Skip to main content
Elsevier - PMC COVID-19 Collection logoLink to Elsevier - PMC COVID-19 Collection
. 2001 Dec 10;22(12):1180–1187. [Article in French] doi: 10.1016/S0248-8663(01)00489-1

Place des viroses respiratoires dans les hyperthermies de sujets âgés hospitalisés au cours d’une saison hivernale

Viral respiratory infections as cause of fever in hospitalised elderly patients during the 1995–1996 winter period.

V Sivier 1, MF Odelin 1,*, R Gonthier 1, B Pozzetto 2
PMCID: PMC7127035  PMID: 11794888

Abstract

Purpose. – In the geriatric units of the University Hospital of Saint-Etienne, 129 cases of fever (38° C or more) were recorded prospectively during the 1995–1996 winter period in a population of 503 hospitalised patients (25.6%), and were investigated for the detection of a viral aetiology.

Methods. – In febrile patients, a standard form was used to record clinical and biological parameters, including the results of investigations for respiratory viruses from a nasal swab and dual serum specimens.

Results. – A clinical or radiological respiratory infection was found in 69 cases (53.5% of all cases of fever), including 14 respiratory syncytial virus (RSV) infections. In comparison to nonviral respiratory infections, the RSV infections were characterised by the prevalence of anorexia (57% vs 20%, P < 0,05) and rhinorrhea (64% vs 5%, P < 0,01). No influenza infection was recorded despite the concomitant circulation of influenza virus in the community. A nosocomial outbreak of RSV infection (nine cases, attack rate of 18.7%) was identified in a long-stay care unit.

Conclusion. – This study illustrates the high prevalence (10.9%) of RSV infections in elderly patients with fever during this season and the importance of hygienic measures to control the spread of nosocomial outbreaks.

Keywords: fever, elderly, respiratory tract infection, respiratory syncytial virus, viral nosocomial infection


Le patient âgé est particulièrement exposé aux infections en général tant en milieu communautaire qu’en institution. Les caractéristiques des patients séjournant en institution gériatrique sont le grand âge, la dépendance pour les activités de la vie quotidienne et l’association de plusieurs maladies sous-jacentes. Cette population offre un excellent terrain pour le développement des infections 1, 2, 3, 4, 5. Les infections virales en institution ont une dissémination particulièrement facile, la transmission s’effectuant par le malade lui-même, le personnel ou encore par les autres patients ou les visiteurs 6, 7. Ce risque infectieux impose un respect absolu des règles d’hygiène collective pour prévenir une dissémination épidémique 5, 8, 9, 10.

Très souvent, la présentation clinique des infections est modifiée chez le sujet âgé, les signes étant volontiers frustres ou absents 11, 12. Chez des sujets capables de s’exprimer et en bon état général, les symptômes présents permettent d’évoquer facilement le diagnostic, alors que chez des sujets dénutris et/ou atteints de troubles confusionnels, voire de démence, la symptomatologie est beaucoup plus difficile à interpréter. Les infections virales comportent un risque important de complications et de décompensation des maladies associées, qui peuvent être responsables du décès du patient.

La fréquence et la gravité des viroses respiratoires chez les patients vivant en institution nécessitent des études épidémiologiques, cliniques et microbiologiques afin d’en déterminer les causes, des consensus de traitement (quand ils existent) et des règles simples pour prévenir leur dissémination.

L’objectif de cette étude a été le recueil prospectif pendant une période hivernale, au centre hospitalo-universitaire de Saint-Étienne, de toutes les hyperthermies supérieures ou égales à 38 °C survenues en court, moyen et long séjour, afin de déterminer par des investigations microbiologiques simples la part des viroses respiratoires et d’identifier d’éventuelles manifestations cliniques évocatrices.

Patients et méthodes

Population étudiée

La période de surveillance s’est déroulée du 1er novembre 1995 au 30 avril 1996 dans le département de gérontologie clinique du centre hospitalo-universitaire de Saint-Étienne qui compte huit services répartis dans six bâtiments, dont deux situés dans un autre établissement. L’étude a porté sur 503 sujets répartis en 176 sujets (35 %) dans le service de court séjour de 29 lits (neuf chambres seules et dix chambres à deux lits), 79 sujets (16 %) dans un service de moyen séjour à orientation rééducation de 29 lits (sept chambres seules, huit chambres à deux lits et deux chambres à trois lits) et 248 sujets (49 %) répartis dans six services de long séjour comprenant un total de 200 lits (57 chambres seules, 45 chambres à deux lits, 15 chambres à trois lits et deux chambres à quatre lits). L’âge moyen de la population était de 84,1 ± 6,8 ans, dont 73 % de femmes. Chez les patients résidant dans les services de long séjour, la vaccination antigrippale a été systématique, renouvelée tous les ans en automne (Vaxigrip®, Mérieux MSD) sauf en cas de refus de la part du patient ; aucun sujet n’a été protégé du risque pneumococcique.

Inclusion et surveillance clinique

Le critère d’inclusion des sujets dans l’étude a été la constatation d’une hyperthermie égale ou supérieure à 38 °C lors d’au moins une prise, avec ou sans signe(s) respiratoire(s). La surveillance a été réalisée grâce à une fiche standardisée permettant le recueil systématique et prospectif des signes généraux (dont la température mesurée deux fois par jour), des signes fonctionnels et des signes physiques, ainsi que celui des résultats des investigations paracliniques mentionnées ci-après. Une radiographie pulmonaire a été réalisée en fonction des données cliniques et de la mobilité du patient. La mise en place d’un traitement antibiotique à base d’amoxicilline a été systématique dans l’attente des résultats du bilan étiologique.

Surveillance biologique

Le bilan biologique infectieux des patients fébriles a compris de façon quasi systématique trois paires d’hémocultures, un examen cytobactériologique urinaire (ECBU), une numération-formule sanguine, une vitesse de sédimentation, une détermination de la protéine C réactive, une détection par immunofluorescence indirecte, grâce à un écouvillonnage nasal, des antigènes viraux respiratoires suivants : virus grippaux A et B, virus para-influenza, virus respiratoire syncytial, adénovirus et coronavirus, et une double sérologie par technique de fixation du complément, le jour de l’épisode fébrile et 15 jours à trois semaines plus tard, à la recherche d’une infection par les agents ci-après : virus grippaux A et B, virus para-influenza, virus respiratoire syncytial et Mycoplasma pneumoniae. Les critères de positivité de la sérologie ont été les suivants : variation significative du taux des anticorps (multiplication par quatre ou plus) sur les deux sérums ou taux d’anticorps élevé d’emblée (supérieur à 32) dans le premier sérum.

Classement des patients

Les patients fébriles ont été classés en trois groupes : ceux présentant des stigmates biologiques d’infection virale spécifique selon les critères définis ci-dessus, quelles que soient les données cliniques ou radiologiques (groupe « virose respiratoire »), ceux présentant au moins un symptôme respiratoire auscultatoire ou radiologique sans stigmate d’infection virale biologique et sans cause évidente de maladie extrarespiratoire pouvant expliquer la symptomatologie (groupe « infection respiratoire non virale ») et ceux n’entrant dans aucune des deux catégories précédentes (groupe « autre »).

Analyse statistique

Les variables qualitatives ont été comparées à l’aide du test du χ2, en utilisant la correction de Yates pour les petits effectifs. Le test t de Student a été utilisé pour comparer des variables quantitatives. Le seuil de signification statistique a été fixé à 0,05.

Résultats

Analyse globale

Sur 503 patients hospitalisés pendant la période concernée, 129 cas d’hyperthermie ont été répertoriés, soit des taux d’incidence cumulée de 25,6 % pour l’ensemble des services se répartissant comme suit : 29,5 % en court séjour (52 cas), 13,9 % en moyen séjour (11 cas) et 26,6 % en long séjour (66 cas). La densité d’incidence des hyperthermies a été de 1,43 pour 1 000 patients–jours.

Chez les 129 patients présentant une hyperthermie, les maladies chroniques prédominantes ont été la désorientation temporospatiale dans 78 cas (60 %), les affections cardiovasculaires dans 71 cas (55 %), les troubles locomoteurs dans 70 cas (54 %), les néoplasies dans 23 cas (18 %) et l’insuffisance respiratoire chronique dans 22 cas (17 %). Ces troubles avaient une prévalence significativement plus élevée chez les patients des services de long séjour que chez ceux hospitalisés en court ou moyen séjour (36 % versus 47 %, p < 0,05). Chez les 129 malades atteints d’hyperthermie, le taux de vaccination antigrippale a été de 93,9 % en long séjour, de 72,3 % en moyen séjour et de 50 % en court séjour.

La figure 1 illustre la répartition dans le temps des 129 cas d’hyperthermie, entre le 10 novembre 1995 et le 27 avril 1996, avec une distribution unimodale des cas présentant une acmé en février 1996. La valeur moyenne de la température a été de 38,7 °C avec des extrêmes allant de 38 °C à 41 °C. La moyenne de la durée de l’hyperthermie a été de 4,2 jours, avec une répartition nettement bimodale : dans 78,3 % des cas, cette durée a été inférieure ou égale à quatre jours et dans 21,7 % des cas, la fièvre a duré entre cinq et 41 jours et a résisté aux traitements symptomatiques habituels.

Figure 1.

Figure 1

Répartition des 129 cas d’hyperthermie chez les sujets âgés de novembre 1995 à avril 1996. Le nombre de cas d’hyperthermie des services de long séjour apparaît en blanc, celui des moyens séjours en gris foncé et celui des courts séjours en gris clair.

La répartition des 129 cas d’hyperthermie en fonction des trois groupes de maladies définis précédemment s’établit comme suit : 14 patients (10,9 %) ont présenté des stigmates biologiques de « virose respiratoire », correspondant dans tous les cas à une infection par le virus respiratoire syncytial ; 55 patients (42,6 %) sont entrés dans la définition du groupe « infection respiratoire non virale » : une documentation bactériologique n’a pu être obtenue dans aucun cas ; 60 patients (46,5 %) ont constitué le groupe « autre » comportant à la fois des infections extrarespiratoires (infections urinaires, septicémies, érysipèle, diarrhée…) et des hyperthermies non infectieuses (néoplasie, thrombose veineuse, embolie pulmonaire…) ou non documentées. Aucun patient inclus dans l’étude n’a présenté de stigmates virologiques d’infection à Influenzavirus A ou B.

La radiographie pulmonaire pratiquée chez seulement 80 malades (62 %), en raison de l’impossibilité de réaliser des images chez des malades impotents ou grabataires, a montré chez 33 d’entre eux (41 %) des anomalies systématisées ou non, de localisation pleurale ou parenchymateuse.

Sur les 129 malades ayant présenté une hyperthermie, 12 décès ont été observés, soit un taux de mortalité de 9,3 % : un décès dans le groupe « virose respiratoire » par surinfection bactérienne pulmonaire, sept décès dans le groupe « infection respiratoire non virale » (un choc septique, cinq décompensations respiratoires aiguës, une décompensation cardiaque aiguë) et quatre décès dans le groupe « autre » (deux cancers en phase terminale, un accident vasculaire cérébral et une cause indéterminée).

Cas particuliers des infections à virus respiratoire syncytial

Parmi les 14 cas de viroses à virus respiratoire syncytial, le diagnostic a été confirmé dans 12 cas par la sérologie, dans un cas par la détection d’antigènes viraux sur le prélèvement nasal et dans un cas par la positivité simultanée des deux approches.

L’âge moyen de ces cas a été un peu plus élevé que celui des autres sujets avec hyperthermie (89,1 versus 84,2 ans, différence non significative). Tous ont été vaccinés contre la grippe à l’automne. Les infections à virus respiratoire syncytial sont survenues entre le 8 janvier et le 23 février 1996, exclusivement dans les services de long séjour, dont neuf cas dans le service 5 (taux d’attaque de 18,7 %) (figure 2) . Les patients de ce dernier service cumulaient des durées de séjour particulièrement longues, une moyenne d’âge élevée, une fréquence importante de troubles du comportement et une grande dépendance. De plus, ils étaient regroupés dans des chambres à deux, trois ou quatre lits, avec sanitaires et salles à manger communs. Dans cette unité, sept membres du personnel soignant sur les 23 présents ont manifesté, de façon concomitante, des symptômes de virose respiratoire.

Figure 2.

Figure 2

Chronologie de survenue de l’ensemble des cas des viroses respiratoires à virus respiratoire syncytial (rectangles gris) dans les cinq unités de long séjour.

L’étude clinique des 14 cas d’infection à virus respiratoire syncytial (tableau I) a montré un pic fébrile moyen de 38,7 °C, une durée moyenne de la fièvre de 6,7 jours, une asthénie chez 86 % des patients et une anorexie chez 57 % d’entre eux ; la prévalence de ce dernier symptôme a été significativement plus élevée que dans le groupe des infections respiratoires non virales (20 %, p < 0,05). Les signes fonctionnels respiratoires ont été dominés par la toux (86 %), le catarrhe nasal (64 %) et l’expectoration (50 %). Si logiquement ces trois symptômes sont significativement plus prévalents dans les infections respiratoires, quelle que soit leur origine, que dans les hyperthermies dues à d’autres causes, le catarrhe nasal a été particulièrement évocateur d’une infection à virus respiratoire syncytial par rapport aux infections respiratoires non virales (64 % versus 15 %, p < 0,01) (tableau I). Les signes auscultatoires pulmonaires ont été présents dans 79 % des cas, sous forme de signes de bronchite banale dans huit cas, de bronchite spastique dans un cas et d’atteinte parenchymateuse dans deux cas. La radiographie pulmonaire a toujours été normale. Les hémocultures et les ECBU, pratiqués neuf fois sur 14, n’ont donné lieu à aucune culture de bactérie pathogène. La protéine C réactive, dosée 13 fois sur 14, a toujours été élevée (extrêmes allant de 20,5 à 280 mg/L), ne permettant pas de préjuger de l’origine virale de l’infection. Une polynucléose évoquant une surinfection bactérienne a été notée dans quatre cas sur 14 : la protéine C réactive était inférieure à 100 mg/L dans deux de ces cas et inférieure à 150 mg/L dans les deux autres cas.

Tableau I.

Prévalence et durée moyenne des principaux signes cliniques observés au cours des 129 cas d’hyperthermie classés en trois catégories clinicovirologiques.

Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3 p
(= 14) (= 55) (= 60) entre les 3 groupes entre les groupes
1 et 2
Fièvre
Moyenne (°C) 38,7 38,9 38,6 NS NS
Durée moyenne 6,7 4,3 3,4
Frissons
Nbre de cas (%) 0 8 (15) 12 (20) NS NS
Durée moyenne 1,0 1,0
Asthénie
Nbre cas (%) 12 (86) 32 (58) 26 (43) 0,05 NS
Durée moyenne 7,2 6,2 4,2
Anorexie
Nbre cas (%) 8 (57) 11 (20) 11 (18) < 0,001 < 0,05
Durée moyenne 5,8 5,3 4,2
Hypotension
Nbre cas (%) 2 (14) 12 (22) 8 (13) NS NS
Durée moyenne 1,6 1,5 1,1
Toux
Nbre cas (%) 12 (86) 37 (67) 7 (12) < 0,001 NS
Durée moyenne 7,8 5,0 2,1
Expectoration
Nbre cas (%) 7 (50) 32 (58) 5 (8) < 0,001 NS
Durée moyenne 13,0 5,1 1,8
Dyspnée
Nbre cas (%) 1 (7) 19 (35) 6 (10) < 0,001 NS
Durée moyenne 1,0 2,1 2,2
Catarrhe nasal
Nbre cas (%) 9 (64) 8 (15) 4 (7) < 0,001 < 0,01
Durée moyenne 4,6 2,9 2,8
Enrouement
Nbre cas (%) 2 (14) 9 (16) 0 < 0,01 NS
Durée moyenne 1,5 1,6

Groupe 1 : « virose respiratoire » ; groupe 2 : « infection respiratoire non virale » ; groupe 3 : « autre ». NS : non significatif.

Des complications ont été notées dans quatre cas sur 14 (28,6 %) : deux cas de déshydratation sévère et deux cas de surinfection bronchopulmonaire dont l’une a provoqué le décès du patient.

Discussion

Notre étude a analysé prospectivement toutes les hyperthermies survenues au cours d’une saison hivernale en focalisant l’attention sur les infections d’origine virale. Elle s’intègre dans le cadre d’une surveillance effectuée dans le service de gérontologie clinique du centre hospitalo-universitaire de Saint-Étienne entre 1990 et 1998, en particulier sous l’angle des infections respiratoires virales 13, 14. Le taux d’incidence cumulée des hyperthermies hivernales est relativement stable dans nos sites gériatriques : 21,9 % en 1990–1991 〚13〛, 18,2 % en 1991–1992 〚13〛, 21,6 % en 1993-94 〚14〛 et 25,6 % en 1995–1996 (cette étude). L’étude prospective de Jackson et al. 〚15〛 réalisée sur une période de trois ans révèle une densité d’incidence de 7,1 infections pour 1 000 patients–jours, celle de Nicolle et al. 〚16〛 réalisée sur 12 mois une incidence de 59 infections pour 100 patients–ans. Notre chiffre plus faible (1,43 hyperthermies pour 1 000 patients–jours) est à relier au fait que le niveau de fièvre requis pour l’inclusion des patients est relativement élevé, ce qui a sans doute contribué à méconnaître un nombre élevé d’infections.

Les épisodes fébriles sont survenus chez des sujets âgés présentant des maladies multiples où prédominent des troubles psychocomportementaux et des troubles locomoteurs, une polymédication, une éventuelle malnutrition et parfois un état grabataire. Une maladie infectieuse chez le sujet âgé ne se manifeste pas toujours par une sémiologie franche ; elle prend fréquemment un aspect atypique ou trompeur avec des signes proprement gériatriques : absence de fièvre, majoration de l’asthénie ou de l’anorexie, décompensation des troubles mentaux ou des maladies associées. Les manifestations générales comme la fièvre ou les frissons manquent souvent 〚17〛. Dans deux séries autopsiques, une série japonaise concernant 463 sujets décédés à leur domicile ou à l’hôpital 〚18〛 et une série suisse concernant 3 000 malades vivant en institution gériatrique 〚19〛, une maladie infectieuse présente au moment du décès du patient a été documentée dans respectivement 50,2 et 42,9 % des cas, le diagnostic ayant été rarement évoqué avant le décès du patient. Dans ce contexte, le parti pris pour cette étude de surveiller exclusivement les sujets fébriles peut paraître discutable, d’autant que les infections virales sont souvent non ou peu fébriles à cet âge. Néanmoins, ce choix peut se justifier sur trois arguments : la surveillance pratiquée étant avant tout destinée au dépistage des infections grippales symptomatiques dans une population largement vaccinée, la fièvre demeure un signe cardinal dans cette maladie, même chez le sujet âgé ; par ailleurs, compte tenu des difficultés à interpréter des signes fonctionnels chez des sujets présentant pour un grand nombre d’entre eux des troubles psychomoteurs graves, l’hyperthermie est un critère d’inclusion objectif, facile à utiliser ; enfin, le coût non négligeable du bilan virologique restreint l’extension de ses indications à des symptomatologies cliniques franches.

Aucun cas de grippe n’a été décelé parmi nos patients hyperthermiques alors qu’avait sévi une double épidémie de grippe A (H3N2) et (H1N1) dès les premiers jours d’octobre 1995, suivie de cas de grippe B de janvier à mars 1996 dans la région Rhône-Alpes 〚20〛. La corrélation entre ces données épidémiologiques et l’absence de cas de grippe chez nos 129 malades avec hyperthermie (dont la couverture vaccinale était globalement de 72,3 %) montre le caractère protecteur de cette vaccination chez le sujet âgé 〚21〛.

Comme d’autres auteurs 22, 23, 24, nous rapportons une proportion importante d’infection à virus respiratoire syncytial survenus sous forme de quelques cas sporadiques et d’une épidémie nosocomiale dans l’un des services. Les manifestations cliniques ont été présentes sous forme de signes généraux bruyants et de signes respiratoires, notamment un catarrhe nasal relativement évocateur 〚25〛. Néanmoins, cette étude à la suite de plusieurs autres 26, 27, 28, 29 montre qu’il est très difficile de repérer les infections à virus respiratoire syncytial sur la seule sémiologie. L’écouvillonnage nasal par immunofluorescence indirecte n’a permis de faire un dépistage immédiat d’une virose à virus respiratoire syncytial que dans deux cas sur 14. Dans cette population âgée, cet examen doit donc être associé systématiquement à une double sérologie virale qui reste le seul moyen de faire un diagnostic de certitude, bien que tardif, des viroses respiratoires.

Des complications bronchopulmonaires ou de décompensation de maladies associées sont fréquentes au décours de ces viroses respiratoires, 5 à 67 % selon Falsey 〚6〛, 42 % selon Agius et al. 〚24〛. D’après Han et al. 〚30〛, aux États-Unis, le virus respiratoire syncytial serait la cause de 2 à 9 % des pneumopathies du sujet âgé, avec un coût total annuel d’hospitalisation estimé entre 150 et 680 millions de dollars. Dans notre étude, nous avons constaté la survenue d’une complication dans 25 % des cas d’infection à virus respiratoire syncytial, avec un taux de mortalité de 8,3 %.

L’épidémie nosocomiale de virus respiratoire syncytial est survenue dans un service de long séjour avec des locaux communs et exigus, chez des patients porteurs de multiples maladies et souvent déments. Il est probable que le biais du critère d’inclusion (fièvre supérieure ou égale à 38 °C pour la réalisation de prélèvements) et le caractère atypique des symptômes aient sous-estimé l’ampleur de cette épidémie. Pour éviter le développement de ces infections nosocomiales virales, il est important d’effectuer une surveillance microbiologique, d’appliquer les précautions standard d’hygiène et, à la moindre alerte épidémique, de mettre en place des mesures d’isolement de type « gouttelettes » et de renforcer les consignes d’hygiène des mains auprès du personnel soignant 31, 32, 33.

En conclusion, les infections respiratoires, qu’elles soient virales, bactériennes ou non documentées, apparaissent comme la principale cause d’hyperthermie chez le sujet âgé institutionnalisé pendant la saison hivernale et sont à l’origine de nombreuses complications, voire de décès. Notre étude souligne le bénéfice des explorations virologiques qui ont permis de dépister, dans un contexte d’épidémie grippale communautaire, des infections fébriles à virus respiratoire syncytial de symptomatologie peu spécifique, en dehors de la plus grande fréquence du catarrhe nasal. Il convient également de souligner l’importance du respect des règles d’hygiène collective pour éviter la diffusion nosocomiale de virus dans les collectivités de sujets âgés, en attendant la disponibilité d’un vaccin anti-virus respiratoire syncytial.

Références

  • 1.Michel J.P., Lesourd B., Conne P., Richard D., Rapin C.H. Prevalence of infections and their risk factors in geriatric institutions : a one-day multicentre survey. WHO Bul. 1991;69:35–41. [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 2.Hodder S.L., Ford A.B., Fitzgibbon P.A., Jones P.K., Kumar M.L., Mortimer E.A. Acute respiratory illness in older community residents. J Am Geriat Soc. 1995;43:24–29. doi: 10.1111/j.1532-5415.1995.tb06237.x. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 3.Wijma G., Ligthart G.J. Influenza vaccination for all elderly. Gerontology. 1996;42:270–273. doi: 10.1159/000213802. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 4.Glezen W.P., Greenberg S.B., Atmar R.L., Piedra P.A., Couch R.B. Impact of respiratory virus infections on persons with chronic underlying conditions. JAMA. 2000;283:499–505. doi: 10.1001/jama.283.4.499. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 5.Veyssier P. Ellipses; Paris: 1997. Infections chez les sujets âgés. [Google Scholar]
  • 6.Falsey A.R. Noninfluenza respiratory virus infection in long-term care facilities. Infect Control Hosp Epidemiol. 1991;12:602–608. doi: 10.1086/646249. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 7.Falsey A.R., Treanor J.J., Betts R.F., Walsh E.E. Viral respiratory infections in the institutionalized elderly : clinical and epidemiologic findings. J Am Geriatr Soc. 1992;40:115–119. doi: 10.1111/j.1532-5415.1992.tb01929.x. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 8.Graman P.S., Hall C.B. Nosocomial viral respiratory infections. Semin Respir Infect. 1989;4:253–260. [PubMed] [Google Scholar]
  • 9.Mallaret M.R., et le groupe de travail Hygiène et prévention des infections dans les établissements de soins pour personnes âgées Hygiènes. 1997;5:309–366. [Google Scholar]
  • 10.Rainfray M., Gallinari C., Bruhat A., Meaume S., Rothan-Tondeur M. Les infections chez les personnes âgées en institution. Rev Prat. 1997;11:44–51. [Google Scholar]
  • 11.Berman P., Hogan D.B., Fox R.A. The atypical presentation of infection in old age. Age Ageing. 1987;16:201–207. doi: 10.1093/ageing/16.4.201. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 12.Barzaga R.A., Klein N.C., Cunha B.A. Fever and the elderly. Infect Dis Newsletter. 1992;11:65–68. [Google Scholar]
  • 13.Momplot C. université Jean-Monnet; Saint-Étienne: 1995. Viroses respiratoires responsables d'hyperthermie chez les sujets âgés. Étude portant sur 601 patients hospitalisés dans le service du CHU de Saint-Étienne sur une période de 6 mois (octobre à avril 1994) 〚thèse〛. [Google Scholar]
  • 14.Desgaches P. université Jean-Monnet; Saint-Étienne: 1996. Investigations de 140 épisodes d'hyperthermie chez des sujets âgés hospitalisés, au cours de deux saisons hivernales (1990–1991 ; 1991–1992) 〚thèse〛. [Google Scholar]
  • 15.Jackson M.M., Fierer J., Barrett-Connor E., Fraser D., Klauber M.R., Hatch R., et al. Intensive surveillance for infections in a three-year study of nursing home patients. Am J Epidemiol. 1992;135:685–696. doi: 10.1093/oxfordjournals.aje.a116348. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 16.Nicolle L.E., McIntyre M., Zacharias H., MacDonell J.A. Twelve-month surveillance of infections in institutionalized elderly men. J Am Geriatr Soc. 1984;32:513–519. doi: 10.1111/j.1532-5415.1984.tb02236.x. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 17.Yoshikawa T.T., Norman D.C. Approach to fever and infection in the nursing home. J Am Geriat Soc. 1996;44:74–82. doi: 10.1111/j.1532-5415.1996.tb05642.x. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 18.Miyazaki H., Nagata N., Shigematsu N. A comparison of community-acquired lung infection and nosocomial infection. Review of autopsy cases in Hisayama town. Nihon Kyobu Shikkan Gakkai Zasshi. 1992;30:1911–1916. [PubMed] [Google Scholar]
  • 19.Gee W.M. Causes of death in a hospitalised geriatric population : an autopsy study of 3000 patients. Virchow Arch (A) 1993;423:343–349. doi: 10.1007/BF01607146. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 20.Groupes régionaux d’observation de la grippe (GROG). Centres nationaux de référence pour la grippe France–Nord et France–Sud. Surveillance de la grippe et du virus respiratoire syncytial en France d’octobre 1995 à avril 1996. Bull Épidémiol Hebdo1997. 1997;18:55–60. [Google Scholar]
  • 21.Gomolin I.H., Leib H.B., Arden N.H., Sherman F.T. Control of influenza outbreaks in the nursing home : guidelines for diagnosis and management. J Am Geriatr Soc. 1995;43:71–74. doi: 10.1111/j.1532-5415.1995.tb06246.x. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 22.Garvie D.G., Gray J. Outbreak of respiratory syncytial virus infection in the elderly. Br Med J. 1980;281:1253–1254. doi: 10.1136/bmj.281.6250.1253-a. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 23.Mlinaric-Galinovic G., Falsey A.R., Walsh E.E. Respiratory syncytial virus infection in the ederly. Eur J Clin Microbiol. 1996;15:777–781. doi: 10.1007/BF01701518. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 24.Agius G., Dindinaud G., Biggar R.J., Peyre R., Vaillant V., Ranger S., et al. An epidemic of respiratory syncytial virus in elderly people : clinical and serological findings. J Med Virol. 1990;30:117–127. doi: 10.1002/jmv.1890300208. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 25.Mathur U., Bentley D.W., Hall C.B. Concurrent respiratory syncytial virus and influenza. A infections in the institutionalized elderly and chronically ill. Ann Intern M. 1980;93:49–52. doi: 10.7326/0003-4819-93-1-49. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 26.Wald T.G., Miller B.A., Shult P., Drinka P., Langer L., Gravenstein S. Can respiratory syncytial virus and influenza A be distinguished clinically in institutionalized older persons ? J Am Geriatr Soc. 1995;43:170–174. doi: 10.1111/j.1532-5415.1995.tb06384.x. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 27.Fleming D.M., Cross K.W. Respiratory syncytial virus or influenza ? Lancet. 1993;342:1507–1510. doi: 10.1016/s0140-6736(05)80082-0. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 28.Falsey A.R., Cunningham C.K., Barker W.H., Kouides R.W., Yuen J.B., Menegus M., et al. Respiratory syncytial virus and influenza A infections in the hospitalized elderly. J Infect Dis. 1995;172:389–394. doi: 10.1093/infdis/172.2.389. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 29.Falsey A.R., McCann R.M., Hall W.J., Tanner M.A., Criddle M.M., Formica M.A., et al. Acute respiratory tract infection in daycare centers for older persons. J Am Geriatr Soc. 1995;43:30–36. doi: 10.1111/j.1532-5415.1995.tb06238.x. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 30.Han L.L., Alexander J.P., Anderson L.J. Respiratory syncytial virus pneumonia among the elderly : an assessment of disease burden. J Infect Dis. 1999;179:25–30. doi: 10.1086/314567. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 31.ministère de l’Emploi et de la Solidarité; Paris: 1998. Comité technique national des infections nosocomiales, Société française d’hygiène hospitalière. Isolement septique. Recommandations pour les établissements de soins. [Google Scholar]
  • 32.Loeb M., McGeer A., McArthur M., Peeling R.W., Petric M., Simor A.E. Surveillance for outbreaks of respiratory tract infections in nursing homes. Can Med Assoc J. 2000;162:1133–1137. [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 33.Chien J.W., Johnson J.L. Viral pneumonias. Epidemic respiratory viruses. Postgrad M. 2000;107:41–52. doi: 10.3810/pgm.2000.03.941. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]

Articles from La Revue De Medecine Interne are provided here courtesy of Elsevier

RESOURCES