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. Author manuscript; available in PMC: 2019 Jul 16.
Published in final edited form as: Psychotherapies (Geneva). 2005;25(4):223–234.

The Interface between Attachment and Intersubjectivity: Perspectives from a Study on Disorganized Attachment

L’interface entre attachement et intersubjectivité : perspectives issues de l’étude longitudinale de l’attachement désorganisé1

Karlen Lyons-Ruth 2
PMCID: PMC6632082  NIHMSID: NIHMS614833  PMID: 31312072

Abstract

This paper considers the interface between the concepts of attachment and intersubjectivity in light of accumulated research on infant development Both Tomasello (1999) and Hobson (2002) have argued persuasively that the flexible human capability for sharing mental states with others reframes and revolutionizes our older more highly channeled primate biological heritage In contrast to this emphasis on discontinuity from primate to human evolution, attachment theorists have stressed the continuities between human attachment and attachment in other primates The implications of new work on infant intersubjectivity for refraining aspects of attachment theory are first explored Then it is argued that attachmtnt research also has much to offer in understanding the development of joint altention and the sharing of mental states under conditions of increased emotional arousal These potential contributions of attachment research for understanding the development of intersubjectivity are discussed in light of the author’s longitudinal work demonstrating that borderline and dissociative symptoms in young adulthood are associated with deviance in the early intersubjective dialogue between mother and infant The idea that emerges from these converging bodies of work is that fostering more collaborative forms of communication may lie at the heart of evolutionary change developmental change and changes resulting from psychodynamic psychotherapy

Keywords: Attachement, Infant development, Intersubjectivity

Repenser les mécanismes de l’attachement pendant la première année: évolution et conscience intersubjective

On a beaucoup écrit récemment sur le passage, du point de vue du changement évolutif. du biologique à ce que j’appellerai les mecamsmes dialogiques, ou « des gènes aux mêmes ». Par exemple. Tomasello (1999) note qu’avec l’emergence relativement récente de homo sapiens comme espèce, des innovations culturelles plus complexes se sont introduites dans la vie humaine ces 200 000 demières années que durant les 6 millions d’années precedents. II considere qu’un changement biologique s’est produit. par lequel le fondement de l’innovation évolutive de la vie humaine a passé des mécanismes biologiques qui avaient gouveme le changement pendant 6 millions d’années à des mécanismes évolutifs culturels qui sont plus rapides selon plusieurs ordres de grandeur que ceux de 1’évolution biologique. Tout comme Hobson (2002). il attribue ce passage aux capacités de l’être humain à partager les pensées et les sentiments des autres bien supérieures à celles des autres primates.

Ces capacités se manifestent en premier lieu au niveau du partage affectif et ensuite au niveau de l’enseignement explicite et de l’apprentissage. Contrairement aux autres primates, le nourrisson humain n’a pas à acquérir de lui-même toute la connaissance et l’expérience nécessaire pour la survie. II lui suffit d’assimiler l’aptitude à partager les valences affectives et les états intentionnels avec les autres pour pouvoir participer à l’apprentissage culturel de la société humaine.

En contraste avec l’accent mis par Tomasello. Hobson et d’autres. sur la discontinuité dans les processus évolutifs, les théoriciens de l’attachement ont souligné les continuités entre 1’attachement humain et l’attachement chez les autres primates. Comme nous le savons tous, John Bowlby (1969) a documenté minutieusement les ressemblances qui apparaissent entre les comportements d’attachement des primates et les cultures humaines. Cependant, au temps où il écrivait. on connaissait peu les capacités du nourrisson à établir une communication intersubjective avec un donneur de soin. Par conséquent, en discutant le Système comportemental d’attachement au cours de la première année. Bowlby a situé ce système dans le contexte de l’évolution des primates. II a identifié les comportements d’attachement humain les plus molaires, visibles et partagés avec les autres primates, tels que s’accrocher, suivre, et pleurer, comme des contributions du nourrisson à la relation d’attachement pendant la première année.

Mais ce n’est que vers la fin de la première année que ces comportements revêtent la configuration caractéristique des comportements orientés vers un but, décrits par Bowlby, et qui servent à maintenir la proximité avec le donneur de soin et à protester contre la séparation. Aussi, les études sur le système d’attachement du nourrisson se sont-elles focalisées sur les comportements à partir de 12 mois et ont-elles négligé ceux de la premiere année.

Vue d’ensemble des stratégies organisées de l’attachement

Dans son ouvrage innovateur «L’attachement», Bowlby (1969) a avancé le concept critique d’un systéme motivationnel d’attachement qui favorise la proximité du petit enfant auprès de son donneur de soin. et par là. régule a lafois la sécunte réelle el le sens de sécurité du petit enfant dans son environnement. Le maintien de la proximite physique promeut à la fois la sécurité reelle de l’enfant et son expérience psychologique de « sécunté vecue » dans son environnement. II soutenait que les noumssons sont biologiquement prédisposés à s ‘attachei à leurs donneurs de soins et que les perturbations precoces des relations d’attachement primaires pouvaient conduire à une insécunté émotionnelle et à des perturbations ulténeures dans le developpement de relations significati ves (Bowlby, 1969, 1973. 1980).

Mary Ainsworth a développé une procédure pour classer la qualité de l’attachement de 1’enfant à son donneur de soin. procédure connue sous le nom de situation étrange (Strange situation procédure). Les réponses d’enfants de 12 à 18 mois à de brèves séparations et réunions avec le donneurde soin permettent en effet au chercheur de classer 1’organisation de l’attachement de l’enfant córame sécurisé, évitant ou résistant/ambivalent. Dans les premiéres études d’Ainsworth. qui ont été repliquées à maintes reprises, la sensibilite de la mére aux signaux et communications de l’enfant à la matson predisait une organisation securisée, le rejet modéré prédisait l’attachement évitant. et l’imprédictibilité prédisait l’attachement ambivalent (Main, 2000)

Même si Bowlby mettait en avant lacontinuité entre l’attachement de l’homme et l’attachement du primate, j’aimerais soutenir que l’organisation de l’attachement humain estradicalement différente de cellede l’attachement dans les autres espéces. En effet. le nourrisson humain a des aptitudes uniques à l’échange intersubjectif dès le début de la vie

Tomasello. aussi bien qu ‘Hobson, soutiennent que seuls les humains developpent la capacité d’attribuer aux autres une vie mentale semblable à la leur. Cependant. Hobson, dans son récent ouvrage The Cradle of Thought (2002), va plus loin que Tomasello. II attribue l’émergence évolutive de formes de penseé intersubjective aux relations émotionnelles pnmaires qui sont évidentes des le début de la vie. Hobson présente aussi une image très détaillée des capacités du noumsson à entrer dans l’expénence émotionnelle des autres. Cette capacité est un ancrage de notre humamté et constitue la base des formes plus tardives d’intersubjectivité. et plus largement, de la pensee

Hobson soutient que la capacité du nourrisson humain à entrer dans des communications affectives complexes avec le donneur de soin est beaucoup plus grande que celle des autres primales au début de la vie. Le travail des primatologues montre que les petits chimpanzés ne s’engagent pas dans le contad visuel soutenu ou le sourire comme le nourrisson humain de deux mois.

Nous savons aussi. grâce aux travaux de Harriet Oster & Paul Ekman (1978), que le visage humain a 25 configurations d’action faciale pour signaler les gradations des affects, bien plus que toute autre espèce. Des résultats récents en neurosciences confirment que le cerveau du nourrisson est préformé pour s’engager dans des communications affectives fmement modulées des la naissance (cf. par exemple Tzourio-Mazoyer et al.. 2002).

J’aimerais suggérerqu’au furet à mesure que le partage des états intentionnels devenait une force puissante dans l’évolution humaine. ce changement a aussi affecté le Système d’attachement entre parent et enfant. Le centre de la relation d’attachement se déplacait alors des comportements molaires - comme s’accrocher et suivre - vers des processus essentiellement intersubjectifs tel que le partage de signaux affectifs. Cette base intersubjective de l’attachement a été reconnue implicitement dans les travaux d’Ainsworth et al. (1978). ainsi que dans les travaux plus tardifs de Bowlby. Mais dans ce temps-là. on connaissait beaucoup moins les capacités du nourrisson à entrer en relation. Aussi, la capacité du nourrisson à l’intersubjectivité n’a-t-elle jamais été bien intégrée dans la pensée initiale de Bowlby concernant les comportements communs avec les autres primates.

Ainsi. en contraste avec les comportements d’attachement du primate, le Systeme d’attachement de l’humain est filtré et médiatisé par des processus intersubjectifs de plus en plus complexes qui émergent depuis la naissance. Les comportements d’attachement plus visibles que l’on observe dans les autres espéces, comme pleurer, s’agripper, suivre et maintenir un contact physique proche ont été recontextualisés des le début de la vie humaine par le partage de signaux affectifs vocaux et faciaux finement modulés relatifs aux états intentionnels. L importance des comportements d’attachement des primates, comme s’accrocher. suivre et le contact physique proche servant à apaiser l’enfant et à maintenir un état affectif positif. est partiellement dépla- cée au profit du partage de signaux affectifs.

Intersubjectivité, affect positif et régulation de l’excitation physiologique

Tandis que les premières recherches sur l’attachement assimilaient les processus d’attachement à 1’activation de comportements de l’enfant plus molaires. plus faciles à observer, les travaux récents portent sur les processus physiologiqucs moins évidents qui sont impliqués dans la régulation de lapeur dans l’axe HPA. L’axe ΗΡΑ. comme on le désigne. est un Système complexe de reponse au stress qui régule les niveaux corporeis de l’hormone de stress cortisol. La recherche indique que le cortisol est libere quand un individu est confronté a un défi stressant mais ne peut pas trouver une réponse effective

Le nouveau né humam manifeste une réponse adénocorticale trés marquee aux stresseurs lors de la naissance (Gunnar. 1992). Cependant, cette réactivité du Systeme ΗΡΑ diminue au cours de la première annee selon de la qualite des soins (Gunnar & Donzella. 2002. Gunnar et al. 1989. Gunnar & Nelson. 1994; Spangler & Grossman. 1993). La sensibilité. la réceptivité et l’attention des donneurs de soin pnmaires apparuissent comme cruciales pour maintenir une faible activité du cortisol pendant cette penode (Gunnar & Donzella, 2002). L’absence d’un donneur de soin disponible et sensible conduit à des élevations significatives des niveaux de glucocorticoide en réponse aux stresseurs, elevations plus fortes que celles que l’on observe chez les enfants plus âges ou les adultes (Gunnar & Donzella. 2002). Les résultáis récents sur la régulation de la réponse au stress du donneur de soin sont corroborés par des études égale- ment contrôlees sur des rats et des singes, (cf. Liu et al., 1997 , Francis et al. 1999. Copian. Andrews et al. 1996; Weaver & Meaney. 2000). Ces études expérimentales soulignent l’importance des soins précoces pour instaurer des réponses stables au stress dés le début de la vie.

Nous savons aussi que lasensibilité du donneur de soin aux signaux de l’enfant peut aussi l’emporter sur des prédispositions génétiques et de temperament aux réponses élevées au stress. Par exemple. une étude a montré que des enfants a temperament anxieux ne montraient pas d’élévation de Cortisol lors d’événements nouveaux s lis étaient accompagnés par un donneur de soin avec qui ils avaient une relation sécunsée. tandis qu’ils la manifestaient si la relation est msecurisce (Nachmias et al, 1996). On a mis en évidence le même phénomene chez le ral et le smge.

II semble que la réponse sensible et réceptive du Système de soin peut agir comme tampon de l’axe LHPA pour le nourrisson et le petit enfant humam. Spangier & Grossmann (1999) ont démontré que les noumssons dont l’attachement est sécunsé possèdent des stratégies de réduction du stress appropnées pour commumquer avec le donneur de soin et qu ils manifestent par conséquent des augmentations négligeables de mveaux de cortisol quand ils sont exposes au stress. En revanche, les enfants insécurisés. et plus encore les enfants desorgamsés, doivent tolérer des reactions physiologiques au stress augmentees. en plus d’avoir des strategies de comportements inadéquates pour réussir àa s’apaiser auprès de leur donneur de soin Ces travaux montrent claireinent que le sentiment de sécurité. ou du « fearful arousal3 » diez le nourrisson est régulé seconde par seconde par des communications intersubjectives entre donneur de soin et nourrisson plutôt que par des activations intermittentes du systèmes d’attachement.

L’importance de ces communications intersubjectives continues pour réguler le « fearful arousal» chez l’enfant conduit à proposer une adaptation de plus de la théorie plus ancienne de l’attachement. Dans les approches précédentes. on voyait l’attachement comme un système motivationnel activé par des situations qui suscitent la peur. y compris par la distanciation du donneur de soin. II était désactivé par- sa proximité. Je soutiendrais que les nou- velles capacités du nourrisson humain pour entretenir des échanges intersubjectifs en continu ne peuvent pas être conques en premier lieu comme des mécanismes de terminaison ou d’apaisement d’une peur déjà activée.

Comme l’ont indiqué Daniel Stem (1985), Colwyn Trevarthen (1980) et d’autres, les phases les plus précoces du partage intentionnel incluent aussi des partages d’affects positifs, ayant pour but de développer et de maintenir un état essentiellement positif entre le nourrisson et le donneur de soin. Le maintien de cet engagement positif continu est essentiel pour réduire la réaction de peur pendant la première année de vie. et par conséquent le sens de sécurité et la modulation du stress. Bien qu’il soit nécessaire de pousser la recherche dans ce domaine, nous savons que 1’affiliation sociale réduit les hormones de stress comme le cortisol, et qu’elle accroît la production des hormones qui favorisent le bien-être, comme l’oxytocine. Aussi existe-t-il des mécanismes biologiques potenliels pour considérer que l’engagement positif avec la figure d’attachement dans la petite enfance réduit le stress (cf. Taylor et al., 2000).

Porges (2005) a aussi élaboré un modéle montrant comment l’engagement social positif peut diminuer l’excitation sympathique, médiatisée par les composants ventraux-vagaux du système nerveux parasympathique. Par conséquent, il y a maintenant convergence des arguments développemen- taux-comportementaux, biologiques et évolutionnistes suggérant d’élargir notre modéle du systéme d’attachement comportemental et d’y indure des composantes positives de la relation donneur de soin-nourrisson qui servent aussi à réguler le « fearful arousal ».

En résumé, je soutiendrais que la recherche actuelle sur l’attachement doit être étendue dans trois directions critiques : de l’accent sur les mécanismes de proximité et de protection à un accent égal sur les mécanismes de l’échange intersubjectif: de l’accent sur les processus de réconfort et d’apaisement de la détresse à un accent égal sur les processus impliqués dans le maintien de l’engagementpositif; et de l’accent sur la perteet les événements traumatiques à un accent égal sur les processus relationnels plus continus qui permettent aux affects d’être vécus, communiqués et intégrés dans la pensée.

La relation entre attachement et intersubjectivité

Comment devrions-nous concevoir la relation entre la predisposition spécifiquement humaine à 1’intersubjectivité qui est évidente des la naissance et le système d’attachement comportemental qui a été décrit en grand détail depuis l’áge de 12 mois ? On pourrait concevoir le systéme d’attachement et le systéme intersubjectif comme des systèmes motivationnels séparés, chacun avec leurs objectifs propres et leurs organisations orientées vers un but. Parexemple, Giovanni Kugiumutzakis (1988). un chercheurgrec. a dit que le nourrisson estdoué d’un système motivationnel intersubjectif. « un système moti vationnel à la recherche d’un autre étre émotionnel pour entrer ensemble dans un jeu coopératif, complémentaire et intersubjectif. »(p. 80).

Ma propre pensée a pris un tour différent. Je vois la capacité humaine à l’intersubjectivité comme une condition de notre humanité et comme une fonction essentielle de l’esprit. Nous ne pourrions pas plus inhiber la fonction de notre conscience intersubjective que nous ne pouvons inhiber notre aptitude à l’abstraction ou notre besoin de respirer. Je ne verrais pas l’intersubjectivité comme un système motivationnel orienté vers un but, et qui s’active ou se désactive sous certaines conditions, mais comme un paramètre du fonctionnement mental humain qui ne peut être désactivé. Le cerveau humain ne peut pas se développer et se maintenir sans être en relation, condition continuellement en jeu dans la vie mentale. L’entraînement culturel. dont l’origine est également intersubjective. peut nous conduite avec le temps à nous détoumer de penser consciemment aux états mentaux des autres. Mais la lecture intersubjective de base et le partage de notre vie mentale avec les autres sont des conditions de notre existence et ne peuvent être désactivées.

Le langage des systèmes motivationnels se réfère en grande partie à un héritage plus ancien, d’avant l’émergence de l’espèce humaine. Mais des impératifs culturéis et sociaux développés plus tard grâce à notre capacité à l’intersubjectivité pourraient l’emporter sur des systémes motivationnels préservés dans une certaine mesure dans l’espèce humaine. nos instincts de siirvie les plus fondamentaux inclus. Comme en ce qui concerne nos autres capacités à penser et à résoudre des problèmes, nous sommes intrinsèquement poussés à entrer en relation avec les autres et à comprendre que ces autres ont un esprit comme nous. Mais je ne verrais pas ces capacités comme un processus dont l’intensité irait en croissant et décroissant, ou existant dans une hiérarchie de besoins essentiels de survie. La capacité à être concemé par l’autre et à participer à sa vie émotionnelle, pour citer Peter Hobson (2002), est un trait inhérent à la nature humaine.

Jusqu’ici. j’ai souligné l’importance des travaux sur les capacités intersubjectives du nourrisson pour recadrer certains aspects de la théorie de l’attachement. Cependant. de la même façon, la recherche sur l’attachement a beaucoup à offrir pour comprendre le développement, ainsi que les déviations développementales de l’intersubjectivité. Être libre de «fearful arousal» est fondateur pour pouvoir toumer son attention vers le monde social et l’explorer. en particulier le monde intime des relations intersubjectives. Aussi, le degré auquel la relation enfant-donneur de soin peut maintenir un engagement positif et réguler ce « fearful arousal » aura des conséquences considérables sur le développement, qu’il s’agisse de l’organisation de l’intersubjectivité, en particulier, et de l’organisation de la vie mentale, en général.

Désorganisation de l’attachement et processus intersubjectifs perturbés

Le passage évolutif à une base intersubjective de la régulation de l’attachement permet beaucoup plus de subtilité et de variété dans la qualité de l’étre en relation et dans l’adaptation des interactions entre parent et enfant. Ce passage ouvre également la voie à une gamme beaucoup plus large de dis- fonctionnements peu nocifs dans les relations parent-enfant.

En élargissant l’étude de l’attachement à des families plus stressées que celles qui avaient été étudiées par Mary Ainsworth, nous avons trouvé que les comportements d’attachement du nourrisson ne correspondaient pas à l’une ou l’autre des trois stratégies organisées qu’elle avait décrites. En conséquence. Mary Main & J udith Solomon (1990) ont développé une quatrième catégorie de réponses aux séparations et réunions appelée « pattern d’attachement désorganisé/désorienté ». Ces réponses consistent en une gamme de comportements conflictuels étranges et désorientés en présence du parent. Main & Hesse (1990) ont fait l’hypothése que pour les enfants affectés, le donneur de soin est à la fois source de réconfort et d’alarme. de sorte qu’ils font l’expérience d’un besoin simultané d’approclie et de fuite vis-à-vis du parent.

Dans notre propre travail, nous avons élargi ce cadre de référence, ayant noté que l’absence de régulation provenant du donneur de soin conduit aussi à la désorganisation de l’enfant, si bien que l’absence de regulation plutôt que la crainte du parent en soi pourrait être le mécanisme général lié à la désorganisation (Kraemer. 1992). Aussi. le mécanisme plus général qui serait lié à la désorganisation pourrait être le manque d’une régulation effective, par le donneur de soin, du « fearful arousal » plutôt que la peur du donneur de soins lui-méme (Lyons-Ruth et al. 1999).

En accord avec ces hypothèses sur le comportement du donneur de soin, des études ont montré que 89 % des nourrissons abusés ou négligés manifestent des comportements d’attachement désorganisé vis-à-vis du parent (Carlson et al. 1989). II est important de nepas faire l’équation entre désorganisation et abus. puisque approximativement 15 % des nourrissons à bas-risque manifestent aussi un attachement désorganisé (van IJzendoom et al., 1999). Des comportements du donneur de soin moins extrêmes que le mauvais traitement manifeste peuvent égalemenl être en jeu dans la désorganisation.

Configurations de communication affective parentale liées à la désorganisation du nourrisson

Si les communications intersubjectives du donneur de soin sont impliquées dans la structuration de la réponse au stress du nourrisson. qu’avonsnous appris sur les interactions entre donneur de soin et nourrisson manifestant des réponses d’attachement désorganisé ?

Ce n’est que dans ces demières années que nous avons commencé à explorer les processus de communication intersubjective associés à ces formes désorganisées de comportement d’attachement du nourrisson. Et il y a encore tres peu d’études portant sur la première année. Dans notre propre travail. nous avons évalué cinq aspects généraux de la communication affective perturbée avec 1’enfant. 11s incluent:

  1. les réponses de retrait du parent.

  2. les réponses négatives-intrusives

  3. les réponses avec confusion des rôles

  4. les réponses désorientées, et

  5. une série de réponses que nous avons appelées erreurs de communication affective: ces dernières induent aussi bien des signaux affectifs conflictuels simultanés à l’adresse de l’enfant que des manquements à répondre aux signaux affectifs manifestes de l’enfant.

Dans nos études ainsi que dans cedes de trois autres laboratoires, ces processus perturbés de la communication affective à 12–18 mois sont associés significativement à l’étendue des comportements d’attachement désorganisé de l’enfant. lis sont aussi liés aux traumatismes ou pertes irrésolus de la mère tels que définis par l’interview d’attachement de l’adulte. Ces associations se retrouvent aussi bien dans des families à bas risque que dans cedes à haut risque (Goldberg et al, 2003; Grienenberger & Kelly. 2001; Madigan. 2002). De plus, ces catégories de comportement matemel sont prédictives de la désorganisation de l’enfant à un an comme à 4 ans (Kelly et al., 2003).

Profils de parentage hostile ou impuissant

II y a un autre aspect des données sur l’interaction mére-nourrisson qui est important pour comprendre les relations d’attachement désorganisé : c’est la diversité des profils de comportements de la mére et du nourrisson à l’intérieur du spectre désorganisé. Pour en simplifier la description, on peut distinguer deux groupes principaux.

Dans le premier groupe, les mères manifestent significativement plus d’apprehension, d’hésitation ou de retrait face aux comportements d’attachement de l’enfant. Elies semblent en général plus craintives et inhibées. et par- fois particulièrement douces ou fragiles. II est très peu probable qu’elles se montrent ouvertement hostiles ou intrusives et elles ont tendance à céder devant les efforts répétés de l’enfant pour établir le contact. Cependant, elles ne prennent pas l’initiative de saluer ou d’approcher l’enfant et souvent hésitent, s’éloignent ou essaient de détoumer les demandes de contact proche de l’enfant avant d’y donner suite. Nous avons nommé ce groupe « impuissant/ craintif vis-à-vis del’attachement »(Lyons-Ruth & Spielman, 2004 : Lyons- Rulh et al., 2003). Les enfants de mères du groupe impuissant/craintif ne cessent de poursuivre leur mère pour établir le contact. IIs expriment tous leur détresse, approchent leurs mères et tentent d’établir un contact physique avec elles, bien qu’ils manifestent par ailleurs des comportements désorganisés, y compris des signes de conflit, de crainte. d’incertitude, d’impuissance. ou d’humeur déprimée.

Le deuxiéme groupe coinprend des mères d’enfants désorganisés qui manifestent significativement plus de comportements auto-référentiels et négatifs-intrusifs que les autres mères. Les comportements négatifs-intrusifs et auto-référentiels sont fortement corrélés, de sorte que ces mères montrent souvent un mélange contradictoire de rejet et de recherche de l’attention de leur enfant. Nous appelons ce profil matemel « hostile/auto-référentiel vis-à-vis de l’attachement». Les enfants de ces mères manifestent à la fois des comportements conflictuels désorganisés et des taux élevés de comportements évitants ou résistants, comme se détoumer de la mère. ou de la détresse persistante, ou encore des comportements de colère aggravée en présence de la mère.

Ces stratégies désorganisées, y compris leurs composantes défensives et conflictuelles, sont des exemples de ce que Christopher Bollas a appelé le « Unthought Known ». Je veux dire les représentations non-conscientes, implicites, procédurales des processus interactifs qui se développement pendant la petite enfance. avant que le système mnésique explicite associé avec les images ou les symboles conscients ne soit disponible (Lyons-Ruth. 1999).

Même dans notre échantillon très stressé et à bas revenu. les enfants dont les mères manifestent des configurations de communication affective non perturbée ont un taux bas de désorganisation de l’attachemcnt. Les enfants des mères manifestant des patterns de communication affective perturbée (hostile ou impuissant) ont un taux de désorganisation jusqu’à 5 fois plus élevé.

Nous voyons ces deux profils matemels – hostile et impuissant – comme des positions complémentaires dans un système dyadique où l’un a besoin de domineret l’autre se sent impuissant à prendre des initiatives. Nous pensons done qu’un modèle dyadique de relation hostile-impuissant a sa place dans ladiversité des profils matemels.

En accord avec l’idée que les modèles dyadiques sont intemalisés, nous voyons que beaucoup de parents manifestent des patterns de comportement mixtes qui incluent aussi bien les éléments hostiles/auto-reférentiels que les éléments impuissants/craintifs de l’interaction avec l’enfant. Ces relations très déséquilibrées de dominance-soumission conduisent à des réponses contradictoires d’hostilité-impuissance envers l’enfant, qui ont pour double effet de rejeter et d’intensifier les comportements d’attachement de ce dernier. Ces combinaisons de comportements contradictoires chez la mère suscitent en retour des comportements contradictoires chez l’enfant. sous forme de comportements désorganisés vis-à-vis du parent.

L’émergence de stratégies de comportement contrôlant

Une réorganisation dramatique du comportement d’attachement se produit chez 1’enfant lorsque le nourrisson désorganisé devient un jeune enfant et acquiert Ia capacité de se représenter Ies états d’esprit du parent et d’y répondre. À l’âge de 5 ans. beaucoup des enfants précédemment désorganisés ont renoncé à se toumer vers le parent pour obtenir de l’aide pour réguler leur insécurité. Iis s’immergent dans des tentatives pour maintenir I’attention du parent et l’engagement de ce dernier selon ses termes à lui. Ces stratégies peuvent prendre deux formes. Certains de ces enfants. précédemment désorganisés. trouvent le moyen d’exercer un certain contrôle sur l’attention du parent en prenant soin de lui, en l’organisant, le distrayant et en veillant sur lui. On appelle cette stratégie d’attachement la stratégie contrô- lante/soignante. D’autres enfants retiennent l’attention et l’engagement du parent en établissant des relations colériques, coercitives, humiliantes avec lui. On appelle cette stratégie d’attachement la stratégie contrôlante/punitive.

Désorganisation du nourrisson, communication affective du parent et symptômes borderline et dissociatifs chez l’adolescent

II est important de compléter la trajectoire développementale jusqu’au début de l’âge adulte en me référant briévement à deux résultats de la phase de l’étude portant sur l’adolescence : je résumerai ensuite quelques-unes des implications cliniques de ce travail sur les thèmes de l’attachement et de l’intersubjectivité.

Nous avons réévalué 50 des 70 nourrissons avec leurs parents à l’âge de 19 ans. Les résultats soulignent l’importance à long terme des échecs précoces de la régulation intersubjective dans la relation affective parent- nourrisson.

Dans la premiere série d’analyses de ces données longitudinales, nous avons examiné les prédicteurs des symptômes borderüne à l’âge de 19 ans, mesures par le « Structured Clinical Interview for Diagnosis on Axis Two4 ». Nous avions à disposition trois mesures indépendantes de la qualité des soins pendant les premiers 18 rnois de la vie.

La première mesure était le risque repéré cliniquement pendant la petite enfance : l’éventuel signalement de la famille à une institution de soins en raison d’inquiétudes pour les soins donnés à l’enfant. La seconde était la présence de comportements hostiles-intrusifs vis-à-vis du nourrisson, codée sur la base d’enregistrements vidéo d’interactions à la maison. d’une durée de 40 minutes, à l’âge de 18 mois. La troisième était une mesure des troubles de la communication de la mère avec l’enfant évaluée en laboratoire à 18 mois.

Toutes ces mesures étaient liées à l’incidence de symptômes borderline à l’âge de 19 ans. A notre connaissance, c’est la première fois que l’οn peut confirmer la relation entre la qualité des soins du nourrisson et des symptômes borderline à l’adolescence sur base d’une méthode prospective basée sur l’observation plutôt qu’à partir de rapports rétrospectifs foumis par le sujet lui-même.

Au vu de ces résultats. nous avons examiné de plus près les types de communication matemelle perturbée associés aux symptômes borderline ultérieurs. Nous nous attendions à ce que ce soient les comportements négatifs-intrusifs qui constituent les meilleurs éléments prédictifs. du fait des associations entre abus et symptômes borderline. Mais à notre surprise, c’est le retrait matemel qui a de loin l’impact le plus fort.

Π est important de relever que cette étude met aussi en évidence des effets génétiques, à savoir que les formes courtes du génotype du transporteur de la sérotonine associées dans d’autres études avec une augmentation de la dépression (Caspi et al. 2004), sont associées dans nos résultats avec une augmentation de l’incidence des symptômes borderline. Cependant. ces effets sont indépendants de ceux qui sont associés à la qualité des soins précoces, et un type d’effets n’explique pas les autres. Les symptômes de troubles du comportement. plus fréquents chez les garcons. montrent la même constellation de prédicteurs génétiques-soins précoces que les symptômes borderline, ces derniers étant plus fréquents chez les filies.

Dans la deuxiéme série d’analyses, nous avons examiné la prédiction des symptômes dissociatifs ultérieurs (Lyons-Ruth, 2003). Ces derniers ont un intérêt particulier pour la recherche sur l’attachement, pour plusieurs raisons. En premier lieu, comme nous venons de le voir, la crainte joue un rôle de premier plan dans la conceptualisation de la dynamique de l’attachement désorganisé. En second lieu, comme Giovanni Liotti (1992) l’a indiqué, il y a des similarités entre la nature non intégrée du comportement désorganisé du nourrisson et le manque d’intégration mentale qui caractérise les symptômes dissociatifs. Par conséquent. la théorie sur les conséquences probables à long terme des stratégies d’attachement désorganisé s’est centrée sur le potentiel du sujet à manifester des processus meiitaux contradictoires et non intégrés lorsqu’il approche l’êge adulte.

Nous avons examiné en premier lieu si une variété d’autres facteurs pouvait prédire l’incidence de symptômes dissociatifs. ces facteurs pouvant comprendre la pauvreté, la monoparentalité. un passé de mauvais traitements precoces ou la Symptomatologie dissociative de la mère jusqu’à l’âge de 7 ans. Les résultats étaient négatifs.

Cependant, les résultats étaient tout différents lorsque la qualité de la relation précoce mère-enfant était prise en compte. La désorganisation de l’enfant à 18 mois et les troubles de la communication concomitants de la mère contribuent fortement à la prédiction des symptömes dissociatifs à 19 ans. L’attachement désorganisé et les soins matemels ont une relation statistique directe avec les symptômes dissociatifs. Les scores inférieurs de développement mental pendant la petite enfance sont liés indirectement aux symptômes dissociatifs car ils prédisent un niveau plus bas de raisonnement non-verbal à l’âge de 19 ans. Les scores de développement dans la petite enfance ou ceux du raisonnement verbal à l’adolescence ne permettent pas de faire des prédictions directes sur la survenue éventuelle de symptômes dissociatifs ultérieurement.

Comme on l’a relevé auparavant, la prédiction des symptômes dissociatifs à l’adolescence à partir de la qualité de l’interaction précoce ne peut pas être médiatisée ou renforcée par l’occurrence de mauvais traitement pendant les 6 premières années, du fait que le mauvais traitement précoce n’est pas un prédicteur de la dissociation.

Nous n’avons pas encore examiné les autres aspects des données recueillies à l’adolescence. II est done possible que certains aspects de l’environnement de l’adolescent. comme la qualité de l’interaction entre parent et adolescent ou des abus survenant plus tard dans l’enfance ou l’adolescence, jouent un rôle dans 1’explication ou le renforcement de la prédiction au cours de la période qui va de la désorganisation de la petite enfance à la dissociation de l’adolescence. Quels que soient les médiateurs ultérieurs qui émergent. le lien direct observé à 19 ans est frappant. Nos résultats convergent avec des données similaires sur les prédicteurs de la dissociation dans l’étude longitudinale de l’Université du Minnesota (Ogawa et al., 1997).

Au vu de l’importance de la communication mère-enfant précoce illustrée ici, nous avons fait une série d’analyses sur l’effet séparé des cinq types de communication matemelle perturbée. Nous avions prédit à partir de la théorie du trauma que c’étaient les formes hostiles et désorientées de comportement matemel qui seraient les meilleurs prédicteurs des symptómes dissocialifs de l’adolescent.

Ce n’est pas ce que nous avons trouvé. Ce sont les erreurs de communication affective et les confusions de rôles de la mère qui contribuent le plus fortement aux symptômes dissociatifs de l’adolescent. La confusion de rôle de la mère consistait le plus souvent en comportements auto-référentiels. Les erreurs de communication affective, comme on l’a noté précédemment. consistaient à donner à l’enfant des signaux affectifs contradictoires ou à répondre à ses signaux de manière contradictoire. Ce sont des comportements matemels qui passent outre ou ignorent les signaux d’attachement de l’enfant d’une manière plus subtile que les comportements effrayants ou hostiles.

Implications cliniques

En résumé, les configurations de communication intersubjective entre parent et petit enfant, et en particulier les comportements plus subtils comme le retrait ou les comportements auto-référentiels. jouent une rôle important dans la genèse des troubles dissociatifs. borderline, et des troubles du comportement à 1’adolescence. Pourquoi ces comportements ont-ils une telle influence ? Pour nous guider vers des réponses possibles à cette question, considérons l’une des observations d’une interaction parent-enfant à 7 ans, période intermédiaire dans la trajectoire développementale entre petite enfance et adolescence.

L’observation de 1’interaction face-à-face entre cette mère et son bébé à 6 mois ne montrait que peu d’échanges. Alors même que la mère se trouvait en face du bébé. elle ne pouvait utiliser son répertoire affectif pour entrer en relation avec lui. Elle ne souriait pas, ne se penchait pas en avant pour entrer en contact visuel et ne faisait pas de « baby-talk5 » pour créer un engagement émotionnel avec son bébé. Celui-ci réagissait altemativement en regardant sa mère et en s énervant et détoumant le regard pour s’apaiser lui-même. La seule interaction se produisit à un moment où la mère prit un petit râteau des mains du bébé en le chicanant: « mon râteau. mon râteau ». Puis elle le rendit au bébé, pour le reprendre en s’exclamant à nouveau : « mon ráteau, mon ráteau ! »

À 1’âge de 7 ans, nous observons une inversion des rôles presque parfaite. Le bébé triste et maussade est devenu une petite filie pleine de brio, divertissante, qui donne volontiere ses jouets à sa mère, qui arrive à transformer adroitement ses taquineries hostiles en motifs pour rire; elle fait de son mieux pour être une présence attentive et soutenante qui suit le focus d’attention de sa mère et facilite ses activités.

Comme on peut le constater, la trajectoire développementale associée à des formes perturbées de la réceptivité parentale conduit à une négligence extrême des besoins de 1’enfant et à une inversion des rôles dans le dialogue parent-enfant. Nous voyons ainsi, en étudiant la bande vidéo, le pouvoir qu’exercent les formes plus discrètes de retrait parental et d’inversion des rôles dans la petite enfance et dans 1’enfance. Le retrait du parent de son rôle parental et son besoin de trouver des soins pour elle-même peuvent faire dévier la capacité de 1’enfant à être agent (« agency ») et l’emporter sur les buts développementaux qu’elle aurait pu poursuivre par elle-même. Le dialogue très déséquilibré entre la mère et la filie, radicalement biaisé en faveur des besoins du parent et de ses buts. ne foumit que peu de support à 1’élaboration des buts propres de 1’enfant. Le développement de son Moi est subordonné à la régulation de 1’humeur matemelle et à éviter ou négocier les courants hostiles sous-jacents à la relation.

On peut recourir à divers modèles biologiques ou psychologiques pour expliquer celte prédiction à long terme. Cependant, le modèle qui m’intéresse le plus en ce moment est celui des procédures implicites pour communiquer avec les autres; ces procédures pourraient organiser les processus cognitifs, y compris les processus dissociatifs. Aussi, 1’organisation de 1’esprit en vientelle à refléter, en partie. 1’organisation des processus de communication précoces. Dans cette perspective, les défenses dissociatives, comme d’autres défenses, ne trouvent pas leur origine primaire dans les inhibitions intrapsy- chiques, mais elles représentent dans un format procédural les inhibitions dans la structure du dialogue qui est à disposition de 1’enfant dans la durée. Le nourrisson internalise des distoreions chargées affectivement et des suppressions à partir de ce dialogue, et les fait siennes. Ceci implique que 1’enfant va développer des représentations mentales non-intégrées et, à la fin du compte, dissociées ou clivées, dans la mesure où le donneur de soin ne s’engage pas dans un dialogue affectif, symbolique et interactif « suffisamment intégré ». Dans la mesure où le parent ne peut dormer quittance et répondre aux aspects affectivement saillants de 1’experience et où ces aspects ne peuvent être intégrés dans un échange verbal ou interactif avec 1’enfant, le manque d’intégration dissociatif ou le clivage borderline vont se produire.

Je conclurai en formulam l’implication clinique demiére. et peut-être la plus discutable, de ce modèle. Elle est liée à la technique thérapeutique. Dans la perspective de 1’attachement. la communication cooperative avec le donneur de soin offre à 1’enfant la meilleure possibilité d’intemaliser une structure dialogique qui continue à promouvoir 1’exploration flexible des mondes mental et émotionnel de soi et de 1’autre. Dans cette perspective. 1’un des buts essentiels du traitement psychothérapeutique pourrait être vu non pas comme la compréhension réflexive, et non pas comme une co-construction d une nouvelle narration de sa vie, mais comme la tentative d’établir et d’enrichir les domaines de communication coopérative dans les interactions entre patient et thérapeute.

Footnotes

1

Ce texte a été exposé par son auteur lors d’un Symposium organisé en l’honneur d’Elisabeth Fivaz-Depeursing au CHUV de Lausanne le 9 septembre 2004. Elisabeth Fivaz-Depeursinge en a assuré la traduction de l’anglais en français. Nous lui sommes très reconnaissant du soutien amical et efficace qu’elle a apporté pour faciliter la publication de cet article.

Nous remercions par ailleurs la revue française psychothérapies d’avoir accepté que les cahiers publient ce texte en même temps qu’elle [psychothérapie 25(4), 2005]

3

Littéralement: « éveil de la peur » (NDLR).

4

« Interview clinique slructurée pour établir un diagnostique sur Taxe II » (NDLR).

5

« Babillage » (NDLR)

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