Skip to main content
The Pan African Medical Journal logoLink to The Pan African Medical Journal
. 2019 Jul 23;33:249. [Article in French] doi: 10.11604/pamj.2019.33.249.18011

Quarante cas de cryptococcose neuroméningée diagnostiqués en 21 ans au laboratoire de parasitologie de l’hôpital Ibn Sina de Rabat

Forty cases of neuromeningeal cryptococcosis diagnosed at the Mycology-Parasitology Department of the Ibn Sina hospital in Rabat, over a 21-year period

Fatima-Zahra Bandadi 1,2,&, Chaimae Raiss 1,2, Aziza Moustachi 1, Mohamed Lyagoubi 1,2, Sara Aoufi 1,2
PMCID: PMC6814906  PMID: 31692764

Abstract

La cryptococcose neuroméningée (CNM) est une mycose opportuniste fréquente et sévère causée par une levure encapsulée Cryptococcus neoformans. Elle est fréquente chez l'immunodéprimé en particulier le sujet atteint du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) à un stade avancé de la maladie, elle est rare chez l'immunocompétent. Nous rapportons 40 cas de cryptococcose neuroméningée (CNM) diagnostiqués au laboratoire de parasitologie de l'hôpital Ibn Sina de Rabat sur une période de 21 ans (1993 à 2014). Le diagnostic de la cryptococcose neuroméningée a reposé sur la mise en évidence de Cryptococcus neoformans dans le liquide céphalorachidien (LCR) après l'examen direct à l'encre de Chine et la culture sur milieux de sabouraud sans actidione, ainsi que la recherche d'antigènes solubles cryptococciques. Trente cinq patients étaient infectés par le VIH, deux patients étaient apparemment immunocompétents et 3 patients immunodéprimés non VIH (30 hommes et 10 femmes). L'âge moyen des patients était de 38 ans. La cryptococcose neuroméningée était révélatrice de l'infection par le VIH dans 13 cas. Dans 22 cas elle a représenté une complication du SIDA. Vingt sept patients de notre série ont été traités par une monothérapie à base de fluconazole. L'amphotéricine B a été utilisée chez 13 patients. L'évolution a été favorable pour 13 patients (32.5%) et trois cas ont connu une complication (7.5%). Alors que 18 patients sont décédés (45%) et 6 ont été perdus de vue (15%). Pour un diagnostic rapide, la recherche de Cryptococcus neoformons doit être appliquée systématiquement devant le moindre signe neurologique.

Keywords: Cryptococcose, VIH, immunodépression, Maroc

Introduction

La cryptococcose représente après la toxoplasmose la deuxième infection opportuniste du système nerveux central chez les sidéens. Son incidence dans les pays occidentaux a significativement diminué depuis la généralisation des thérapies anti-rétrovirales. Malgré la bonne prise en charge des malades atteints du VIH, des cas sporadiques de cryptococcose neuroméningée restent repérés chez les sidéens. Ce travail décrit les aspects épidémiologiques, cliniques et biologiques de cette mycose dans le contexte marocain à travers une série de 40 cas sur une période de 21 ans.

Méthodes

Entre les années 1993 et 2014 (21ans), le laboratoire de parasitologie-mycologie de l'hôpital Ibn Sina de Rabat a isolé 40 cas de cryptococcose neuroméningée. Tous les renseignements ont été tirés des registres du laboratoire de parasitologie et des dossiers des patients hospitalisés dans les services. Au niveau de chaque dossier, nous avons relevé: l'âge, le sexe, le terrain d'immunodépression, les données cliniques, biologiques et thérapeutiques ainsi que l'évolution clinique des patients. Le diagnostic de la cryptococcose neuroméningée a reposé sur la mise en évidence des levures encapsulées dans le LCR par l'examen direct à l'encre de Chine. Ce champignon a été identifié après culture sur les milieux sabouraud sans actidione à partir des galeries d'identification AuxacolorTM. La recherche d'antigènes circulants de Cryptococcus neoformans dans le LCR a été réalisée par la technique d'agglutination au latex. La trousse utilisée était PastorexTM Crypto plus. Aucune étude sur les espèces et les variétés de cryptocoque n'a été faite au Maroc . Tous les cas décrits de cryptococcose auraient probablement pour agent responsible Cryptococus neoformans.

Résultats

Cette étude est étalée sur une période de 21 ans de janvier 1993 à décembre 2014. D'après les résultats (Figure 1), nous constatons que pendant les dix premières années (1993-2002), un faible nombre de cas est enregistré (3 cas), soit en moyenne un cas tous les 3-4 ans. La deuxième décennie à partir de 2003 est caractérisée par une évolution très importante des cas (37 cas) soit en moyenne 3 cas par an. En passant de 2 cas en 2003 à 4 cas en 2006 pour atteindre un maximum de cas en 2008, 2013 et 2014 avec six cas. Le sexe masculin était prédominant, 30 hommes contre seulement 10 femmes avec un sexe ratio de 3. L'âge moyen était de 38 ans avec des extrêmes de 24 ans et de 65 ans. Dans notre série, 35 patients étaient séropositifs pour le VIH et cinq patients était séronégatifs; deux patients étaient sous corticothérapie, deux cas de cryptococcose ont été rapportés chez deux patients où aucun facteur d'immunodépression n'a été retrouvé et un cas de grossesse a été enregistré. Sur 35 cas de patients séropositifs au VIH, la cryptococcose a compliqué le SIDA dans 22 cas, tandis qu'elle a révélé ce stade dans 13 cas.

Figure 1.

Figure 1

Nombre de cas de cryptococcose en fonction des années

Dans notre série aucun cas de syndrome de reconstitution immune n'a été trouvé. Les signes cliniques de la cryptococcose étaient dominés essentiellement par la fièvre, les céphalées et la raideur de la nuque. Parmi les malades, sept avaient une infection opportuniste associée. Trois cas de toxoplasmose, deux cas de pneumocystose et deux cas de candidose œsophagienne. Dix sept patients ont développé une cryptococcose extra méningée. Sept avaient une fongémie, dont un patient a présenté des lésions cutanées, cinq avaient une atteinte pulmonaire et deux seulement avaient une localisation urinaire. Le cryptocoque a aussi colonisé le tube digestif dans trois cas. Parmi les 40 cas de cryptococcose, un seul patient a présenté une hypertension intracrânienne pour lequel une ponction lombaire décompressives a été réalisée. L'étude de l'immunité cellulaire a été focalisée sur la numération des lymphocytes T CD4, réalisée chez 26 patients. Dix-sept patients avaient un taux de CD4<100 éléments/mm3 montrant que leur immunodépression étaient très détériorée voire avancée au moment du diagnostic. Le LCR avait un aspect clair dans les 40 cas de La cryptococcose neuroméningée. Vingt quatre patients ont bénéficié d'une analyse cytochimique du LCR. Une hyperalbuminorachie a été observé chez 15 patients et 13 patients ont présenté une hypoglycorachie.

L'examen direct à l'encre de Chine était positif à 100% pour toute la série et a montré la présence de levures encapsulées. La culture du LCR était positive dans tous les cas et a permis l'isolement et l'identification de Cryptococus neoformans. La recherche d'antigénes solubles cryptococcique dans le LCR a été réalisée chez 36 patients et elle était positive dans tous les cas. La bithérapie à base de L'amphotéricine B+5 flucytosine n'a pas été adoptée dans notre série. Vingt sept patients ont été traités par une monothérapie à base de fluconazole (400mg/j). L'amphotéricine B (1mg/kg/j) a été utilisée chez 13 patients dont 4 ont bénéficié d'un relais par le fluconazole (400mg/j). Parmi les 40 cas de cryptococcose l'évolution était favorable pour 13 patients dont trois cas ont été traités par l'amphotéricine B avec relais par le fluconazole, 18 patients sont décédés; six patients traités par une monothérapie par l'amphotéricine B (1mg/kg/j) et cinq patients traités par le fluconazole seul 400mg/j, alors que trois cas ont connu une rechute et une complication de leur état. Six perdus de vue ont été enregistrés.

Discussion

Au Maroc peu d'études ont été menées sur la prévalence et l'incidence de la CNM, seulement des cas sporadiques qui sont rapportés: 14 cas colligés de 1987 à 1998 au CHU Ibn Rochd de Casablanca [1], et 43 cas diagnostiqués au même centre sur une période de 5 ans du 1er janvier 2010 au 30 juin 2015 [2]. 9 cas ont été diagnostiqués au CHU de Rabat [3]. La cryptococcose est souvent plus observée chez l'homme que chez la femme. La majorité des études parcourues [4, 5] confirment cette prédominance qui résulte de la fréquence de l'infection à VIH chez le sexe masculin. La tranche d'âge juvénile est la plus active sexuellement. Elle prédomine dans de nombreuses études [4, 5]. Dans notre série l'âge moyen des patients était de 38 ans. La majorité des cas de cryptococcose survient chez des patients infectés par le VIH. Dans notre étude, 35 patients ont développé une cryptococcose sur un terrain d'immunodépression lié a ce virus. Cette infection opportuniste survient souvent au stade tardif du SIDA avec des taux de CD4 généralement inférieur à 100 cellules/mm3, où le risque de survenue de l'infection est multiplié par 8 [1]. Ceci se voit clairement dans notre série, puisque pour 17 patients, nous avons relevé des taux de CD4<100 éléments/mm3. Au Maroc, le nombre de cas de VIH/Sida cumulés pendant la période 1986-2015 est: 11.298 cas dont 6271 cas de SIDA et 4.949 de patients séropositifs et 78 cas non renseignés de stade [6].

Dans le cadre de l'infection par le VIH, l'atteinte neuroméningée reste la localisation la plus fréquente. Néanmoins le champignon peut atteindre tous les organes lors de l'infection disséminée, surtout avec des atteinte pluri systémiques. Cette dissémination est associée à un pronostic péjoratif [7]. Sur les 40 cas de cryptococcose neuroméningée, cinq patients étaient séronégatifs au VIH: la corticothérapie est reconnue comme facteur favorisant indépendant de la maladie associée à une mortalité accrue [7]: deux patients étaient sous corticothérapie dans notre série. La grossesse est un autre facteur de risque pour le développement de la cryptococcoses [8]: nous avons relevé un cas d'une patiente enceinte sans aucun facteur d'immunodépression et qui a développé une méningoencéphalite à cryptocoque. Cette mycose survient également chez des patients apparemment indemnes de toute immunodépression. De rares publications sur des terrains immunocompétents sont faites [9]: deux cas de cryptococcose ont été rapportés dans notre série, chez deux patients chez lesquels aucun facteur d'immunodépression n'a été retrouvé.

Le LCR était le plus souvent clair à prédominance lymphocytaire, avec une hyperalbuminorachie chez 15 patients et une hypoglycorachie chez 13 patients. Nos résultats sont semblables à ceux rapportés par la pluspart des auteurs [10]. Le traitement de référence de la cryptococcose neuroméningée comporte une bithérapie associant l'amphotéricine B à raison de 1mg/kg/j par voie intraveineuse et la 5-flucytosine à 100mg/kg/j per os en quatre prise. Ce protocole thérapeutique n'a pas été adopté dans notre contexte du fait de la non disponibilité des médicaments et de leur coût élevé, ce qui a conduit à une monothérapie non recommandée au fluconazole à des doses de 400mg/j, administré chez 27 patients et à l'amphotéricine B chez 13 patients dont 4 ont bénéficié d'un relais par le fluconazole. Le taux de mortalité observé (18 cas/40 cas) soit 45% est comparable à celui retrouvé dans d'autres études [11, 12].

Conclusion

La cryptococcose neuroméningée reste une mycose profonde opportuniste et grave, qui survient lors des stades avancés de l'immunodépression par le VIH, mais également chez des patients séronégatifs à ce virus. La réduction de la mortalité par cette mycose impose la nécessité d'un diagnostic rapide et d'un traitement approprié par le respect de l'utilisation du protocole recommandé.

État des connaissances actuelles sur le sujet

  • La cryptococcose est une mycose systémique opportuniste fréquente et sévère;

  • Elle est fréquente chez l'immunodéprimé et rare chez l'immunocompétent;

  • C'est une affection habituellement mortelle au cours du SIDA.

Contribution de notre étude à la connaissance

  • Enrichir nos connaissances sur cette maladie sur le plan épidémiologiques, clinique et biologique dans le contexte marocain vu que les études menées sur cette maladie sont rare au Maroc.

Conflits des intérêts

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts.

Remerciements

Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont contribué à la rédaction de cet article. Je voudrais remercier mon encadrante Pr. Sara Aoufi pour sa patience, sa disponibilité et surtout ses judicieux conseils, qui ont contribué à alimenter ma réflexion.

Contributions des auteurs

Fatima-Zahra Bandadi: rédaction de l'article et analyse des résultats. Chaimae Raiss: aide à la collecte des résultats avec l'auteur principal. Aziza Moustachi: outils et méthodes pour la rédaction de cet l'article. Sara Aoufi et Mohamed Lyagoubi: correction de l'article.

Références

  • 1.El Mansouri Y, Benchekroun S, Zaghlou K, Himmich H, Amraoui A. Les manifestations oculaires de la cryptococcose au cours de l'infection par le VIH: à propos de 14 cas. Med Mal Infect. 1999;29(9):581–583. [Google Scholar]
  • 2.Dollo I, Marih L, El Fane M, Es-sebbani M, Sodqi M, Oulad Lahsen A, et al. Étude rétrospective de la cryptococcose neuroméningée chez les patients infectés par le VIH dans le service des maladies infectieuses du CHU de Casablanca, Maroc. Journal de Mycologie Médicale. 2016;26(4):331–336. doi: 10.1016/j.mycmed.2016.06.004. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 3.Aoufi S, Agoumi A, Seqat M. La cryptococcose neuroméningée chez le sujet immunodéprimé au CHU de Rabat (Maroc) Ann BiolClin (Paris) 2008;66(1):79–81. doi: 10.1684/abc.2007.0176. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 4.Bamba S, Barro-Traoré F, Sawadogo E, Millogo A, Guiguemdé RT. Etude rétrospective des cas de cryptococcose neuroméningée au centre hospitalier universitaire de Bobo Dioulasso depuis l'accessibilité aux antirétroviraux au Burkina Faso. J Mycol Med. 2012;22(1):30–3. doi: 10.1016/j.mycmed.2011.12.074. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 5.Zait H, Arrache D, Madani K, Bentaiba K, Beradi K, Achir I, et al. Vingt-quatre cas de cryptococcose diagnostiqués au laboratoire de parasitologie-mycologie du CHU Mustapha d'Alger (2002-2015) J Mycol Med. 2015;25(3):237. [Google Scholar]
  • 6.Ministère de la santé delm/dmt service des mst-sida: Situation épidémiologique du VIH/sida au Maroc (Fin 2015)
  • 7.Shoai Tehrani M, Charlier-Woerther C, Lortholary O. Cryptococcose. EMC- Maladies infectieuses. 2014;11(2):1–12. [Google Scholar]
  • 8.Pastagia M, Caplivski D. Disseminated cryptococcosis resulting in miscarriage in a women without other immunocompromise: a case report. Int J Infect Dis. 2010;14(5):441–3. doi: 10.1016/j.ijid.2009.05.020. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 9.Bretaudeau K, Eloy O, Richer A, Bruneel F, Scott-Algara D, Lortholary O, et al. Cryptococcal meningo-encephalitis in an apparently immunocompetent patient. Rev Neurol (Paris) 2006;162(2):233–7. doi: 10.1016/s0035-3787(06)75005-6. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 10.Mbuagbaw JN, Biholong Njamnshi AK. La cryptococcose neuroméningée et l'infection au VIH dans le service de médecine du centre hospitalier et universitaire de Yaoundé, Cameroun. African Journal Neurological Sciences. 2006;25(2):13–20. [Google Scholar]
  • 11.Halim I, Badaoui L, El Kadioui F, Sodqui M, MarhoumFilali K, Soussi Abdellaoui M. La cryptococcose au CHU Ibn Rochd de Casablanca. J Mycol Med. 2014;24(2):e77. [Google Scholar]
  • 12.Kadjo K, Ouattara B, Adoubryn KD, Kra O, Niamkey EK. Aspects actuels de la cryptococcose neuroméningée chez les sujets adultes infectés par le VIH dans le service de médecine interne du CHU de Treichville d'Abidjan Côte d'Ivoire. J Mycol Med. 2011;21(1):6–9. doi: 10.1016/j.mycmed.2010.11.007. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]

Articles from The Pan African Medical Journal are provided here courtesy of The Pan African Medical Journal

RESOURCES