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. 2013 Dec 21;140:S237–S253. [Article in French] doi: 10.1016/S0151-9638(13)70140-6

Quoi de neuf en dermatologie clinique ?

What's new in clinical dermatology?

M Janier 1,2
PMCID: PMC7132419  PMID: 24365496

Résumé

L’année 2013 a été l’année des études génétiques de type GWAS (Genome wide association studies) au service de maladies fréquentes (psoriasis et dermatite atopique) visant à identifier des gènes candidats et celles des grandes cohortes de population tirées de registres publics ou privés. Ainsi des corrélations épidémiologiques sont déclinées : psoriasis et surrisque vasculaire, psoriasis et pathologies ORL, rosacée et migraines, acné et habitudes alimentaires, eczéma et carcinome basocellulaire, vitiligo et moindre risque de cancers cutanés, lupus cutané Ro/SS-A et cancer, eczéma chronique et inhibiteurs calciques, pemphigoïde et diurétiques de l’anse. Les liens entre isotrétinoïne et MICI ne sont pas confirmés. Ceux liant azathioprine et cancers cutanés le sont. Des toxidermies nouvelles voient le jour (pigmentations à l’interféron, hypodermites et sarcoïdose aux inhibiteurs de BRAF muté, toxidermies au vandétanib, etc.) et des toxidermies anciennes sont « revisitées » (patch-tests dans les toxidermies sévères, pigmentation à l’hydroxychloroquine, dermatoses neutrophiliques à l’azathioprine). Diane35® a fait une fausse sortie en janvier 2013 mais le tétrazépam, lui, a fait une vraie sortie en juillet 2013. Des aspects originaux de différentes infections cutanées sont abordés et des données nouvelles sur les MST (méningococcémies et homosexuels masculins, PVH, herpès, syphilis congénitale). Enfin, quelques articles concernant la dermatoscopie, la microscopie confocale et la dermatologie esthétique seront discutés.

Mots clés: Cholangite neutrophilique, Isotrétinoïne, MICI, Vémurafénib, Tétrazépam, Méningococcémie, Syndrome de Schnitzler

Introduction

L’année 2013 se termine et on pourrait se sentir noyé sous la profusion d’articles publiés cette année et dont j’ai retenu 93 après sélection selon leur intérêt.

Aucune nouvelle maladie dermatologique en 2013. Les grands travaux sont les études génétiques (de type Genome Wide Association Study ou GWAS) au service de maladies fréquentes, la recherche des polymorphismes visant à identifier de nouveaux gènes, avec à la clé de futures thérapeutiques. Ainsi naissent d’énormes cohortes provenant souvent d’Asie, presque toujours rétrospectives en comparaison de témoins dont la sélection n’est pas toujours claire. L’année 2013 a vu la disparition des Archives of Dermatology qui ont accompagné notre spécialité depuis 1920, devenues le JAMA Dermatology en janvier 2013.

Cette année, 3 articles majeurs ont été publiés coup sur coup dans le N. Engl. J. Med. : mutation CARD9 et maladie dermatophytique [1], mycose disséminée à Emmonsia, nouvelle maladie liée au VIH [2] et DRESS à la dapsone et HLA*13:01 [3], seulement 2 articles de dermatologie clinique dans le N. Engl. J. Med., aucun dans le Lancet mais beaucoup d’autres dans de très bonnes revues, dont 17 émanent d’équipes françaises, attestant de leur vitalité.

Les échelles, les scores, les index

Pour quantifier et rationnaliser l’atteinte clinique, sont nés des échelles, des scores, etc. Le PASI nous est familier mais presque chaque pathologie a son index (dermatite atopique, eczéma des mains, dysidrose, lupus, sarcoïdose, acné et jusqu’à un NaPSI pour Nail Psoriasis Severity Index). Les index de qualité de vie ne sont pas en reste, de nombreux ont vu le jour, dont un pour les ichtyoses héréditaires, fruit d’une collaboration de plusieurs équipes françaises [4].

Quoi de neuf dans le psoriasis ?

La fréquence du psoriasis augmente

C’est ce qui ressort d’un travail norvégien mené à Tromsø à partir d’une cohorte d’habitants depuis 1979 (plus de 33 000 nés entre 1915 et 1977). La prévalence du psoriasis est passée de 4,8 % en 1980 à 11,4 % en 2008 avec un Odds ratio (OR) ajusté sur l’âge de 2,5. Les facteurs de risque sont le surpoids, le tabac, l’absence d’activité physique (travail et loisirs), un faible niveau éducatif; la prise d’alcool ne semble pas être un facteur aggravant. Tous sont plus significatifs chez la femme que chez l’homme. La prise de conscience du psoriasis probablement plus élevée est un biais possible. Les données sont déclaratives (autre biais) mais la tendance à la hausse semble réelle, peut-être liée à l’augmentation des facteurs de risque métaboliques [5].

La répartition planétaire du psoriasis n’est pas homogène

La Norvège détient le record de prévalence et d’incidence du psoriasis avec la Laponie russe (Ozero Kasach’ye) (10 à 12 %) alors que le psoriasis est très rare dans les pays « chauds », en particulier en Afrique et chez les Noirs américains, données semblant privilégier la génétique plutôt que l’ensoleillement et les habitudes alimentaires. La prévalence est remarquablement de 0 % aux îles Samoa. Il y a, au cours de la vie, deux pics d’incidence : 30–39 et 60–69 ans chez l’homme, et 20–29 et 50–59 ans chez la femme [6].

Psoriasis et maladies métaboliques

Des études de type GWAS ont permis d’identifier plus de 40 locus de susceptibilité, souvent des gènes de la réponse Th1, Th17 et Treg. Une dizaine de gènes pourrait être partagée avec la maladie coronarienne, l’hypercholestérolémie et l’hypertriglycéridémie sans que l’on sache si ces comorbidités résultent d’une communauté génétique, environnementale ou sont dues à l’activation des voies de l’inflammation. Une méta-analyse chinoise à partir de 7 cohortes dont 6 prospectives de bonne qualité (6 millions d’individus avec suivi de 5 à 15 ans) conclut que le psoriasis confère un risque additionnel d’AVC et d’infarctus du myocarde d’environ 20 % (OR vasculaire composé : 1,2), indépendamment des facteurs de risque conventionnels [7]. Dans l’éditorial associé, l’auteur dresse un tableau effrayant, soulignant que dans un psoriasis modéré à sévère, 0,5 m2 de peau enflammée héberge des milliards de lymphocytes T crachant des cytokines. L’inflammation cutanée provoquerait l’athérome sans corrélation clairement établie entre étendue du psoriasis et risque métabolique. De nombreuses autres études vont dans le même sens, avec risque additionnel de syndrome métabolique (× 2), d’hypertriglycéridémie (× 1 à 5) et de diabète. Une méta-analyse de 27 études dont 2 prospectives, la plupart ajustées sur l’IMC, donne pour le diabète un OR de 1,6 (1,5 pour les psoriasis modérés et 2 pour les sévères). Ce surrisque a été constaté dans tous les pays [8]. Un surrisque de maladie de Parkinson a été évoqué dans une étude rétrospective taïwanaise.

Le psoriasis : une pathologie ORL ?

Encore une série rétrospective taïwanaise tirée d’un registre (banque de données d’assurance LHID 2000*). La rhinosinusite chronique sans polype (13 000 patients vs 39 000 contrôles) confère un surrisque de psoriasis incident à 5 ans (× 2) après ajustement sur l’âge, le revenu et les facteurs de risque métaboliques. Cette pathologie plutôt neutrophilique/Th1 est différente de la rhinosinusite allergique avec polypes (éosinophilique/Th2). Il s’agit encore d’un registre avec ses biais et le tabac n’a pas été pris en compte [9]. Dans la périodontite chronique l’incidence de psoriasis est augmentée à 5 ans (× 1,5), ici aussi sans ajustement sur le tabac. Si l’on ajoute une étude islandaise à une douzaine de miniséries, l’amygdalectomie pourrait améliorer le psoriasis. Les antigènes streptococciques ont des déterminants communs avec certains peptides des kératines et activent les cellules épidermiques du psoriasis (chemokines CXCL 8, 9, 10 et 11) et certains lymphocytes T CD8 mémoire (CLA+ CD8+) conduisant à une activation Th1 et Th17.

Moins convaincante est la fréquence ahurissante de candidoses buccales dans une étude brésilienne de 140 psoriasiques (86 recevant un traitement systémique) vs 140 contrôles : 20 % de candidoses cliniques et 26 % de candidoses mycologiques (définies par un examen direct positif) contre 0 dans le groupe témoin. Cette candidose dont la définition est fort discutable serait liée à la sévérité du psoriasis mais pas aux traitements systémiques ! [10]

Psoriasis pustuleux (PP)

Le syndrome DITRA (deficiency of IL-36 Ra) caractérisé par une mutation du gène IL-36RN, conduisant à une activation de l’inflammation au cours de PP familiaux tunisiens, a été publié dans le NEJM. Setta-Kaffetzi et al. [11] rapportent de nouvelles mutations de ce gène chez 13/84 PP généralisés, 2/9 acrodermatites continues de Hallopeau et 7/139 pustuloses palmo-plantaires : le PP et ses variants peuvent être des DITRA, mais pas toujours.

Par ailleurs, on a noté 4 cas de psoriasis vulgaire sévères non pustuleux associés à une atteinte hépatique particulière, la cholangite neutrophilique. Elle a été décrite dans le syndrome de Sweet, puis dans le PP généralisé, et se caractérise par une cholestase et une cytolyse modérées avec polynucléose (inconstante), dilatation des canalicules biliaires et infiltrat de polynucléaires des espaces portes et autour des canaux biliaires. Ce tableau doit être connu car il peut être pris pour une hépatite infectieuse ou médicamenteuse et conduire à un arrêt intempestif des traitements systémiques [12].

Quoi de neuf dans la rosacée ?

De nombreux articles ont été publiés en 2012–2013, annonçant la commercialisation d’un médicament destiné à traiter les rosacées érythémateuses et provenant essentiellement de Bâle en collaboration avec le laboratoire de recherche Galderma.

Dans une étude rétrospective cas-témoins de 50 000 rosacées issues d’une banque de données anglaise (GPRD) (1995–2009), les auteurs établissent un lien entre rosacée et migraine préexistante chez les femmes (OR ajusté sur le tabac, l’alcool et l’IMC : 1,36), mais pas chez l’homme. Le risque est plus important en cas de migraine traitée par triptans et augmente avec l’âge, jusqu’à + 66 % chez la femme de plus de 60 ans. Le même registre indique que la rosacée est moins fréquente chez les diabétiques, en particulier en cas de diabète sévère et ancien, et moins fréquente chez les patients traités par spironolactone (on sait que les spironolactones sont un traitement possible de la rosacée) [13].

Quoi de neuf dans l’acné ?

Acné et alimentation

Dans une étude transversale de 2 300 écoliers turcs, 61 % (âge moyen : 15 ans) ayant une acné, un questionnaire sur les habitudes alimentaires met en évidence, de manière significative après ajustement sur l’âge, le sexe et le domicile, une alimentation trop grasse, trop sucrée, avec trop de saucisses et trop de gâteaux. Par ailleurs, l’acné était plus sévère chez les gros que chez les maigres (score de Pillsbury) [14].

Un surrisque d’acné (× 1,9) apparaît également dans une étude cas-témoins prospective de 205 acnéiques vs 358 contrôles de consultations externes de dermatologie italiennes. Outre les antécédents familiaux (risque × 3,4), le surpoids (× 1,9 pour IMC > 18) et la consommation de lait (× 1,8 pour les gros consommateurs) paraissent corrélés à la survenue d’une acné. En revanche, le tabac ne ressort pas et la consommation de poisson est protectrice (protection d’environ 30 %) [15].

Ces études sont discordantes mais il est indéniable qu’un « frémissement alimentaire » est survenu dans le monde de l’acné, incriminant l’horrible diététique occidentale et ses régimes hypercaloriques. Une bonne nouvelle cependant dans l’étude italienne : aucun lien statistique avec le chocolat.

Isotrétinoïne et MICI

Plusieurs articles sur la responsabilité de l’isotrétinoïne dans les MICI et déjà de nombreux procès aux États-Unis depuis l’article de 2010 montrant un surrisque de 4,3 de rectocolite chez les patients traités par isotrétinoïne.

Publication d’une cohorte rétrospective de 4,5 millions d’habitants de Colombie-Britannique de 12 à 29 ans (1997–2008) après moulinage de données libérales et hospitalières et de prescriptions. Plus de 46 000 acnéiques commençant l’isotrétinoïne ont été comparés à plus de 180 000 commençant un topique et 1,5 million de témoins. Un an après, respectivement 87, 316 et 11 005 patients avaient développé une MICI. Après ajustement sur l’âge, le sexe et l’antibiothérapie, le risque est identique dans les 3 groupes chez les sujets de 12 à 29 ans et on a une très discrète augmentation sous isotrétinoïne dans le sous-groupe 12 à 19 ans (× 1,4) pour l’ensemble des MICI. Cependant, ce risque est non significatif lorsque l’on prend séparément la maladie de Crohn et rectocolite. Pour la rectocolite, on a un risque discrètement augmenté (× 1,2) dans le groupe traitement topique. Enfin, les patients ayant une MICI préexistant à la mise sous isotrétinoïne se sont moins aggravés que sous topique (× 0,75 vs 1,36). Ces corrélations résultent d’objectifs secondaires, mais l’objectif primaire ne montre aucun surrisque de MICI, ni sous isotrétinoïne ni sous topique. Les auteurs concluent qu’un lien est possible entre MICI et acné elle-même, et non avec le traitement de l’acné [16].

Dans une étude nichée cas-témoins (données d’assurance) portant sur des femmes ayant reçu au moins un contraceptif oral entre 2001 et 2009, plus de 2 000 MICI ont été comparées à 43 000 témoins. Dix de ces MICI sont survenues dans l’année qui a suivi un traitement par isotrétinoïne : le risque ajusté sur les antibiotiques (mais pas sur le tabac) n’est pas significativement augmenté dans le groupe isotrétinoïne (× 0,99), ni pour le Crohn, ni pour la rectocolite. Une méta-analyse conclut à un risque non significatif à 0,94. Dans la pire des hypothèses (peu probable), il faudrait traiter plus de 5 000 patients pour déclencher un cas supplémentaire de rectocolite. Ainsi, comme pour le suicide, le lien se fait plutôt avec l’acné qu’avec ses traitements. Ceci a une certaine importance car il semble déjà que les dermatologistes hésitent à prescrire l’isotrétinoïne par peur de survenue de MICI [17].

Quoi de neuf dans la calvitie ?

L’association alopécie androgénique (AA)-maladies métaboliques est un thème récurrent. Dans une étude de cohorte prospective (programme de dépistage de cancers et maladies métaboliques à Taïwan), on a suivi depuis 2005 7 000 patients (2/3 de femmes) de plus de 30 ans. Environ 600 avaient une AA modérée à sévère dont 70 sont morts avant fin 2010 de diabète ou de cause cardiaque. Le risque relatif de décès par diabète ou cause cardiaque, après ajustement sur le tabac, l’exercice physique, l’âge et les antécédents familiaux, est de × 2 dans le groupe AA modérée à sévère. Les autres facteurs de risque sont l’âge, une glycémie élevée et un syndrome métabolique. Les auteurs signalent que l’AA n’induit pas de surrisque de mortalité par cancer ou AVC. D’autres données sont nécessaires avant de considérer ce surrisque comme parfaitement établi [18].

Quoi de neuf dans le vitiligo ?

Les patients ayant un vitiligo font moins de cancers cutanés, dans une étude rétrospective par voie postale menée entre 1995 et 2010 dans une cohorte d’Amsterdam, soit 1 307 patients ayant un vitiligo (dont 911 traités par photothérapie) et 788 contrôles non apparentés génétiquement (entourage des patients). Les patients vitiligo ont eu plus de coups de soleil mais utilisent plus de protection vestimentaire et d’écrans solaires. Sept mélanomes sont survenus dans le groupe vitiligo et 12 dans le groupe témoin, significativement associés aux coups de soleil dans l’enfance et au nombre élevé de nævus (>100). En revanche, le vitiligo est protecteur (OR ajusté à 0,32); pour les autres cancers cutanés, il est également protecteur (OR ajusté à 0,28). Ces données sont surprenantes d’autant que la photothérapie n’est pas liée à un surrisque de cancers cutanés ici. Une des explications serait un phénomène d’exclusion génétique, les allèles majeurs du gène de la tyrosinase seraient associés au vitiligo et les allèles mineurs au mélanome. Il pourrait aussi s’agir d’une réaction immune antimélanocytaire dans le vitiligo. Ces données concordent avec la moindre photo-sénescence et l’augmentation d’expression de la P53 dans les kératinocytes de patients ayant un vitiligo [19].

Quoi de neuf dans les bulloses immunologiques ?

Pemphigus paranéoplasique (PPN) et anticorps anti-α2-macroglobuline

Les anticorps intervenant dans les PPN sont des IgG antiplakines, antidesmogléines et anti-α2-macroglobuline-like-1 (A2ML1), inhibiteur de protéase à large spectre. L’étude de 58 sérums de PPN montre que 30/58 (52 %) marquent en IF l’A2ML1, exprimée dans des cellules transfectées, et 35/58 (60 %) la reconnaissent par immunoprécipitation-immunoblot versus aucun dans un groupe de pemphigoïdes, pemphigus vulgaires, pemphigus foliacés et témoins. L’immunoblot en condition non réduite avec extrait de kératinocytes humains n’est positif que dans 38 % des cas. Enfin, ces Ac diminuent l’adhésion des kératinocytes par activation de la plasmine. Les auteurs démontrent que les PPN ont dans 70 % des cas un Ac paraissant très spécifique et pathogène, toutes techniques confondues. La positivité des Ac anti-A2ML1 serait corrélée à un début plus précoce et a une atteinte oculaire moindre [20].

Pemphigoïde muqueuse et anticorps antilaminine 332

Les Ac antilaminine 332 (anciens noms : antinicéine, épiligrine, laminine 5, etc.), dirigés contre une glycoprotéine des filaments d’ancrage, sont présents dans 40 % des pemphigoïdes. La pemphigoïde muqueuse regroupe les anciennes pemphigoïde cicatricielle, EBA muqueuse et dermatose à IgA linéaire muqueuse, d’où on isole une variété rare caractérisée par des Ac circulants antilaminine 332. En 2001, ces Ac ont été associés à un risque accru de cancers du sein des pemphigoïdes cicatricielles. Une étude multicentrique rétrospective française ne confirme pas ceci chez 154 patients avec pemphigoïde muqueuse (IFI+ : 21 %, IFI en peau clivée + : 32,5 %, Elisa BP180 : 39 %, Elisa BP230 : 10,4 %); 31/154 de ces pemphigoïdes ont des Ac antilaminine 332 en Elisa spécifique vs 1/50 pemphigoïde, 0/7 pemphigus et 3/32 autres contrôles. Il n’existe aucun lien entre les antilaminine 332 et un éventuel cancer (18 cancers dans la série) mais cet Ac semble un marqueur de sévérité (p  = 0,04). Les auteurs expliquent l’importante discordance avec un travail antérieur par une meilleure purification de leur antigène [21].

Dermatite herpétiforme et survie

Les patients atteints de dermatite herpétiforme (DH) vivent plus longtemps que la population générale, voici une nouvelle très étonnante d’un travail rétrospectif sur 476 DH consécutives suivies à Tampere de 1971 à 2010, et recontactées en 2011 (391 patients). Cette population finlandaise est « captive ». La majorité des patients suivait un régime sans gluten (98 %). Il y a eu 77 décès contre 110 attendus, conduisant à un SMR (standardized mortality rate) de 0,70. Le groupe des DH fait moins d’AVC (0,38). Il n’y a pas de rôle prédictif de l’atrophie villositaire. Certes, la mortalité par lymphome est un peu augmentée dans les 5 premières années mais rejoint ensuite la population générale; les patients atteints de DH fument moins, boivent moins de bière et de lait, mangent plus gras et ont moins d’hypercholestérolémie que les Finlandais tout venant. Cette tendance à une survie plus longue avait déjà été montrée dans 2 études anglaises. Ces données rassurantes ne sont pas applicables à la maladie coeliaque dont, au contraire, la mortalité est augmentée [22].

Quoi de neuf dans le prurit, l’eczéma et la sueur ?

Le prurit sexué

Il existe à Münster (Allemagne) un Centre du prurit chronique alimentant de nombreuses publications. Dans une étude rétrospective de 1 000 patients ayant un prurit depuis plus de 6 semaines (sine materia dans 56 % des cas), les auteurs ont étudié le rôle du sexe… et du genre. Ils concluent que les femmes ont plus souvent un prurit neuropathique, psychosomatique, brachio-radial ou un prurigo nodulaire, que leur prurit est plus localisé mais que leur DLQI est plus élevé. Les femmes ont plus d’échauffements, de douleurs, de piqûres et le prurit est plutôt calmé par le froid. En revanche, les hommes ont plus de dermatoses authentifiées et de maladies de système; ils sont victimes de brûlures, de morsures, de fourmillements, de décharges électriques qui sont plutôt améliorés par la chaleur [23].

Le prurit est contagieux…

Seize singes rhésus mâles Macaca mulatta cohabitant par paires ont été discrètement observés par séquences de 20 minutes, pour déterminer le degré de reproduction du grattage au sein des paires, puis 10 autres singes indépendants se sont vus proposer une petite série de vidéos anonymes représentant des fruits, des singes gratteurs, des singes non gratteurs, etc. Quatorze singes sur 16 participant à la première expérience ont déclenché un gratouillis mimétique et 7/10 après visualisation de séquence de gratte. La même équipe avait déjà démontré ce phénomène chez l’homme, notamment chez l’atopique, après injection d’histamine. Un phénomène empathique pour le bâillement a aussi été démontré chez l’homme et l’animal depuis 2004 (avec contagion inter-espèces) [24].

Une équipe anglaise [25] a démontré ce phénomène chez 30 volontaires sains (étudiantes) après projection d’un PowerPoint d’images neutres ou pruritogènes (fourmis, puces, prurigo, etc.). L’expérience a été très concluante, le plus efficace étant de voir un autre individu se gratter (p  = 0,01).

Les « Beetles »

Curieuse éruption linéaire due au contact avec un coléoptère subtropical (rove beetle, mouche champion, mouche de Naïrobi), Paederus alfieri, australis, fuscipes, insecte non-piqueur mais responsable d’une éruption vésiculeuse ou pustuleuse cuisante très désagréable ressemblant à une brûlure ou à une phytophotodermatose, volontiers en miroir, après avoir été écrasé sur la peau [26]. Cet insecte est très répandu dans les pays chauds (Égypte, Australie, etc.) mais aussi en Italie et en Provence. Atteinte oculaire et pigmentation résiduelle sont fréquentes.

Dermatite atopique (DA)

Outre les mutations de la filaggrine, on connaît une quinzaine de locus de susceptibilité et plusieurs équipes ont recherché des mutations de la filaggrine dans la dermite chronique des mains (non allergique ou dermite orthoergique). Les études sont discordantes quant aux mutations de la filaggrine dans les dermites de contact non atopiques. En revanche, des mutations de la filaggrine, mais aussi certains polymorphismes de Claudine-1, sont associées à un risque plus élevé d’allergie de contact au nickel et/ou aux parfums (fragrance mix). Il est trop tôt pour identifier des non-atopiques avec mutation de la filaggrine ayant un risque de dermite de contact orthoergique ou allergique des mains.

Essai d’une lourdeur extrême, randomisé, double aveugle contre placebo croisé, visant à provoquer une dysidrose des mains par inhalation de poussière de maison (Dermatophagoïdes pteronyssimus), chez 18 patients ayant une dysidrose peu sévère et des prick-tests positifs aux poussières de maison, indemnes d’asthme sévère. Des EFR ont été pratiquées avant et après chaque provocation, consistant en une inhalation de concentration croissante de poussière de maison ou de placebo sur une durée de 7 heures. L’objectif primaire était la variation de sévérité de la dysidrose à 48 h : 10/18 ont eu une augmentation de la dysidrose, 7 un bronchospasme immédiat et 4 un bronchospasme retardé. L’augmentation de la dysidrose après placebo n’est pas significative. Le maximum de la poussée survient dans les 6 h qui suivent le test et la gravité est corrélée à un taux d’IgE plus élevé. Cet essai prouve l’existence de la dysidrose atopique et établit un lien direct et immédiat avec l’inhalation de poussière de maison [27].

Hit-parade des allergènes de contact

L’AAD a nominé comme allergène de l’année le diméthyl-fumarate en 2011, les méthacrylates en 2012 (faux-ongles, matériel dentaire, colles, encres, peintures et même électrodes ECG). L’allergène de l’année 2013 est le méthyl (chloro) isothiazolinone ou kathon qui revient en force sur les décombres des parabènes, eux-mêmes interdits.

Effets collatéraux de l’eczéma

Un effet prévisible de l’eczéma des mains dans une étude cas-témoins : la disparition des empreintes digitales. En effet, 27/100 patients ayant un eczéma des mains vs 2/100 contrôles sont en échec du contrôle des empreintes digitales par le dispositif Sagem Morphosmart. Cela correspond au vécu des patients, puisque 32 % ont eu des problèmes d’immigration vs 3 % des contrôles, et 40 % ont eu des difficultés d’identification bancaire vs 7 %. La fréquence de l’eczéma des mains et l’utilisation croissante des systèmes d’identification des dermatoglyphes dans les entreprises en fait un sujet d’avenir [28].

Un effet moins prévisible de l’eczéma : le surrisque de carcinome basocellulaire (CBC) du visage. Dans l’essai VATTC comparant trétinoïne 0,1 % vs excipient chez des patients ayant eu au moins 2 carcinomes du visage, les facteurs de risque d’un nouveau CBC sont l’âge, le faible niveau éducatif, le nombre de CBC antérieurs, des décennies au soleil et un facteur de risque étonnant : l’antécédent d’eczéma (risque relatif : 1,5 en multivarié). Le diagnostic d’eczéma reposait sur les déclarations des patients (diagnostic antérieur fait par un médecin). À noter qu’aucun des patients n’avait utilisé d’inhibiteurs de la calcineurine [29] et que l’éditorial accompagnant cet article ne trouve aucune explication plausible, en dehors du fait que les patients ayant des CBC ont peut-être une surveillance cutanée plus attentive. Peut-être aussi s’agit-il d’une corrélation statistique sans lendemain.

Dermatite atopique et atteinte sudorale

Un article dérangeant provenant de Philadelphie, et reprenant les constatations faites en 1947 par Marion Sulzberger, a étudié 36 biopsies de DA dont les critères de sélection ne sont pas très clairs; 30 coupes de chaque biopsie sont comparées à une dizaine de témoins. Les auteurs trouvent 36/36 fois une obstruction des acrosyringiums et remettent au goût du jour l’origine miliaire de la DA et le rôle possible joué par le biofilm polysaccharidique PAS+ de bactéries Gram+ (14/36) dans le blocage du canal sudoral [30].

Le marché des déodorants

Le type de cérumen (sec ou humide), l’osmidrose axillaire et la sécrétion de colostrum sont déterminés par un polymorphisme du gène ABCC11. L’homozygotie AA de type asiatique confère un cérumen sec et des aisselles inodores. Rodriguez et al. ont étudié 6 000 femmes enceintes, leurs enfants et leurs conjoints (génotype de ABCC11, polymorphisme nucléotidique G 180R). Parallèlement, un questionnaire sur les habitudes d’hygiène et l’utilisation des déodorants a été mené. Il existe un lien fort entre l’utilisation des déodorants et le génotype ABCC11. Les sujets homozygotes AA et, à un moindre degré, hétérozygotes GA utilisent moins de déodorant quotidien que les sujets GG (× 0,12 et 0,64 respectivement), et les sujets AA sont surreprésentés 5 fois dans les groupes peu ou pas de déodorants. Les auteurs concluent que la génétique dicte les comportements et que le marché des déodorants aux États-Unis représente plus de 2 milliards de dollars par an. Il faut cependant rassurer les populations, il existe des impondérables : 78 % des sujets AA utilisent quand même des déodorants et 5 % des sujets « odorants » n’en utilisent pas ! [31].

Quoi de neuf dans les maladies de système ?

Sarcoïdose syringotrope

Nouvelle forme de sarcoïdose caractérisée par des plaques érythémateuses peu infiltrées des mollets et des cuisses chez 3 jeunes femmes ayant, par ailleurs, une sarcoïdose typique découverte à cette occasion. Il existe dans les 3 cas un granulome sarcoïdosique profond, péri-sudoral avec absence d’expression des marqueurs sudoraux et diminution de la sudation sur les plaques après un bain à 42 °C (pas forcément convaincant). Les auteurs avaient éliminé une maladie de Hansen et un lymphome T et considèrent qu’il s’agit d’une forme débutante de sarcoïdose. En tout cas, un article très original [32].

Syndrome de Schnitzler : 40 ans après

Le syndrome de Schnitzler (SS) est né dans le JAAD sous ma plume, en 1989, rendant hommage aux deux cas princeps de Mme Schnitzler, publiés en 1974, dans le bulletin de la SFD. Sokumbi et al. ont repris les 20 cas de SS de la Mayo Clinic [33], associant urticaire chronique et IgM monoclonale (le plus souvent kappa) et des critères mineurs. Ils notent une urticaire plutôt fugace (souvent moins de 24 h) comme dans les cas princeps, et l’angioœdème est rare. Le prurit était présent dans 60 % des cas. Les signes associés sont la fièvre (85 %), les arthralgies (70 %), l’hyperleucocytose (70 %), le syndrome inflammatoire (70 %) et les douleurs osseuses (50 %). Dans 3 cas, la gammapathie était de classe IgG (8 cas dans la littérature); 9/20 cas ont développé une néoplasie lymphoïde (4 lymphomes non hodgkiniens, 3 Waldenström, 1 LLC et 1 myélome). Les auteurs distinguent 2 patrons histologiques : un riche en polynucléaires avec leucocytoclasie sans vascularite, et un patron plutôt mononucléé. Cette série confirme la réalité de ce syndrome, évoque la possibilité d’une gammapathie IgG et confirme que l’évolution est très prolongée mais que le risque de néoplasie lymphoïde est certain, comme dans les cas princeps. On considère que le SS est un syndrome auto-inflammatoire acquis intéressant la voie d’activation de l’IL-1.

Maladie de Still de l’adulte

La maladie de Still de l’adulte (ici chez 18 patients) peut ressembler, de manière frappante, à une dermatomyosite : œdème des paupières, lésions flagellées (« Scratch dermatitis »), plaques pigmentées, avec images de vacuolisation de la basale et infiltrat lymphocytaire. Ces lésions, en particulier les flagellations, avaient déjà été décrites en 2005 dans la maladie de Still de l’adulte qui doit être ajoutée à la liste des responsables de lésions linéaires [34].

Une nouvelle maladie auto-inflammatoire (mutation de NOD2)

Yao et al. ont décrit en 2011 un syndrome associant fièvre, arthrite, troubles gastro-intestinaux, syndrome sec, inflammation séreuse, sans uvéite ni camptodactylie, associé à des éruptions maculopapuleuses. Le tableau est différent du syndrome de Blau et de la maladie de Crohn. Ces auteurs montrent 22 patients suivis de 2009 à 2012. Le tableau est sporadique dans la grande majorité des cas, et l’âge moyen est de 40 ans. Il s’agit 22 fois de patients blancs, non juifs. Les signes dermatologiques ne sont pas très spécifiques : plaques érythémateuses, prurigineuses ou non, éruptions maculopapuleuses du visage, du tronc et des extrémités, sans atteinte génito-périnéale et avec, parfois, photosensibilité. Dans 8 biopsies, pas de lésions spécifiques, en tout cas pas de neutrophiles ni de vascularite. Tous ces patients ont une mutation du gène NOD2 (Nucleotide-binding Oligomerization Domain 2), déjà impliqué dans la maladie de Crohn et le syndrome de Blau. Malgré l’absence d’un groupe témoin, il est probable qu’il s’agisse d’un nouveau syndrome auto-inflammatoire [35].

Syndrome IgG4

Plusieurs papiers concernent des cas d’atteinte cutanée au cours du syndrome IgG4 (IgG4RD) consistant essentiellement en plaques érythémateuses indurées, scléreuses et prurigineuses du visage et/ou des papulo-nodules du massif facial, évoquant un lupus tumidus ou une maladie de Kimura. Le syndrome IgG4 sera traité ailleurs dans ces « Quoi de neuf ».

PAPA/PASH et PAPASH

Les syndromes PAPA (Pyoderma gangrenosum, acne, pyogenic arthritis) /PASH (Pyoderma gangrenosum, acne, suppurative hidradenitis) et PAPASH (associant les deux), en rapport avec des mutations sur le gène TST PIP1, sont traités ailleurs dans les « Quoi de neuf ».

Dermatose neutrophilique et hémopathie myéloïde

Une belle étude multicentrique de 14 dermatoses neutrophiliques (12 syndromes de Sweet) associées à une hémopathie myéloïde (12 LAM et 2 myélodysplasies) a montré par FISH la même anomalie cytogénétique dans les cellules myéloïdes médullaires et dans les polynucléaires matures de la peau (8/11). Les auteurs démontrent que les polynucléaires ont une origine clonale, mutée, ce qui n’avait pas été montré de manière indiscutable auparavant, et émettent l’hypothèse que la différenciation s’est faite dans la peau [36].

Autres dermatoses neutrophiliques

Le tableau clinique des lésions cutanées du syndrome d’immunodéficience adulte dû aux anticorps anti-interféron γ (ou pseudo-sida asiatique) est mieux précisé [37]. Il s’agit du syndrome de Sweet, du psoriasis pustuleux, de panniculites neutrophiliques et de pustuloses exanthématiques. Ces sujets sont profondément immunodéprimés et multi-infectés (pénicilliose, mélioïdose, cryptococcose, histoplasmose et mycobactérioses) et certaines lésions cutanées pourraient être infectieuses.

À noter également 3 observations du syndrome de Sweet géant décrites chez des grands obèses, record absolu de taille pour le syndrome de Sweet [38].

Éruptions anodines

Martinez-Escanamé et al. rappellent, dans une étude rétrospective de 16 patients, qu’une LAM peut être révélée par une éruption maculopapuleuse non spécifique ressemblant à une toxidermie, parfois hémorragique. Il y avait un très discret infiltrat périvasculaire et parfois interstitiel, peu spécifique, mais une cytologie attentive mettait en évidence des blastes monocytoïdes (le plus souvent CD68+ et parfois MPO+). Ce travail rappelle qu’un bon dermatopathologiste et quelques marqueurs peuvent conduire à un diagnostic précoce d’une LAM [39].

Dans le même esprit, un très discret infiltrat interstitiel peut être une métastase cutanée, à propos de 3 cas d’une éruption papuleuse, peu spécifique, évocatrice éventuellement d’un granulome annulaire interstitiel. Ceci avait déjà été décrit dans les hémopathies lymphoïdes. Seul un examen histo-pathologique très attentif permet de trouver quelques cellules tumorales à disposition interstitielle et de pratiquer les marqueurs ad hoc [40].

Sclérodermie

Cinquante-six patients ayant une sclérodermie systémique (diffuse n = 16 ou limitée n = 40) ont eu un dosage de la périostine sérique, protéine sécrétoire disulfurée de la matrice extracellulaire, impliquée dans la cicatrisation, en particulier après infarctus myocardique et dans les fibroses pulmonaires. La périostine est hyperexprimée dans le derme, en particulier dans les myofibroblastes et les cellules endothéliales de 6 patients. Le dosage de périostine sérique par Elisa montre des taux significativement élevés dans les sclérodermies par rapport à 66 contrôles. Les taux sont plus élevés dans la sclérodermie systémique diffuse que dans les formes limitées. Enfin, le taux sérique est corrélé au score d’épaisseur cutanée, particulièrement dans les sclérodermies diffuses récentes. Curieusement, il n’y a pas de corrélation avec l’atteinte pulmonaire. La périostine joue vraisemblablement un rôle pathogène dans la sclérodermie et pourrait être un bon biomarqueur d’activité [41].

Magro et al. rapportent 10 cas de syndrome sclérodermiforme au cours de proliférations plasmocytaires (5 fasciites avec éosinophiles, 2 sclérodermies systémiques et 3 morphées), différentes du scléromyxoedème, du sclérœdème et ne réunissant pas les critères du syndrome POEMS. Quatre fois le syndrome sclérodermiforme a révélé la gammapathie, 1 fois sur 2 l’infiltrat plasmocytaire de la sclérodermie comportait une restriction des chaînes légères. Les auteurs évoquent un effet autocrine ou paracrine des plasmocytes tumoraux avec un rôle fibrosant. Ces cas, dont le premier décrit en 1972 par Jablonska, rappellent qu’une recherche de gammapathie monoclonale peut être justifiée devant certaines sclérodermies [42].

Lupus et cancer

Dans une étude rétrospective transversale du Centre de référence des maladies auto-immunes à Innsbruck, 303 patients avec anti-Ro/SS-A 152 et 60 kDa (87 % de femmes), dont 70 % avec manifestations cliniques (lupus systémique, syndrome sec, syndrome de chevauchement et lupus cutané), ont été suivis pendant une moyenne de 6,3 ans. Cinquante sur les 303 patients (16,5 %) ont eu un cancer (mélanome, cancer du sein, CIN III et lymphome non hodgkinien). Seul le lupus cutané est plus fréquent dans le groupe cancer (risque relatif : 2,3) alors que le lupus systémique apparaît protecteur (risque relatif : 0,4). En multivarié, l’âge est un facteur péjoratif ainsi que la présence d’une fièvre ou d’une anémie; enfin, l’existence de lésions cutanées de lupus confère un risque relatif de 7,6. En comparaison avec les chiffres des registres autrichiens, le standardized incidence ratio (SIR) est de 33 pour le mélanome, 5 pour le cancer du sein et 10 pour les lymphomes NH (globalement SIR 2,6). Même si la classification des lupus cutanés n’est pas détaillée et si la discussion paraît confuse, les auteurs concluent qu’une recherche régulière de cancer est certainement de mise chez les patients ayant un lupus cutané Ro/SS-A positif, spécialement si le lupus survient après 55 ans [43].

LEC au cours du LES

Classiquement, la présence de lésions de type lupus érythémateux chronique (discoïde) (LEC) confère un bénéfice évolutif au cours du LES. Dans une étude rétrospective d’un centre de Boston, à partir d’une cohorte plutôt rhumatologique de 1 043 lupus systémiques, la présence de lésions de LEC est corrélée à un risque accru de photosensibilité (× 1,6) et de leucopénie (× 1,5), à un risque moindre d’atteinte articulaire (× 0,5), mais l’atteinte rénale n’est pas différente dans le groupe avec ou sans LEC. Ainsi, la présence de lésions de LEC au cours du LES n’est peut-être pas si rassurante. À noter que l’existence de lésions de LEC est plus fréquente chez les Noirs que chez les Blancs [44].

Quoi de neuf dans les toxidermies ?

Lupus subaigu médicamenteux

Trois observations de lupus subaigu déclenché ou aggravé par un IPP (pantoprazole, ésoméprazole, oméprazole) sont publiées, s’ajoutant à la quinzaine de cas décrits. La recherche d’un médicament inducteur doit être systématique devant un lupus subaigu [45].

Un cas de syndrome de Rowell possiblement déclenché par la terbinafine permet, même si l’observation est discutable, d’alimenter le débat sur les relations entre lupus subaigu, syndrome de Rowell et toxidermie [46].

Interféron α

Une étude prospective de 77 patients traités par IFN pégylé α2b et ribavirine pour hépatite chronique C montre chez 16 (21 %) une hyperpigmentation déjà décrite mais beaucoup plus fréquente qu’on ne le pensait. Il s’agit de pigmentations muqueuses, de mélanonychie et, également, de pigmentations du visage avec 5 fois sur 7 une incontinence pigmentaire. Les auteurs penchent plus pour une toxidermie lichénoïde que pour une activation des récepteurs α-MSH. La plupart des patients atteints ont un phototype foncé. Une photoprotection doit leur être proposée [47].

Syndrome de Lyell

Une analyse de survie des NET/SSJ (Nécrolyse épidermique toxique/Syndrome de Stevens-Johnson) à partir du registre RegiSCAR montre que la mortalité à 6 semaines est de 23 %, corrélée à la sévérité de l’atteinte (score SCORTEN) ainsi qu’à l’âge et la présence d’une comorbidité hépatique ou rénale. Mais la mortalité se poursuit dans les mois suivants, puisqu’à 1 an elle est de 34 % (et 49 % pour le syndrome de Lyell). Cette mortalité retardée est corrélée à l’âge, à l’hépatopathie et à la présence d’une néoplasie récente et d’une infection récente. Parmi les facteurs de risque importants, il faut également noter l’absence de médicament identifié alors que la corticothérapie, les Ig intraveineuses, et la prise en charge rapide en unité spécialisée… ne sont pas significativement associées au pronostic [48].

L’intérêt des patch-tests dans les toxidermies sévères a fait l’objet d’une étude multicentrique prospective chez 134 patients testés dans les 12 mois suivant la toxidermie. Les tests ont été pratiqués au moins 1 mois après l’arrêt des stéroïdes, avec l’ensemble des médicaments imputables. Dans le groupe NET/SSJ, au moins un test positif a été trouvé dans 24 % (4/17) et jamais avec la carbamazépine. Dans le DRESS, au moins un test positif a été trouvé dans 64 % (46/72) et en particulier 11 fois sur 13 avec la carbamazépine, mais jamais avec l’allopurinol, ni avec la salazopyrine. Dans les PEAG, un test positif a été trouvé dans 58 % (26/45) dont 8 avec la pristinamycine (dénominateur inconnu). L’IDR en cas de négativité des patch-tests dans les DRESS et PEAG apporte un petit bénéfice supplémentaire. Lors de cette étude, deux effets indésirables sont survenus : une PEAG à la pristinamycine et un rash aux glycopeptides. Les auteurs concluent à l’intérêt variable des tests selon le type de toxidermie et le médicament. Il s’agit d’un travail d’importance majeure, donnant surtout une information dans le DRESS et la PEAG car le nombre de patients testés dans les NET/SSJ est faible [49].

Autre étude des patch-tests dans les toxidermies sévères, cette fois, à la carbamazépine (NET/SSJ et DRESS). Les auteurs ont testé les autres anticomitiaux aromatiques (oxcarbazépine, lamotrigine et phénytoïne). Les toxidermies sévères à la carbamazépine sont fréquentes en Asie (groupe HLA B* 1502). Seize NET/SSJ (dont 13 HLA B* 1502) et 10 DRESS ont eu des patch-tests (30 %) à la carbamazépine, à l’oxcarbazépine, à la lamotrigine et à la phénytoïne, au moins un mois après l’arrêt de la corticothérapie générale. Les tests à la carbamazépine sont positifs : 10/16 dans le NET/SSJ et 7/10 dans le DRESS avec réactions croisées entre carbamazépine et oxcarbazépine, et aussi entre lamotrigine et phénytoïne dans les deux groupes. Le taux de positivité est plus élevé que dans de plus petites séries et que dans le travail français cité plus haut. Les auteurs concluent que les patch-tests sont sans risque et peuvent aider pour le choix ultérieur d’un anticomitial puisqu’ils ont introduit, dans certains cas de toxidermie grave, des anticomitiaux aromatiques dont les tests étaient négatifs, sans avoir de problème, disent-ils. L’autre solution, après une toxidermie grave, lorsque cela est possible, est de prescrire des médicaments non apparentés (gabapentine, valproate, etc.) [50].

Notons un nouveau cas de NET (30 % de surface corporelle) dû à un collyre sulfamidique utilisé en autoprescription chez un garçon de 15 ans ayant dû subir 2 greffes de la cornée. Le risque est exceptionnel mais il existe quelques cas dans la littérature [51].

Dermatoses neutrophiliques à l’azathioprine

Nouveau cas de syndrome d’hypersensibilité à l’azathioprine [52]. La physiopathologie est inconnue et le tableau est particulier par le risque de choc (peut-être anaphylactique). Il n’y a aucun facteur prédictif évident et, outre la fièvre et les arthralgies, des douleurs abdominales sévères et des éruptions cutanées (Sweet, érythème noueux, PEAG, vascularite, etc.) surviennent dans les premières semaines du traitement par azathioprine. Il existe environ 70 cas publiés.

Azathioprine et risque de cancer cutané

En 2013, Singh et al., dans une méta-analyse de 12 études (172 837 patients), établissent chez les patients ayant une MICI un risque relatif de mélanome de 1,37 (1,8 pour la maladie de Crohn et 1,23 pour la rectocolite). Le risque est augmenté quel que soit le traitement immunosuppresseur mais il a baissé après 1998, peut-être en lien avec l’utilisation des anti-TNF (2 études seulement pour les données plus récentes). Il est encore trop tôt pour être totalement rassuré [53].

Effets cutanés de l’insuline

Observation d’acanthosis nigicrans associé à des dépôts d’amylose aux sites d’injection d’insuline, tout à fait exceptionnelle. Il s’agit d’une amylose Alns (protéine β-fibrillaire dérivée de l’insuline). Quant à l’acanthosis nigricans, sa survenue n’est pas étonnante avec l’insuline mais les cas décrits sont très rares [54].

Effets cutanés du vandétanib

Le vandétanib (Zactima®) est un inhibiteur multikinase utilisé dans les cancers métastatiques de la thyroïde. L’équipe de Villejuif rapporte, au cours de trois essais de phase II et III, 83 % (52/63) d’effets indésirables cutanés, essentiellement des folliculites (de type anti-EGF-R, 78 %), des paronychies (fissures digitales, xérose, syndrome mainspieds) et plus particulièrement une photosensibilité (UVA) dans 37 % des cas, parfois sévère, dont un lupus subaigu et un érythème polymorphe photodéclenché, ainsi que la survenue de macules bleu-gris dans 19 % des cas, prédominant sur le tronc et le visage (médiane de survenue de 9 mois). Le mécanisme n’est pas connu [55].

Effets cutanés des inhibiteurs de mTOR

Belle série d’effets indésirables du temsirolimus et de l’évérolimus, jusqu’alors très imprécis dans la littérature, dans une étude prospective nancéenne chez 18 patients traités pour cancer du rein; 83 % ont eu un effet indésirable cutané, essentiellement des aphtes, une xérose et une onycholyse distale; la lésion la plus gênante est le périonyxis. Ces effets secondaires sont proches de ceux induits par le sirolimus [56].

De nouveux effets indésirables des inhibiteurs de BRAF

Comme le sorafénib, le vémurafénib (inhibiteur de BRAF V600E) est responsable de carcinomes épidermoïdes et de kérato-acanthomes (respectivement 6 à 7 % et 20 à 30 %). Parmi 14 cas d’effets indésirables cutanés sous vémurafénib ou dabrafénib (inhibiteur de BRAF utilisé seul ou avec tramétinib), on décrit 8 cas de dyskératome verruqueux et de dyskératose acantholytique évoquant une maladie de Darier ou de Grover, effet secondaire semble-t-il très particulier à ces médicaments. Le mécanisme pourrait être une diminution de l’expression de l’ATPase Ca dépendante [57].

Une dizaine de cas d’hypodermite nodulaire des membres inférieurs survenant assez rapidement après l’introduction du vémurafénib ont été publiés en 2012 et 2013. Ceci a également été décrit avec le dabrafénib et l’association dabrafénib-tramétinib, avec parfois nécessité d’interrompre le traitement. Dans 2 nouvelles observations, il s’agissait d’hypodermites neutrophiliques, comme dans le déficit en α antitrypsine, le syndrome de Sweet hypodermique et les panniculites infectieuses [58].

Citons enfin plusieurs cas de sarcoïdose associée au vémurafénib [59] et un effet radiation recall observé avec ce médicament [60].

Pigmentation aux antipaludéens de synthèse

La pigmentation induite par l’hydroxychloroquine surviendrait sur une ecchymose préexistante, c’est ce qui ressort d’une étude rétrospective cas-témoins de 24 cas [61]. La pigmentation est riche en hémosidérine et prédomine sur les faces antérieures des jambes. Elle est corrélée à la prise d’anticoagulants et d’antiagrégants plaquettaires.

Eczéma chronique du sujet âgé et inhibiteurs calciques (IC)

Une équipe américaine confirme dans une étude rétrospective cas-témoin (94 cas et 132 contrôles) le lien, établi par P. Joly en 2007, chez le sujet âgé, entre eczéma chronique et prise d’IC (OR : 4,2) [62]. Un lien avec la prise de thiazides est également trouvé (OR : 2,07).

Autres toxidermies

Observation rare de maladie de Kaposi (MK) VIH négative, HHV-8+, assez sévère, survenue 2 mois après le début d’un traitement par clobétasol pour pemphigoïde chez une femme de 74 ans. Les lésions de MK prédominaient à la face interne des cuisses et ont régressé à l’arrêt des dermocorticoïdes. Il s’agit du 2e cas publié mais on connaît l’effet délétère puissant de la corticothérapie générale au cours de la MK [63]. Citons également une observation de MK (régressive à l’arrêt du traitement) chez un patient sous acide fumarique, traitement très utilisé en Allemagne dans le psoriasis et dont on connaît le risque de lymphopénie CD4 induite [64].

Plusieurs cas d’une dermatose originale décrite en 2006 et peu connue : la dermatose bulleuse hémorragique aux héparines de bas poids moléculaire [65].

Un essai de phase III du semagacestat (inhibiteur de la γ secrétase) dans la maladie d’Alzheimer a été interrompu prématurément du fait du nombre insupportable d’effets indésirables cutanés (carcinomes, dépigmentation des cheveux et des cils, alopécie, rash et prurit) [66].

Une étude rétrospective cas-témoin (86 pemphigoïdes et 134 contrôles), sans données sur l’ancienneté des traitements, montre dans le groupe pemphigoïde une surexposition aux diurétiques de l’anse (OR ajusté : 3,8) et pas aux spironolactones ni aux antispychotiques, comme cela avait été montré en 2011 dans une étude de qualité supérieure [67].

Deux médicaments en moins : Diane35® et le tétrazépam

Diane 35® et ses génériques ont fait l’objet d’une suspension par l’ANSM le 30 janvier 2013 du fait de « son efficacité modérée dans l’acné et du risque thromboembolique veineux ». Seuls la France et le Maroc l’ont retiré (sur 116 pays). L’AMM de 1987 comprenait une indication pure de traitement antiacnéique. Dans la précipitation, 315 000 femmes l’ont remplacée par un autre contraceptif, parfois de 3e et 4egénération (au risque thromboembolique identique, et non remboursé). Le médicament a été remis sur le marché en juillet 2013 par l’Agence européenne. Cette péripétie n’aura eu qu’un seul avantage : rappeler que la contraception orale induit un risque de thrombose. La prise de conscience sera probablement utile.

En revanche, l’AMM du tétrazépam a vraiment été suspendue. Toutes les spécialités en contenant ont été retirées le 8 juillet 2013 du fait d’une balance bénéfices/risques défavorable. Le tétrazépam a eu une AMM en 1969 et n’est plus remboursé depuis 2011, mais 6 à 7 millions de boîtes ont été vendues en 2012. Ce sont les effets indésirables cutanés (805 dont 305 graves : NET et érythème polymorphe ainsi que 11 décès) qui ont conduit à l’arrêt de la commercialisation de ce médicament dont l’utilité est minime. Décision prise par l’Agence européenne après saisine de l’ANSM et approuvée par la communauté européenne en juin 2013.

Quoi de neuf en infectiologie cutanée ?

Syndromes grippaux

Ni la grippe aviaire H7N9, ni le nouveau coronavirus EMC/2012-MERS ne donnent de lésions cutanées. En revanche, la grippe classique H1N1 s’accompagne d’un exanthème maculopapuleux dans 2 % des cas, plus souvent chez l’enfant, et Kaley et al. ont constaté de nombreux polynucléaires marginant dans les vaisseaux dermiques associés à des signes plus classiques d’exanthème viral, comme l’œdème dermique, la spongiose et la vacuolisation basale [68].

Maladie de Castleman non liée au VIH

Très importante série de 30 cas de maladie de Castleman multicentrique, non VIH, suivis à Saint-Louis dont 18 sont liés à l’HHV-8 et 12 non. Dans le groupe HHV-8 +, l’âge médian est de 66 ans, les patients ne sont pas immunodéprimés, 9/18 sont originaires de pays d’endémie HHV-8, 3 sont associés à un lymphome non hodgkinien (dont 2 à un lymphome pleural), et 9 à une MK. Les signes généraux et la fièvre sont quasi constants ainsi que des adénopathies périphériques; un peu moins souvent, une splénomégalie, une hépatomégalie, des œdèmes, un syndrome hémophagocytaire. Le test de Coombs est fréquemment positif avec possible hémolyse auto-immune. Enfin, il existe une hypergammaglobulinémie polyclonale dans 17 cas sur 18, monoclonale 10 fois et une plasmocytose médullaire. La maladie de Castleman multicentrique HHV-8 + est une entité réelle, quel que soit le statut VIH, même si la plupart des cas ont été décrits chez les patients VIH+ [69].

Le microbiome cutané

Findley et al. ont étudié le microbiome cutané bactérien, et surtout fongique, dans 14 sites anatomiques de 10 volontaires sains. Culture et séquençage ADN, ARNr18S et ARNr16S démontrent l’incroyable diversité des genres et espèces fongiques, en particulier 62 espèces de Malassezia (globosa, restricta et sympodialis), Penicillium, Aspergillus, Alternaria, Candida, Chaetomium, Chrysosporium, Cladosporium, Mucor, Rhodotorula et Trichophyton sur le revêtement cutané. Malassezia restricta prédomine dans les conduits auditifs, la glabelle et les régions rétro-auriculaires, M. globosa sur le tronc. Sur les pieds, plus de 80 genres de champignons, seulement 18 à 30 sur le bras et 2 à 10 sur le tronc. Cette répartition est relativement stable dans le temps et la sélection est surtout topographique et non lipophilique comme la répartition des bactéries (Propionibacterium dans les régions grasses, Staphylococcus dans les régions humides, protéobactéries dans les régions sèches) [70].

Érysipèle

Dans une étude rétrospective transversale des facteurs de risque de la formation d’abcès au cours de l’évolution des érysipèles de jambe (3 à 12 % des séries d’érysipèles de jambe), hospitalisés au CHU de Rouen en trois ans, le principal facteur de risque en analyse multivariée est l’alcoolisme chronique (risque × 4,3) [71].

Maladie de Lyme

Une étude génotypique à partir de cultures de peau ou de sang de patients ayant eu plusieurs épisodes d’erythema chronicum migrans (ECM) (17 patients) démontre que, dans tous les cas, les souches sont différentes et qu’un nouvel ECM après traitement bien conduit d’une maladie de Lyme est bien une réinfestation [72].

Helicobacter cinaedi

Shimizu et al. rapportent 47 victimes d’une épidémie de bactériémies nosocomiales à Helicobacter cinaedi à l’hôpital de Sapporo en 2008–2011; sur 44 victimes, 16 ont des lésions cutanées rarement rapportées : placards érysipélatoïdes ou hypodermiques, non indurés, rouge violacé, souvent douloureux, des membres (hypodermite septale lymphocytaire ou à polynucléaires). Beaucoup de ces tableaux avaient été pris par erreur pour un syndrome de Sweet, avec le risque délétère de corticothérapie chez des patients très immunodéprimés [73].

Mucormycose cutanée nécrosante

Neblett-Fanfair et al. ont étudié une épidémie de mucormycose après l’ouragan de Joplin (Missouri) en 2011, qui a tué 160 personnes et fait 100 blessés très graves. Treize cas de mucormycose gravissime nécrosante ont été constatés avec 5 décès rapides. Une étude non pairée cas-témoins trouve comme facteurs de risque principaux le nombre de plaies (risque × 2) et l’existence de plaies pénétrantes (risque × 8,8). Le champignon est un Mucor (Apophysomyces trapeziformis), espèce rare dont les spores peuvent être trouvées dans les sols et parfois impliquée dans des infections lors de catastrophes naturelles (tsunami de 2004). Il est possible que l’hypersidérémie due à la rhabdomyolyse favorise cette infection dans laquelle le fluconazole, le voriconazole et les echinocandines sont inefficaces [74].

Des bactéries dans les airs

Un très original article montre que les soins de plaies chroniques contaminent l’environnement : 26 patients ayant un ulcère de jambe ont participé à cette étude consistant à faire des séries de prélèvements bactériologiques de l’air (à 1,20 m de hauteur et à 1 m du patient) et des prélèvements de surface (chariot, paillasse, sol) avant, pendant et 10, 20 et 30 minutes après le pansement. La bactérie cible colonisant l’ulcère est retrouvée dans 48 % des cas (13/27) dans l’environnement, et c’est essentiellement l’air qui est contaminé à l’ouverture du pansement, avec retombée secondaire sur les surfaces (aérosol bactérien). Cette étude démontre l’intérêt de porter un masque, de se désinfecter les mains et de pratiquer un bionettoyage des surfaces après la réfection des pansements d’ulcère de jambe [75].

Staphylococcus aureus (SA)

Le portage narinaire de SA est un facteur de risque d’infection du site opératoire au cours de la chirurgie de Mohs. Dans une étude prospective de 758 patients (portage de SA : 38 %) opérés dans une grosse clinique australienne, les porteurs de SA ont été randomisés en simple aveugle (101 abstentions vs 102 décolonisations par mupirocine et chlorhexidine). Une infection du site opératoire est survenue chez 3 % des non-porteurs de SA, 4 % des porteurs de SA mais décontaminés, et 11 % des porteurs de SA non décontaminés. Le risque relatif chez les patients infectés est de 3,4 par rapport aux non-porteurs. Dans le groupe des porteurs, la décolonisation entraîne une réduction de 70 % du risque (× 0,3). Certes, ceci est coûteux (1 600 dollars par infection évitée) et contraignant, ralentissant les procédures, mais cet article milite pour une prévention des infections staphylococciques [76].

Les patients VIH+ sont plus souvent infectés par des SA communautaires méti-R (SARM) aux États-Unis. Ceci est confirmé par une étude prospective cas-témoins de 374 patients VIH+ hospitalisés à Chicago (75 % d’hommes, 75 % de Noirs, et 50 % d’utilisateurs de drogues intraveineuses); la colonisation par le SARM est de 15,7 %, dominée par la souche USA300 (73 %). C’est surtout le portage extranasal (périnéoinguinal) qui est significativement augmenté chez les patients VIH + (prévalence relative × 1,8). L’écouvillonnage narinaire n’est pas suffisant pour dépister les sujets colonisés par ces SARM [77].

Infection VIH

Les manifestations cutanées de l’infection VIH en Chine nous rappellent de mauvais souvenirs. Dans cette étude transversale de 348 patients suivis à l’hôpital de Guangxi-Longtan en 2010, 89 % ont des lésions dermatologiques avant traitement antirétroviral, surtout candidose orale mais aussi beaucoup d’infections à Penicillium marneffei (11,5 %) responsables d’infections disséminées avec fièvre, atteinte pulmonaire, adénopathies, hépatosplénomégalie et des papulo-nodules ulcérés. La dermatite séborrhéique et la MK ne font pas partie des dermatoses chinoises, y compris chez les patients VIH + [78].

Maladies sexuellement transmissibles

Épidémie de méningococcémies chez les homosexuels

Après le VIH et les SARM communautaires, les homosexuels masculins (HSH) sont victimes du méningocoque : 22 cas de méningococcémie chez des HSH new-yorkais ont été déclarés entre août 2010 et mars 2013 (incidence 12,6/100 000/an vs 0,16 chez les hétérosexuels masculins), dont 12 patients séropositifs et 7 décès. Il s’agit toujours de Neisseria meningitidis du sérogroupe C. Dès janvier 2013, les autorités newyorkaises ont recommandé la vaccination systématique des HSH de New York contre le méningocoque, recommandation étendue en mars 2013 à l’ensemble du territoire américain. D’octobre 2012 à mai 2013, 5 méningococcémies (groupe C) sont survenues à Berlin chez des HSH (3 décès sur 5). On sait que les HSH ont un portage méningococcique pharyngé plus fréquent. Il semble raisonnable de proposer systématiquement une vaccination antiméningocoque C chez les HSH occidentaux à partenaires multiples d’autant que 3 cas ont été rapportés en France dans cette population [79].

Hépatite C

Étude rétrospective transversale sur la transmission sexuelle du VHC au sein de couples hétérosexuels, VIH négatifs. Les couples étaient anciens (plus de 3 ans – médiane 15 ans), monogamiques et 54 % des sujets index avaient utilisé des drogues intraveineuses, critère pairé d’exclusion chez les partenaires sexuels. Les virus ont été génotypés et phénotypés chez les patients et leurs partenaires. Vingt (4 %) des partenaires sexuels des patients index ont une sérologie VHC positive dont 13 sont VHC-ARN positifs. Seulement 9 couples sur 20 avaient des virus aux génotypes concordants et, parmi ceux-ci, 3 sur 6 étaient infectés par la même souche en analyse phylogénétique. Aucun facteur de risque sexuel particulier n’a été trouvé après interrogatoire extrêmement détaillé. Les auteurs considèrent que 3 à 6 partenaires sexuels seulement sur 500 ont pu avoir une infection liée à la transmission sexuelle, soit une incidence maximale de transmission par le sexe de 0,07 % par an ou 1 risque pour 190 000 contacts hétérosexuels. Les rapports sexuels pendant les règles et les rapports anaux étaient plus fréquents dans les couples concordants, mais la différence n’était pas significative. Les auteurs confirment sans ambiguïté le risque infime de transmission hétérosexuelle du VHC [80].

Hépatite B

Spenatto et al. ont comparé, chez 6 194 patients ayant eu un dépistage de l’hépatite B, différentes procédures de ciblage en fonction des facteurs de risque : 49 (0,8 %) étaient antigène HBs+ et 275 (4,4 %) anticorps anti-HBc+. Les facteurs de risque principaux d’une antigénémie HBs positive sont le sexe masculin (risque × 2,4), l’origine d’un pays de haute endémicité (risque × 43,6) et l’absence de travail (risque × 3,15). La recherche d’une antigénémie HBs basée sur ces 3 critères testerait 64 % des patients de la cohorte et manquerait 1 antigène HBs sur 49. C’est mieux que la procédure standard basée sur les facteurs de risque classiques (partenaires multiples, pays de moyenne et haute endémicité, transfusions, contact sanguin, tatouage, piercing et utilisation de drogues intraveineuses ou intranasales) qui aurait testé 84 % des patients et manqué 3 antigènes HBs sur 49. Aucun élément tiré de l’activité sexuelle par l’autoquestionnaire n’était discriminant. Enfin, les fausses déclarations concernant la vaccination contre l’hépatite B sont fréquentes et en tenir compte conduit à des déconvenues (8 antigènes HBs positifs auraient été manqués sur l’assurance d’une vaccination dans les déclarations du patient). Cette étude peut grandement aider à améliorer le dépistage de l’hépatite B en France dans les centres MST [81].

Infection PVH orale

L’infection PVH orale est fréquente chez les jeunes hétérosexuels étudiant à l’université de Seattle (212 hommes suivis 18 mois, 4 visites, avec prélèvements anaux et oraux). La prévalence PVH à J0 est de 16/212 (7,5 %) avec une incidence cumulative à 12 mois de 33/212 (12,3 %); 20 % de ces étudiants ont eu, à un moment ou à un autre pendant la première année, un PVH détecté dans la cavité buccale (le plus souvent transitoirement). Parmi les facteurs de risque on trouve le cunnilingus fréquent (× 3,7), une infection PVH génitale (risque × 6,2), mais aussi la présence de PVH sous les ongles (risque × 11,8). Ainsi, l’auto-inoculation semble jouer un rôle très important dans la colonisation orale par les PVH chez les hommes hétérosexuels [82].

Syphilis congénitale

Peterman et al. ont repris tous les cas de syphilis congénitale (23 863) rapportés au CDC de 1991 à 2009, parmi lesquels 86 enfants dont les mères avaient une sérologie non tréponémique (RPR ou VDRL) négative. Parmi ces 86 cas, aucune mort néonatale, aucun cas confirmé, seulement 86 cas probables dont seulement 79 avaient une sérologie syphilitique positive (!) et 24 une sérologie non tréponémique vraiment négative avant la naissance. Cliniquement, 16 enfants avaient une syphilis congénitale possible (12 une hyperprotéinorachie, 2 des signes radiologiques, 2 des signes cliniques) mais 2 mères et 2 enfants avaient des tests syphilitiques totalement négatifs et une autre n’a pas pu être tracée. La seule syphilis congénitale qui a été à peu près documentée est survenue chez une mère probablement récemment infectée avec un test tréponémique positif le jour de la naissance. Par ailleurs, aucun cas de syphilis congénitale tardive (n = 59) n’est survenu si la mère avait un test non tréponémique négatif. Les auteurs concluent que la syphilis congénitale est impossible si la mère a une sérologie non tréponémique négative en fin de grossesse. Ceci permettra d’éviter un grand nombre de traitements inutiles de femmes enceintes ayant une sérologie tréponémique positive et un VDRL négatif [83].

Herpès

Bernstein et al. (Cincinnati) ont suivi 3 338 femmes de 18 à 30 ans sur 50 sites américains et canadiens dans le cadre de l’essai vaccinal Herpevac (groupe contrôle HSV-1 et 2 négatifs). Le suivi a duré 20 mois. Les incidences HSV-1 et HSV-2 sont respectivement de 127 et 56, avec une majorité de primo-infections asymptomatiques (HSV-1 : 74 % et HSV-2 : 63 %). L’infection HSV-1 était plus souvent génitale (n = 24) qu’orale (n = 5). La primo-infection HSV-2 était toujours génitale (n = 21). Il n’existe aucune différence clinique entre les primo-infections HSV-1 et HSV-2. À noter que l’incidence HSV-1 était plus élevée chez les jeunes femmes et que les femmes noires font surtout des primo-infections HSV-2. Cette étude apporte des données majeures dans les primo-infections herpétiques des adultes (herpès génital et herpès oral) [84].

Lichen scléreux

Le rôle irritant des urines semble se préciser dans la physiopathologie du lichen scléreux génital masculin. Dans une série rétrospective de 55 lichens scléreux (LS) vs 23 contrôles (balanites), on a noté une microincontinence (dribblers) chez 53 (98 %) vs 3 (15 %). Même si la méthodologie est imparfaite, l’idée est très intéressante (rareté du LS chez le circoncis, LS post-traumatique, LS de l’interface balano-préputiale, LS sur hypospadias et rareté du LS périnéal chez l’homme alors qu’il est fréquent chez la femme) [85].

Dans le même ordre d’idée, El-Niaimi et al. rapportent 12 observations de LS péristomal dont 11 sont survenus sur urostomie avec aspect de LS « génital » épousant l’occlusion [86].

Splendeurs de la dermatoscopie

Que viennent faire les spermatozoïdes dans le mycosis fongoïde (MF) ? Dans une étude rétrospective de 32 MF débutants et de 35 dermatites chroniques diverses, Lallas et al. trouvent de manière significative dans le MF des vaisseaux fins linéaires courts (spécificité : 97 %) et des zones jaune-orange (spécificité : 99,7 %). Surtout, ils décrivent des structures vasculaires ressemblant très spécifiquement à des spermatozoïdes d’après les auteurs (16/32 vs 0/35, spécificité : 99,7 %) [87].

Dans une étude française par questionnaire postal [88] auprès de 1 611 dermatologistes libéraux en avril 2010, 95 % utilisent un dermatoscope (les femmes plus que les hommes et les jeunes plus que les vieux). Seulement 13 % ont reçu une formation spécifique; celle-ci est sûrement très utile mais le degré d’expertise est difficile à quantifier. Dans une étude new-yorkaise, 15 experts en dermatoscopie et 7 résidents ont visionné 100 images (dont 52 malignes) 3 fois, une première fois pendant une seconde, une deuxième fois sans limite de temps et une troisième fois avec le contexte clinique et général. S’il est vrai que les experts sont plus performants que les résidents, le taux de lésions malignes correctement prises en charge (exérèse) est plus important chez les experts, mais à la marge (environ 80 %). De même, le taux de lésions bénignes « intempestivement » biopsiées est relativement important (60 à 70 %) chez les experts, chiffre un peu plus important chez les résidents. Le pourcentage le plus significativement différent entre experts et résidents est le degré de confiance en soi (71 % chez les experts et 30 % chez les résidents) [89].

Microscopie confocale

Quarante-cinq kératoses séborrhéiques, dont 14 équivoques après dermatoscopie, ont été observées par Ahlgrimm-Siess et al. [90], qui affirment qu’en microscopie confocale, il existe un patron très particulier en rayon de miel avec papilles dermiques bien circonscrites, projections épidermiques, invaginations de kératine, pseudokystes et mélanophages, vaisseaux dilatés arrondis et linéaires (13/14) permettant un diagnostic dans pratiquement tous les cas. Les auteurs attendent de plus les nouveaux lasers intégrant microscopie confocale de réflectance et de fluorescence.

Dermatologie et esthétique

Attention aux tatouages !

Dans une étude danoise de 58 flacons d’encre pour tatouage achetés sur Internet, Høgsberg et al. constatent un étiquetage et un paquetage plutôt indigents et, dans 10 % des cas, des bactéries pathogènes, staphylocoques Pseudomonas, Aeromonas et Acinetobacter. Les mycobactéries n’ont pas été cherchées. Les auteurs s’indignent contre le fait que les circulaires de la communauté européenne en 2003 et 2008 ne sont pas respectées [91].

Dangers de la dermatologie « esthéticienne »

Les greffes de cheveux déclenchent des lichens plans pilaires. Ceci est rare mais classique, une dizaine d’observations dans la littérature. Donovan et al. rapportent 17 cas supplémentaires survenus 4 à 36 mois après la chirurgie, probablement dus à un phénomène de Koebner [92].

Des injections d’acide hyaluronique dans les paupières inférieures provoquent des xanthélasmas. D’Acunto et al. [93] présentent 2 cas bien documentés, sans hyperlipidémie, avec en microscopie électronique l’acide hyaluronique et des inclusions lipidiques dans les histiocytes.

Les alginates (Novabel®) et l’hydrogel de polyacrylamide (Aquamid®, Interfall®, Bio-Alcamid®) provoquent des granulomes et ceux-ci hébergent des bactéries (S. epidermidis et P. acnes) réalisant un biofilm entretenant probablement le granulome [94].

Douleur en dermatologie

Talour et al. ont mené une étude observationnelle prospective multicentrique de la douleur au cours de gestes techniques sur 546 questionnaires. Les gestes les plus douloureux sont le laser (score moyen : 4,8) alors que la cryothérapie (3,5) et les exérèses (2,2) sont moins douloureux. Dans plus de 60 % des cas, aucune prévention antalgique n’avait été prévue. Les auteurs proposent des protocoles de prévention de la douleur pour chaque geste invasif dermatologique ou esthétique [95].

Lasers et tribunaux

Jalian et al. ont analysé 174 procès d’une banque d’attendus de procès américains concernant les accidents de laser. Un plasticien a été poursuivi dans 26 % des cas, un dermatologiste dans 21 % des cas, et d’autres médecins et « assistants » non médicaux dans 20 % des cas. Dans au moins 40 % des cas, le médecin poursuivi n’était pas aux manettes. Les procès ont lieu le plus souvent pour accidents d’épilation (36 %) ou de réjuvénation (25 %). Dans 1/3 des cas, le consentement éclairé n’avait pas été obtenu de manière claire. Environ la moitié (seulement) des médecins ont été condamnés, pour une somme médiane de 350 000 dollars ! Les auteurs recommandent la pratique systématique d’un spot test et la présence physique du médecin lors de l’acte par laser. Un sujet d’actualité en France [96].

Écrans solaires

Couteau et al. ont étudié 3 crèmes solaires 50+ (UVB Bio*, Somatoline Cosmetic® et Shiseido anti-âge®). L’indice de protection SPF in vitro était respectivement de 18, 36 et 27 au lieu de 50 allégué. Ces produits contiennent des substances anti-inflammatoires : allantoïne, α-bisabolol, acide β-glycyrrhétinique, et des polyphénols de plantes qui conduisent à une surestimation de l’indice SPF in vivo par rapport à l’indice in vitro, en inhibant l’œdème et l’érythème. Les auteurs concluent que le SPF doit être déterminé in vitro et que tous les anti-inflammatoires devraient être interdits dans les écrans solaires [97].

Liens d’intérêts

L’auteur a déclaré n’avoir aucun conflit d’intérêts relatif à cet article.

Remerciements

Remerciements à Mme Sylvie Dorison, bibliothécaire de la bibliothèque Henri-Feulard (hôpital Saint-Louis), pour la recherche bibliographique, et à Mme Annie Bauzet pour la préparation du manuscrit.

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