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. 2014 Feb 20;54(3):173–178. [Article in French] doi: 10.1016/j.reval.2014.01.018

Collectivités : lieu de rencontre virale

Day-care centers: Sites of viral contact

J Brouard a,c,, A Vabret b,c, J Dina b,c, H Lemercier a
PMCID: PMC7102790  PMID: 32288889

Abstract

La répétition des épisodes infectieux chez les nourrissons placés précocement en collectivités est une évidence. Leur tropisme sur la sphère respiratoire et l’appareil digestif l’est également. Leur probable retentissement au long cours est difficile à évaluer par la rareté des études prospectives. Le risque infectieux est lié en partie au type de structure de garde, ce risque est important dans les premiers mois de fréquentation et conditionne les récidives ultérieures. Les liens de causalité entre infection virale et asthme sont complexes. Les infections virales augmentent le risque d’asthme mais le statut asthmatique augmente aussi le risque de réponses sévères à une infection virale. Alors que les infections acquises dans cet environnement sont majoritairement virales, leur répétition conduit à une utilisation excessive des antibiotiques d’où une pression de sélection microbienne et un retentissement sur le microbiome digestif voire respiratoire.

Mots clés: Crèche, Infections respiratoires, Virus, Nourrisson, Résistance bactérienne aux antibiotiques

1. Introduction

Ces dernières décennies ont vu des modifications profondes de nature socio-économique et familiale conduisant à un développement du recours aux modes de garde extrafamiliaux. En France, plus d’un enfant sur deux de moins de trois ans est gardé régulièrement hors de sa famille ; en 2001 environ 250 000 enfants de 3 mois à 3 ans ont fréquenté une crèche : deux tiers au sein d’une crèche collective, un tiers dans une crèche familiale. Actuellement l’ensemble des programmes électoraux pour les municipales abordent le besoin de créer 250 000 places supplémentaires d’accueil pour les nourrissons. L’accueil dans ces structures concerne les enfants sains mais parfois aussi d’enfants porteurs de pathologies notamment infectieuses, le risque de contamination interhumaine est alors important heureusement limité par la mise en place préventive d’une organisation sanitaire adéquate. Les infections respiratoires virales ne donnent lieu qu’à des affections modérées et limitées dans le temps qui s’inscrivent dans l’éducation immunitaire du nourrisson. Cependant la plupart des études épidémiologiques soulignent l’association entre la symptomatologie sifflante secondaire à une agression virale durant la petite enfance et le risque ultérieur de développement d’un asthme.

2. Quelles infections sont particulièrement en cause en collectivités de nourrissons ?

En fonction des principales manifestations cliniques qu’ils provoquent, on peut classer ces virus selon leur tropisme : respiratoire, intestinal ou hépatique, cutané ou systémique. Les virus qui infectent le système digestif sont excrétés dans les selles, ceux qui infectent le système respiratoire sont excrétés dans les sécrétions respiratoires (mucus du nez, gouttelettes de la salive ou des éternuements), le cytomégalovirus est excrété dans la salive et dans les urines, le risque de transmission infectieuse par une morsure d’enfant est minime mais pas nulle pour certains virus [1]. La transmission des germes s’effectue de façon soit directe (contacts main-bouche, inhalation ou ingestion de gouttelettes émises lors de la toux ou de l’éternuement), soit indirecte transmis par des intermédiaires (objets, mains du personnel, surfaces souillées) (Tableau 1 ). Il est possible de prévenir dans une très grande mesure ces transmissions par des mesures d’hygiène simple. Les mouchoirs en papier jetés immédiatement après usage seront utilisés pour le mouchage ; lors des épidémies hivernales, surtout dans le secteur de nourrissons n’ayant pas acquis la marche, le port du masque chirurgical par le personnel et les parents sera favorisé. Dans le cas des maladies infectieuses légères ne nécessitant pas une prise en charge thérapeutique conséquente, l’exclusion de ces enfants malades n’a qu’un impact mineur sur l’incidence d’infections chez les autres enfants, en effet l’enfant est contagieux avant que la maladie ne se déclare. Le maintien ou l’exclusion de la collectivité doit se faire sur la base des besoins de l’enfant malade, de son confort, de la charge thérapeutique, du diagnostic de certaines viroses très contagieuses (rougeole, phase éruptive de la varicelle). Les vaccins jouent un rôle de premier plan dans la prévention de nombreuses maladies contagieuses de l’enfant en bas-âge. Non seulement la vaccination protège directement les individus vaccinés, mais elle protège également l’ensemble du groupe, en limitant les possibilités de transmission de l’agent infectieux.

Tableau 1.

Principaux virus et leur mode de transmission dans une collectivité.

Mode de transmission Virus
Transmission féco-orale Adénovirus entérique, Astrovirus, Entérovirus, Hépatite A, Norovirus, Rotavirus,
Transmission respiratoire aérienne Influenza, Rougeole, Varicelle-Zona
Transmission respiratoire « gouttelettes » Adénovirus, Influenza, Oreillon, Parvovirus B19, Rhinovirus, Rougeole, Rubéole, virus respiratoire syncytial
Transmission respiratoire par contact Entérovirus, Para-influenza, Rhinovirus, virus respiratoire syncytial
Transmission par contact direct personne à personne, contact avec les liquides biologiques ou contact par objet contaminé Conjonctivite virale, Cytomégalovirus, Hépatite B, Herpès simplex, Varicelle-Zona, VIH

3. Quelques données épidémiologiques

3.1. Le lien entre fréquence des infections et mode de garde est attesté par les études épidémiologiques

Les collectivités d’enfants constituent un cadre propice à la transmission des agents infectieux.

De nombreuses études épidémiologiques sont issues d’équipes Anglo-Saxonnes, Américaines ou Scandinaves, leurs conclusions ne peuvent être transposables directement à notre pays. Il existe d’importantes différences d’organisation : les « day-care centers » américains accueillent les enfants jusqu’à l’âge de 6 ans, les pays scandinaves bénéficient d’une législation du congé parental très favorable au maintien à domicile durant plus d’un an et à la poursuite de l’allaitement maternel (Danemark congé parental d’une durée de 64 semaines ; Suède congé parental entièrement rémunéré d’une durée de 480 jours) et leurs résultats sont sensibles aux biais car se réfèrent à des effectifs limités d’enfants de moins d’un an.

Seules trois grandes enquêtes prospectives françaises sont disponibles sur les infections acquises en collectivité par des enfants d’âge préscolaire. Deux études effectuées dans la région de Lyon [2], [3] : la première « Santé-Enfant-Crèche » réalisée entre 1988 et 1989 recensant l’ensemble des infections contractées par les enfants fréquentant 3 types de crèches (grande crèche collective, petite crèche collective et crèche familiale) comparés à des enfants gardés au domicile familial durant une période de 8,5 mois ; la seconde conduite de novembre 2004 à mai 2005 estimant l’incidence en crèche des gastroentérites à rotavirus et son coût. Une étude a été effectuée dans les crèches municipales parisiennes analysant, sur une cohorte suivie de septembre 2000 à juin 2001, les facteurs organisationnels associés à la répétition des épisodes infectieux [4].

Dans l’enquête Santé-Enfant-Crèche [1], les infections les plus fréquentes ont été par ordre de fréquence décroissant : les infections des voies aériennes supérieures (VAS) (rhinopharyngites 49,9 % des cas, otites 21,3 % et laryngites 9,6 %) et les diarrhées (19 % des cas). Ce classement se retrouve aussi en Europe et aux États-unis [5], [6]. L’étude Santé-Enfant-Crèche souligne également que l’incidence globale des infections varie notablement en fonction du mode de garde de l’enfant, un enfant gardé en collectivité présente annuellement 4 à 6 fois plus d’infections qu’un enfant élevé au domicile. Sur une période de 8,5 mois, les enfants gardés au domicile ont présenté un nombre moyen d’épisodes infectieux égal à 0,75 contre 2,99 pour les enfants gardés en crèches familiales versus 3,47 en grandes crèches collectives et 4,51 en petites crèches collectives. Le risque de contracter des infections récidivantes a été estimé pour chaque type de garde hors du domicile, l’âge et l’ancienneté du mode de garde. Cette analyse a montré que les enfants des petites crèches collectives ont deux à trois fois plus de risque d’infections récidivantes que les enfants des crèches familiales, ce risque étant intermédiaire pour les enfants des grandes crèches collectives. Le mélange d’enfants d’âges différents au sein des petites crèches serait plus favorable à la transmission des germes et, à l’inverse, la séparation des enfants en fonction de leur classe d’âge dans les grandes crèches serait plutôt un facteur limitant la transmission des germes. Les stratégies d’orientation des bébés susceptibles d’être plus sensibles aux infections prioritairement vers des modes de garde à domicile ou les crèches familiales, sont donc argumentées [3].

Au total, 41 % des rhumes observés chez les enfants de 1 an [7] et 30 % des infections respiratoires supérieures des enfants de moins de 3 ans [8] pourraient être attribués au seul fait de fréquenter une crèche collective. En moyenne, chez les enfants préscolaires, la fréquentation d’une crèche collective multiplie par deux le risque d’infections des VAS prolongées ou récidivantes par rapport à une garde à domicile ; cet excès de risque serait limité aux enfants de moins de 2 ans. Cette incidence plus forte serait toutefois moins liée au mode de garde qu’au nombre d’enfants gardés. En effet, certains auteurs montrent que la présence à domicile de fratries plus âgées aurait autant d’impact sur le sur-risque d’infection que la fréquentation d’une garde en crèche collective [9].

3.2. Les infections en crèches sont corrélées à leur circulation virale communautaire

Le manque d’étude virologique pédiatrique « hors institution » rend compte de la faiblesse des données disponibles concernant son épidémiologie communautaire, hormis celles issues du réseau GROG (www.grog.org) sur les virus grippaux. Les épidémies virales en collectivité sont le reflet de ce qui se déroule « en ville », elles prédominent en période automno-hivernale, elles n’ont pas de spécificité particulière contrairement à l’épidémiologie bactérienne en collectivité.

Une étude française a recensé l’ensemble des épidémies survenues dans 27 crèches, regroupant environ 500 enfants, au cours des années 1988–1989 et 1989–1990 [10]. Chaque année, la moitié des enfants de ces crèches ont présenté une symptomatologie épidémique présumée virale. Les manifestations cliniques de ces épidémies ont été principalement des infections respiratoires (41,4 % et 53,1 % des épisodes épidémiques) et des gastroentérites aiguës (41,4 % et 37,5 % des épisodes épidémiques). Les prélèvements virologiques effectués chez les enfants malades ont permis de documenter l’étiologie de ces infections. Quatre-vingt-dix pour cent des gastroentérites ont été d’origine virale. Les virus les plus souvent isolés ont été les rotavirus, les entérovirus et les adénovirus avec une fréquence relative variable d’une année à l’autre. L’identification virale a été étroitement associée à la symptomatologie respiratoire, elle a pu être documentée entre 60 et 65 % des cas ; parmi les virus identifiés, le virus syncytial respiratoire (VRS) a été le plus fréquemment mis en évidence (55 à 70 % des prélèvements positifs selon l’année), parfois le virus influenza a représenté 20 % des prélèvements positifs. Les virus isolés au cours des conjonctivites ont été des adénovirus.

Les récentes techniques moléculaires de diagnostic virologique peuvent modifier cette épidémiologie. En Normandie, chez les nourrissons hospitalisés pour une atteinte respiratoire aiguë, le VRS est présent dans 64,1 % des cas, les rhinovirus (RV) dans 26,8 %, le métapneumovirus humain dans 7,6 % et les virus para-influenza dans 3,4 % [11]. Deux études récentes ont utilisé ces techniques moléculaires en collectivité préscolaire [12], [13]. L’une a été menée au sein de 3 crèches d’une base militaire américaine (Tacoma) auprès de 225 enfants âgés de 5 semaines à 30 mois [12]. Cent soixante-trois ont présenté une atteinte respiratoire à un âge moyen de 12 mois, dont 67 % à plus d’une reprise (455 épisodes infectieux), une identification virale lors d’une atteinte respiratoire fût retrouvée dans 84 % des cas. L’épidémiologie virologique par l’utilisation des techniques PCR fût : 30 % RV, 15 % adénovirus, 15 % bocavirus, 12 % para-influenza, 10 % VRS, 10 % coronavirus, 4 % métapneumovirus, 4 % influenza. Cette étude a également suivi la durée d’excrétion virale, la charge virale et la modification de l’épidémiologie virale après l’épisode infectieux aiguë.

3.3. La répétition des infections conduit à une utilisation excessive des antibiotiques

La répétition des infections est à l’origine d’une consommation élevée d’antibiotiques. L’étude Santé-Enfant-Crèche [2] souligne que 65 % des épisodes infectieux ont motivé la prescription d’un antibiotique. Une antibiothérapie a été prescrite pour 90 % des otites et 71 % des rhinopharyngites. La plupart des études confirment le rôle de l’utilisation d’antibiotiques dans le mois ou les 2 mois précédents dans l’acquisition de pneumocoques résistants. Le jeune âge favorise le portage du pneumocoque, il varie également selon le mode de garde : 69 % chez les enfants gardés en crèche, 29 % chez les enfants gardés par une nourrice, 13 % chez ceux maintenus à domicile. Ces pneumocoques présents dans le pharynx sont soumis à la pression des antibiotiques et vont ainsi pouvoir acquérir une résistance.

3.4. La relation entre les sifflements viro-induits de la petite enfance et le développement ultérieur d’un asthme dépend du virus en cause au sein d’une population d’enfants à risque atopique

Ainsi dans la cohorte américaine COAST, l’odd-ratio (OR) d’asthme ultérieur est de 3,0 si l’infection est à VRS et 6,6 lors de RV. De plus, 63 % des nourrissons de moins de un an ayant sifflé lors de la saison hivernale continueront à le faire à trois ans, alors que 20 % de ceux qui n’ont pas sifflé durant leur première année le feront à l’âge de trois ans [14]. Ces données ont été confirmées par le suivi à six ans, les infections respiratoires par RV responsables de respiration sifflante au cours de la petite enfance constituent le facteur prédictif le plus significatif de développement d’un asthme [15].

4. Quelles conséquences ?

L’immaturité immunitaire des premiers mois de vie est bien connue : de la naissance au sixième mois les nourrissons perdent progressivement les anticorps maternels transmis, en particulier les IgG 2 ; leur capacité à fabriquer des anticorps de type IgG 2, contre les polysaccharides (antigènes thymo-indépendants), qui constituent la capsule de nombre de bactéries, est limitée ; la synthèse des IgA sécrétoires paraît restreinte. Probablement lié à leur immaturité immunitaire, le portage des bactéries potentiellement pathogènes (Spneumoniae, Hinfluenzae, Mcatarrhalis) est plus fréquent et plus prolongé chez le nourrisson. Au cours ou au décours de l’évolution d’une rhinopharyngite, le risque de survenue d’une otite moyenne aiguë est plus important chez les enfants gardés en crèche. Enfin, les pourcentages de souches bactériennes résistantes aux antibiotiques, d’échecs de traitement des otites moyennes aiguës ou d’évolution vers une otite traînante sont plus élevés chez ces patients.

4.1. Infections respiratoires

L’augmentation des infections ORL, en particulier des otites moyennes aiguës, chez les enfants vivant en crèche a été bien démontrée et l’ensemble des résultats vont dans le même sens : le risque est multiplié par 2 ou 3 pour un enfant fréquentant une crèche collective par rapport à celui vivant au domicile [16]. Une étude longitudinale des infections respiratoires aiguës en crèche sur 16 années retrouve un pic de l’incidence des infections entre l’âge de 6 et 12 mois (10 par enfant et par an) suivi d’une diminution [17]. L’augmentation de l’incidence des infections respiratoires basses est moins bien documentée, car elles sont moins fréquentes et plus difficiles à diagnostiquer avec certitude. Dans une étude cas-témoins réalisée à Atlanta, 102 enfants hospitalisés pour infections respiratoires basses ont été comparés à 199 témoins appariés sur l’âge et le sexe, la fréquentation d’une crèche collective était plus fréquemment retrouvée chez les malades que chez les témoins [9]. Moins de 10 % des infections respiratoires impliquent les voies aériennes inférieures.

4.2. Infections gastro-intestinales

Selon l’enquête Santé-Enfant-Crèche [2], le risque de présenter des épisodes récidivants de diarrhées infectieuses n’est pas significativement différent d’un type de crèche à un autre probablement du fait de la grande contagiosité des germes responsables. Une étude finlandaise [7] a montré que la garde en crèche familiale n’augmentait pas le risque d’infections digestives par rapport à la garde au domicile familial, à la différence d’une garde en crèche collective associée à la survenue d’infections digestives à 1 et 2 ans avec respectivement un risque 1,76 et 1,56 fois plus élevé comparé à ceux élevés au domicile familial. Au total, les auteurs estiment que 49 % des épisodes de diarrhées de l’enfant de 1 an et 37 % de ceux des enfants de 2 ans sont attribuables à la garde en crèche collective.

Une étude prospective multicentrique a été conduite en crèches municipales de la ville de Lyon de novembre 2004 à mai 2005 [3]. Trois cent deux enfants âgés de moins de 36 mois gardés au moins 4 fois par semaine ont été inclus, parmi eux, le diagnostic clinique de gastroentérite aiguë a été confirmé et validé 63 fois dont 46 % étaient dus au rotavirus (GEAR). L’âge médian des enfants avec une GEAR était de 12,2 mois. L’incidence de la GEAR a été de 2,2/100 enfants/mois chez les enfants de moins de 36 mois et a été plus élevée chez les enfants de moins de 24 mois (3,4/100 enfants/mois). Dans 85,7 % des cas de GEAR, un avis médical a été nécessaire. Dans 58,3 % des cas, au moins 1 parent a dû s’arrêter de travailler pendant 2,1 j en moyenne. Le coût direct et indirect moyen d’une GEAR en crèche a été estimé à 275,54 euros. Les recommandations vaccinales spécifiques tardent à venir en France ainsi que leur niveau de prise en charge financière.

4.3. Cytomégalovirus

Les enfants de moins de 3 ans accueillis en collectivité sont particulièrement exposés aux infections à cytomégalovirus (CMV). Les infections à cytomégalovirus présentant un risque particulier pour les femmes enceintes et les immunodéprimés. Habituellement l’enfant acquiert une infection à CMV par sa mère (transmission in utero, intrapartum, allaitement maternel), cet incidence est estimée entre 10 et 50 % la première année de vie [18]. Une fois que l’enfant est infecté, son excrétion virale par les urines ou les sécrétions respiratoires se poursuit sur plusieurs mois de façon intermittente ou continue. Vingt à 70 % des enfants en crèche peuvent se trouver dans cette situation. La difficulté reste que le CMV provoque rarement une maladie cliniquement reconnaissable chez l’enfant sain et l’adulte, cependant l’atteinte fœtale in utero, même très inconstante voire rare, est redoutable lorsqu’elle survient. La non-fréquentation de la collectivité pourra être décidée si une personne de l’équipe accueillante est enceinte ou immunodéprimée. L’importance des mesures d’hygiène systématique est donc soulignée (lavage mains, masques et gants pour les gestes exposés aux liquides biologiques).

4.4. Infection virale et orientation TH2

L’analyse du profil de cytokines et de chémokines, dans les sécrétions nasopharyngées, selon le statut virologique et l’âge du nourrisson montre qu’il existe une fenêtre de vulnérabilité. Un nourrisson infecté par le VRS durant ses 3 premiers mois a des concentrations locales plus importantes d’IL-4 en comparaison à des enfants plus âgés. Ce profil TH2 est retrouvé chez les nourrissons de moins de 3 mois infectés par le virus influenza et les PIV. Ceci suggère que les virus orientent les réponses immunitaires locales vers des réponses de type TH2 chez le nourrisson. Par conséquent, la réponse immunitaire adaptative est dépendante de l’âge, le VRS n’étant pas l’unique responsable d’une orientation vers une réponse de type TH2 post-virale [19]. L’orientation TH2 favorisait une sensibilisation par des aéro-allergènes présents dans le proche environnement. Au sein d’une cohorte néonatale d’enfants à risque, une corrélation positive a été retrouvée entre la prévalence d’une sensibilisation ou d’un asthme et le portage viral dans les deux premières années de vie [20]. À l’inverse, un terrain atopique préexistant aux infections virales pourrait être responsable de l’augmentation de la fréquence des infections. Ainsi, le risque d’asthme persistant à l’âge de cinq ans semble n’être augmenté après une bronchiolite aiguë qu’en présence de tests cutanés positifs avant l’âge de deux ans [21].

L’écosystème intestinal héberge dix fois plus de micro-organisme que de cellules humaines, on découvre par ailleurs que le dogme du poumon stérile s’effondre, il est maintenu convenu que cette « flore » doit être dénommé « microbiote ». Ces micro-organismes jouent un rôle protecteur et se caractérisent par un état d’équilibre appelé eubiose. Le microbiote est propre à chaque individu, il est stable mais des événements extérieurs peuvent rompre cet équilibre : infections, modification de l’alimentation (arrêt allaitement maternel), antibiothérapie ou utilisation de probiotiques qui interférent avec le microbiote intestinal. La dysbiose est un déséquilibre du microbiote associé à des conséquences néfastes pour son hôte. Une méta-analyse avait antérieurement montré que l’utilisation de probiotiques tant thérapeutique que préventif, particulièrement Lactobacillus rhamnosus, dans les diarrhées aiguës de l’enfant avait globalement un effet bénéfique par la diminution des épisodes de GEAR. Plus récemment une prévention des infections respiratoires chez les enfants vivants en collectivité a été mise en évidence grâce à une alimentation lactée des nourrissons apportant Lactobacillus GG, la réduction significative des infections des voies aériennes supérieures a été d’un tiers et une réduction non significative des infections des voies aériennes inférieures [22]. L’étude du microbiome est un domaine de recherche foisonnant particulièrement vers la connaissance des mécanismes conduisant au développement des allergies [23].

5. Conclusion

Il existe un risque majoré de contamination interhumaine à l’origine d’infection à répétition dans les structures de garde collective plus importante que les structures familiales surtout avant un an. Cette incidence plus forte serait toutefois moins liée au mode de garde qu’au nombre d’enfants gardés et au mélange des âges. L’excès de risque infectieux diminue avec l’âge et la durée de fréquentation de la crèche, témoignant d’une augmentation des défenses immunitaires des enfants, facilitée par la vie en collectivité. Le risque d’apparition d’infections potentiellement préoccupantes est majoré chez les plus jeunes enfants, ce qui pose le problème de l’âge d’entrée en crèche collective. À côté de ces infections essentiellement virales, les enfants fréquentant des crèches sont plus souvent porteurs de pneumocoques résistants aux antibiotiques que les enfants élevés à domicile, en raison d’infections et de consommations d’antibiotiques plus fréquentes. Les infections plus fréquentes en milieu collectif sont associées à une plus grande consommation médicale et à des arrêts de travail des parents qui représentent un coût non négligeable. Une orientation des enfants à risque vers un mode de garde plus protecteur est à privilégier. Les études cliniques de prévention des infections virales sévères pourront peut-être permettre de mieux définir les liens qui unissent les infections respiratoires virales de la petite enfance et le développement d’un asthme.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs n’ont pas transmis de déclaration de conflits d’intérêts.

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Articles from Revue Francaise D'Allergologie (2009) are provided here courtesy of Elsevier

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