À la fin de ma résidence, je pensais réellement savoir ce que je voulais. J’avais suivi toute une série de cours au choix et fait des stages dans diverses cliniques de médecine de famille et services d’urgence ; je croyais donc avoir une bonne idée de mes priorités. Pourtant, passer de résident le 30 juin à praticien indépendant le 1er juillet n’a pas été sans sa part de surprises. J’ai bien vu que les connaissances et les expériences cliniques que j’avais acquises tout au long de ma formation, bien qu’excellentes, comportaient d’importantes lacunes : structures administratives, frais généraux et formules de facturation, vacances et remplacement des collègues ne sont que quelques-uns des problèmes auxquels je n’avais jamais vraiment été exposé. Lever le rideau sur les réunions administratives et départementales m’a ouvert les yeux sur la multitude de choses qui se déroulaient dans les coulisses d’une pratique de groupe et que je ne connaissais pas ou aux-quelles je n’avais jamais été exposé pendant la résidence.
Des années plus tard, j’ai fait du travail de remplaçant pour divers types de pratiques de médecine de famille et des quarts de travail dans plus de seize services d’urgence, du milieu rural au milieu universitaire. La perspective que j’ai tirée de ces expériences m’a été d’une valeur inestimable : elle m’a permis de mieux cerner ce que je recherchais dans une pratique clinique et dans une pratique de groupe, d’éviter d’éventuels pépins professionnels et de me préparer à devenir membre à part entière d’une équipe et d’une communauté médicale. En plus d’offrir une meilleure perspective et une compréhension de ce que pourrait être une pratique future, le travail de remplaçant comporte de nombreux avantages, dont l’importance de soutenir ses collègues, de favoriser le mentorat, de vivre des expériences diverses et d’apprendre à mieux apprécier le rôle du médecin de famille.
Quelques avantages
Soutenir ses collègues.
Le travail de médecin remplaçant a permis à mes collègues de prendre des vacances, des congés de maternité et de s’inscrire à des activités de développement continu. Il est reconnu que la couverture des médecins remplaçants peut être un élément clé du soutien de la viabilité des médecins de famille, particulièrement en milieu rural.1 En fait, le manque de couverture a toujours été reconnu comme un défi dans ces milieux et peut contribuer aux problèmes d’épuisement et de rétention.2
Favoriser le mentorat.
J’ai énormément profité des relations de mentorat avec des collègues chevronnés dans une variété de contextes. Le mentorat — formel et informel — dans les cliniques ou bureaux de médecine peut s’avérer un outil puissant pour planifier une carrière. Par contre, plus de la moitié des nouveaux médecins de famille au Canada déclarent ne pas avoir de mentor.3 Voir comment divers collègues organisent leur pratique peut être d’une aide précieuse dans la planification de votre propre pratique, tout comme avoir un réseau de soutien pendant les périodes difficiles.
Vivre des expériences diverses.
La flexibilité et l’étendue de l’expérience ont été présentées comme les récompenses du travail de remplaçant4. Pour ma part, j’ai trouvé que chaque communauté, hôpital ou bureau dans lequel j’ai travaillé avait ses propres défis et besoins. Qu’il s’agisse de cliniques à couverture unique, de services d’urgence ou de grands centres multidisciplinaires, qui accueillaient des étudiants en médecine et des résidents, chaque environnement m’a donné une perspective unique sur l’évolution de la population et le contexte des soins de santé dans lequel nous travaillions. Chaque stage m’a permis de recueillir des connaissances, par exemple, ne jamais sous-estimer les problèmes de santé d’un agriculteur, et m’a permis d’acquérir et de maintenir un large éventail de compétences que j’apporte maintenant à ma pratique quotidienne. J’ai également été ébloui par l’immense beauté qui se cache juste au coin de la rue et par la gentillesse des étrangers qui m’ont accueilli dans leur ville, leur village et leur pratique.
Apprendre à mieux apprécier le rôle du médecin de famille.
Avoir l’occasion de vivre et de travailler dans différents milieux m’a également permis d’apprécier le rôle unique que jouent les médecins de famille dans le domaine médical, ainsi que dans leur communauté. De la naissance à la mort — des soins obstétricaux et néonatals aux soins palliatifs et de fin de vie — aucun autre groupe de médecins ne porte ce regard unique sur la santé d’une population. La profondeur de la relation établie lorsqu’un médecin de famille prend soin d’un patient dans tous les hauts et bas de la vie fait partie intégrante des soins de santé et constitue le fondement de notre profession. Témoigner de la vaste expertise et de la diversité de la pratique de médecine de famille par l’entremise du travail de médecin remplaçant a été une source d’inspiration.
Autres considérations
Après avoir décidé de faire un stage de remplaçant, il faut aussi tenir compte de plusieurs importants facteurs. En plus de revoir les conseils présentés dans d’autres articles publiés dans Le Médecin de famille canadien qui peuvent aider à assurer une expérience réussie5,6, je vous suggère de tenir compte de ce qui suit.
Votre inventaire médical personnel.
Quel niveau de compétences et de confiance pouvez-vous offrir? Vous sentez-vous capable d’effectuer des accouchements, du travail en milieu hospitalier ou en salle d’urgence? De quel niveau de soutien ou de renfort avez-vous besoin sur place? Les stages de remplaçant sont assortis d’une variété d’occasions et, pour vous préparer, il vous faut d’abord savoir quel est votre niveau de confiance et de compétence. Vous devez réfléchir à ce que vous voulez apprendre, car d’excellentes occasions de soutien et de mentorat dans la communauté existent, si vous êtes prêt à acquérir des compétences additionnelles, si vous restez assez longtemps ou si vous prévoyez revenir. Surtout, il est important d’être franc avec l’équipe soignante quant à votre niveau de confiance et vos limites.
Votre disponibilité et votre adaptabilité.
Travailler en tant que médecin remplaçant à court terme est une expérience très différente de celle d’un médecin remplaçant à long terme ou d’un médecin remplaçant qui revient. Réfléchissez à votre volonté de vous engager, car cela peut totalement changer le type d’expérience. Une relation de suppléance à long terme ou répétée vous permet de contribuer de différentes façons et d’observer comment l’équipe fonctionne dans son ensemble. Pensez également à vos engagements familiaux ou relationnels qui peuvent avoir une incidence sur les occasions que vous pourriez vouloir explorer, sur le plan personnel ou en tant que couple ou famille. Bien communiquer votre disponibilité et toute difficulté éventuelle peut faciliter la transition vers votre expérience de médecin remplaçant et vous préparer, ainsi que votre équipe ou communauté d’accueil.
Votre horaire et vos objectifs.
Certains médecins remplaçants aiment l’équilibre entre la souplesse et la diversité, et on suggère, particulièrement aux États-Unis, qu’un nombre croissant de médecins en font un choix de carrière.7 D’autres y voient une façon temporaire d’explorer des options et d’acquérir de l’expérience. Une étude canadienne montre que plus de 40 % des nouveaux diplômés qui ont travaillé comme médecins remplaçants ont fini par exercer dans un des endroits où ils avaient travaillé.4 Il est important de tenir compte de vos objectifs en abordant votre stage de remplaçant lorsque vous définissez vos débuts professionnels. Votre temps est limité, mais espérez-vous faire de la suppléance pour une période de temps donnée? Cherchez-vous une pratique particulière pour vous installer, ou pour prendre de l’assurance et améliorer vos habiletés avant de vous lancer dans votre propre pratique? Beaucoup de communautés cherchent activement à recruter de nouveaux médecins. Donnez-leur la chance de montrer ce qu’elles peuvent vous offrir et votre expérience en sera enrichie!
Conclusion
Travailler comme médecin remplaçant peut s’avérer une excellente façon d’élargir votre perspective et de trouver un endroit pour une pratique future tout en aidant vos collègues, en acquérant une vaste expérience et en dénichant des occasions de mentorat enrichissantes. Adoptez une approche structurée et un esprit ouvert. Bonne chance!
Les Cinq premières années de pratique est une série trimestrielle publiée dans Le Médecin de famille canadien, sous la coordination du Comité sur les cinq premières années de pratique de la médecine familiale du Collège des médecins de famille du Canada (CMFC). Le but de cette série est d’explorer des sujets susceptibles d’intéresser les médecins en début de pratique ainsi que tous les lecteurs de la revue. Nous invitons tous ceux et celles dans leurs cinq premières années de pratique de soumettre un article au Dr Stephen Hawrylyshyn, coordonnateur, Cinq premières années de pratique, à l’adresse steve.hawrylyshyn@medportal.ca.
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the May 2019 issue on page 371.
Références
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