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editorial
. 2011 Jan 21;40(4):336–340. doi: 10.1016/j.lpm.2010.10.033

Infections à risque épidémique et biologique. Enjeux de l’accueil et de la prise en charge initiale des patients suspects

Infections at risk for epidemic or biological threat. Importance of the initial management of suspect patients

Catherine Leport 1,, Daniel Vittecoq 2, Christian Perronne 3, Thierry Debord 4, Pierre Carli 5, Patrick Camphin 6, Francois Bricaire 7,1; Comité de pilotage de la coordination des urgences infectieuses et du risque épidémique et biologique (CO REB) en île-de-France
PMCID: PMC7126918  PMID: 21256694

Le plus grand changement dans le domaine des maladies infectieuses depuis le début des années 1980 a été constitué par la survenue de maladies infectieuses émergentes ou ré-émergentes, alors que les progrès médicaux et techniques avaient pu laisser croire que ces maladies allaient disparaître, du moins dans les pays développés, et qu’elles sont encore source de morbidité et mortalité, notamment infantiles, élevées dans les pays en développement. Une maladie infectieuse émergente peut aujourd’hui se définir comme une entité clinique d’origine infectieuse nouvellement apparue ou identifiée, ou une maladie infectieuse connue, dont l’incidence augmente ou dont les caractéristiques (cliniques, évolutives…) se modifient dans un espace ou dans un groupe de population donné (rougeole). Ces maladies, lorsqu’elles prennent une certaine ampleur, interpellent l’ensemble des organisations et fonctionnements du système de santé et de la société.

Quelques maladies infectieuses émergentes récentes : présentation et facteurs associés à l’émergence

Parmi les évènements d’origine infectieuse récents, on peut citer :

  • l’apparition de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et sa diffusion planétaire, et de maladies dues à de nouveaux agents infectieux, Legionella, Campylobacter, prion, virus de l’hépatite C, coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) ;

  • l’extension de maladies infectieuses dans des zones où elles ne sévissaient pas, telle l’ infection à virus West Nile ;

  • la progression de la résistance des agents infectieux aux anti-infectieux ;

  • la mise en évidence du lien entre des maladies chroniques de cause jusque là non identifiée et de nouveaux agents tels (Helicobacter pylori et ulcère duodénal, Tropheryma whipplei et maladie de Whipple).

L’analyse descriptive de ces maladies montre qu’elles peuvent avoir une expression très polymorphe, respiratoire, neurologique, rhumatologique… et qu’elles peuvent relever de modes de transmission très divers : agent vectoriel, transmission respiratoire, ou oro-fécale…

Les travaux sur les facteurs associés à l’émergence suggèrent des interactions complexes, multiples et rapidement changeantes entre des facteurs liés à l’hôte, l’agent infectieux et l’environnement sur fonds de grande diversité biologique. Les facteurs liés à l’hôte, humain ou animal (60–70 % de ces maladies étant d’origine animale), concernent les modifications de sa susceptibilité à l’infection (personnes âgées, immunodéprimés), et de ses comportements (urbanisation, mondialisation des échanges, transports internationaux, contacts entre les hommes et la faune sauvage, commerce non contrôlé d’organismes vivants…), ceux liés à l’agent infectieux, ses capacités d’évolution et d’adaptation (résistance aux antibiotiques, aux vaccins, nouveaux mécanismes pathogéniques), ceux liés à un possible vecteur, ses capacités propres d’adaptation, et ceux liés à l’environnement, ses dimensions physiques (écosystèmes, réchauffement climatique, dimension géographique…), socioéconomiques et organisationnelles.

Ces facteurs diversement intriqués exposent l’homme au risque d’émergence de nouvelles épidémies, parfois localisées, mais d’autres fois de dissémination planétaire rapide d’agents pathogènes virulents, et de plus en plus résistants aux thérapeutiques. On rapproche de ces risques « naturels », ceux en rapport avec une épidémie intentionnelle provoquée par l’homme dans le cadre d’un acte de bioterrrorisme, d’où la notion d’infection à risque épidémique et biologique (IREB). Elles peuvent constituer des situations d’urgence de santé publique de portée internationale, telle que définie dans le nouveau règlement sanitaire international (OMS, 2005). En effet, de telle situations partagent avec les épidémies naturelles deux caractéristiques possibles, la contagiosité et la gravité, sources de panique et désordres sociaux majeurs. Elles se différencient des autres risques terroristes, nucléaires, radiques ou chimiques (NRBC) par la cinétique du phénomène ; alors que ceux-ci atteignent en un temps les personnes exposée, les infections REB ont une capacité de propagation et d’extension s’étendant au fil d‘un temps très variable, quelques semaines (pour une vague de grippe),à plusieurs années (pour la pandémie d’infection par le VIH). Elles peuvent conduire à une crise sanitaire, en rapport avec des incertitudes évolutives, concernant les causes et le pronostic, qui ne sont pas immédiatement identifiés et font l’objet d’hypothèses générées à partir de connaissances partielles et avis d’experts. Comme l’illustre l’exemple récent de la pandémie de grippe H1N1, les pouvoirs publics rencontrent des difficultés croissantes à gérer de telles situations qui mettent en jeu les responsabilités des gouvernants, et provoquent une animation médiatique qui vient amplifier le retentissement et gêner considérablement la gestion de la crise.

Lutte contre les épidémies : accueil et prise en charge initiale, maillons clés de l’orientation adaptée de la réponse

La lutte contre les épidémies figure en bonne place dans les objectifs généraux de la politique de santé publique, définie par la loi du 9 août 2004. Les lignes directrices de l’organisation gouvernementale face aux crises liées à des IREB ont été tracées lors de travaux interministériels depuis quelques années. Elle s’appuie sur des plans élaborés contre les risques les plus graves, charbon, variole, peste, botulisme, tularémie, pandémie grippale… La préparation à la survenue de tels évènements est un temps incontournable de la gestion de ces risques. Elle a pour objet de mettre à disposition des acteurs un certain nombre de repères permettant de guider les décisions et l’action en situation incertaine. Elle doit aider à affronter les difficultés dans la gestion de ces crises sanitaires qui sont en effet multiples, et tiennent notamment à des limites intrinsèques, des tensions éthiques fortes (principe de justice égalitaire, CNE février 2009), des interprétations inappropriées des principes de prévention et de précaution, et des écarts entre l’évaluation du risque par les « experts » et les perceptions et représentations des citoyens.

Or, le premier contact et l’accueil par le système de soins de patients suspects d’IREB est une étape déterminante pour permettre la mise en place de mesures adaptées, visant à atténuer et retarder la diffusion d’une infection potentiellement hautement contagieuse et grave. Plusieurs expériences, ces dernières années, ont montré comment la défaillance de cette étape (une seule personne infectée pénétrant sur un territoire non averti, exemple du SRAS à Toronto) pouvait conduire à la contamination rapide d’un grand nombre de personnes, dépassant très vite ensuite les capacités de contrôle du processus épidémique. La réflexion sur une procédure destinée à préciser les conditions d’accueil et de prise en charge des patients suspects d’IREB a naturellement découlée des retours d’expérience partagés par les acteurs de première ligne.

En réalité, cette étape clé se présente tout à fait différemment selon les conditions de l’alerte. Si l’alerte a été donnée par un autre pays et/ou les autorités internationales, un dispositif doit pouvoir être activé rapidement, à condition qu’il ait été préparé et entrainé, dispositif qui, sur la notion d’exposition possible, évaluée en collaboration avec l’institut de veille sanitaire, oriente d’emblée la réponse dans la bonne voie. Si par contre aucune alerte n’a été mentionnée au niveau international, le dépistage et la reconnaissance d’un patient suspect d’IREB dépend des capacités, connaissances et expérience du premier médecin ou professionnel de santé qui le voit, à soupçonner une telle infection devant certains éléments attirant son attention. Ceux-ci peuvent être trouvés à l’interrogatoire, étape essentielle de l’examen, ou à l’examen clinique. D’autres fois, aucun élément n’attire l’attention dans un premier temps, et c’est le caractère inhabituel, ou la reconnaissance d’éléments nouveaux cliniques et/ou biologiques qui conduisent au soupçon. Cela souligne l’importance qu’un patient atteint d’un syndrome possiblement infectieux puisse être évalué rapidement, qu’un avis de senior spécialiste de maladies infectieuses soit accessible à toute heure, et qu’en cas de doute, un tel patient soit mis en observation en isolement et réexaminé de façon rapprochée pour confirmer ou lever la suspicion d’IREB. Ce sont donc les qualités fondatrices de l’exercice de la médecine qui sont ici sollicitées et interpelées, au service conjoint de la personne malade, et de la collectivité où elle évolue. Cette double approche n’a, jusqu’il y a peu de temps, pas été inscrite dans le parcours de formation des médecins. Il est indispensable qu’elle s’y développe désormais et que les plus anciens perçoivent l’importance de la transmission de ces savoirs.

Les conditions du dépistage peuvent être extrêmement variables en termes de localisation. Il peut s’envisager à l’entrée sur le territoire : aéroports, ports, gares …et les autorités responsables feront appel dans ce cas aux services mobiles médicaux d’urgence. Il peut être nécessaire de réaliser aussi le dépistage en tout lieu où une personne malade fera appel au système de santé : domicile, cabinet médical, urgences d’un établissement de soins. Dans tous les cas, si un doute apparaît, une information auprès d’un numéro unique, susceptible de guider la bonne orientation du patient est indispensable. Le numéro du centre 15 répond à cette attente. Il en découle une obligation pour les services d’urgence, en priorité SMUR et SAU, d’assurer la prise en charge de ces patients suspects, et, dans la mesure où ils ne représentent pas une sollicitation fréquente, de disposer de propositions de conduites à tenir standardisées, immédiatement applicables. La continuité du recours à l’expertise est inhérente à une telle organisation. Elle doit être mise en place concomitamment, et l’organisation du système de santé devrait permettre qu’un référent REB soit disponible par l’intermédiaire du SAMU Centre 15 pour discuter 24 h/24, si nécessaire, des différents points de la procédure, et aider les médecins urgentistes dans leurs prises de décision.

Intérêt d’une procédure standardisée de prise en charge des patients suspects d’infection à risque épidémique et biologique par les services d’Urgences et les SMUR

Afin de contrôler la diffusion d’agents à risque épidémique connus ou émergents, de protéger les patients et le personnel, des mesures d’intérêt collectif intriquées avec une prise en charge individuelle optimale sont requises : dépistage précoce, isolement et mesures barrières adaptés dès l’arrivée, techniques d’hygiène et d’éducation du personnel ont montré leur efficacité. Le diagnostic et le traitement rapides des patients atteints d’infection contagieuse contribuent également à réduire le risque de dissémination. L’impact des mesures est maximal lorsque le nombre de cas est encore faible et qu’il existe des capacités d’isolement des circuits de prise en charge. Il faut insister ici sur l’importance d’interventions adaptées le plus précocement possible.

La procédure présentée sur le site de la Presse Médicale (voir complément électronique) a été élaborée à l’instigation de collègues des SAMU d’Île-de-France, par un groupe de travail commun de médecins infectiologues, d’urgentistes, de SAMU et de SMUR, et de responsables administratifs de l’Assistance Publique –Hôpitaux de Paris (AP–HP). Sa conception régionale correspondait à un besoin de coordonner dans la proximité les expériences antérieures de collaboration à l’occasion des alertes charbon (2001), SRAS (2003) et de la préparation à la pandémie (2006). Si la région Île-de-France, carrefour du plus grand nombre de communications, a amorcé en première ligne cette action dans le cadre de la mise en place d’une unité fonctionnelle dédiée chargée de coordonner le réseau REB (unité CO REB, 2009), la procédure élaborée devrait avoir, à terme, une portée interrégionale, et nationale. La mise en ligne de ce document a donc pour objet de solliciter les réactions des acteurs de tout le territoire, afin de la faire évoluer pour aboutir à une démarche commune dans l’ensemble des régions.

L’objectif général de cette procédure Figure 1, Figure 2 est une prise en charge standardisée, simple et applicable quelle que soit la structure de recours par le patient (Urgences et Service mobile d’urgence et de réanimation), en amont des hôpitaux référents de la Coordination des urgences infectieuses et du Risque Épidémique et Biologique (COREB).

Figure 1.

Figure 1

Schéma d’organisation pour l’accueil et la prise en charge initiale d’un patient suspect d’infection à risque épidémique et biologique (IREB)

Figure 2.

Figure 2

Principes des mesures composant la procédure Coordination des urgences infectieuses et du Risque Épidémique et Biologique (CO REB) SAU–SMUR

Plus précisément, cette procédure vise à :

  • optimiser et standardiser la prise en charge des patients suspects d’être porteurs ou infectés par des agents infectieux à risque épidémique dans toutes les structures d’urgence en Île-de-France ;

  • assurer la protection des personnels et des autres patients du SAU, en évitant les contacts avec les patients suspects d’infections REB ;

  • orienter la prise en charge de ces patients vers des services spécialisés ;

  • préciser le rôle des médecins et hôpitaux référents REB dans l’organisation REB de la région Île-de-France (celle-ci s’articulant avec l’organisation pour les autres risques terroristes, radiques, nucléaires et chimiques, dits NRBC) ;

  • organiser la régulation et les transports dans de bonnes conditions d’hygiène par les SAMU départementaux.

Dans toutes les régions, les hôpitaux doivent se doter de procédures permettant d’aménager un circuit, des locaux, et une organisation dédiés, pré-identifés, immédiatement reconvertibles de leur usage habituel vers cette fonction, dès lors qu’un (des) patient(s) suspect(és) d’infection REB est (sont) dépisté(s) (situation épidémique ou cas sporadique).

Intégration d’un accueil dédié au risque épidémique et biologique dans un réseau de prise en charge globale coordonné (CO REB)

La coordination d’un réseau REB en Île-de-France est un projet en développement depuis 2003, au décours du SRAS. Son principe repose sur l’idée que l’accueil de patients suspects d’IREB est une situation rare, pouvant survenir en tout point du système de santé, et qu’il ne fonctionne efficacement que si le système est en état de veille et d’entraînement permanents, alors capable de reconversion quasi-instantanée pour faire face à une alerte REB. La situation fréquente la plus proche qui sollicite les mêmes structures et mêmes acteurs est celle des urgences infectieuses. La construction d’un réseau chargé d’accueillir et prendre en charge les urgences infectieuses, s’appuyant sur les SAU, en interaction étroite avec les services de Maladies infectieuses les plus proches, est l’objectif à poursuivre maintenant. Impliquant les professionnels et les personnels administratifs de santé, articulant plusieurs disciplines médicales entre elles, urgentistes, infectiologues, et aussi réanimateurs, spécialistes appropriés, microbiologistes…elle nécessite des moyens d’animation pour une organisation progressive, intriquée avec une démarche d’évaluation pas à pas, permettant une mobilisation harmonieuse des personnes concernées et les corrections nécessaires au décours des évènements pertinents. La prise en compte de cette nécessité est un des moyens pour restaurer et entretenir la confiance des citoyens envers les acteurs potentiels de ce type de crise, et limiter le risque de désorganisation et de déconsidération du système des santé en situation d’urgence collective, dont les conséquences sur le comportement de la société sont imprévisibles.

Le retour d’expérience des événements de 2009 permettra de mieux juger des conditions d’application de cette organisation, de ses aspects positifs et des difficultés éventuelles. Il apparaît d’ores et déjà qu’elle doit être largement expliquée, pour éviter toute ambiguïté ou incompréhension de la part des patients suspects d’infections REB, de leur entourage, et des personnels les prenant en charge.

Conflits d’intérêts

aucun.

Footnotes

Complément électronique disponible sur le site Internet de La Presse Médicale (http://www.em-consulte.com/revue/lpm).
  • Procédure standardisée de prise en charge par les Urgences et les SMUR des patients suspects d’infections à risque épidémique et biologique (REB) en Île-de-France

Matériel complémentaire

mmc1.pdf (485KB, pdf)

Associated Data

This section collects any data citations, data availability statements, or supplementary materials included in this article.

Supplementary Materials

mmc1.pdf (485KB, pdf)

Articles from Presse Medicale (Paris, France : 1983) are provided here courtesy of Elsevier

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