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editorial
. 2018 Aug 31;72(4):261–262. [Article in French]

Prendre le taureau par les cornes : pourquoi les pharmaciens doivent être à la tête des initiatives consacrées à la gestion des antibiotiques

Christine M Bond 1,
PMCID: PMC6699863  PMID: 31452536

Dans un éditorial paru dans ce journal en 20151, je soulignais la crise de santé publique bien connue touchant l’augmentation de la résistance antimicrobienne. Ce problème pourrait mener à un futur où des millions de personnes meurent des suites d’infections associées à des procédures chirurgicales ordinaires, comme la mise en place d’une prothèse de la hanche et du genou, la chirurgie cardiaque, l’accouchement ou le traitement du cancer, pour n’en nommer que quelques-unes. Des infections, comme la pneumonie, les maladies sexuellement transmissibles et la tuberculose, actuellement traitables à l’aide d’antibiotiques, seront associées à des taux de mortalité croissants, comme à l’époque où les antibiotiques n’existaient pas. Selon l’Organisation mondiale de la Santé, la résistance aux antibiotiques est l’une des menaces les plus importantes qui pèsent sur la santé mondiale, la sécurité alimentaire et le développement actuel2. De nouvelles données de l’Institut canadien d’information sur la santé3 démontrent qu’au Canada, on prescrit plus d’antibiotiques que dans d’autres pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques. Chaque jour, environ 20 Canadiens sur 1000 prennent une dose d’antibiotiques, et les cliniciens du Canada prescrivent 33 % plus d’antibiotiques que ceux de pays comme les Pays-Bas, la Suède et l’Allemagne.

Bien que de nombreux facteurs expliquent les causes de la résistance antimicrobienne, notamment l’utilisation vétérinaire (pour la production alimentaire et les animaux de compagnie), l’hygiène personnelle et la prescription d’antibiotiques à des fins d’utilisation humaine dans les environnements hospitaliers et communautaires en sont les facteurs majeurs. La gestion des antibiotiques dans tous les environnements de soins de santé (particulièrement la prescription appropriée et le lavage des mains) reste la meilleure stratégie à court terme pour aborder le problème. Mon éditorial de 2015 soulignait le rôle du pharmacien : être le fer de lance des initiatives en matière de gestion des antibiotiques. Il appelait également à davantage de recherches afin de démontrer l’efficacité de ce rôle. Malheureusement, quatre ans plus tard, peu de choses semblent avoir changé.

Un article dans ce numéro du Journal canadien de la pharmacie hospitalière fait état d’une recherche qualitative menée dans une province canadienne4. Les chercheurs ont dirigé des séances de discussion et des entretiens avec des médecins, des pharmaciens et des infirmiers pour évaluer leur perception de l’utilisation et de la gestion des antimicrobiens dans un environnement hospitalier. Les résultats de cette recherche révèlent que la pratique s’améliore, mais les données provenant d’autres études n’étayent pas cette perception. Les statistiques courantes montrent que le taux de prescription d’antibiotiques au Canada ne change pas de manière substantielle5. De plus, et donc sans surprise, les taux de résistance aux antimicrobiens ne faiblissent pas, au contraire, ils restent bien au-delà des niveaux observés au début du siècle4.

Les auteurs reconnaissent que leur recherche qualitative présentait des limites quant à la possibilité de les généraliser4. Néanmoins, étant donné que les 54 participants ont été recrutés dans toutes les régions de la Nouvelle-Écosse, que les sites d’où provenaient les participants comprenaient des hôpitaux régionaux spécialisés et généraux et que la saturation des données avait été atteinte, il est probable que les investigateurs aient décelé et rapporté la plupart des problèmes particulièrement pertinents. L’article laisse entendre que, malgré l’intérêt accordé de nos jours à la résistance aux antibiotiques, de nombreuses organisations, y compris les hôpitaux de soins actifs, n’abordent pas le fond du problème. En effet, dans certains hôpitaux d’où provenaient les participants, il n’y avait pas d’initiatives en place consacrées à la gestion des antibiotiques. Les obstacles qui empêchent l’amélioration de la prescription comprenaient des connaissances lacunaires persistantes, l’absence de lignes directrices, les contraintes de temps et les difficultés liées à la continuité des soins, en raison des transferts de personnel (c.-à-d. aucun praticien ne souhaite modifier ce qu’un autre a entamé). Les participants indiquent également la peur d’être accusés de négligence de n’avoir pas prescrit d’antibiotique (si des complications ultérieures devaient révéler que cette prescription aurait été la décision à prendre) ainsi que la pression des patients et d’autres membres du public. Cependant, les pharmaciens qui sont intervenus auprès de médecins pour leur proposer de modifier une prescription, conformément aux lignes directrices, ont indiqué que leurs interventions étaient bien reçues.

Ces résultats démontrent que le groupe professionnel des pharmaciens n’assume pas encore universellement son rôle en matière de gestion des antibiotiques. Néanmoins, certains pays ont réalisé des progrès. En Écosse, les pharmaciens spécialisés sont très respectés et ils ont été reconnus6 pour être à l’origine d’une certaine réduction des prescriptions d’antibiotiques observée aujourd’hui. Récemment rendu public, le plan d’action national quinquennal du R.-U., qui vise la résistance aux antibiotiques, souligne le rôle de plus en plus important que peuvent jouer les pharmaciens cliniciens dans la gestion de l’utilisation des antimicrobiens pour les soins primaires7.

Étant donné leur statut d’experts autoproclamés en médicaments, il incombe aux pharmaciens de démontrer cette expertise dans le contexte de la prescription des antibiotiques, en agissant comme porte-parole auprès des autres fournisseurs de soins de santé et des patients au sein des hôpitaux et de la communauté locale. Des examens systématiques ont dévoilé que les connaissances et la compréhension du public à l’égard des antibiotiques et de la résistance face à ces derniers sont encore erronées à bien des égards8, alors que les données probantes démontrent que la pression exercée par les patients pour obtenir ce type de médicaments n’est pas aussi réelle que la perception qu’en ont les prescripteurs9. À titre d’experts en médicaments et praticiens en santé publique, les pharmaciens peuvent expliquer aux patients et aux professionnels les risques réels auxquels nous serons confrontés si la pratique ne change pas. La plupart des prescriptions d’antibiotiques s’effectuent dans le cadre des soins primaires, ce qui génère un réservoir potentiel de résistance qui peut demeurer latent jusqu’à ce que le patient soit hospitalisé et nécessite un antibiotique contre une infection contractée en milieu hospitalier. Dans le cadre de notre profession, nous devons agir dans tous les environnements de soins et être des ambassadeurs du changement. Les pharmaciens hospitaliers pourraient songer à créer des réseaux avec leurs collègues pharmaciens qui oeuvrent dans d’autres environnements pour optimiser l’utilisation des antibiotiques, en mettant en commun les initiatives axées sur la gestion des antibiotiques et en diffusant des messages cohérents.

L’apprentissage et la mise en place d’une gestion des antibiotiques n’est pas une mesure à court terme. Bien que la priorité immédiate consiste à protéger l’efficacité de nos antibiotiques actuels, nous devons songer aux scénarios de demain. Des recherches intensives livrent des résultats prometteurs qui prennent la forme de nouvelles combinaisons de médicaments et de nouvelles approches10. Ces traitements seront particulièrement précieux et devront également bénéficier de notre protection.

Alors, qu’est-ce qui doit être fait pour que nos collègues pharmaciens assument leur rôle de leader? Pour la mise en oeuvre du modèle « COM-C »11, ils doivent avoir la Capacité, l’Opportunité et la Motivation d’entraîner un changement de Comportement. En termes de capacité, ils doivent avoir la confiance leur permettant de communiquer leurs connaissances et compétences de la manière la plus efficace possible. Nous savons qu’ils ont les opportunités de le faire et que la motivation est sûrement bien présente. Répétons-le, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer la meilleure manière pour le pharmacien d’assumer ce rôle de leadership. Mais en l’absence de preuve, on ne se trompera jamais en diffusant le message de ce que nous savons tous être le cas : les antibiotiques doivent être prescrits uniquement pour les bonnes raisons, à la bonne dose et pour la bonne indication. Tous les pharmaciens doivent « saisir le taureau par les cornes » pour que cela se concrétise.

[Traduction par l’éditeur]

Footnotes

Intérêts concurrents: Aucun déclaré.

References


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