Abstract
Le syndrome de la veine cave supérieure (SVCS) représente une urgence oncologique. L’utilisation croissante des cathéters centraux pour des raisons oncologiques et non oncologiques pourrait faire augmenter l’incidence de ce syndrome. Dans cet article, les auteurs présentent une étude de cas portant sur une femme de 56 ans qui s’est présentée aux urgences pour un gonflement du visage perdurant depuis trois semaines et accompagné d’une perte d’audition importante, d’une toux continuelle, d’un enrouement et d’une enflure des bras, du thorax et du haut du dos. Un tomodensitogramme a révélé une occlusion complète de la veine cave supérieure, ce qui a confirmé le diagnostic de SVCS. La présente étude de cas discute des causes du SVCS, expose le tableau clinique liée aux antécédents de la patiente, et décrit l’intervention effectuée auprès de la patiente.
SYNDROME DE LA VEINE CAVE SUPÉRIEURE: ÉTUDE DE CAS D’UNE URGENCE ONCOLOGIQUE
Le syndrome de la veine cave supérieure (SVCS) est reconnu comme une urgence oncologique possiblement mortelle et présentant un caractère aigu (Gabriel, 2012). Ce syndrome peut être l’avertissement d’une nouvelle pathologie chez les patients ayant des antécédents de cancer, particulièrement chez les patients qui ont un cancer touchant le thorax (Crispo, Fidalgo, Fix et Higgins, 2011; Kostopoulu, Tsiatas, Kelekis, Dimopoulos et Papadimitriou, 2009; Szerlip, Singh et Luft, 2011). On n’a pu retrouver de statistiques canadiennes à ce sujet, mais aux États-Unis, l’incidence du SVCS est de 15 000 cas par année (Landis, Bohanes et Kohler, 2009).
Cette étude de cas d’une patiente souffrant d’un SVCS est présentée en raison de son caractère imprévu chez cette patiente, qui avait souffert d’un rhume de poitrine prolongé et d’une toux au cours des deux mois précédant le diagnostic du SVCS. Les symptômes du rhume de poitrine et d’infection des sinus ont aussi compliqué le tableau clinique. Comme aucune étude de cas similaire n’a pu être trouvée; les auteurs ont jugé utile d’en faire part à la collectivité médicale.
REVUE DE LA DOCUMENTATION
Le gonflement du visage accompagné du gonflement d’une extrémité supérieure, de pléthore faciale, de maux de tête, d’enrouement, de troubles visuels ou d’un changement d’état mental (Szerlip et al., 2011, p. 78) font partie des signes et symptômes les plus courants rapportés pour le SVCS. Rice, Rodriguez et Light (2006) ont examiné 78 patients pour déterminer si les signes et symptômes du SVCS étaient différents chez les patients atteints d’une tumeur maligne comparativement à ceux qui avaient une maladie bénigne comme cause. Ils ont établi que le signe le plus fréquent de SVCS était le gonflement du visage ou du cou et qu’il n’y avait pas de différence statistique entre les deux groupes. La tumeur maligne la plus souvent en cause dans leur population était le carcinome bronchique, et la majorité des causes bénignes étaient liées à l’utilisation de dispositifs intravasculaires (Rice et al., p. 38).
Andris et Krzywda (1999) ont décrit les occlusions des dispositifs intravasculaires selon l’étiologie : mécanique, non thrombotique et thrombotique. Les occlusions mécaniques peuvent être causées par de nombreux facteurs tels qu’un cathéter mal positionné, un entortillement du cathéter ou du tube, ou possiblement une suture qui maintient le cathéter trop serré. Les occlusions non thrombotiques peuvent être causées par des dépôts de lipide ou un précipité venant bloquer la lumière du cathéter.
Wingerter (2003) a signalé deux types d’occlusions thrombotiques liées au cathéter. Ces occlusions sont situées à l’intérieur (intraluminales) ou à l’extérieur (extraluminales) de la lumière du cathéter. La thrombose intraluminale, laquelle peut se produire à l’intérieur de la lumière du cathéter ou dans le réservoir d’un Port-a-Cath, peut survenir lorsque « la fibrine ou les produits du sang s’accumulent dans la lumière du cathéter » (p. 345). La thrombose extra-luminale, qui se produit à l’extérieur du cathéter, peut « comprendre la queue du thrombus, une gaine de fibrine ou des thrombus muraux » (p. 345). La thrombose peut se former et se manifester différemment en fonction de l’accès, de l’administration de médicaments ou de l’obtention d’échantillons de sang par un Port-a-Cath; cependant; il est important de déterminer le problème avec le cathéter et d’adopter des mesures correctives.
TABLEAU CLINIQUE
La patiente de 56 ans de cette étude de cas (et première auteure de cet article) souffrait d’un SVCS. Un Port-a-Cath personnel avait été mis en place neuf mois avant l’apparition du SVCS afin de faciliter l’administration d’agents chimiothérapeutiques pour traiter un lymphome folliculaire. La patiente avait des antécédents d’asthme, de sarcoïdose pulmonaire et d’apnée du sommeil, et avait récemment été traitée pour une infection des voies respiratoires supérieures par des antibiotiques oraux et intraveineux et par des stéroïdes.
Même si la patiente avait déjà présenté une exacerbation de l’asthme avec un rhume de poitrine, le premier signe qui lui a causé des inquiétudes est lorsqu’elle s’est réveillée avec un gonflement du visage, de la langue et des lèvres (figure 1 [jour 1] et figure 2 [jour 2]). Elle a d’abord pensé qu’elle faisait une réaction allergique aux antibiotiques pris pour l’infection causée par son rhume de poitrine. Pendant les quatorze jours qui ont suivi, le gonflement du visage a progressivement augmenté d’un matin à l’autre avant de s’étendre au bras droit, puis au bras gauche, au thorax, au cou et au haut du dos (figure 3 [jour 4] et figure 4 [jour 14]). La patiente présentait une congestion nasale importante et a signalé avoir perdu environ 80 % de son audition. Une toux persistante non productive la secouait de jour comme de nuit. Elle a également eu des épisodes de syncope après une toux prolongée pendant les cinq derniers jours précédant son hospitalisation, et des stries rouges couvraient le haut de son thorax et de son dos. Pendant les cinq nuits précédant son hospitalisation, elle a dormi assise sur une chaise en raison de la dyspnée importante qu’elle ressentait lorsqu’elle tentait de s’allonger. Elle a pris près de 13 kilogrammes (30 livres) en l’espace de dix-huit jours.
DIAGNOSTIC ET TRAITEMENT
Lorsqu’elle s’est présentée aux urgences le jour de son hospitalisation, les signes vitaux de la patiente étaient normaux. Les prises de sang, l’électro-cardiogramme (ECG) et la radiographie thoracique étaient tous dans les limites de la normale. Un tomodensitogramme du thorax a révélé une occlusion complète de la veine cave supérieure (figure 5).
Un radiologue interventionnel a été consulté, et la patiente a été transférée au service de radiologie intervention-nelle. Après avoir obtenu le consentement éclairé de la patiente, une phlébographie conventionnelle a été réalisée, laquelle a révélé une occlusion complète de la veine cave supérieure avec thrombose se prolongeant dans les parties proximales des veines brachiocéphaliques bilatérales (figure 6). La thrombolyse dirigée par cathéter a été commencée avec un bolus de 2 mg d’Activase (Cathflo, Genentech, San Francisco, Californie), et a été suivie d’une perfusion de 1 mg/h d’Activase t-PA aux trois heures. Un phlébogramme de vérification a indiqué la présence un caillot résiduel considérable. Le Port-a-Cath été retiré. Une thrombolyse mécanique a été effectuée par aspiration mécanique et angioplastie, après quoi seule une petite quantité du caillot résiduel est demeurée dans la veine brachycéphalique proximale gauche (figures 7 et 8). Ce résidu ne semblait pas nuire à la circulation, et la patiente a été remise sur pied dans un état stable. Elle a obtenu son congé avec une ordonnance de 100 mg de Lovenox sous-cutané, deux fois par jour, pendant trois mois.
Dans les six jours qui ont suivi l’intervention, la patiente a signalé une perte de poids totale de 13 kilogrammes (30 livres, voir figure 9). Un autre tomodensitogramme effectué quatre mois plus tard n’a révélé aucun caillot résiduel dans la veine cave supérieure ou dans les veines brachiocéphaliques (figure 10). Un an après l’intervention, la patiente se porte bien. Elle a maintenu une chimiothérapie d’entretien sous rituximab tous les trois mois, pendant deux ans, pour le traitement d’un lymphome folliculaire. La chimiothérapie s’est poursuivie au moyen d’un accès veineux périphérique.
IMPLICATIONS POUR LA PRATIQUE INFIRMIÈRE
L’infirmière autorisée est souvent la première personne à qui le patient se présente au triage du service des urgences d’un hôpital. L’obtention des antécédents complets, incluant des questions sur l’état médical dans le passé et la présence d’un cathéter central, alerteront l’infirmière autorisée quant à la possibilité d’un SVCS. De plus, l’infirmière autorisée qui sait qu’un gonflement soudain du haut du corps peut indiquer un problème de retour veineux de la veine cave supérieure peut alerter le médecin quant à une possible pathologie thoracique n’ayant pas encore été détectée. Le dépistage et l’intervention précoces pourraient possiblement sauver la vie d’un patient.
CONCLUSION
Cette étude de cas avait ceci d’inhabituel du fait que, avant l’apparition du SVCS, la patiente avait contracté une infection grave des sinus et un rhume de poitrine qui sont venus déformer son portrait clinique lorsqu’elle a consulté des professionnels de la santé dans les semaines précédant le diagnostic. Il est important de regarder au-delà de l’évidence lorsqu’on dresse le tableau clinique d’un patient afin de considérer les autres diagnostics possibles, particulièrement chez un patient ayant des antécédents de cancer ou un cathéter central. Le SVCS constitue une urgence oncologique. Un diagnostic et une intervention rapides peuvent faciliter un prompt retour du patient vers la santé.
Footnotes
Les trois auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts et n’avoir reçu aucun soutien financier pour la rédaction de cet article.
RÉFÉRENCES
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