient a au moins 18 ans.
Le patient est apte à prendre des décisions concernant ses soins de santé. (Les patients pourraient avoir l’aptitude voulue pour prendre cette décision, même s’ils ont une maladie mentale ou souffrent de démence, pourvu qu’ils comprennent la nature de leurs problèmes médicaux et les autres traitements ou soins palliatifs à leur disposition pour soulager leurs symptômes.)
Le patient a un problème de santé grave et irrémédiable (maladie, affection ou handicap grave et incurable) qui lui cause des souffrances physiques ou psychologiques intolérables qui ne peuvent pas être apaisées d’une manière que le patient juge acceptable. Le patient en est à un stade avancé d’un déclin irréversible, et la mort naturelle est raisonnablement prévisible. (Il n’y a pas de pronostic précisé, mais le décès devrait être raisonnablement imminent compte tenu de tous les renseignements médicaux, conformément au guide de pratique clinique de la Canadian Association of MAID Assessors and Providers11). Au Québec, la mort du patient doit être jugée imminente (ici aussi, sans précision d’une échéance).
Le patient a présenté volontairement une demande d’AAM, sans avoir été influencé par des pressions extérieures.
Après avoir été informé des moyens à sa disposition pour soulager ses souffrances, dont les soins palliatifs, le patient a donné son consentement éclairé à recevoir l’AMM. (Le consentement est obligatoire au moment de la demande et une fois de plus lors de l’administration de l’AAM. Les formulaires provinciaux sont utilisés.)
Administration de l’AAM
L’administration de l’AAM doit être centrée sur le patient. Il faut donner au patient le choix du moment, de l’endroit et de la façon de mourir, de même que des personnes qui seront présentes. Il y a un délai d’attente de 10 jours entre la demande et le décès, mais s’il est probable que le décès survienne ou qu’il y ait perte de capacité durant cette période, une exemption peut être accordée. Certains patients choisissent de mourir alors qu’ils ont encore assez de force pour prendre soin d’eux-mêmes parce qu’ils valorisent grandement leur autonomie, tandis que d’autres préfèrent attendre que leurs symptômes soient insupportables. Certains décident de mourir à la maison et d’autres choisissent l’établissement où ils reçoivent des soins. Ailleurs qu’au Québec, où seuls des médicaments par voie intraveineuse (IV) sont utilisés, les patients peuvent décider de s’administrer eux-mêmes des médicaments par voie orale ou demander au clinicien de leur administrer des médicaments par voie IV. Des protocoles standards sont prévus dans chaque province et, dans certaines provinces, des ordonnances imprimées au préalable sont accessibles. Le protocole IV le plus courant consiste en 10 mg de midazolam, puis 1000 mg de propofol, suivis par 200 mg de rocuronium. Il est important de s’assurer que le patient est dans un coma complet avant de donner le relaxant musculaire. Un des protocoles par voie orale comporte une dose de 15 mg de sécobarbital, et il est essentiel d’administrer au préalable un antiémétique, comme l’ondansétron. Il faut de 5 à 10 minutes avant que l’administration par voie IV fasse effet, tandis que pour la voie orale, les médicaments agissent en 20 à 60 minutes. Dans les 2 cas, le décès est très paisible et il ne se produit pas de respiration ou râle agonique. Dans certaines provinces, le clinicien doit être présent jusqu’au décès, même si un protocole par voie orale est suivi. Dans certaines circonstances, le professionnel doit avoir à portée de la main des médicaments par voie IV au cas où le décès ne se produisait pas dans un délai acceptable. Jusqu’à présent, très peu de Canadiens ont eu recours à la voie orale.
Conclusion
Les résidents en médecine familiale doivent comprendre comment discuter des soins en fin de vie avec les patients et leur famille. Il leur faut comprendre l’évaluation et l’administration de l’AAM, de même que l’approche à adopter, de manière à ce qu’ils puissent offrir des renseignements exacts à leurs patients. Idéalement, les résidents devraient avoir la possibilité d’être témoins d’une évaluation et, s’ils sont à l’aise de le faire, d’assister à l’administration de l’AAM. Souvent, le fait de savoir que l’AAM est accessible permet aux patients de faire face à leur prochain traitement ou à leur mort avec moins d’anxiété et de se sentir plus en contrôle. Cela est vrai pour les patients qui reçoivent l’AAM et pour ceux qui n’ont que des conversations à ce propos.
Conseils pour les enseignants
▸ Les médecins de famille doivent être préparés à répondre aux questions de leurs patients à propos de l’aide médicale à mourir (AAM) et à donner des renseignements exacts, quels que soient leurs valeurs et leurs sentiments personnels.
▸ Idéalement, les résidents devraient avoir la possibilité d’être témoins d’une évaluation de l’AAM et, s’ils sont à l’aise de le faire, d’assister à son administration
▸ Souvent, le fait de savoir que l’AAM est accessible permet aux patients de faire face à leur prochain traitement ou à leur mort avec moins d’anxiété et de se sentir plus en contrôle. Cela est vrai pour les patients qui reçoivent l’AAM et pour ceux qui n’ont que des conversations à ce propos
Occasion d’enseignement est une série trimestrielle publiée dans Le Médecin de famille canadien, coordonnée par la Section des enseignants du Collège des médecins de famille du Canada (CMFC). La série porte sur des sujets pratiques et s’adresse à tous les enseignants en médecine familiale, en mettant l’accent sur les données probantes et les pratiques exemplaires. Veuillez faire parvenir vos idées, vos demandes ou vos présentations à Dre Viola Antao, coordonnatrice d’Occasion d’enseignement, à viola.antao@utoronto.ca.
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the April 2018 issue on page 315.
Références
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